Où est passée Karine
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00:00 Je reçois du coup un appel de mon père.
00:02 Il me dit "Elle m'a laissé un message, elle a pris des affaires, elle est partie."
00:05 C'est une femme rayonnante, c'est un rayon de soleil.
00:10 On ne peut pas faire autrement que de s'attacher à Karine.
00:13 Elle lui dit qu'elle va partir,
00:16 qu'elle ne pourra pas donner de nouvelles pendant un certain temps,
00:19 mais qu'il ne faut pas s'inquiéter.
00:21 Admettons, elle est partie,
00:22 en laissant les petits, non.
00:25 Non.
00:27 J'espère que juste le fait de vous parler,
00:30 peut-être que quelqu'un,
00:32 ça fera réagir quelqu'un.
00:33 On sent qu'il commence à vouloir passer à la télévision,
00:38 il est en demande.
00:39 Karine était bien avec lui,
00:41 parce qu'elle était très amoureuse.
00:44 On s'inquiète parce que les gendarmes,
00:48 là, vraiment, ils sortent le matos, ils y vont.
00:52 J'ai ressenti profond qu'il était arrivé quelque chose de grave à Karine.
00:59 - En plein coeur de la campagne vendéenne,
01:06 à Maché.
01:08 En ce début de printemps,
01:11 rien ne semble troubler la tranquillité des 1700 habitants.
01:14 Mais le lundi 27 mars 2023,
01:20 une énigme bouleverse le village.
01:23 C'est ici que tout commence, dans cette maison.
01:28 Y vive Karine, mère au foyer de 54 ans avec Michel,
01:32 un brocanteur de 51 ans.
01:34 Ils sont mariés depuis 20 ans
01:36 et ils habitent avec deux de leurs enfants,
01:39 Bérénice et Jules, qui ont 12 et 14 ans.
01:42 Chaque jour de la semaine,
01:44 le couple a l'habitude de venir récupérer les enfants au collège.
01:47 Karine et Michel sont toujours très ponctuels.
01:51 Mais cet après-midi du 27 mars,
01:53 à l'heure de la sortie des classes,
01:55 ils ne sont pas là.
01:58 Emmanuelle, une amie de la famille devenue intime,
02:01 s'étonne de leur absence.
02:03 - Je vais à l'école récupérer ma fille.
02:05 Je vois Jules et Bérénice sur le côté,
02:08 alors que Michel et Karine arrivaient toujours un quart d'heure,
02:13 10 minutes, un quart d'heure avant la sortie.
02:15 Et là, ils n'étaient pas là.
02:18 Michel finit par arriver,
02:20 mais avec 15 minutes de retard.
02:23 Il est seul
02:25 et il y a quelque chose d'étrange dans son allure.
02:27 - Il est arrivé en retard, en sueur.
02:31 Michel Marie, chroniqueur judiciaire,
02:33 est un spécialiste des affaires criminelles.
02:36 - Alors qu'habituellement, il est plutôt...
02:38 plutôt apprêté.
02:40 À peine arrivé,
02:42 Michel Pial justifie son retard d'une façon plutôt brutale.
02:46 - Il m'a annoncé le départ de Karine.
02:49 Karine est partie.
02:51 Oui, elle est partie.
02:54 Elle a pris des affaires, elle est partie.
02:55 J'étais surprise, pour moi, ce n'était pas possible.
03:00 J'ai posé des questions.
03:01 Est-ce que vous vous êtes disputé ?
03:03 Le ton est monté ?
03:05 Vous étiez en désaccord ?
03:06 Non, pas du tout.
03:07 Michel lui montre le message qu'il vient de recevoir sur son téléphone.
03:14 Un SMS pour le moins énigmatique.
03:18 - Marre de vivre à deux, je décide de partir.
03:23 C'était une superfaction.
03:24 J'étais surprise.
03:26 Pour moi, c'était...
03:28 C'était pas possible.
03:30 Le père de famille prévient ensuite sa fille aînée, Eva-Louise,
03:35 qui vit dans le Sud-Ouest pour ses études.
03:38 - Je reçois du coup un appel de mon père, donc classico-classique.
03:45 Je réponds, je dis "oui, je suis dans le bus, je suis désolée".
03:47 Il me dit "oui, c'est pas grave, comment ça va ?"
03:49 Je dis "ben écoute, moi, ça va et toi ?"
03:51 Il me dit "ben je sais pas trop".
03:52 "Maman est partie."
03:53 "Comment ça, partie ? Partie, genre partie, partie, partie...
04:00 J'ai pris mon sac, je suis partie."
04:02 Enfin, là, des questions qui se posent un peu, il me dit "non, non,
04:04 elle est partie, elle m'a laissé un message,
04:06 elle a pris des affaires, elle a pris de l'argent, elle est partie."
04:10 Donc moi, je tombe un peu des nues, je sais pas trop quoi répondre.
04:15 Mais je me dis "ça colle pas".
04:21 Il y a quelque chose qui me dérange.
04:22 Mais alors, Karine Esquivillon aurait-elle des secrets ?
04:27 A-t-elle quitté volontairement le domicile familial ?
04:31 Celle qui la connaît le mieux, c'est sa soeur Adélaïde.
04:36 Depuis l'enfance, les deux femmes sont très proches.
04:39 On sortait ensemble, on a fumé nos premières clopes ensemble,
04:42 on a fait du sein nu ensemble.
04:44 Elles partagent une souffrance commune,
04:47 celle d'avoir été abandonnées par leur mère
04:50 après le divorce de leurs parents.
04:51 Nous avons été élevées par notre père et nos grands-parents paternels.
04:55 Notre maman, elle s'est éloignée de nous,
05:02 elle est retournée vers sa famille.
05:04 Nous avions 6-8 ans à peu près.
05:07 Quand à notre tour, nous sommes devenues mamans,
05:13 il y avait un point d'honneur à être là, présente,
05:17 à pallier pour tout, à être organisée.
05:19 Que tout soit clean, que tout soit bien fait.
05:21 C'était notre façon d'aborder les choses
05:25 et surtout d'être très présente au quotidien pour les enfants.
05:28 On allait en vacances ensemble, on a eu nos bébés très rapprochés,
05:31 on faisait toujours les vitrines ensemble de Noël
05:34 quand on emmenait voir les enfants.
05:36 Karine est mère de 5 enfants,
05:39 2 d'un premier mariage et 3 autres avec Michel Pial.
05:44 Karine, c'était une maman vraiment poule.
05:47 La maman protectrice, la maman attentionnée,
05:50 la maman qui anticipe les besoins,
05:53 la maman communiquante,
05:56 quelqu'un d'ouvert d'esprit.
