Invitée de Face à l'Info sur CNEWS, Charlotte d'Ornellas a expliqué ce qu'elle nomme «la corruption d'atmosphère»
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00:00 de corruption de basse intensité ?
00:01 D'abord, elle est difficilement détectable
00:04 parce que c'est pas elle qui est premièrement cherchée.
00:05 En général, on le comprend au fil d'une enquête
00:07 sur un trafic ou sur un réseau délinquant ou criminel,
00:11 et à cette occasion, en essayant de détailler cette enquête-là,
00:14 on tombe sur comment ont-ils eu ces informations-là
00:16 et petit à petit, vous creusez.
00:18 Ensuite, elle est... Comment dire ?
00:21 En revanche, cette corruption et les fruits de cette corruption
00:25 sont parfaitement identifiés, et depuis très longtemps,
00:27 par le crime et l'organisation du crime.
00:29 On parle souvent sur ce plateau, on détaille à quel point
00:31 les réseaux criminels s'adaptent à une vitesse absolument folle
00:35 pour adapter en fonction des outils à leur disposition,
00:39 mais aussi à disposition de la police ou de la gendarmerie,
00:42 des informations, des nouvelles règles,
00:44 des adaptations, notamment législatives.
00:46 Et là, ils ciblent en priorité,
00:48 et c'est ce qui est très bien raconté dans cette enquête,
00:50 les personnes qui sont mal payées,
00:52 à peu près partout où elles sont dans l'administration
00:54 ou chez les fonctionnaires, les personnes qui sont mal payées,
00:57 qui sont évidemment les cibles privilégiées de cette corruption,
01:00 parce que les plus tentées, forcément,
01:02 pour augmenter leur fin de mois.
01:04 Et alors, du côté des élus, là, c'est un peu une autre histoire,
01:07 parfois, qui peut se retrouver chez les gens qu'on vient de citer,
01:10 mais ils évoquent les élus qui sont pris la main dans le sac,
01:13 on va dire, ils évoquent, alors, sans doute,
01:15 pour se défendre, dans une large mesure,
01:16 il y en a qui participent de la corruption
01:17 pour les mêmes raisons que les autres, pour avoir de l'argent,
01:19 mais souvent, on entend parler de peur, de contrainte,
01:22 d'électoralisme, enfin, d'électoralisme,
01:24 ça, en général, c'est leurs adversaires,
01:26 mais c'est-à-dire que la corruption permet d'acheter,
01:29 dans une certaine mesure, un électorat,
01:31 je sais pas si on se rend bien compte, en fait,
01:33 de ce que ça veut dire, c'est acheter la paix sociale,
01:36 parce que vous avez des trafiquants
01:37 qui ont la main absolument sur certains quartiers,
01:39 et tout y passe absolument.
01:41 Donc, vous avez le favoritisme
01:42 dans l'attribution des logements sociaux,
01:44 les marchés publics, les permis de construire,
01:46 jusqu'au pire, et on avait parlé, quand je dis "jusqu'au pire",
01:49 c'est de la participation quasiment active
01:51 à certains trafics, ou en tout cas, une suspicion là-dessus,
01:54 et on avait disséqué, on va dire, la mise en examen
01:57 de la mère de Canteleu sur ce plateau-là,
01:59 c'était en Seine-Maritime.
02:01 Elle, elle avait été mise en examen,
02:03 elle est toujours mise en examen, pour complicité,
02:04 enfin, je crois qu'elle est toujours mise en examen,
02:06 en tout cas, il n'y a pas eu le procès encore,
02:07 pour complicité de trafic de stupéfiants,
02:10 et là, elle était directement soupçonnée
02:11 d'être en lien avec ces trafiquants.
02:14 Alors, cette corruption, si je puis dire,
02:16 elle est l'autre face d'un phénomène
02:18 que là, on connaît bien, qui est là aussi renseigné,
02:20 mais qui est jamais vu non plus
02:22 comme un phénomène de société tout entière.
