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IL EMPOISONNE SES PARENTS À L'ARSENIC⚠️ _ Sur la scène du Crime _ Épisode entier

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00:00 L'affaire qui suit relate des faits réels dont le déroulement est illustré par des reconstitutions.
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00:43 #REDOUTE
00:55 Musique pesante
01:09 ...
01:20 -Le 9 octobre 2001, vers 22h,
01:23 Gabriel Labrel est pris de violents vomissements et de diarrhées aigües.
01:27 Une heure plus tard, Pierre, son époux, subit les mêmes symptômes.
01:31 Ils sont conduits aux urgences de Tannes, en Alsace.
01:34 Commence alors une agonie d'une rare violence.
01:37 Gabriel décède la nuit même. Pierre meurt trois jours plus tard.
01:40 Ils avaient 64 et 66 ans.
01:42 ...
01:45 -Monsieur et madame Labrel meurent dans des conditions atroces.
01:49 Ce sont des douleurs abdominales, des diarrhées, etc.,
01:53 avec une sensation dans la bouche très désagréable.
01:58 -Pierre et Gabriel ont souffert de façon épouvantable
02:02 au plan physique.
02:04 Les souffrances ont été atroces.
02:07 Je dois dire que, notamment, les infirmières
02:10 qui avaient prodigué les soins à ces moribonds,
02:13 ces infirmières étaient encore bouleversées.
02:16 -La violence des symptômes et la mort relativement rapide
02:21 les surprennent, oui.
02:22 ...
02:24 -Les médecins pensent à une intoxication alimentaire.
02:27 Mais la douleur et l'agonie du couple choquent le personnel de l'hôpital.
02:31 ...
02:32 -Les gens étaient complètement costernés,
02:36 étonnés par rapport à ce tableau
02:41 auquel ils étaient confrontés,
02:44 sachant qu'on parlait d'une intoxication,
02:46 mais ils ne comprenaient pas qu'on puisse mourir aussi rapidement.
02:49 ...
02:51 -Tous les traitements qui étaient administrés,
02:54 aucun ne réussissait.
02:55 Ils se retrouvaient devant un cas jamais vu.
02:59 -Apparemment, tout le staff médical a été très surpris
03:03 de la gravité des faits et de la rapidité,
03:05 surtout du décès de Mme Lambrel.
03:07 Rarement une personne était morte d'intoxication alimentaire
03:11 à cette vitesse.
03:12 Par contre, ils n'ont pas d'explication.
03:15 Même le papa, quand il sera transporté à Milhouse,
03:17 ce sera de nouvelles équipes médicales
03:19 qui le prendront en charge,
03:21 ils n'arriveront pas à déterminer de quoi il est mort.
03:24 Même lui, il se pose la question sur son lit de mort.
03:27 Il se demande ce qui est arrivé, ce qui est arrivé à sa femme.
03:30 Il ne peut pas l'expliquer.
03:31 -On est dans une situation où deux personnes
03:34 présentent de façon quasi simultanée
03:37 un tableau clinique très particulier,
03:40 c'est-à-dire des vomissements, des vertiges,
03:44 des nausées, une sensation de mal-être
03:46 et des douleurs abdominales,
03:48 c'est-à-dire au niveau de l'estomac et de l'intestin,
03:50 très marquées.
03:52 Il n'est pas acceptable, sur le plan médical,
03:54 que deux personnes en même temps
03:56 présentent des troubles qu'on n'arrive pas à expliquer.
03:59 -Pour les médecins,
04:00 deux morts rapides violentes dans une même famille
04:03 à quelques jours d'intervalle, c'est suspect.
04:06 Ils cherchent à savoir ce qui aurait pu causer
04:08 de telles souffrances.
04:10 Une autopsie médicale est réalisée sur les corps des époux labrelles.
04:14 ...
04:16 -La règle, c'est que lorsqu'on ne s'explique pas une mort,
04:20 surtout brutale,
04:22 survenant dans un contexte
04:25 où la personne était plutôt en bonne santé,
04:28 jusque-là, à ce moment-là,
04:30 il faut considérer que cette mort, pour reprendre l'expression,
04:34 est une mort suspecte.
04:35 À ce moment-là, on peut faire une autopsie médicale
04:39 pour essayer de trouver une cause complémentaire
04:43 qui explique la mort.
04:45 Lorsqu'on pense à une intoxication alimentaire,
04:48 le premier prélèvement à faire,
04:51 c'est le prélèvement du contenu gastrique.
04:53 -Du sang et de l'urine sont également prélevés.
04:56 C'est le laboratoire de toxicologie de Strasbourg
04:59 qui se charge des analyses.
05:00 Les résultats obtenus sèment le trouble au corps médical.
05:03 L'analyse bactériologique est négative.
05:06 Les labrelles n'ont pas succombé à une intoxication alimentaire.
05:09 ...
05:11 -Donc, cette piste, la piste d'une intoxication alimentaire classique,
05:15 doit très rapidement être abandonnée.
05:17 -Comme dans tous les cas d'intoxication alimentaire,
05:20 la DAS, Direction départementale des affaires sanitaires et sociales,
05:23 mène son enquête.
05:25 Il s'agit d'établir le dernier repas des labrelles
05:27 et d'analyser les aliments suspects.
05:29 -On a réussi, en fait, à prouver que les époux labrelles
05:33 avaient mangé tous les deux du bibaracas
05:35 lors de cette soirée du 9 octobre 2001.
05:37 ...
05:40 -C'est une spécialité régionale
05:42 à base de fromage blanc, d'ail et de fines herbes,
05:45 servie habituellement avec des pommes de terre.
05:48 -Le plat unique, apparemment, qui a été pris le soir,
05:53 M. Labrelle, par la suite, avant son décès,
05:56 quand il a été hospitalisé à Mulhouse,
05:59 a donné des indications là-dessus et a donné des détails du repas.
06:03 -Mme Labrelle en a mangé beaucoup plus que son mari,
06:06 ce qui peut expliquer qu'il a mis plus de temps
06:08 à mourir que son épouse.
06:10 -Les restes du plat sont retrouvés dans la poubelle
06:13 par le fils Arnaud.
06:14 Mais là encore, les analyses conclutent
06:17 qu'il a une absence de toxines.
06:19 Le bibaracas n'est pas mis en cause.
06:21 ...
06:24 Un couple en bonne santé qui meurt subitement après dîner.
06:27 Des analyses de leur sang et de leur repas
06:30 qui écartent l'idée d'une intoxication alimentaire.
06:33 Enfin, des autopsies blanches,
06:34 c'est-à-dire des autopsies qui n'expliquent pas les décès.
06:38 Gabriel et Pierre Labrelle sont inhumés le 17 octobre
06:41 sans que la cause de leur mort ne soit connue.
06:43 ...
06:46 -Après le corps médical,
06:47 c'est la justice qui s'intéresse au décès de ce couple.
06:50 Le parquet ordonne une enquête préliminaire.
06:53 Celle-ci est confiée à la brigade de gendarmerie de Tannes,
06:56 la ville dont sont originaires les Labrelles.
06:59 Les proches et les membres de la famille sont entendus.
07:02 Pour eux aussi, ces morts sont incompréhensibles.
07:04 Le premier à faire part de ces soupçons,
07:07 c'est Philippe Ziegler, le fiol de Gabriel.
07:09 -Dès que j'ai appris, eu connaissance,
07:12 de la mort de Pierre,
07:14 qui faisait suite, donc, trois jours après, au décès de Gabi.
07:17 Là, je me suis posé de vraies questions,
07:21 en disant que ça ne peut pas être une intoxication alimentaire banale.