05:58 Pour sa sœur Adélaïde, impossible d'imaginer
06:02 que Karine puisse partir et reproduire le schéma d'abandon
06:06 dont elle a tant souffert.
06:08 D'autant que Jules, son avant-dernier fils,
06:11 né grand prématuré, est atteint de surdité.
06:14 Il lui demande une attention permanente.
06:17 Elle ne travaillait pas, elle consacrait son temps à l'éducation de Jules et Bérénice.
06:22 Parce que Jules était un enfant handicapé
06:25 et les dimanches, ça n'existait pas.
06:28 Véronique, elle, est une amie intime de Karine.
06:31 Elles se connaissent depuis 10 ans.
06:34 Tant que Jules ne sera pas autonome,
06:37 je pense qu'elle ne pouvait pas faire autre chose.
06:40 Tout porte à croire qu'il est impossible pour Karine
06:43 d'abandonner le domicile familial.
06:46 Surtout que dans sa vie de couple,
06:49 aux côtés de Michel depuis 21 ans,
06:52 elle semble épanouie.
06:54 Une connexion qui fascine jusqu'à ses amis d'enfance, comme Véronique.
06:58 Karine était bien avec lui, parce qu'elle était très amoureuse.
07:02 On les voyait sans arrêt ensemble,
07:05 à l'école, au magasin, partout.
07:08 Ils étaient tout le temps, tous les deux.
07:11 C'était vraiment le couple idéal.
07:14 - On a l'impression que cette famille respire le bonheur.
07:18 Tout se passe très bien, qu'il n'y a pas d'années croches.
07:22 Je me fais même la réflexion,
07:25 car à l'époque, je suis seule avec mes 3 enfants.
07:28 Mais mon Dieu, j'aimerais recréer une famille comme ça,
07:32 parce qu'ils renvoient une image du bonheur qui est trop.
07:36 - Karine semble être une maman modèle
07:39 qui n'aurait jamais abandonné ses enfants.
07:42 Une épouse heureuse.
07:44 Mais alors, où est-elle passée ?
07:47 24 heures après son départ, le 28 mars,
07:50 sa fille cadette, Bérénice, reçoit un texto.
07:53 "Besoin de prendre un peu de temps pour moi, de me retrouver.
07:57 Bisous, je t'aime."
07:59 - Elle écrit à sa fille, notamment,
08:02 en lui expliquant avec des mots tendres, des mots gentils,
08:06 qu'elle l'aime, qu'elle l'embrasse, de ne pas s'inquiéter.
08:11 - "Vous me manquez. Fais passer le message à Jules et à papa."
08:15 - Des nouvelles en apparence rassurantes
08:18 qui s'accompagnent le jour suivant d'un nouveau message
08:21 envoyé cette fois-ci avec 2 photos de la dune du Pila,
08:25 dans le sud-ouest de la France.
08:27 Mais ces clichés interpellent leur fille.
08:30 - Les photos ne ressemblent absolument pas à ce que ma mère prend en photo.
08:33 C'est le message, on a l'impression que c'est une blague. Vraiment, c'est ça.
08:37 - Les enfants sont déboussolés.
08:39 Eva-Louise sait que sa mère n'a jamais mis les pieds dans cette région.
08:43 Alors, elle s'interroge.
08:45 Et en quelques minutes, elle s'aperçoit que les photos reçues
08:48 proviennent d'une banque image sur Internet.
08:51 Cette découverte la plonge encore davantage dans l'angoisse.
08:55 D'autant plus que 2 jours plus tard,
08:58 un dernier SMS annonce que Karine n'a pas l'intention
09:01 de regagner le domicile conjugal.
09:04 - Elle dit, en gros, qu'elle va partir,
09:08 qu'elle va faire un voyage dans un pays chaud,
09:11 qu'elle ne pourra pas donner de nouvelles pendant un certain temps
09:14 parce qu'il n'y a pas de relais ou je ne sais trop quelle raison,
09:17 mais qu'il ne faut pas s'inquiéter.
09:19 - Je prends un petit peu de temps pour moi, de me ressourcer,
09:22 je suis accompagnée de quelqu'un.
09:25 Donc là, moi, déjà, pour commencer,
09:28 elle n'écrit pas ses SMS comme ça.
09:31 Et le peu de SMS qu'elle envoie, je sais comment elle écrit des SMS.
09:35 Et j'ai dit, pour moi, c'est pas elle qui a écrit.
09:38 Ca ne lui ressemble pas, en fait.
09:40 - Pour Eva-Louise, plus de doute.
09:42 Les messages ne sont pas écrits par sa mère.
09:45 Les enfants préviennent alors immédiatement leur tante Adélaïde.
09:48 La sœur est confidente de Karine.
09:51 - Heureusement, j'étais assise, ça a fait qu'un tour.
09:54 Vous savez, comme quand le sol, je sais pas,
09:57 j'ai l'impression que ça se dérobe sous nos pieds
09:59 et que vous tombez dans un truc, ça s'arrête pas.
10:01 Mon sang, il a fait qu'un tour.
10:04 Même si, admettons, elle est partie,
10:07 en laissant les petits, non.
10:10 Non.
10:11 Tous les 2, on était totalement...
10:14 totalement hogs sur le ressenti profond.
10:17 Je veux pas parler à sa place,
10:19 mais quand même, on a beaucoup discuté,
10:21 donc le ressenti profond qu'il est arrivé quelque chose de grave à Karine.
10:25 - Désormais, l'entourage de Karine est unanime.
10:29 Il faut vite agir.
10:31 Alors, le 1er avril 2023,
10:33 5 jours après la disparition de sa femme,
10:36 Michel Pial donne l'alerte en appelant la gendarmerie.
10:39 - Et là, a priori, les militaires de la gendarmerie
10:44 entendent ça d'une oreille assez distraite.
10:46 En plus, le 1er avril, c'est pas forcément une date
10:49 où on prend les gens très au sérieux.
10:51 - Il se tourne alors vers Emmanuel,
10:54 devenu sa confidente.
10:56 - Il me disait... Ils se sont moqués de moi.
10:59 Une femme fait ce qu'elle veut.
11:01 Elle est pas attachée à son domicile.
11:03 Elle a le droit de partir si elle le souhaite, quoi.
11:05 Et il me dit, de toute façon, j'irai...
11:08 J'irai peut-être faire un abandon de domicile.
11:13 J'ai dit, mais dans quel but, quoi ?
11:18 Bah, si elle revient, au moins, les enfants sont protégés.
11:21 Je peux les protéger, elle les prendra pas.
11:25 - Michel Pial déclare ne rien comprendre au départ de sa femme.
11:32 Et si elle avait décidé de le quitter pour refaire sa vie ailleurs ?