02:24 Ce sont les agressions sur les élus,
02:26 les menaces sur les élus, sur les journalistes,
02:28 les appareils photos qui sont cassés dans certains endroits
02:31 parce qu'un journaliste va prendre la photo,
02:33 on a vu ça dans les émeutes,
02:34 on a vu ça sur les rixes entre bandes,
02:36 on a vu ça sur le trafic de drogue,
02:38 les habitants qui sont eux-mêmes menacés
02:40 jusqu'en bas de chez eux par ces réseaux criminels,
02:42 bon, évidemment, c'est souvent
02:44 dans ce qui se passe autour de la drogue,
02:46 dans le trafic de drogue,
02:47 mais finalement, quand on voit les informations
02:49 des dealers qui gèrent une entrée de parking,
02:51 des dealers qui gèrent l'entrée dans un quartier,
02:53 des dealers qui négocient le passage
02:55 devant tel ou tel bâtiment,
02:56 qui font fermer une crèche parce qu'ils sont devant,
02:59 qui, là, on l'a vu encore très récemment,
03:01 qui provoquent le droit de retrait de certains professeurs
03:06 parce qu'ils sont installés devant la porte de l'école,
03:08 quand on dit non, ils attaquent,
03:10 ils attaquent des journalistes, des habitants,
03:13 des élus qui résistent,
03:15 mais il y en a aussi qui disent oui.
03:16 Mais c'est simplement l'autre face, finalement,
03:18 de cette corruption qui a très largement
03:21 de quoi nous inquiéter.
03:22 Et de quoi cette corruption, souvent faite de briques et de brocs,
03:26 a de quoi inquiéter sérieusement.
03:28 Dans cette enquête, on nous dit,
03:30 les chiffres officiels, les atteintes à la probité,
03:32 ce qu'on appelle les atteintes à la probité,
03:33 elles ont augmenté de 28 % entre 2016 et 2021.
03:37 Alors, là où ce chiffre est difficile à analyser,
03:41 c'est qu'il y a une attention
03:43 qui a été très largement augmentée,
03:45 on va dire, sur ces atteintes à la probité.
03:47 Donc, est-ce que ce sont, finalement,
03:49 est-ce que c'est la corruption qui s'étend de manière dramatique
03:52 ou l'attention qu'on porte à la corruption qui a augmenté ?
03:55 Quoi qu'il arrive, cette corruption, elle existe bel et bien,
03:58 et notre attention peut-être nous fait voir à quel point elle existe.
04:00 Et il y a deux sortes de choses.
04:01 Il y a, un, le carrefour entre, en effet,
04:04 et là aussi, c'est quelque chose qu'on traite,
04:05 mais sans voir le pendant,
04:07 des professions, je le disais, mal payées,
04:09 mais qui sont surchargées,
04:10 donc qui peinent aussi à travailler correctement,
04:12 sans reconnaissance, avec une totale perte de sens.
04:15 Quand vous ne savez plus pourquoi vous travaillez,
04:17 je pense notamment aux forces de l'ordre,
04:18 quand vous avez des bâtons dans les roues en permanence
04:21 et qu'en plus, vous n'êtes jamais soutenus,
04:23 et qu'en plus, à la fin du mois, vous êtes extrêmement mal payés,
04:26 bon, mettre une plaque d'immatriculation de côté,
04:29 ça vient plus facilement,
04:31 et c'est d'ailleurs un drame auquel il faut faire attention.
04:34 Et par ailleurs, la corruption, à ce moment-là,
04:37 se renforce et ça renforce les réseaux criminels.
04:39 Donc c'est un cercle vicieux qui est absolument dramatique.
04:42 Et de l'autre côté,
04:43 on a la puissance de cette criminalité, évidemment.
04:46 Soit vous avez des gens qui y participent
04:49 parce qu'ils ont peur de faire autrement,
04:51 soit c'est parce que c'est le résultat direct
04:54 de menaces, d'intimidation, de messages,
04:57 soit c'est parce qu'ils n'ont pas le choix
04:59 pour rester à la tête de leur ville
05:01 ou pour avoir la paix dans leur ville
05:02 que de passer par ces trafiquants.
05:04 Quoi qu'il arrive, cette corruption-là, en particulier,
05:08 c'est l'histoire d'une criminalité qui a gagné dans certains endroits.
05:11 Donc c'est le début du basculement dans ce qu'on appelle le narco-État,
05:14 mais c'est le crimino-État, je sais pas,
05:17 parce qu'il n'y a pas que la drogue qui est concernée.
05:19 Et ce qui est sûr, c'est que là, encore une fois,
05:22 c'est encore un sujet sur lequel des professionnels...
05:24 ... ne peuvent pas s'y mettre.
05:25 Sous-titrage ST' 501
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