07:26 Je...
07:27 Il y a quelque chose derrière.
07:29 Il y a quand même deux personnes qui ont laissé leur vie
07:32 dans cette affaire-là. Il faut chercher plus loin.
07:35 -Une enquête de personnalité débute
07:38 pour en savoir plus sur le couple Labrelle.
07:41 Qui sont Pierre et Gabriel ?
07:43 Qu'est-ce qui pourrait expliquer cette mort soudaine
07:45 que la médecine ne comprend pas ?
07:47 -Les Labrelles, ce sont des retraités très joviaux,
07:50 qui n'ont pas de soucis particuliers,
07:53 très appréciés dans leur milieu professionnel à l'époque,
07:56 et amical.
07:58 Musique douce
08:00 ...
08:03 -Lui avait 66 ans, elle, 64 ans.
08:06 Ils étaient mariés depuis de nombreuses années.
08:09 De leur union sont nés, en fait, deux enfants.
08:12 -Je connaissais la famille Labrelle depuis longtemps déjà.
08:16 Des gens charmants, des gens gentils.
08:19 Un homme qui avait beaucoup travaillé dans son existence.
08:22 -Il avait repris un peu l'affaire de ses parents,
08:25 qui avait une graine de prix,
08:27 mais il a travaillé aussi
08:28 comme représentant de produits de droguerie.
08:32 Il avait constitué une petite société de cadeaux d'affaires
08:36 pendant un certain temps,
08:38 mais connaissant pas mal d'ennuis de santé,
08:41 donc il était...
08:42 Il ne travaillait plus les dernières années.
08:44 Quant à Gabrielle, Gabi, ma marraine,
08:48 elle, elle était, comment dirais-je,
08:52 au service comptable des produits chimiques de Tannes,
08:56 qui est une grosse usine chimique de la région,
08:58 et elle avait pris sa retraite à 60 ans.
09:02 -Ce couple vivait dans cette petite ville de Tannes.
09:05 Ils étaient bien intégrés, estimés, appréciés.
09:08 Vraiment des gens simples et de grande qualité,
09:11 des gens attachants.
09:12 -C'était une vie de famille où on aimait bien la bonne cuisine,
09:16 on aimait bien sortir, aller dans la nature.
09:18 Gabrielle aimait bien faire ses confitures,
09:21 il y avait du jardinage.
09:23 Il y avait beaucoup de monde qui venait dans cette maison,
09:26 d'amis ou la famille,
09:28 donc ils avaient des rapports quand même très conviviaux,
09:31 des gens qui aiment la vie, quoi.
09:34 -M. Labrel, apparemment un peu plus bourré que son épouse,
09:37 qui, elle, était très appréciée
09:39 par plein de gens qu'elle côtoyait dans le milieu associatif à Tannes,
09:43 mais des gens sans histoire.
09:44 -Les enquêteurs apprennent que les époux Labrel ont deux enfants.
09:49 L'aînée, Florence, a 36 ans.
09:51 Elle est mariée et mère de trois enfants.
09:54 -Florence Labrel, j'ai des souvenirs assez lointains,
09:59 puisqu'elle était toute petite fille
10:02 lorsque je venais passer moi-même quelques journées en Alsace,
10:07 et le courant passait très bien entre nous.
10:10 Elle était déjà très intelligente,
10:13 elle s'intéressait à beaucoup de choses,
10:15 elle posait beaucoup de questions,
10:17 mais elle était surtout très attentionnée
10:20 avec ses interlocuteurs, déjà petite.
10:23 -Florence est une jeune femme sensible.
10:28 Elle est une jeune femme droite,
10:31 elle est mariée, elle a des enfants.
10:34 Elle a tenté de constituer
10:38 son existence familiale et professionnelle.
10:41 Elle avait énormément, beaucoup d'affection pour ses parents.
10:46 -Gabie, sa maman, venait garder ses enfants très souvent,
10:49 donc il y avait des rapports très étroits
10:53 entre Gabie et Florence,
10:56 et j'ajouterais aussi avec Pierre,
10:58 qui avait une admiration pour sa fille,
11:01 comme beaucoup de pères,
11:03 elle avait aussi des raisons de le rendre fière,
11:06 puisqu'elle avait parfaitement réussi de belles études.
11:10 -C'était la fierté de la famille,
11:12 elle avait réussi tout dans sa vie,
11:14 à part un divorce, évidemment,
11:16 mais elle avait fait sa vie, elle avait eu trois enfants,
11:20 trois enfants qui étaient chéris par ses grands-parents.
11:23 -L'esprit très filial, familial,
11:26 faisait que les rapports étaient excellents
11:28 entre les parents et Florence, la bref.
11:31 -Quant au cadet, Arnaud,
11:33 il a neuf ans de moins que sa soeur Florence.
11:36 ...
11:40 -Les amis proches de Arnaud
11:42 le décrivaient comme quelqu'un d'intelligent,
11:46 de convivial,
11:47 et très agréable à vivre.
11:51 -Il avait trouvé un travail d'aide-éducateur
11:54 au collège de Maizevaux.
11:56 Il avait monté un club d'échecs, à un moment,
11:59 et ça, ça le passionnait, les échecs étaient une de ses passions.
12:02 -Je crois que quand il avait un projet,
12:04 il essayait de le mener à bien, surtout au niveau des enfants.
12:07 Un jeune qui aimait aussi les échecs,
12:10 qui aimait les sorties,
12:11 il a fait un tour de France avec...
12:16 à deux chevaux, si mes souvenirs sont exacts,
12:18 et puis, quand il était en société,
12:22 je veux dire, auprès des jeunes, il passait bien.
12:25 -Il a une activité professionnelle, mais qui, semble-t-il, n'est pas pérenne,
12:29 il a des difficultés financières, comme il en a depuis très longtemps,
12:33 et il est très dépendant financièrement, matériellement, de ses parents.
12:36 Il vit quasiment à mi-temps chez ses parents.
12:38 En tout cas, il y va plusieurs fois dans la semaine
12:40 pour y dormir, pour se nourrir.
12:42 -Arnaud n'a pas vraiment quitté le domicile familial.
12:45 Il était donc là le soir de l'hospitalisation de ses parents.
12:48 -Il est très affecté de voir sa maman dans cet état-là.
12:52 Il est surpris parce qu'apparemment, sa maman,
12:54 jusqu'à cette date-là, avait une santé relativement bonne,
12:58 sans antécédents médicaux.
12:59 La mort de sa maman, apparemment, est vécue de façon très...
13:03 très difficile. C'est un moment de souffrance pour lui.
13:06 -Les gendarmes dressent le portrait d'un couple de retraités
13:10 en bonne santé, sans histoire.
13:12 Appréciés de leur entourage,
13:13 Pierre et Gabrielle partagent leur temps
13:15 entre vie associative et vie de famille.
13:18 A ce stade de l'enquête, rien ne permet d'imaginer le drame
13:21 qui s'est joué le 9 octobre 2001.
13:23 Une révélation va pourtant mettre les enquêteurs
13:26 sur une première piste.
13:27 Ils découvrent qu'Arnaud, le fils des Labrelle,
13:30 mène sa propre enquête sur la mort de ses parents.
13:33 Il est le premier à se demander si Pierre et Gabrielle
13:36 n'auraient pas été empoisonnés.
13:37 Il va jusqu'à évoquer l'arsenic.
13:39 -C'est Arnaud Labrelle qui évoque pour la première fois l'arsenic.