11:36 Le mari bafoué craint qu'elle ne revienne lui prendre les enfants.
11:40 Alors, 2 jours plus tard, il se rend à la gendarmerie
11:43 pour signaler un abandon de domicile.
11:46 - Il se trouve quand même dans une situation très inconfortable,
11:49 parce que Michel Pial, d'une part, il est quitté par sa femme,
11:53 et d'autre part, comme elle abandonne le domicile conjugal,
11:56 il se retrouve à devoir s'occuper des enfants.
11:59 Il faut qu'ils les emmènent à l'école, il faut qu'ils les nourrissent,
12:02 il faut qu'ils entretiennent leurs affaires, faire les devoirs.
12:07 Et puis, il y a l'aîné des 3, qui, elle, ne vit pas sous le même toit,
12:11 mais dont il a la charge quand même.
12:14 Donc, en réalité, d'un seul coup d'un seul,
12:16 il se retrouve quand même dans une situation où il doit tout gérer.
12:20 Les gendarmes vont enregistrer sa déposition,
12:24 et les choses vont s'arrêter là.
12:26 - Pour l'heure, rien d'inquiétant pour les gendarmes.
12:29 Mais les proches de Karine, eux, s'inquiètent.
12:32 Ils sont dans l'attente d'un nouveau signe de sa part.
12:35 - Début avril, bah, toujours rien, les jours passent, les jours passent.
12:42 (musique)
12:47 - Et plus le temps passe, plus on essaie de...
12:50 de se raccrocher à une issue qui nous plairait, en fait,
12:54 en disant non, mais elle est juste partie, elle va revenir.
12:57 - Le 9 avril 2023, 13 jours après la disparition de Karine,
13:02 alors que le maire du village se promène,
13:05 il trouve par hasard un téléphone sur le bord de la route.
13:08 Étonnamment, il a encore de la batterie.
13:12 - Il était dépourvu de sa carte SIM.
13:15 - Propre, intacte, posée comme ça, presque posée,
13:19 avec un niveau de batterie acceptable, pas de traces d'humidité, rien.
13:23 - Et donc, en manipulant, en manœuvrant ce téléphone,
13:27 le maire comprend que c'est le téléphone de Karine, de Karine Pial.
13:33 Et il va le ramener au domicile de Michel Pial.
13:38 Et c'est là qu'il va découvrir qu'elle a disparu.
13:41 - Le maire n'était pas au courant de la situation.
13:45 Et quand il découvre cette situation,
13:48 il va quand même aller doubler son geste
13:51 en allant signaler à la gendarmerie
13:54 qu'il a ramené le téléphone de Karine,
13:57 qui est, entre guillemets, censée avoir disparu.
13:59 - Il est porteur d'espoir, ce téléphone, énormément.
14:04 Parce que c'est là où on se dit, on aura peut-être des réponses dedans.
14:06 Parce que pour le bornage, pour la diène,
14:09 pour les empreintes, pour les photos, la localisation,
14:12 d'autres messages, on sait jamais.
14:14 Cette découverte est inquiétante et soulève de nombreuses questions.
14:22 Alors, le parquet de La Roche-sur-Yon décide d'ouvrir une information judiciaire
14:27 pour enlèvement et séquestration.
14:30 La piste criminelle est ouverte
14:33 et les investigations sont extrêmement poussées.
14:36 Un hélicoptère est mobilisé
14:41 et tous les étangs sont dragués.
14:46 - Là, à partir de cet instant, on pense qu'on recherche un corps,
14:55 clairement, on considère qu'il lui est arrivé quelque chose de grave.
15:02 On s'inquiète parce qu'on sent que les gendarmes ont de fortes soupçons.
15:06 Là, vraiment, ils sortent le matos, ils y vont.
15:09 Tous les moyens sont mis en œuvre pour retrouver Karine.
15:13 - La police scientifique de la gendarmerie
15:17 va débarquer au domicile du couple.
15:21 Ils recherchent toutes sortes de traces d'indices,
15:24 traces de lutte, traces de sang, d'ADN,
15:29 éventuellement d'impact de projectiles d'armes à feu
15:33 dans les chambres de porte, de mur, du parquet, du plafond, que sais-je.
15:37 Michel Pial, lui, est d'un calme olympien.
15:40 Il considère qu'il participe
15:43 à la recherche de la manifestation de la vérité.
15:47 - Après quelques jours à passer le secteur au peigne fin,
15:50 Karine reste introuvable.
15:52 Si Michel Pial ne l'exclut pas la piste de l'enlèvement,
15:56 Adélaïde, elle, pense encore.
15:58 - Là, ça s'écroule encore une deuxième fois.
16:01 Pour moi, c'est pas bon signe.
16:05 C'est pas du tout bon signe, vraiment.
16:08 - Un avis de recherche est alors diffusé
16:13 et Michel Pial décide de passer à la vitesse supérieure
16:16 pour aider l'enquête.
16:18 Il fait en sorte que les médias s'emparent de l'affaire.
16:21 Et le premier journaliste à recueillir les propos du mari de la disparue
16:25 c'est lui, Sacha Martinez.
16:28 Il travaille pour le quotidien Ouest France.
16:31 - À ce moment-là, quand on l'a au téléphone,
16:34 dès le début, Michel Pial trouve que c'est bizarre
16:37 qu'on retrouve le téléphone à cet endroit de la commune
16:40 et que même si elle a disparu volontairement,
16:43 il lui est possiblement arrivé quelque chose de grave.
16:46 Michel Pial dit que sa femme est partie avec des vêtements,
16:49 des effets personnels de type toilette.
16:52 Un livret de famille et 50 000 euros en pièces d'or et d'argent.
16:56 Et quand nous, on sort l'information
16:59 qu'elle serait partie avec cet argent-là,
17:02 il se met en colère en disant
17:05 "Imaginez que la personne qui a peut-être enlevé ma femme
17:08 "ne soit pas au courant qu'elle était avec cet argent,
17:11 "vous la mettez en danger,
17:13 "est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous avez fait ?"
17:16 - Michel Pial ne s'arrête pas là.
17:19 Il s'adresse aux médias, il attend des explications
17:22 et semble désespéré.
17:24 - J'espère que juste le fait de vous parler,
17:27 peut-être que quelqu'un, ça fera réagir quelqu'un.
17:30 Voilà, c'est le seul espoir.
17:32 Mais mon état d'esprit, c'est le même,
17:35 c'est d'avoir des nouvelles.
17:37 J'ai tellement de films dans ma tête
17:40 que je peux vous faire 5 séries pendant 5 ans à la télé,
17:43 dans le pire comme dans le meilleur.
