Je suis noir et supporter de Lyon. Les racistes prennent le club en otage TÉMOIGNAGE

  • l’année dernière
Le 29 octobre dernier, des supporters lyonnais ont multiplié les slogans racistes, les cris de singe et les saluts nazis dans le stade Vélodrome. Mike, 23 ans, supporter de l'OL, a décidé de pousser un coup de gueule sur Twitter. Il raconte le racisme qu'il a vécu dans plusieurs stades.
Transcript
00:00 "On est les meilleurs, on est les meilleurs !"
00:03 En tant que supporter noir de l'OL,
00:05 c'est chiant d'avoir des racistes parmi nous
00:07 et en tant que supporter de l'OL,
00:09 c'est encore plus chiant d'avoir des racistes parmi nous.
00:11 "On est les meilleurs, on est les meilleurs !"
00:15 C'est Darmanin qui dit "oui, c'est pas notre responsabilité",
00:18 Tallinn qui dit "c'est pas notre responsabilité",
00:20 mais si demain quelqu'un meurt, c'est la responsabilité de qui ?
00:22 "On est les meilleurs, on est les meilleurs !"
00:29 Je m'appelle Mike, j'ai 23 ans,
00:30 j'habite à Bussi Saint-Georges dans le 77
00:32 et je suis supporter de l'Olympique lyonnais.
00:35 "Supporters, ouais, ouais, ouais !"
00:40 Il y a eu des événements qui m'ont déplu,
00:43 à savoir des gestes racistes et des signes nazis
00:46 dans le parkage des supporters lyonnais
00:49 lors du match face à Marseille.
00:51 Et donc quand j'ai vu ça, c'était trop pour moi,
00:54 donc j'ai décidé de faire ça.
00:57 Après le match face à Marseille,
00:59 j'ai décidé de faire ce strade-là sur Twitter
01:01 parce qu'en fait j'en avais marre
01:03 que certaines personnes prennent tous les supporters lyonnais
01:05 comme ces gens-là,
01:06 que ces gens-là soient représentatifs de l'OL et de ses supporters.
01:09 J'ai un ami que j'aime beaucoup,
01:12 qui est supporter de l'OM et qui a dit
01:15 "oui, dire qu'il y a des Noirs qui supportent ce club",
01:18 j'ai tout le temps ce débat-là avec lui,
01:20 mais c'est vraiment ce qu'il m'a fait,
01:22 c'est vraiment ce qu'il m'a fait.
01:24 J'ai tout le temps ce débat-là avec lui,
01:26 mais c'est vraiment ces phrases-là qui m'ont fait "dégoupiller".
01:29 Comme je disais dans le strade, l'OL, c'est pas eux.
01:32 Ils font partie malheureusement de l'OL
01:35 parce qu'ils sont dans les stades, ils sont dans les parquages,
01:38 mais l'OL, c'est pas eux.
01:40 Donc en tant que supporter noir de l'OL,
01:42 c'est chiant d'avoir des racistes parmi nous
01:44 et en tant que supporter de l'OL,
01:46 c'est encore plus chiant d'avoir des racistes parmi nous.
01:49 À Prague, on part en déplacement pour un match de poule d'Europe All League.
01:53 République Tchèque, c'est un gros déplacement à faire, on va le faire.
01:56 Du coup, on sait quand même que République Tchèque,
01:59 il y a des racistes, on le sait, on n'est pas dupe.
02:01 Mais on se dit, au pire des cas, c'est les autres supporters, c'est pas nous.
02:05 Genre nous, on est entre nous,
02:07 s'il doit nous arriver quelque chose, on sera protégé, il n'y a pas de souci.
02:10 Et donc on m'a appelé au petit titre tout le match,
02:12 on m'a appelé, on m'a fait un petit coup de poing,
02:14 on m'a fait un petit coup de poing,
02:16 et donc on m'a appelé au petit titre tout le match.
02:18 Au début, c'est marrant, deux minutes, je me dis bon ok,
02:20 j'ai les cheveux hauts, j'ai les touilles, je suis supporter de l'OL.
02:23 C'est chiant là, bon ok, mais après il y a toute l'intonation,
02:28 le regard qui va avec,
02:30 puis en plus il y avait des sympathisants locaux de Prague,
02:34 en tout cas de République Tchèque qui étaient sur place.
02:36 Ils font peur.
02:38 En tout cas la personne à laquelle je pense, ça me faisait très peur,
02:40 très grand, très carré, chauve, qui parle pas un mot de français.
02:44 Ce que je comprenais c'était Oum Titi,
02:46 et je n'étais pas tout seul en plus à ce moment-là,
02:48 j'étais avec ma copine.
02:49 Je savais que je ne pouvais rien faire,
02:51 parce que je suis tout seul.
02:53 Et donc ça s'est arrêté,
02:54 parce qu'il y a une personne qui s'est levée dans la tribune
02:56 et qui a hurlé en disant arrêtez, c'est pas marrant,
02:59 depuis le début du match vous lui cassez les couilles,
03:01 pardon pour le terme, mais vous lui cassez les couilles,
03:04 et en fait arrêtez, c'est raciste, c'est pas marrant.