13:43 Il l'appelle un membre de la famille,
13:45 M. Diegler, qui est le fiole de la défainte Gabrielle Labrelle.
13:49 -Il nous parle d'arsenic en disant
13:51 "Si de toute façon, ils ont été empoisonnés à l'arsenic,
13:54 "j'ai étudié les poisons, j'ai fait des recherches sur Internet,
13:58 "et ça, l'arsenic laisse des traces dans l'organisme,
14:01 "on devrait le trouver."
14:02 -Il avait pensé à un empoisonnement et il expliquait
14:05 qu'il avait cherché dans la littérature
14:08 à laquelle il pouvait avoir accès,
14:10 ce qu'il était possible, ce qu'il existait comme poison
14:13 et pourquoi on pouvait présenter les symptômes
14:16 que ses parents avaient présentés.
14:18 Musique douce
14:19 -Alors que le fils des Labrelle oriente les enquêteurs
14:23 sur une éventuelle intoxication à l'arsenic,
14:25 les médecins continuent de s'interroger
14:27 sur les causes des décès.
14:29 -Et on est face à un mur.
14:31 On est face à un mur parce que tout ce qu'on savait faire,
14:35 on l'a fait et on l'a toujours pas trouvé
14:38 et on est tous intimement persuadés
14:41 qu'il y a un toxique là-dessous.
14:44 Il nous reste une dernière solution
14:47 qu'on n'a pas du tout envisagée,
14:49 c'est l'analyse des métaux lourds.
14:51 -Les métaux lourds, ce sont des produits toxiques
14:54 tels que le plomb, le mercure ou l'arsenic.
14:57 Les Labrelle auraient-ils pu en ingérer
14:59 ou en inhaler sans le savoir ?
15:01 Seuls quelques laboratoires effectuent ce type d'analyse,
15:04 dont celui du professeur Goulet au Havre.
15:06 -Le professeur Goulet reçoit des échantillons de sang et d'urine,
15:11 est intrigué également par la symptomatologie,
15:14 puisqu'on en a discuté par téléphone,
15:16 fait les analyses en un temps record
15:19 et je crois que le lendemain ou le surlendemain,
15:22 il m'appelle et me dit que c'est la cause du décès,
15:25 un empoisonnement à l'arsenic,
15:26 avec des concentrations massives dans les urines
15:29 et dans le sang de chacune des deux victimes.
15:33 -Les résultats confirment les doutes
15:35 du fils des victimes et des médecins.
15:37 Les Labrelle ont bien été intoxiquées à l'arsenic.
15:40 Une découverte qui explique l'agonie du couple
15:43 et cette fin si violente.
15:44 L'affaire prend un nouveau tournant.
15:47 Le 3 décembre 2001,
15:49 une information judiciaire est ouverte contre X pour empoisonnement.
15:52 La brigade de recherche de Mulhouse reprend le dossier.
15:55 Une nouvelle enquête peut commencer.
15:58 -Dès qu'on a eu l'information qu'il s'agissait d'arsenic,
16:03 bien entendu, avec mes collègues,
16:05 nous étions déjà, d'une part, étonnés
16:09 et d'une part, nous avons tout de suite pensé
16:13 que nous avons une enquête difficile à solutionner, à résoudre.
16:18 Evidemment, le crime d'empoisonnement n'est pas courant.
16:21 C'est un crime très difficile à résoudre
16:24 et notamment à avoir des preuves à apporter
16:27 pour ce genre de dossier.
16:29 -Disons que ça nous a obligés à faire des recherches
16:32 pour savoir ce que c'était vraiment l'arsenic,
16:35 ce que ça pouvait entraîner, où on pouvait trouver de l'arsenic,
16:38 comment en général c'était administré et par qui.
16:41 C'était ça, en fait. On se posait beaucoup de questions sur ça.
16:45 -Cet adjudant découvre qu'il s'agit d'un poison violent
16:48 et mortel à très faible dose.
16:49 Présent à l'état naturel dans le sol,
16:52 l'arsenic a longtemps été utilisé
16:53 dans les produits chimiques de type pesticides et raticides.
16:57 -Mon sentiment, quand j'ai reçu cette enquête,
16:59 avec mon collègue, c'est que ça pouvait prendre deux tournures.
17:03 Soit on aurait des aveux rapidement de telle et telle personne
17:08 ou des témoignages qui mettent en cause un tel de façon formelle.
17:12 Dans ce cas-là, ça allait durer le temps d'une enquête "normale".
17:16 Et sinon, il y avait la deuxième tournure,
17:18 qui, là...
17:19 C'est celle qui a eu lieu, en fait.
17:22 L'enquête allait durer un certain temps, même très longtemps.
17:26 Pourquoi ? Parce qu'il fallait explorer toutes les pistes.
17:29 -Plusieurs hypothèses se dessinent alors.
17:32 -On a travaillé sur la thèse du rôdeur,
17:34 une personne quelconque qui passait par là
17:36 et qui a eu l'idée de mettre de l'arsenic
17:39 dans la nourriture des époux.
17:41 On avait la thèse accidentelle,
17:45 on savait pas si le sol était imprégné d'arsenic,
17:48 c'est tout à fait possible,
17:49 ou qu'il y a eu un problème dans le réseau d'assainissement,
17:52 dans l'eau, etc., de la propriété.
17:54 Et enfin, le lieu familial,
17:56 qui était le plus gros à travailler.
18:00 -Pour les enquêteurs, il s'agit d'aller vite.
18:03 Trouver des preuves matérielles est une priorité.
18:06 Ils savent que le couple a été empoisonné,
18:08 mais leur mort remonte à deux mois
18:10 et leur maison n'a toujours pas été inspectée.
18:13 -Le 11 décembre 2001,
18:15 8 jours après la reprise en main de l'affaire
18:17 par la brigade de Mulhouse,
18:19 plusieurs perquisitions sont organisées simultanément,
18:22 au domicile d'Ellabrelle ainsi que chez leurs deux enfants.
18:25 -Il a été décidé de lancer une grosse opération judiciaire
18:28 le 11 décembre pour, premièrement,
18:31 obtenir le maximum de renseignements
18:33 en un temps assez court.
18:35 -Il fallait ne pas perdre de temps et agir vite
18:38 pour délouer toute cette information.
18:41 -Il a été décidé d'effectuer trois perquisitions,
18:44 donc domicile de Arnaud et de son colocataire,
18:48 au domicile des parents et au domicile de Florence.
18:52 Le but de ces perquisitions était de trouver des éléments
18:55 qui pouvaient orienter notre enquête.
18:57 -Mais lorsque les enquêteurs et les techniciens
19:00 en identification criminelle arrivent,
19:02 une surprise les attend.
19:03 -Lorsqu'on arrive à la maison des époux d'Ellabrelle,
19:07 ce 11 décembre 2001,
19:11 on est frappé par le désordre dans la maison.
19:14 -Tout est retourné, les tiroirs vidés,
19:17 l'alcool, les médicaments.
19:19 Il y a une foule de papiers,
19:20 une multitude de papiers qui ont été jetés dans la piscine.
19:24 La maison est complètement en-dessus de tout.
19:27 -Le fils qui est avec nous, qui nous accompagne,
19:30 nous explique que c'est lui qui a vidé les tiroirs,
19:33 qui a voulu faire de l'ordre dans la maison,
19:35 la dépersonnaliser.
19:37 Il faut bien savoir qu'il est resté un mois dans la maison
19:40 après le décès de ses parents et cette fameuse perquisition.
19:43 -Dans les semaines qui ont suivi le décès de ses parents,
19:47 il a été très perturbé psychologiquement.