17:46 C'est un enfer.
17:48 - Plus les jours passent, et plus Michel Pial
17:51 est omniprésent dans les médias.
17:54 - Il s'est lancé dans une sorte de conquête aux médias,
17:59 si on peut appeler ça comme ça,
18:01 où lui, il a contacté beaucoup de médias,
18:03 il a fait beaucoup d'interviews, beaucoup d'interviews.
18:06 - Et à chaque fois, il raconte sa version des faits.
18:09 - On sent que Michel Pial, il commence à vouloir passer
18:12 à la télévision, qu'il est en demande.
18:15 - Il est sur exposition médiatique
18:17 et son comportement interroge son entourage.
18:20 - Ca ne correspond pas avec l'homme discret que je connais.
18:23 Pas du tout. On le voit sur certaines images,
18:26 faire des grands gestes, faire visiter la maison à tout le monde.
18:29 Ca ne correspond pas à l'image de Michel Pial.
18:32 Je le trouve pas authentique, je... je me questionne.
18:36 - Et bien plus alarmant encore,
18:39 ce sont les versions qu'il donne à la presse.
18:42 - Le gros souci de Michel Pial, c'est que chaque fois
18:44 qu'il disait quelque chose à quelqu'un, il en rajoutait.
18:47 Il rajoutait un élément à droite, à gauche.
18:49 - Quand je suis rentré dans la maison, ma femme était pas là.
18:52 J'ai appelé ma femme pour lui dire,
18:54 "Appelle le collège parce que je vais être en retard."
18:57 Pas de réponse. Je fais le tour de la maison rapidement, etc.
19:00 Et là, j'ai reçu un SMS me disant, "Bon, bah, je pars."
19:03 Mais je l'ai pas vu partir, nécessairement, moi, personnellement.
19:06 De là, j'ai rien vu.
19:08 - Une fois, il dit qu'il a rien vu.
19:11 Une autre fois, il dit qu'une voiture est venue la chercher.
19:15 Et puis, une autre personne, il va dire qu'une voiture est venue la chercher,
19:19 que c'était probablement un taxi qui l'a couru après la voiture.
19:22 Les explications sont un peu embrouillées, si je puis dire.
19:25 - Ces différentes versions éveillent de fort soupçons
19:28 chez Eva-Louise, la fille de Karine.
19:30 - J'ai pris le temps de regarder chacune de ses interviews,
19:33 chacune des articles qui a pu sortir sur lui ou autre,
19:36 à la recherche de... de contradictions.
19:38 Quand, ensuite, quand on en parle au téléphone, on dit,
19:41 "Attends, t'as pas dit ça dans cette interview-là ?
19:44 "Ah, si, mais tu comprends. Ah, d'accord, OK, oui, non, je comprends,
19:47 "t'es fatiguée, tu t'es plantée, c'est pas très grave."
19:50 - Les enquêteurs aussi s'interrogent.
19:53 Michel Pial devient le suspect parfait, mais pas le coupable idéal.
19:57 Et toujours rien de concret contre lui.
20:01 Le téléphone de Karine, point d'ancrage dans l'enquête,
20:05 va-t-il livrer ses vérités ?
20:08 - La téléphonie, ça a été un gros morceau pour les enquêteurs.
20:13 Ils ont fait énormément d'investigations techniques
20:16 sur les téléphones et ils ont pu montrer que le téléphone
20:19 de Karine Esquivillon n'avait jamais quitté Maché.
20:22 - Le fameux téléphone qui est censé avoir photographié
20:25 la dune du Pila, dont on sait que c'est une photo
20:28 qu'on retrouve sur Internet, qui a envoyé les SMS
20:31 à la fois aux enfants et également aux maris,
20:35 ce téléphone, depuis le 27 mars, il n'a pas bougé du village.
20:41 - Si le téléphone de Karine n'a jamais quitté le village,
20:47 Karine est-elle réellement partie ?
20:50 Et qui a envoyé tous les messages de son téléphone ?
20:54 - Des messages ont été envoyés depuis son téléphone
20:57 alors qu'elle était vraisemblablement déjà disparue.
21:01 - Les gendarmes poussent encore les recherches sur la téléphonie.
21:04 Et surprise !
21:07 - Les enquêteurs, quand ils vérifient le bornage,
21:10 ils se rendent compte que celui de Michel Pial borne
21:13 exactement sur la même antenne à chaque fois, au même moment.
21:17 Donc c'est que les téléphones sont forcément dans le même périmètre.
21:21 - Et ça veut surtout dire que c'est probablement Michel
21:28 qui s'est servi du téléphone de sa femme pour faire
21:31 des parties de ping-pong, de faux dialogues.
21:34 - Et ce n'est pas tout. En expertisant le téléphone de Karine,
21:38 les gendarmes découvrent un message très troublant.
21:41 Un SMS effacé deux semaines avant sa disparition.
21:45 - Il y a une chose qui a beaucoup interpellé les enquêteurs,
21:49 c'est que le message qu'il dit avoir reçu,
21:52 "Marre de vivre à deux mais pas en couple",
21:55 il avait déjà été envoyé une première fois, le 14 mars.
22:00 ...
22:03 - Deux semaines plus tôt, le même message a été tapé,
22:10 et mieux, il a été effacé.
22:13 - Pourquoi ce premier message envoyé par le téléphone de Karine
22:17 vers celui de Michel a-t-il été effacé ?
22:20 Michel est-il à l'origine d'une mise en scène ?
22:24 Pour les enquêteurs, ce SMS effacé pourrait signer
22:27 une préméditation, et tout porte à croire que Michel Pial
22:32 est bien à l'origine de la disparition de Karine.
22:36 Mais le suspect numéro un n'est pas du tout inquiet.
22:40 Il le dit même à la télé.
22:43 - Je fais avec totalement confiance la section de recherche,
22:46 franchement, parce qu'ils font un travail apparemment très important,
22:50 donc je compte vraiment sur eux.
22:53 - Et à l'occasion de la fête des mères,
22:56 Michel s'adresse directement à sa femme sur les réseaux sociaux.
22:59 - Karine, si tu nous lis, sache que nous pensons tous très fort à toi.
23:03 Les enfants te souhaitent une bonne fête des mères.
23:06 Ils t'aiment et tu leur manques beaucoup. Donne des nouvelles, s'il te plaît.
23:10 - Si ce post semble anodin pour un père de famille abandonné,
23:13 d'autres publications interpellent le journaliste Sacha Martinez.
23:17 - Rapidement, il m'a demandé en amie sur Facebook,
23:21 et on a pu voir tous les contenus qu'il publiait.
23:24 Il y avait des publications qui étaient assez singulières.
