Le retour des foules - En toute subjectivité

  • l’année dernière
Depuis quelques semaines, les foules manifestantes emplissent à nouveau les rues. La foule a toujours été redoutée, car les individus physiquement réunis, sont entraînés par l’émulation, parfois jusqu’au déchainement. L’histoire nous l’a montré.


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00:00 de subjectivité ce matin avec le directeur de la Fondation pour l'innovation politique,
00:05 Dominique Régnier, bonjour !
00:06 Bonjour Nicolas Demorand.
00:07 Dominique, vous nous parlez ce matin de foule.
00:10 En effet Nicolas, depuis quelques semaines, les foules manifestantes emplissent à nouveau
00:14 les rues.
00:15 La foule a toujours été redoutée car les individus physiquement réunis sont entraînés
00:19 par l'émulation, parfois jusqu'au déchaînement.
00:22 L'histoire nous l'a montré.
00:23 La foule, ce n'est pas le public.
00:25 Le public est aussi une multitude mais les individus qui le constituent sont à distance
00:30 les uns des autres.
00:31 Ils ne se voient pas.
00:32 Ils ne sont réunis que par la lecture d'un livre, par un journal, par une émission.
00:35 Séparés les uns des autres, les individus disposent plus sûrement de leur jugement,
00:40 de leur libre-arbitre.
00:41 Avec le développement de la presse, de la radio, de la télévision, puis d'internet,
00:46 la communication a été dématérialisée.
00:48 La foule devait donc laisser la place au public.
00:51 Mais tel n'a pas été le cas.
00:53 Et c'est bien le retour des foules qui pourrait se produire.
00:56 Internet et plus encore les réseaux sociaux rassemblent des millions de personnes mais
01:00 en fabriquant des communautés d'opinion farouchement séparées les unes des autres,
01:05 jusqu'à la radicalisation.
01:06 De plus, la vitesse de propagation des messages dans l'espace numérique opère plus rapidement
01:11 que jamais le passage de l'opinion à l'action.
01:14 Quand vous dites « l'action », Dominique, à quoi vous pensez ?
01:17 Je veux dire à la rue, au rassemblement, voir à l'émeute, la violence, des phénomènes
01:22 auxquels on insiste fréquemment depuis l'avènement des réseaux sociaux.
01:25 La dématérialisation de l'espace public devait pacifier le monde.
01:29 Elle fait souvent le contraire.
01:30 C'était le cas en 2008.
01:32 Des foules ont envahi les rues d'Islamabad et de Kaboul après la publication des caricatures
01:37 de Mahomet par un journal danois.
01:39 C'était le cas avec les Gilets jaunes en 2018, entremêlant réseaux sociaux et attroupements
01:43 de rues, de Facebook au rond-point, puis aux affrontements, en particulier Place de l'Etoile.
01:48 C'était le cas le 6 janvier 2021, lorsque les followers de Donald Trump ont envahi le
01:53 Capitole.
01:54 C'est le cas depuis six semaines, avec la crise au Proche-Orient, donnant lieu à des
01:58 manifestations où l'on a pu ne pas se limiter à la critique de la politique d'Israël,
02:03 mais prôner ouvertement la haine des Juifs.
02:05 Internet place la foule au centre de l'espace public.
02:09 Des foules plus vastes que jamais, planétaires, redoutables.
02:13 Les foules numériques peuvent être pacifiques, joyeuses ou compatissantes, mais l'époque
02:18 multiplie les raisons de les rendre furieuses, manipulées par des influenceurs et des algorithmes
02:23 dont l'effet est de radicaliser.
02:24 On l'a vu ces temps-ci, pour des semaines de manifestations glaçantes ou menaçantes,
02:29 une seule journée pacifique et sans un seul slogan de haine.
02:33 C'était dimanche, en France, lors de la marche contre l'antisémitisme.
02:36 Et c'est bien peu.
02:37 - Dominique Régnier, merci.

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