19:49 Certains témoins disaient qu'il avait bu.
19:51 Tout ça, c'était pour essayer d'échapper à la douleur
19:54 et à ce qui venait de se passer.
19:56 Il a mangé tout ce qu'il a trouvé dans la maison.
19:59 Il a voulu goûter tous les aliments ingérés par ses parents.
20:02 -On apprend qu'Arnaud vit très mal le décès de ses parents.
20:06 Après l'enterrement, il s'est cloîtré dans la maison familiale.
20:09 Il conduira à un hôpital psychiatrique pendant une semaine.
20:12 Après les premières constatations, place au prélèvement.
20:16 La priorité des experts, c'est la recherche d'arsenic.
20:19 A l'aide d'un aspirateur spécial, le Yonscan,
20:22 il prélève des particules de poussière
20:24 dans les affaires personnelles d'Elabrel
20:26 afin d'y détecter le poison.
20:28 -C'est simplement un aspirateur avec, au bout,
20:31 une membrane de cellulose qui va retenir toutes les particules.
20:34 Ces particules, ensuite, vont être dissoutes
20:37 dans de l'acide nitrique et envoyées dans des machines
20:40 exactement les mêmes qui servent à doser l'arsenic
20:43 dans le sang, les urines, les cheveux.
20:45 -L'arsenic est très volatile.
20:47 Les experts cherchent à savoir s'il y a des traces de ce poison
20:51 dans la maison d'Elabrel.
20:52 Plusieurs éléments sont mis sous scellée.
20:55 Un tapis, des draps, de la vaisselle et des aliments.
20:58 Les mêmes prélèvements sont effectués
21:00 au domicile d'Arnaud et de sa sœur Florence.
21:02 La première piste que souhaitent écarter les enquêteurs,
21:06 c'est celle de l'accident.
21:07 L'arsenic est parfois présent dans le sol
21:10 et on sait que les Labrels cultivent leurs propres légumes.
21:13 -On trouve de l'arsenic à l'état naturel,
21:15 en particulier dans le Sumgo, dans le sud de l'Alsace.
21:18 Il peut y avoir des contaminations,
21:20 ou en tout cas, il y en a eu par de l'arsenic.
21:23 -Ils auraient pu être intoxiqués de manière accidentelle.
21:26 Pour écarter cette thèse, des prélèvements ont été faits
21:30 dans la terre, analysés par l'INRA,
21:32 qui se sont révélés négatifs.
21:34 -Il y a un arsenic anormalement élevé dans le sol.
21:36 -Donc, là encore, la thèse accidentelle est écartée.
21:40 -Les analyses sont formelles.
21:42 Pas de traces d'arsenic dans le sol.
21:44 L'intoxication des Labrels n'est pas un accident.
21:47 Pour les enquêteurs, le champ d'investigation se réduit.
21:50 Il s'agit d'un empoisonnement et le criminel est forcément improche.
21:54 -On ne peut pas être empoisonné par hasard.
21:57 C'est par quelqu'un qui est proche
22:00 ou qui a accès à vous, à vos habitudes,
22:04 et notamment à vos aliments,
22:06 parce que la plupart des poisons sont ingérés par la personne.
22:10 -L'enquête se recentre alors sur l'entourage familial.
22:13 -Nous avons échafaudé rapidement l'hypothèse
22:17 de la culpabilité des enfants,
22:20 d'un des enfants, en l'occurrence Arnaud ou Florence.
22:24 -Alors, soit c'est Florence, soit c'est Arnaud,
22:27 soit ce sont les deux de concert,
22:29 mais il est certain que l'action criminelle
22:32 est proche des victimes,
22:34 qui a accès à leur vie quotidienne, à leur nourriture, etc.
22:38 -Les auditions de Florence et Arnaud commencent.
22:41 Tour à tour, ils sont entendus sur leur emploi du temps
22:44 et sur les faits.
22:45 -Florence nous expliquera qu'elle est restée
22:48 toute la journée chez elle.
22:50 Nous donnerons la confirmation par rapport à des écoutes
22:53 téléphoniques et par rapport à l'audition,
22:56 témoignage de la gouvernante, etc.
22:58 -De son côté, Arnaud raconte être passé au domicile
23:02 de ses parents le 9 octobre.
23:04 -Arnaud devait se rendre avec un ami à Masveau,
23:07 dans la vallée de Masveau.
23:09 Munoz-Masveau, on passe pas par Tannes.
23:12 En cours de route, il fait un crochet
23:14 pour se rendre au domicile de ses parents.
23:16 Alors, il prétexte à son copain
23:20 le fait d'aller récupérer une revue d'échecs à la maison.
23:25 -Mais les enquêteurs s'aperçoivent
23:27 qu'Arnaud n'a jamais pris ce magazine d'échecs
23:30 et qu'en plus, il n'avait aucun tournoi le lendemain.
23:32 -Il repart,
23:35 il repasse encore quelques heures en présence d'amis
23:38 et il revient dans la soirée aux alentours de 22h30, je crois.
23:42 -Et là, il voit que sa mère est en train de...
23:45 de stort dans tous les sens sur son lit.
23:48 Il reconnaît apparemment le docteur Stöckel
23:51 et qu'il lui explique que sa mère se sent atrocement mal
23:54 et qu'il est en cours de l'affaire hospitalisée d'urgence
23:57 à l'hôpital de Tannes.
23:59 -Quand on s'y arrive, il les prend en partie,
24:01 il crie après tout le monde.
24:03 Et puis, ensuite, pendant que sa mère est en cours d'évacuation,
24:07 il va dans la cuisine et se fait manger.
24:09 -Il dira plus tard "J'étais bourré, j'avais fumé un joint,
24:12 "ben, voilà, j'avais faim,
24:15 "n'importe qui dans ces circonstances-là
24:17 "se ferait à manger."
24:18 -Après, il reste avec son père
24:20 et son père, à un moment donné, lui dit
24:22 qu'il commence à se sentir mal, comme sa mère aussi,
24:25 et dans le même temps, il reçoit le coup de fil du docteur Stöckel
24:29 qui se trouve à Tannes, il lui explique que son père se sent mal.
24:32 -Tandis que son père agonise,
24:35 lui, apparemment, ensuite, il fait le ménage.
24:38 Il est pris de passions ménagères
24:41 et il fait le ménage, il nettoie les traces de vomi.
24:44 -De nombreuses zones d'ombre apparaissent
24:46 dans le récit d'Arnaud.
24:48 Les enquêteurs se demandent pourquoi le jeune homme
24:50 fait un détour par Tannes le soir des fées.
24:53 Son comportement intrigue.
24:54 Il décide de l'interroger plus longuement.
24:57 La compétition se transforme en garde à vue.
24:59 -Sa garde à vue, je la vis difficilement
25:02 parce qu'il souffre du décès de ses parents,
25:06 qu'il ne comprend pas qu'il soit le suspect numéro un
25:09 à ce moment-là.
25:10 -Pendant plusieurs heures, Arnaud revient en détail
25:13 sur sa soirée du 9 octobre, sur le choc de voir mourir sa mère.
25:16 Puis il commence à évoquer ses parents.
25:19 Selon lui, Gabriel et Pierre ne sont pas le couple sans histoire.
25:22 -Arnaud Labrel nous a parlé de suicide,
25:25 donc que les parents auraient pu se suicider.
25:28 Il a avancé l'hypothèse que Mme Labrel aurait eu un amant,
25:32 que son père avait beaucoup de problèmes de santé,
25:35 même très graves.