23:26 Par exemple, il avait mis une photo avec une phrase
23:29 "Personne n'est plus détesté que celui qui dit la vérité".
23:32 - Sentant que ces contradictions mettent la puce à l'oreille des journalistes,
23:37 Michel Pial prend ses distances,
23:39 au point de nous recevoir sur le pas de sa porte, le 10 juin dernier.
23:43 Nous tournons à l'aide d'une caméra discrète.
23:45 - Vous vous sentez comment ?
23:47 - Je ne suis plus chez Desperry.
23:50 Enfin, je suis au Fogé de Saint-Denis.
23:52 Les gendarmes, apparemment, sont autour de moi.
23:55 Pour la suspicion, à la regarde, je n'ai rien à foutre.
23:58 J'ai rien à me pencher, à part le fait de ne pas avoir vu, quoi.
24:02 - Sur la défensive, Michel Pial se justifie.
24:06 - Donc physiquement, de toute façon, je n'aurais pas pu...
24:08 J'aurais dû lui faire du mal sans qu'elle me fasse du mal à moi.
24:11 Deux, je n'aurais pas pu la porter.
24:13 Parce que je n'arrivais même pas à porter un poids... Voilà.
24:16 Je suis malade, j'ai réussi à régler mes problèmes au niveau des jambes,
24:19 musculaire, articulaire. C'est impossible.
24:21 En plus, déplacer un corps, je vais le déplacer où ?
24:24 Je pense qu'ils ont bordé mon téléphone de partout.
24:26 Je pense qu'ils ont fouillé partout où j'étais.
24:28 Ils peuvent rien trouver. C'est impossible.
24:31 - Nous ne le savons pas encore,
24:34 mais ces mots sont les tout derniers qu'il va accorder aux médias.
24:38 4 jours plus tard, l'homme est placé en garde à vue
24:42 et son domicile est à nouveau perquisitionné.
24:45 - Il assiste à cette perquisition.
24:48 Et la perquisition est étonnamment longue.
24:51 C'est-à-dire que les autres perquisitions qui ont été menées à son domicile
24:54 ont duré quelques heures.
24:56 Et là, ça s'étale sur la matinée et ça déborde sur l'après-midi.
24:59 - Et pour cause, d'autres éléments accablent son découvert.
25:03 - On retrouve le fameux livret de famille
25:05 qu'il disait qu'elle avait emmené avec elle.
25:08 - Il y a des micro-traces de sang
25:10 qui ont été retrouvées dans le coffre d'une des voitures.
25:13 - Après 8 heures de perquisition,
25:15 et suite à ses découvertes,
25:17 Michel Pial est embarqué à la gendarmerie de La Roche-sur-Yon.
25:21 Assisté de son avocat, maître Antoine Horry,
25:24 son audition débute.
25:26 - Ça se passe de manière très classique,
25:30 avec un entretien avocat-client prévu par le code de procédure pénale
25:33 et des auditions qui s'enchaînent.
25:35 - Michel Pial reste sûr de ses premières déclarations.
25:38 Il n'a rien fait, elle est partie volontairement.
25:41 Il n'a rien à voir avec cette histoire.
25:43 - De toute façon, il y a déjà eu des recherches qui ont été faites
25:46 qui ont montré qu'il n'était pas concerné.
25:49 - Pour les proches de Karine,
25:51 les 48 heures de garde à vue sont interminables.
25:54 - C'était long.
25:57 Vous avez l'impression d'être dans un rouleau,
25:59 quand vous êtes pris à la mer comme ça,
26:01 et que ça tourne comme ça.
26:03 J'ai vraiment eu cette sensation de...
26:06 Mon Dieu, mon Dieu, mais mon Dieu,
26:08 mais qu'est-ce qui nous arrive, quoi ?
26:10 Qu'est-ce qui lui est arrivé ?
26:12 De mon côté, ça a été vraiment...
26:14 Un lioncage.
26:16 J'ai cru que j'allais exploser, c'était long.
26:19 Déjà, on n'a pas de nouvelles du tout.
26:21 On est vraiment dans le flou complet.
26:23 Donc on ne sait pas ce qui se dit, on ne sait pas ce qui se passe.
26:26 On ne sait pas les preuves qui peuvent être montrées contre lui.
26:29 En fait, on n'en sait rien.
26:39 - Je savais que c'était la dernière nuit de garde à vue,
26:42 et qu'elle s'arrêtait, je crois qu'elle prenait fin à 8h30,
26:44 le lendemain matin.
26:46 Mais à un moment, je me suis écroulée, quoi.
26:50 Je me suis écroulée de sommeil.
26:52 - Dans la nuit, à la gendarmerie de La Roche-sur-Yon,
26:55 les interrogatoires s'enchaînent et s'intensifient.
26:58 - Les enquêteurs abattent leur carte, si je puis dire, progressivement.
27:01 - Il lui parle du bornage du téléphone.
27:04 À ce moment-là, le fameux téléphone de Karine Esquivion,
27:07 qui a été retrouvé dans le fossé, il lui explique
27:10 qu'il n'a jamais bougé de mâché.
27:12 Il lui parle des traces de sang qui ont été retrouvées dans la voiture.
27:16 Il lui parle de beaucoup d'éléments incohérents
27:21 ou de propos qu'il a pu tenir, qui semblaient flous.
27:25 - L'objectif, très clair, est de faire une pression psychologique sur la personne.
27:28 Et puis, il a fait, au terme, je pense,
27:31 de cette garde à vue épuisante, littéralement,
27:34 le choix de s'expliquer, pensant que c'est ce qu'il avait de mieux à faire
27:38 et pensant également que c'est ce que ses enfants méritaient de savoir.
27:41 - Lors d'une garde à vue, chaque minute compte.
27:46 Le plus souvent, les suspects avouent dans les derniers instants.
27:49 Alors, après plus de 40 heures de partie de poker menteur avec les enquêteurs,
27:54 à 1h du matin, à Cuillers, Michel Pial craque et passe aux aveux.
27:59 - Il va reconnaître que la mort est intervenue à cause de lui.
28:03 Mais il va offrir une version accidentelle.
28:07 - Sa version, en effet, consiste à indiquer en l'état qu'il s'agissait d'un accident
28:13 à l'occasion de la manipulation d'une carabine
28:16 pour, effectivement, la vendre sur un site Internet.
28:19 Et il explique qu'un coup est parti accidentellement.
28:23 - Michel Pial fréquente régulièrement un stand de tir.
28:27 Il est autorisé à détenir une arme, brocanteur de métier.
28:31 Il aurait très bien pu mettre en vente son fusil sur Internet.
28:35 - Il ne serait pas rendu compte que l'arme était chargée
28:39 et le coup serait parti tout seul.