03:07 Donc ouais, c'est la première où je me suis dit ouais, c'est chaud.
03:10 Très heureux ce soir d'être avec vous à Porto
03:12 pour un grand match de football, c'est une grande soirée de foot.
03:15 Je me dis Porto j'ai jamais fait, je vais y aller.
03:18 Et dans le métro ça chante des chants lyonnais,
03:21 moi je suis super hype, je chante, tout machin,
03:24 et déjà pendant que je chante ça me regarde un peu bizarrement,
03:27 et donc je me dis bon, on s'en fout,
03:29 je peux pas plaire à tout le monde, c'est bon,
03:31 on va pas chouiner tout le temps.
03:33 On sort du métro, on arrive au stade,
03:35 et du coup on monte pour aller dans la tribune,
03:38 et donc ça chante la marseillaise.
03:40 Et en fait moi je chante, parce qu'on est à l'extérieur,
03:43 on est au Portugal, on est une équipe française,
03:45 on est en Coupe d'Europe, donc ouais, on est là.
03:47 L'escalier est vraiment super long,
03:49 ou peut-être que c'est dans mes souvenirs qu'il est pas super long,
03:51 mais je pense qu'on a le temps de chanter deux ou trois fois la marseillaise.
03:53 La première fois ça chante, y'a pas de souci,
03:55 la deuxième fois ça chante, mais genre,
03:57 en fait toutes les personnes qui me dépassent
03:59 me regardent en chantant,
04:01 et la troisième fois j'ai l'impression qu'on me hurle dessus,
04:04 et genre ça me regarde, limite,
04:06 la partie "Ils viennent dans nos bras, ils gorgent nos filles et nos compagnes",
04:10 ça me regarde, limite c'est moi dont on parlait dans la verse originale,
04:13 je suis en mode "Waouh, ok".
04:15 Et c'est la première fois où c'était impressionnant,
04:18 genre j'aurais aimé voir les images de ça,
04:20 et ça m'aurait donné la chair de poule en tant que supporter,
04:23 mais pour l'avoir vécu, ça m'a fait super peur.
04:25 Je me suis dit "Là, s'il m'arrive un truc, c'est mort".
04:28 Si même au niveau des Lyonnais ça se passe comme à Prague,
04:31 c'est chaud.
04:32 C'est la seule fois de ma vie où j'ai eu peur au stade.
04:35 Parce qu'en fait, à tout moment, ça pouvait dégénérer.
04:37 Qui se cache derrière ce groupuscule d'extrême droite ?
04:40 Peu nombreux, ces individus sont souvent cagoulés et habillés en noir.
04:45 Depuis sa création, il y a une dizaine d'années,
04:47 le groupe instaure un climat hostile en tribune.
04:50 Déjà condamnés par la justice,
04:52 certains sont interdits de stade,
04:54 d'autres vont jusqu'à se recueillir sur la tombe de Mussolini.
04:57 Pour moi, ces gens-là, ils supportent pas l'OL.
05:01 Déjà, il faut être complètement malade pour détester les Noirs et les Arabes.
05:05 Benzema, quand il vient présenter son ballon d'or,
05:08 tout le monde est "Ach tout", tout le monde dit "J'y étais",
05:11 tout le monde sort son flash.
05:13 Quand je me balade dans les musées de l'OL,
05:15 il y a la licence de Gen Kabongo,
05:18 Juninho est brésilien,
05:20 Vicasso, je vais pas dire de bêtises sur son origine,
05:23 mais il a des origines.
05:24 Dans toutes les générations, il y a des joueurs auxquels on peut s'affilier.
05:28 Je pense que les petits pouvaient se représenter en Castelo Luceba,
05:32 en Arjen Cherki ou même en Maxence Cacré.
05:35 Non, ce club-là, il est fait pour moi,
05:37 il est fait pour plein de gens, il est fait pour tout le monde.
05:40 Après les événements de Marseille-Lyon,
05:43 il y a M. Darmanin qui dit "Oui, c'est pas notre responsabilité",
05:46 Thaly qui dit "C'est pas notre responsabilité",
05:48 mais si demain quelqu'un meurt, c'est la responsabilité de qui ?
05:51 C'est à M. Darmanin et ses collègues, ses confrères, ses consoeurs,
05:54 de changer, de permettre au club de lutter contre ça
05:57 pour qu'on puisse faire des interdictions de stade à vie,
05:59 qu'à chaque fois qu'il y a un match de l'OL,
06:01 ces gens-là doivent aller pointer au commissariat jusqu'à la fin de leur vie.
06:04 Et ça fait que déjà, on sait où sont ces gens-là,
06:06 et on sait qu'ils ne sont pas au stade.
06:08 Et ça permet déjà, dans un premier temps,
06:10 de ne pas déradiquer, mais de lutter dans un premier temps.
06:14 Et pour moi, tant qu'il n'y aura pas de mesure dans ce sens-là,
06:16 ils sont tous complices.
06:17 Et si je meurs parce que je me suis fait agresser par des mecs de la Médza,
06:21 que Darmanin et n'importe quelle personne d'État
06:24 ne viennent pas au chevet de mes parents,
06:25 parce que pour moi, ils sont complices.
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