25:36 -Son père, apparemment, avait eu des problèmes de santé
25:39 dans le passé, qu'il a eu à deux ou trois occasions
25:42 des petites dépressions.
25:44 Il y avait une opération médicale, chirurgicale,
25:47 qui était en vue et Arnaud Labrel pensait que tout ça
25:50 pouvait peut-être l'avoir placé dans un état psychologique fragile.
25:54 C'est ce qui aurait, selon lui, peut-être été une explication
25:57 à l'idée de suicide du père,
25:59 qu'il n'aurait pas forcément voulu laisser son épouse vivante
26:02 avec tout un contexte familial peut-être difficile.
26:05 -Pierre aurait-il tué Gabriel avant de se donner la mort ?
26:08 La piste du geste suicidaire est sérieuse.
26:11 Arnaud est donc libéré.
26:12 -Nous mettons fin à la garde à vue d'Arnaud Labrel.
26:15 Il nous a apporté un témoignage.
26:17 Il est à charge pour nous de vérifier ce témoignage.
26:20 -L'enquête prend alors une nouvelle tournure.
26:23 Deux hypothèses se dessinent.
26:24 Un meurtre suivi d'un suicide de Pierre Labrel
26:27 ou un complot orchestré par leurs enfants.
26:30 Si Florence et Arnaud sont impliqués,
26:32 ils ont dû être en contact avec de l'arsenic.
26:34 Pour le découvrir, les gendarmes demandent une analyse
26:38 de leur sang et de leurs cheveux.
26:40 L'enquête doit aussi se concentrer sur les époux Labrel.
26:43 Le coupable se cache-t-il parmi les victimes ?
26:45 Le 14 décembre 2001, deux mois après leur mort,
26:50 les corps des époux Labrel sont exhumés
26:53 à la demande de la juge d'instruction.
26:55 -Au niveau des enquêteurs,
26:59 nous attendions beaucoup de cette exhumation.
27:02 -L'ambiance quand on décèle une tombe,
27:06 effectivement, ça fait bizarre.
27:09 C'est la première et la seule à laquelle j'ai assisté.
27:12 Effectivement, au moment de la sortie des cercueils,
27:16 il y a un sentiment pesant.
27:17 Personne ne parle.
27:20 -Une exhumation n'est jamais facile pour qui que ce soit,
27:24 quand ça concerne un proche ou un parent.
27:27 On peut imaginer facilement la douleur
27:31 qu'on peut ressentir, déjà après l'épreuve
27:34 de la mort, de l'enterrement, de l'inhumation.
27:37 -Ca se passe assez vite, en fait.
27:39 Une fois que les cercueils sont dehors,
27:42 les pompes funéales lui prennent en charge.
27:44 Ils sont transportés, les cercueils fermés,
27:47 directement à l'institut médico-légal de Srebrenica.
27:50 -Cette seconde autopsie doit révéler
27:52 depuis combien de temps durait cet empoisonnement.
27:55 L'arsenic a-t-il été administré aux victimes en une ou plusieurs fois ?
27:59 -Une deuxième autopsie va permettre surtout
28:01 de refaire certains prélèvements
28:04 pour confirmer l'intoxication
28:07 et, en plus, de faire des prélèvements
28:10 qui n'auraient pas été faits à la première intervention.
28:13 -Donc, on prélève à nouveau du sang,
28:15 le reste d'éléments urinaires,
28:18 plus différents étages
28:21 du contenu digestif
28:25 et, bien évidemment, des cheveux.
28:26 Le cheveu pousse d'environ un centimètre par mois.
28:33 Chaque centimètre de cheveux
28:34 représente la mémoire d'une exposition d'un mois.
28:38 Lorsque l'arsenic est présent dans le sang,
28:41 au niveau du follicule pileux,
28:44 c'est-à-dire la zone de croissance d'un poil ou d'un cheveu
28:48 qui se situe sous la peau,
28:50 à environ 2 ou 3 millimètres sous la peau,
28:53 il y a un échange
28:55 entre les cellules qui permettent la croissance du cheveu
29:00 et les vaisseaux sanguins, qui s'appellent des capillaires.
29:04 Les cellules en croissance baignent dans ces capillaires
29:08 et vont incorporer ce qui est présent dans le sang.
29:10 C'est cette zone qui va être en contact,
29:13 bien évidemment, avec l'arsenic.
29:15 Du fait de la pousse,
29:17 à partir d'un certain moment, au bout de 8 ou 10 jours,
29:20 il va y avoir sorti du cuir chevelu
29:22 ou de la barrière cutanée de la peau.
29:25 Et puis le cheveu va vivre sa vie, va pousser, va croître
29:30 et va garder en mémoire ce qu'il a rencontré
29:33 lors de sa formation et de cet échange avec le sang.
29:36 Contre toute attente, Pierre Labrel a été empoisonné pendant 11 mois
29:41 et sa femme Gabrielle pendant 4 mois.
29:44 Pour nous, enquêteurs, l'hypothèse du suicide ne peut pas tenir.
29:48 Je ne connais pas beaucoup de situations.
29:50 Personnellement, je n'en ai jamais traité.
29:52 On s'intoxique pendant 11 mois pour ensuite
29:56 se donner un coup de grâce avec une quantité massive.
29:59 C'est quelque chose de tout à fait exceptionnel.
30:02 Je ne sais même pas si ça existe.
30:04 En tout cas, ça ne va pas dans le bon sens.
30:06 Cette piste d'un acte désespéré de Pierre ne tient plus.
30:10 Pour les gendarmes, quelqu'un d'autre a voulu la mort du couple.
30:14 Et ce double meurtre est prémédité.
30:16 Jamais je n'imaginais déjà cette hypothèse-là,
30:20 qu'on ait pu progressivement leur injecter du poison.
30:24 Donc ça, c'était le premier effet de la surprise.
30:27 Il ne peut y avoir que des sentiments de colère,
30:31 je veux dire, quand on apprend des choses.
30:34 L'action d'empoisonner, donc remonter à plusieurs mois en arrière,
30:38 et je suis effaré
30:41 par la persistance de l'action criminelle,
30:45 de la noirceur criminelle.
30:47 Ça suppose préparation, préméditation.
30:49 Ça suppose clairement
30:52 d'avoir eu suffisamment de sang-froid,
30:55 suffisamment de...
30:58 de ruse, d'esprit de ruse,
31:02 et suffisamment de...
31:04 quelque part de cruauté aussi
31:07 pour faire mourir M. et Mme Labrelle à petit feu.
31:11 On s'est posé la question de savoir comment les parents ne s'en sont pas aperçus,
31:16 de quelle manière,
31:18 comment ils n'ont pas pu sentir cette présence d'arsenic.
31:22 Alors, la quantité d'arsenic
31:25 pour conduire au décès est quelque chose de faible.
31:29 C'est un milligramme par kilo de poids d'un individu.
31:34 Donc quelqu'un qui pèse 70 kilos,
31:37 si on lui administre 100 mg d'arsenic,
31:39 c'est quelque chose de mortel.
31:42 100 mg, c'est rien.
31:44 C'est vraiment rien.
31:45 Donc, si vous voulez,
31:48 des quantités plus faibles passent tout à fait inaperçues,
31:52 à l'exception d'une odeur un peu particulière,
31:54 aliasée de l'arsenic.
31:56 Mais cette saveur aillée était la même que celle du biberalascas
32:00 consommé par les victimes le soir de leur mort.
32:03 Pour les enquêteurs, les affaires d'empoisonnement,
32:05 comme celle des labrelles, sont difficiles à résoudre,
32:08 car il est rare que l'auteur reconnaisse les faits.