28:41 - Elle aurait été touchée au niveau du flanc.
28:43 Elle lui a demandé d'appeler la police et lui a essayé de la réanimer.
28:47 Mais elle est décédée à leur domicile.
28:50 - Face au corps sans vie de sa femme, Michel Pial ne réagit pas.
28:55 Mais qu'a-t-il fait de son corps ?
28:58 - Il est extrêmement catastrophé et le mot est faible
29:02 par rapport à ce qui vient de se passer.
29:04 Et c'est là qu'il décide de prendre des décisions
29:07 qui seront évidemment mauvaises.
29:09 Mais il n'appelle pas immédiatement la police.
29:12 Il indique avoir hésité à appeler la police, mais ne pas l'avoir fait.
29:15 - Il a déposé le corps, parce qu'il ne l'a pas enterré.
29:18 Il l'a déposé dans un bois.
29:20 - Et on se retrouve dans cette situation
29:26 où commence par la suite une espèce de spirale du mensonge
29:29 dont il n'arrivera à sortir qu'au terme de la garde à vue.
29:32 - Dès la fin de la garde à vue,
29:35 l'avocat de Michel Pial fait une déclaration publique.
29:38 - Monsieur Michel Pial a été mis en examen pour meurtre sur conjoint
29:42 et placé en détention provisoire.
29:44 Il a décidé de s'expliquer.
29:47 Il a effectivement donné sa version,
29:50 consistant à expliquer qu'il s'agissait d'un accident.
29:52 Maintenant, c'est une instruction qui s'ouvre.
29:54 Il est épuisé psychologiquement.
29:56 C'était une garde à vue très éprouvante sur le plan psychologique.
29:59 Il est épuisé physiquement également,
30:01 mais il est soulagé d'avoir pu donner sa version des faits
30:04 et d'avoir pu livrer ce qu'il avait sur la conscience.
30:06 Je vous remercie.
30:07 - Au lendemain des aveux,
30:10 la section de recherche retrouve le corps de Karine
30:12 à l'aide des indications données par Michel Pial.
30:15 - Le corps, il est retrouvé dans un petit bois privé du côté de Chaland,
30:22 qui est peu fréquenté,
30:25 mais où eux venaient de temps en temps
30:28 se balader avec les enfants, a priori.
30:31 - Il s'est débarrassé de son corps,
30:33 sans même la recouvrir, sans même...
30:35 La recouvrir, la...
30:40 Même pas.
30:41 Il l'a jeté comme une chienne.
30:43 Comme un bout de viande qu'on...
30:46 Non, c'est pas possible.
30:48 C'est pas possible.
30:49 C'est pas possible.
30:50 Je lui en veux aujourd'hui et je lui en voudrais, je crois, toute ma vie.
30:57 - Ça y est, c'est fini, quoi.
30:58 Genre, là, c'est fini.
30:59 Elle est là.
31:00 On va pouvoir la retrouver.
31:01 On va pouvoir s'occuper d'elle, en fait.
31:03 Enfin.
31:04 C'est...
31:05 Depuis tout ce temps, on la cherche,
31:06 et là, on va pouvoir s'occuper d'elle,
31:08 on va pouvoir la chouchouter, on va dire, une dernière fois,
31:12 avant de...
31:13 de tout fermer, quoi.
31:18 - Les aveux de Michel Pial sont un choc.
31:21 - J'ai hurlé, quoi.
31:23 J'ai hurlé.
31:24 J'arrivais pas à...
31:27 Les larmes, elles arrivaient pas à couler.
31:29 Je pleurais à sec, quoi.
31:30 Je sais pas, je dis ça comme ça, c'est peut-être...
31:32 Mais...
31:33 Par contre, je hurlais.
31:34 Enfin, ça, je m'en rappelle bien.
31:36 J'ai beaucoup crié.
31:37 C'est...
31:39 De la rage, de la colère, de la...
31:41 De la peine, mais tellement de peine, quoi.
31:44 Tant de peine, quoi.
31:46 - C'est vraiment... C'est un effondrement total.
31:48 C'est...
31:49 Comme si, en fait, la gravité n'existait plus d'un coup.
31:52 Qu'on est projeté,
31:54 et que la gravité se met, mais fois 10,
31:56 et qu'on est...
31:57 Qu'on est enfoncé dans le sol.
31:58 - Il leur a pris leur mère, il leur a...
32:00 Il a pris...
32:01 Et lui a pris sa vie, quoi.
32:04 Il a pris mon ami, aussi.
32:07 - C'est...
32:11 C'est...
32:12 C'est...
32:13 C'est...
32:14 Il l'a tué.
32:15 Il l'a tué, il a été capable de...
32:18 De parler devant les caméras.
32:20 Depuis le début, il sait que c'est lui.
32:22 Mais quel est cet homme ?
32:24 Quelle espèce d'homme c'est ?
32:26 C'est...
32:27 Inimaginable.
32:28 Mais c'est la réalité qui nous explose en pleine face.
32:33 - Comment ce père de famille de 51 ans
32:38 a-t-il pu berner tout le monde pendant 81 jours ?
32:43 Avant d'épouser Karine, il a eu une autre vie.
32:46 - Michel Pial, on sait qu'il a eu d'autres enfants
32:52 et une autre compagne.
32:54 - Victor, son ex-beau-frère,
32:57 revient sur la psychologie de Michel Pial
33:00 et donne des éléments saisissants.
33:02 - On l'a rencontré en 96,
33:05 quand il a connu ma belle-sœur,
33:09 donc la sœur de mon épouse.
33:11 L'impression qu'il nous a donné assez vite,
33:13 c'est qu'il partait dans des délires.
33:15 Il nous parlait déjà de ses grands projets à millions.
33:19 Il était ventard.
33:21 Et on a tout de suite pensé à la mythomanie.
33:24 Très vite, il propose à sa compagne de s'installer en Martinique.
33:29 Là-bas naît leur première fille.
33:31 Le couple, à l'apparence heureuse,
33:36 se marie un an après leur rencontre.
33:38 Mais le beau-frère pense détecter ce qu'il appelle un imposteur.
33:42 - Il a jamais vraiment travaillé.
33:45 Les postes qu'il a eus n'ont pas duré longtemps.
33:48 Vraiment pas longtemps.
33:49 Il n'a pas arrêté d'arnaquer
33:51 tous ceux qu'il pouvait rencontrer.
33:54 Aller dans des hôtels, ne pas les payer.
33:56 Voilà, tout type d'arnaque.
33:58 Il a tout dépensé au casino,
34:00 jusqu'à aller au Resto du Coeur,
34:02 ensuite c'était les allocations familiales.