32:10 Il est vrai qu'il est très difficile
32:16 de donner la mort brutalement à un être humain.
32:19 C'est très difficile.
32:21 C'est beaucoup plus résistant que ce qu'on pourrait imaginer.
32:24 Ça va se défendre, ça va se battre,
32:26 et ça va être vraiment très difficile.
32:29 Et parfois, c'est un peu méconnu, cette dimension.
32:32 Alors on peut imaginer que la facilité, ça peut être le poison.
32:36 Le crime d'empoisonnement est un crime assez particulier
32:40 parce que c'est un crime
32:44 qui appelle une certaine esquive,
32:47 le secret, le mensonge.
32:50 Ce n'est pas un crime violent,
32:53 brutal, paroxystique, sanglant.
32:57 Il y a là une façon, finalement, de mettre à distance
33:02 le crime qu'on est en train de commettre
33:08 et de, finalement,
33:11 de s'en sentir moins responsable.
33:14 C'est vrai que le poison permet une espèce de médiation
33:17 entre la victime et l'auteur,
33:20 de mise à distance.
33:22 Et finalement, l'idée que peut-être on est moins concerné
33:26 par ce qu'on fait,
33:29 par la violence de ce que l'on fait.
33:33 -4 mois après les faits,
33:34 les gendarmes ont acquis la certitude
33:36 que la mort du couple était préméditée,
33:39 que le poison était dissimulé dans le bibalasca,
33:42 ce qu'ils mangeaient tous les soirs,
33:44 et que Pierre Labrel ne peut être le coupable.
33:46 Reste alors la thèse d'un meurtre orchestré par les enfants.
33:50 Or, seul Arnaud était présent le soir de leur hospitalisation.
33:53 C'est lui qui est le premier à évoquer la piste de l'arsenic.
33:57 Les enquêteurs se penchent alors sur les relations
34:00 entre Pierre et son fils.
34:01 -Au cours de l'enquête, nous apprenons qu'Arnaud Labrel
34:05 entretenait des relations très conflictuelles,
34:08 avec le père, notamment.
34:11 -Les disputes étaient de plus en plus fréquentes,
34:14 parce que Pierre, qui était quelqu'un de très rigoureux,
34:17 respecte des lois, de l'ordre,
34:19 commençait à supporter de moins en moins
34:22 la façon de vivre de son fils.
34:25 -Avec sa mère, ça se passait également mal,
34:29 mais comme toute maman, elle protégeait le fils.
34:32 -Je sais aussi qu'il lui arrivait d'insulter sa mère,
34:36 de la traiter de non, vraiment, que je ne répéterai pas ici,
34:41 mais vraiment des insultes fortes
34:44 auxquelles elle ne réagissait pas.
34:47 -Le motif qui est revenu le plus souvent
34:50 concernant ce conflit
34:52 sera porté à l'argent.
34:54 -Un témoin a même entendu Arnaud Labrel menacer son père de mort
34:57 en lui disant que je touche l'héritage.
35:00 -Les gendarmes découvrent un conflit
35:02 qui dure depuis des années entre le père et le fils.
35:05 L'argent est au coeur de leurs mésententes.
35:08 -L'enquête financière qui a été menée a révélé
35:11 qu'entre janvier 2000 et septembre 2001,
35:14 le couple Labrel a donné plus de 50 000 francs
35:19 à Arnaud Labrel.
35:20 -Les parents ont accepté pendant un certain temps
35:23 de subvenir à ses besoins.
35:25 À un moment donné, la maman lui donnait de l'argent à l'insu
35:29 de Pierre Labrel qui désapprouvait cette assistanat.
35:33 -Son mari excédé lui a demandé brutalement
35:36 "Il faut choisir, c'est ton fils ou moi."
35:39 Donc elle n'avait pas d'autre alternative
35:42 que de choisir son mari.
35:43 D'où l'ultimatum posé à Arnaud,
35:47 "Pour la Toussaint, il faut que tu quittes les lieux."
35:49 -Je pense que ça devait être l'enfer à chaque fois
35:53 qu'il était à la maison, qu'il dormait ou qu'il y passait.
35:56 -Pierre avait donné un mois à Arnaud,
36:00 c'est-à-dire au mois d'octobre 2001,
36:03 pour prendre ses affaires et quitter la maison.
36:05 -Et évidemment, Arnaud, lorsqu'il a appris cette chose-là,
36:09 a été vexé, mortifié, il s'est senti humilié.
36:15 -On apprend qu'en janvier 2001,
36:17 les Labrels ont modifié leur testament au profit de Florence.
36:20 Les soupçons convergent alors vers son frère.
36:23 Mais à ce stade de l'enquête, aucun élément matériel
36:26 ne permet d'impliquer concrètement Arnaud.
36:28 Le 6 mai 2002, les résultats des analyses tombent.
36:31 Ils confirment les doutes des enquêteurs.
36:33 Tous les prélèvements faits sur Florence sont négatifs.
36:36 En revanche, de l'arsenic est retrouvé dans les cheveux d'Arnaud
36:40 et dans ses affaires personnelles.
36:42 -Le 6 mai 2002, effectivement, le juge d'instruction
36:45 nous informe qu'elle a eu en retour les analyses des cheveux d'Arnaud Labrel
36:49 et que celui-ci présente des traits d'arsenic,
36:52 enfin, que ses cheveux présentent des traits d'arsenic.
36:55 Donc là, on se pose la question, on dit, mais comment il a pu les avoir ?
36:59 Il n'y a pas sans tonte une solution.
37:01 C'est qu'effectivement, le fait de manipuler de façon régulière
37:05 l'arsenic permet de retrouver des traits dans les cheveux.
37:09 -C'est un produit assez difficile à manipuler
37:12 parce qu'il est pulvérulant,
37:14 c'est-à-dire qu'en fait, il se disperse facilement dans l'atmosphère
37:18 et donc, le manipulateur risque des contaminations.
37:22 -Ces résultats confirment
37:23 qu'Arnaud Labrel aurait pu manipuler l'arsenic.
37:27 -Donc là, il n'y a plus de doute possible.
37:30 Pour moi, il n'y avait plus ce petit espoir
37:33 qu'Arnaud n'ait rien à voir là-dedans.
37:36 -Pendant plusieurs mois, les gendarmes vérifient les analyses.
37:40 Le 17 mars 2003, à 10h du matin,
37:44 Arnaud Labrel est interpellé et de nouveau placé en garde à vue
37:47 de la brigade de recherche de Mulhouse.
37:49 -Au décision de le placer une seconde fois en garde à vue,
37:54 on estime qu'à la fin de l'enquête,
37:56 on a fait le tour de toutes les hypothèses,
37:58 qu'on a exclues toutes les hypothèses
38:00 sur lesquelles on avait travaillé depuis le début,
38:03 qui nous disaient enfin qu'il passe aux aveux,
38:06 qu'il nous dise s'il avait tué ses parents ou pas.
38:09 -La stratégie était de lui faire raconter de nouveau
38:13 toute son histoire, surtout l'emploi du temps,
38:16 par rapport aux analyses lui démontrées
38:19 que lui seul pouvait administrer ce poison.
38:22 -On avait plein d'éléments qui nous donnaient des explications
38:26 sur les doses d'arsenic qu'on avait trouvées
38:30 sur ses vêtements, uniquement sur ses vêtements.
38:32 -Arnaud expliquait la présence d'arsenic dans ses affaires
38:36 de façon très simple.
38:37 Il explique qu'il arrive au domicile de ses parents le 9 octobre,
38:41 qu'il voit ses parents malades, vomir,
38:44 et qu'après le départ à l'hôpital de ses parents,
38:47 il est resté au domicile de ceux-ci,
38:49 qu'il a nettoyé la maison, ce qui n'est pas contesté,
38:52 et qu'il a ainsi pu être au contact de salissures,
38:55 de vomi des parents, et qui aurait pu contaminer
38:58 une partie des vêtements qu'il portait.
39:00 -Les enquêteurs écoutent cette version,
39:02 mais ils n'y croient pas. Les expertises sont formelles.
39:05 Arnaud a manipulé de l'arsenic pendant plusieurs mois,
39:08 et pas uniquement le soir du dernier dîner de ses parents.
39:12 -Il joue le gars qui ne comprend pas.
39:14 A chaque question qu'on lui pose,
39:16 de toute façon, il y répond par sa façon volubile.
39:19 Il se lance dans des discours, des réponses
39:21 qui durent 10, 15 minutes,
39:23 à tel point que les enquêteurs le raconteront
39:26 qu'ils devaient le stopper, dire qu'il devait répondre
39:29 à la question qu'on lui pose, et ne l'envoyer pas sur autre chose.
39:32 Et lui, il reste, il maintient que ce n'est pas lui,
39:35 qu'il n'a rien à voir dans la mort de ses parents.
39:38 -Il n'est pas dans la posture de quelqu'un qui va avouer.
39:41 Il se force à maintenir le contrôle sur lui-même,
39:44 parce qu'en se faisant, il pense qu'il va s'en tirer.
39:48 -Mais les preuves contre Arnaud sont tangibles.
39:51 Il y a des traces d'arsenic dans ses affaires,
39:54 et personne d'autre que lui n'a eu la possibilité
39:57 d'empoisonner les Labrelle.
39:58 Et puis, Arnaud a un mobile.
40:00 Ses parents ne veulent plus l'entretenir financièrement.
40:03 Le 18 mars 2003, il est donc mis en examen
40:06 pour empoisonnement avec préméditation
40:08 de Pierre et Gabrielle Labrelle.
40:10 Mais Arnaud continue de clamer son innocence
40:12 et des zones d'ombres subsistent.
40:14 -C'est toujours frustrant de ne pas avoir les avis de la personne.
40:18 Pourquoi ? Parce que même si on est convaincu
40:21 que c'est la personne qu'on a à faire,
40:23 au bon auteur qu'elle en soit,
40:25 pour nous, il y a quand même des zones d'ombres
40:27 dans cette enquête.
40:28 Pour commencer, par exemple, la soirée du 9 octobre,
40:31 quand il vient au domicile à 20h, 20h15,
40:34 est-ce qu'il vient pour vérifier si ses parents sont morts
40:37 ou est-ce qu'il vient pour mettre la dose mortelle
40:40 dans le biber à 15h ?
40:41 -Deuxième énigme, c'est l'origine de l'arsenic.
40:44 L'enquête a révélé qu'il était difficile
40:46 de se procurer un tel poison.
40:48 Comment le jeune homme a-t-il fait ?
40:50 -Nous n'avons jamais pu obtenir de réponse
40:53 quant à l'origine de l'arsenic
40:55 et de quelle manière il a pu se produire ce poison.
40:58 Il faut savoir que nos investigations multiples
41:02 pour trouver une réponse,
41:05 on a simplement...
41:07 On sait qu'actuellement, c'est très réglementé, très strict
41:11 et tout le monde ne peut pas se trouver un tel produit.
41:16 -Maintenant, la seule hypothèse qu'on ait,
41:19 c'est qu'Arnaud Lavrel ait trouvé ce produit au domicile même,
41:23 sachant que son père, pendant une période,
41:25 a travaillé pour l'entreprise de l'eau
41:27 dans le territoire de Belfort,
41:29 qui commercialisait des produits type raticide.
41:32 Peut-être que le père, à cette époque,
41:34 aurait pu ramener un produit à la maison
41:37 qui était dangereux et qui, à l'époque,
41:39 était moins réglementé qu'actuellement,
41:41 donc peut-être plus dosé en arsenic.
41:43 -On n'a jamais retrouvé ce poison,
41:45 mais on peut inférer, on peut supposer
41:48 que, lorsqu'Arnaud Lavrel a utilisé l'arsenic,
41:51 il a utilisé, en fait, des stocks qui restaient
41:55 de cette moraura, essentiellement à base d'arsenic
41:58 que détenait son père.
41:59 Il n'a pas eu besoin d'aller chercher loin.
42:01 -Cette hypothèse n'a pu être vérifiée,
42:04 car le pot d'arsenic aurait été détruit par Arnaud lui-même
42:07 lors du ménage effectué après la mort de ses parents.
42:10 Enfin, la personnalité d'Arnaud intrigue.
42:13 Quand on lui pose des questions, il se tait.
42:16 Quand on ne lui demande rien, il parle.
42:18 Les enquêteurs se souviennent qu'il est le premier
42:21 à parler d'empoisonnement et à évoquer l'arsenic.
42:24 -Arnaud a voulu jouer au plus fin.
42:27 Il s'est comporté en manipulateur,
42:30 en jouant d'échec qu'il est,
42:32 en voulant...
42:33 Aux échecs, il faut toujours essayer d'anticiper
42:36 les coups de la partie adverse.
42:38 C'est une règle échiquienne bien connue.
42:41 Et je crois que, là, Arnaud a commis,
42:44 dans sa stratégie malsaine de défense,
42:48 une erreur colossale.
42:50 -Pourquoi il est le premier à parler d'arsenic,
42:53 c'est difficile à dire.
42:54 On a donc dit que, quand on est un grand stratège,
42:58 la meilleure défense, c'est l'attaque.
43:00 -Il avait, en quelque sorte, parlé d'arsenic
43:03 pour pouvoir dire ensuite ce qu'il a dit.
43:05 Si c'était moi, je l'aurais pas dit.
43:08 Mais ça a pu aussi lui échapper.
43:11 Et qu'il ait ensuite trouvé quelque chose à dire
43:15 qui permette de penser que ça avait été délibéré,
43:18 alors que ça, peut-être, ça ne l'a pas été.
43:22 Musique douce
43:24 ...
43:27 -Il ne faut pas voir, à mon sens, même si on a pu le dire,
43:30 Arnaud Labrelle comme un très grand joueur d'échecs
43:34 qui serait le stratège
43:36 qui tenterait d'avoir toujours un coup d'avance sur les autres.
43:40 Je pense que c'est pas ça qui s'est passé.
43:42 Il s'est probablement trouvé acculé.
43:46 Il a réagi comme il pouvait le faire
43:51 pour essayer de se sortir de cette nasse
43:55 dans laquelle il se trouvait pris.
43:57 Les grands stratèges de la délinquance,
44:00 on ne les voit jamais.
44:01 Et on ne les voit jamais pour la bonne et simple raison
44:04 qu'ils ne se font pas prendre,
44:06 puisqu'ils sont en quelque sorte des pros.
44:08 Arnaud Labrelle, bien entendu, c'est pas un pro du meurtre.
44:12 Musique d'ambiance
44:14 -Le 14 mars 2005, c'est un procès hors du commun
44:17 qui s'ouvre devant la cour d'assises de Colmar.
44:19 Dans le box des accusés, Arnaud compare pour un double parricide,
44:23 pour avoir empoisonné à l'arsenic pendant plusieurs mois
44:26 son père et sa mère.
44:27 Face à lui, sa propre famille et notamment sa sœur.
44:31 -A la cour d'assises, Florence était crucifiée.