34:07 Voilà, c'est une arnaque.
34:10 L'héritage de ma belle-sœur, il a mis la main dessus.
34:14 Enfin, l'héritage des grands-parents qu'on faisait à ma belle-sœur.
34:18 Elle a tout perdu.
34:20 Il a tout dépensé au casino, quoi.
34:22 Victor nous révèle aussi que Michel Pial
34:25 possède un casier judiciaire bien fourni.
34:28 Au total, il a été condamné 11 fois.
34:32 Le plus souvent pour faux,
34:35 contrefaçon et escroquerie.
34:38 Lorsqu'il revient en métropole,
34:40 la situation financière du couple s'envenime.
34:43 Pire encore, Victor, l'ex-beau-frère,
34:47 nous révèle une scène très inquiétante.
34:50 Ça se passe à l'automne, donc 99.
34:53 Ils avaient fait une cueillette au champignon,
34:56 dans les bois.
34:58 Et au retour, il leur avait fait une omelette.
35:01 Il n'a pas mangé ni lui, ni fait manger à ma nièce, sa fille.
35:06 Ma belle-sœur nous dit qu'elle n'a jamais été aussi malade que ça.
35:10 Elle a cru qu'elle allait mourir.
35:12 De toute façon, c'est propre de moi.
35:14 Michel Pial aurait-il tenté d'empoisonner son ex-femme ?
35:19 À la lumière des événements actuels, celle-ci le craint.
35:23 Mais aujourd'hui, elle a presque plus de doute là-dessus, quoi.
35:27 Elle dit qu'il l'a fait volontairement.
35:31 Elle a bien fait de l'avoir quitté à l'époque.
35:34 Et qu'elle a conscience de peut-être avoir évité le pire.
35:39 Aristote Toussaint, qui assure également la défense de Michel Pial,
35:45 rappelle qu'aucune charge ne pèse contre son client concernant cette affaire.
35:49 Il n'a jamais fait l'objet de la moindre poursuite pour empoisonnement.
35:53 À ce stade, c'est des éléments qui sont rapportés par cette dernière
35:57 et que nous n'avons rien à dire, rien sur ce sujet-là dans la formation judiciaire en cours.
36:01 En 2002, Michel divorce de sa première femme.
36:06 Des problèmes d'alcool le poussent à entrer en cure.
36:09 C'est dans cette clinique psychiatrique de la région parisienne qu'il rencontre Karine.
36:15 Elle est suivie pour dépression.
36:19 Il noue une relation rapidement.
36:23 Il vient habiter avec elle sur Paris.
36:26 Je sens qu'elle reprend de la joie.
36:30 Il y a un espoir qui renaît.
36:32 Là, ils arrivent un jour un peu main dans la main comme ça,
36:35 comme des jeunes ados en disant "ça y est, on se lance, on a décidé,
36:41 on recrée une famille".
36:43 Et c'était parti.
36:45 Et Valouise arrive en mai 2003.
36:47 Donc vous voyez, ça a été très concentré, intense.
36:51 Après, il y a eu Jules, après il y a eu Bérénice, après il y a eu un mariage.
36:57 Un parcours assez typique et classique.
37:03 S'ils forment en apparence une famille heureuse,
37:07 les proches réalisent aujourd'hui que Michel Pial faisait peser une ambiance singulière au sein du foyer.
37:12 Je l'appelais la tour de contrôle Michel Pial.
37:14 Il contrôlait tout, c'est-à-dire qu'il contrôlait l'argent, il contrôlait les comptes,
37:18 il contrôlait les téléphones, il contrôlait les conversations,
37:21 les gens qu'on pouvait voir, il contrôlait absolument tout.
37:24 C'était un maniaque du contrôle.
37:26 Quand j'appelais, souvent c'est Michel qui décrochait.
37:29 À chaque fois qu'on s'appelait, il était là.
37:31 J'ai rarement parlé à ma sœur sans Michel derrière.
37:33 Il y a beaucoup d'éléments comme ça qui me poussent à croire
37:37 et qui m'assurent qu'elle était sous emprise,
37:40 qu'elle ne pouvait pas partir, qu'elle était piézée, mal liée par Michel Pial.
37:44 Pourtant, depuis plus de trois ans, le couple vit séparé, mais toujours sous le même toit.
37:50 Ma mère me disait qu'ils n'avaient plus aucune intimité,
37:53 qu'ils se faisaient la bise le matin en se levant,
37:56 qu'il n'y avait plus d'intimité entre eux, qu'ils étaient plus des colocataires.
37:59 Ils restaient vraiment pour un point de vue financier et pour les enfants.
38:02 Karine se serait-elle lassée de cette cohabitation ?
38:06 Avait-elle décidé de reprendre sa liberté ?
38:10 Si c'est le cas, cela pourrait constituer un mobile.
38:14 Face aux enquêteurs, le suspect conteste fermement cette hypothèse.
38:19 Pour Michel Pial, il s'agit d'un accident.
38:22 Mais cette thèse peine à convaincre.
38:25 Honnêtement, non. J'y crois pas une seule seconde.
38:29 L'accident, il n'y a rien qui est cohérent.
38:31 Le fait qu'il y ait une arme, qu'elle soit chargée, qu'il y ait un silencieux,
38:34 qu'elle passe pile à ce moment-là, que lui tire, qu'il est là.
38:38 Déjà, elle avait la phobie des armes.
38:41 Elle voulait qu'une chose, c'est qu'il s'en débarrasse.
38:43 Déjà, pour commencer, jamais elle serait passée à côté.
38:46 Ça ne restait jamais dans la même thèse qu'une arme.
38:48 Donc déjà, rien que ça, ça colle pas.
38:50 L'autopsie pratiquée sur le corps de Karine confirme que la balle a touché le flanc.
38:56 Mais pour l'heure, impossible d'en déduire qu'il s'agit d'un tir volontaire.
39:01 C'est donc l'étude de l'arme qui pourrait livrer des informations décisives.
39:06 Pour Maître Carole Verdu, avocate de la partie civile, la clé du mystère se trouve là.
39:15 - Lorsqu'on manipule une arme dans une maison, on vérifie quand même que tout est vide.
39:22 Lui dit le chargeur était vide, mais finalement, il y avait une balle dedans.
39:25 Ça veut dire que finalement, il aurait pu tuer un gosse, pour que ce soit clair.
39:28 Grâce aux indications de Michel Pial,
39:31 les gendarmes retrouvent dans la rivière deux chargeurs et un silencieux.
39:36 Et trois jours plus tard, le 29 juin, une promeneuse découvre l'arme dans les environs,
39:42 une carabine 22 long-rifle.
39:44 Malgré l'humidité, le fusil est en bon état.