44:34 Je dis crucifiée parce qu'elle souffrait intensément.
44:37 Elle souffrait de la mort des parents.
44:40 Elle souffrait de ce que l'assassin soit Arnaud.
44:44 Elle souffrait de la stratégie de défense d'Arnaud,
44:49 qui, depuis toujours, a contesté l'évidence,
44:53 qui a dit "je n'ai rien fait".
44:55 -On s'est rendu compte que la plupart des témoins
44:58 étaient des témoins à charge,
44:59 que chaque témoin qui comparaissait à la barre,
45:02 même ceux qui avaient un peu de retenue,
45:05 avaient la conviction qu'Arnaud Labrelle était responsable
45:08 du décès de ses parents.
45:10 C'était difficile, on n'avait pas d'explication crédible
45:13 ou même pas d'explication du tout de la part d'Arnaud Labrelle
45:17 à certaines questions qu'on lui posait.
45:19 C'est quelqu'un qui a parlé énormément,
45:22 mais qui n'a rien dit,
45:23 qui n'apportait pas de réponse aux questions posées.
45:26 -Autant il était désert quand on le laissait s'exprimer,
45:30 autant, dès que les questions étaient vraiment embarrassantes,
45:34 il n'avait aucune explication à fournir.
45:36 -La cour demande à l'accusé comment il a réagi
45:39 lorsque ses parents lui ont annoncé leur volonté
45:42 de lui couper les vivres. Arnaud se tait.
45:44 -A mon sens, la personnalité d'Arnaud Labrelle
45:47 est ce qu'on appelle une personnalité narcissique.
45:50 Il faut faire attention au terme.
45:52 Contrairement à ce qu'on pourrait croire,
45:54 la personnalité narcissique, c'est pas du tout
45:57 la personne qui se regarde dans le miroir
45:59 et se trouve le plus beau tous les jours.
46:02 C'est pas la Castafior, à Jury, de me voir si belle en ce miroir.
46:06 C'est quelqu'un qui ne veut pas s'engager,
46:11 ou ne peut pas, ce qui revient au même,
46:13 ne peut pas ou ne veut pas s'impliquer
46:16 et qui a la position selon laquelle
46:19 tout doit lui venir sans qu'il ait rien à faire pour l'obtenir.
46:24 Le système sur lequel il vit,
46:27 à savoir que même s'il ne fait rien,
46:30 tout lui vient tout seul,
46:32 ce système-là va devenir absolument impossible à perpétuer.
46:37 Il faudra alors qu'en quelque sorte,
46:41 il se mouille, qu'il s'engage, qu'il entreprenne,
46:44 ce qui irait à l'encontre absolue
46:47 de la manière d'être qu'il a eue jusqu'à présent.
46:51 Arnaud Labrel oscille très souvent
46:54 entre inflation et déflation narcissique.
46:57 Il est soucieux de préserver une image de lui-même.
47:01 Je pense que c'est ce qui l'a amené
47:03 à se défendre ainsi face à l'ultimatum
47:08 et à un effondrement psychique
47:10 consécutif au rejet des parents, à ce moment-là.
47:15 C'est un garçon qui ne supporte pas
47:18 qu'on puisse aller contre sa volonté.
47:21 Et puis au plan tout simplement matériel,
47:24 le robinet financier était fermé par les parents.
47:28 C'était violent pour lui.
47:30 Il a ressenti cela comme quelque chose de violent.
47:33 Il ne l'a pas accepté.
47:35 Et cette situation a fortement contribué
47:39 à l'accentuation du passage à l'acte de l'action criminelle.
47:43 -Ce qui intrigue le plus la cour,
47:45 c'est cette mort terrible qu'il a choisie pour ses 2 parents.
47:49 L'arsenic est un poison extrêmement violent.
47:52 -Cette affaire est particulière
47:54 parce que d'une part,
47:56 il y a cette intoxication à la fois lente
48:00 et tout d'un coup massive.
48:03 Et ça, c'est pas fréquent du tout.
48:06 Ensuite, parce que dans les parricides,
48:09 il y a rarement un poisonnement.
48:11 L'auteur présumé est une personnalité,
48:14 alors évidemment, fragile,
48:16 avec des relations particulières, difficiles avec le père,
48:21 avec une relation à la mère
48:23 où détachement et en même temps dépendance
48:26 sont mal réglés à la fois par lui et par elle.
48:29 Donc on voit bien que tout est construit comme ça
48:32 pour qu'un jour ça aille mal.
48:34 Mais ce qui a de particulier,
48:36 c'est justement qu'il ait pensé à ce scénario qui dure
48:40 et qui tout d'un coup va exploser par l'acte final
48:43 qui revient à la mort des parents.
48:46 -Tuer ses deux parents,
48:48 c'est quelque chose qui heurte le bon sens.
48:51 Il le dira d'ailleurs lui-même, c'est l'horreur.
48:53 Mais c'est aussi couper ses racines,
48:58 couper ses origines, ses liens de filiation,
49:01 se couper de toutes ses origines
49:04 et qui...
49:06 C'est même lié à un fantasme d'auto-engendrement.
49:10 C'est-à-dire, je n'ai plus de parents,
49:12 je n'ai plus d'ascendants. Voilà.
49:15 -Confronté aux questions de la cour,
49:17 Arnaud Labrel n'expliquera jamais son geste
49:20 et continue de clamer son innocence.
49:22 -Je ne pense pas qu'il aurait pu avouer
49:25 être l'auteur du meurtre de ses parents,
49:27 car c'est quelque chose qui en soi est terrible moralement.
49:31 -Comment, à partir d'un substrat de haine,
49:35 de haine intrafamiliale,
49:36 à un moment, ça commence à bouillir
49:41 et à dépasser...
49:43 Le liquide boue, il se répand hors
49:45 et ça commence à envahir tout et à dépasser tout.
49:49 Et en fait, il y a des criquets, des verrous qui sautent,
49:52 les limites, etc., et on en arrive à un plan criminel délirant.
49:56 -C'est véritablement
49:58 tout à fait exceptionnel.
50:02 Et je dois dire que...
50:04 J'ai vécu un certain nombre d'affaires criminelles,
50:08 c'est vraiment...
50:10 Comment dirais-je ?
50:11 Plus que surprenant.
50:13 Et véritablement, je sais que ce drame criminel
50:17 restera très longtemps dans ma mémoire
50:20 d'avocat et d'être humain, tout simplement.
50:22 -C'est une affaire...
50:24 triste au possible, je veux dire, c'est que du gâchis.
50:29 Au départ, même si, en fond, un peu difficile,
50:33 c'était quand même une famille où il y avait de l'amour.
50:36 Les gens, Pierre et Gabriel, étaient fiers de leurs enfants,
50:41 étaient contents, un peu moins après,
50:43 suivant le parcours de Arnaud,
50:45 mais ils n'étaient pas rejetés pour autant.
50:49 Ou...
50:50 Pour toutes les fois où je me suis trouvé au sein de cette famille,
50:55 Arnaud était comme les enfants de notre famille.
51:00 Je veux dire, les parents faisaient tout pour qu'il réussisse.
51:05 -Vendredi 18 mars 2005.
51:11 Après cinq jours de procès et 2h30 de délibérés,
51:14 Arnaud Labrel est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité
51:18 assorti d'une peine de sûreté de 22 ans.
51:20 En appel, sa peine à la réclusion criminelle à perpétuité
51:24 est confirmée, mais la période de sûreté est ramenée à 18 ans.
51:28 ...
51:34 Musique pesante
51:37 ...

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