39:48 L'arme qui a causé la mort de Karine va-t-elle parler ?
39:52 En tout cas, l'élément qui pose question, c'est un accessoire, le silencieux.
39:59 - Bien sûr, le silencieux, c'est un terpel.
40:02 En tout cas, ce n'est pas dans ce genre de dossier qu'on voit des silencieux, d'habitude.
40:05 On est d'accord ?
40:06 - Sur une arme, pareil, sur du 22 long-rifle, ça n'a pas tellement d'intérêt,
40:10 encore moins dans un stand de tir, puisqu'on est là pour tirer et faire du bruit.
40:15 Donc, ça n'a pas forcément d'intérêt d'avoir un silencieux à ce moment-là.
40:18 Après, lui disait que c'était pour la revente, donc peut-être que ça peut être une explication.
40:23 - Et je pense qu'on va découvrir que tout n'est pas arrivé par hasard.
40:26 Et la présence du silencieux, déjà, interpelle énormément, en effet.
40:30 Les enquêteurs cherchent désormais à savoir si la thèse de l'accident défendue par Michel Pial tient la route
40:37 ou si, une fois encore, il leur ment.
40:40 La présence d'un silencieux met à mal sa version des faits.
40:44 Pour la justice, il pourrait même signer la preuve d'une préméditation.
40:48 Et ce n'est pas le seul élément qui poserait la question d'un acte prémédité.
40:52 Il y aurait aussi le fameux SMS envoyé du téléphone de Karine sur le port de la police.
40:59 Karine, sur le portable de son mari le 14 mars, puis effacé.
41:03 Un mystère que devront résoudre les enquêteurs.
41:07 Mais pourquoi Michel Pial aurait-il voulu assassiner son épouse ?
41:11 Pour l'heure, rien ne semble expliquer ce geste.
41:15 - Et le mobile, on ne l'a pas, le mobile de ce crime, on ne l'a pas.
41:19 Le mobile est peut-être multiple, mais est-ce que c'est parce qu'elle voulait le quitter ?
41:24 Est-ce que... En fait, on n'en sait rien.
41:27 Peut-être qu'elle était en train de préparer un départ,
41:30 peut-être qu'elle était sur le point de partir ou qu'elle avait évoqué ça.
41:33 Après trois mois d'enquête,
41:39 Michel Pial a bien avoué être à l'origine de la mort de Karine.
41:42 Mais des questions demeurent.
41:44 - Pour résumer les zones d'ombre qui restent,
41:48 c'est l'utilisation de ce silencieux qui pose vraiment question.
41:52 Est-ce que c'est un accident à proprement parler ?
41:57 Pourquoi il a mis si longtemps avant de passer aux aveux ?
42:02 Et est-ce qu'il avait prémédité son geste avec ce fameux message ?
42:07 - Maintenant, il va falloir qu'il réponde aux questions.
42:09 Donc j'ai hâte que ces questions soient posées et qu'on ait les réponses.
42:12 Pourquoi tant de maladresse ? Quel était son but ?
42:16 Et puis surtout pour mes clients qui ont besoin d'avoir des réponses.
42:19 Le 1er juillet 2023,
42:22 la famille de Karine Esquivillon organise une marche blanche.
42:25 300 personnes se retrouvent sur un parcours
42:28 qui les mène du hameau de la famille jusqu'à l'église du village.
42:32 Un moment de recueillement et d'hommage en mémoire de Karine.
42:36 - Je pense que Karine, qui était très croyante,
42:45 qui avait beaucoup de foi, c'est ce qu'elle aurait choisi.
42:50 Et puis qu'il y aura un recueillement avec un petit hôtel
42:52 où on peut déposer une fleur, une prière, une bougie.
42:57 Ou juste déposer la classe à présence.
43:02 Les obsèques ont lieu 3 jours plus tard à Maché.
43:08 Karine est inhumée dans le cimetière de la ville en petit comité.
43:12 Elle avait confié sa volonté d'être incinérée.
43:16 Mais les besoins de l'enquête l'empêchent.
43:20 De nouvelles expertises pourraient nécessiter l'exhumation du corps,
43:23 une épreuve de plus pour la famille.
43:26 - C'est du mal à réaliser.
43:31 Et pourtant, je le sais, je l'entends.
43:34 Je sais que quelqu'un de mort, c'est quelqu'un qu'on touchera plus,
43:38 qu'on ne serrera plus dans ses bras.
43:39 Tout ça, j'en ai conscience.
43:41 Mais il va falloir que j'apprenne à vivre sans.
43:49 Je m'en remets pas.
43:50 J'y pense encore beaucoup et ça m'empêche encore de dormir.
43:55 Depuis le 16 juin 2023,
43:59 Michel Piel est mis en examen pour meurtre sur conjoint.
44:02 Il est placé en détention provisoire au centre pénitentiaire de Nantes.
44:07 Un détenu dont la présence médiatique a laissé des traces,
44:10 au point de faire l'objet de toutes les attentions.
44:13 Comme sur cette vidéo parue sur les réseaux sociaux,
44:17 on le voit filmer alors qu'il traverse la cour de la prison.
44:20 Je dirais qu'aujourd'hui, c'est plus mon père, honnêtement.
44:26 C'est...
44:27 À l'époque, ça a été mon père, certes.
44:30 Malgré son maniaque du contrôle, malgré son côté très pervers,
44:34 son côté très narcissique, son côté mythomane,
44:37 parce qu'il a toujours menti,
44:38 c'est parti sur des petits mensonges à des mensonges...
44:41 énormes comme celui-là.
44:42 Donc vraiment, au niveau mensonges, j'ai entendu de tout.
44:46 Mais ça restait malgré tout mon père.
44:48 Là, avec ce qu'il a fait, non.
44:50 C'est impardonnable, honnêtement, en toute honnêteté,
44:52 c'est impardonnable, ce qu'il a fait.
44:54 Ça ne l'est plus.
44:56 Et ce que je ressens aujourd'hui, c'est...
44:58 beaucoup de tristesse.
45:00 Énormément de tristesse.
45:02 Et de la colère envers lui.
45:04 Beaucoup de colère.
45:05 Même s'il a avoué,
45:07 Michel Pial reste présumé innocent.
45:10 Son procès n'aura pas lieu avant 2 ou 3 ans.
45:14 L'audience devra permettre au juré de répondre
45:16 à la question qui reste en suspens.
45:18 La disparition de Karine est-elle un accident,
45:21 comme l'affirme le suspect ?
45:22 Michel Pial risque jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité
45:27 s'il est reconnu coupable du meurtre de sa femme.
45:30 Sous-titrage Société Radio-Canada
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45:35 [Musique]