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00:00 Face à rage, présenté par Valère Coréard.
00:04 671 000 jeunes sur 7 millions sont aujourd'hui au chômage. Notre invité s'en inquiète et va jusqu'à affirmer que la France malmène sa jeunesse,
00:18 au point d'avoir écrit un manifeste incitant les jeunes à quitter notre pays. Il se dit citoyen du monde, il est amateur de rap, branché, narcissique assumé.
00:27 Félix Marcard est un faiseur de contact, un communicant de 38 ans qui fait parler de lui. Félix Marcard, bonjour.
00:34 Bonjour.
00:35 Bienvenue. Face à rage, vous êtes le fondateur du cabinet de conseil en communication stratégique Marcard & Marcard, également des dîners de l'Atlantique.
00:43 Trois dates clés que la rédaction a retenues dans votre parcours. 1998, d'abord, avec la création du label Cohiba en qualité de producteur de rap français.
00:54 2004, directeur de la communication du Hérald Tribune. Et 2012, vous publiez la tribune Jeune de France, votre Salut est ailleurs, Barrez-vous,
01:03 dans les pages opinions de l'Ib avec le journaliste Mouloud Achour et le rappeur Mokles. D'abord, est-ce que vous rajoutez une date ou est-ce que vous en précisez une ?
01:11 Écoutez, non. Ça me va très bien comme ça. Je mentionnerais que c'est le label Cohiba Productions dont il s'agissait.
01:19 Cohiba, vous me le disiez, ça a un lien avec les...
01:22 C'est un clin d'œil aux cigares.
01:23 Mais ça s'est pas super bien passé, ce clin d'œil.
01:25 Écoutez, si, c'est très bien placé en termes musicals. En revanche, on a été contraints de changer de nom, puisque les cigares n'ont pas trouvé le clin d'œil très marrant.
01:35 Bon, il y a un an et demi, vous publiez un manifeste Barrez-vous, il appelait les jeunes à s'expatrier. Qu'est-ce que vous reprochez à l'Hexagone ?
01:41 Écoutez, d'abord, je tiens à dire que je suis né ici, j'ai grandi ici, j'adore ce pays.
01:48 Ça n'est pas un reproche à l'Hexagone, c'est une critique de la manière dont l'Hexagone, ces derniers temps, depuis quelques années,
01:58 dans la manière dont il traite sa jeunesse.
02:02 Le fait même que nous soyons ici plus de 7 mois, 8 mois après qu'on fasse paraître cette tribune Mouloud, Moclès et moi,
02:13 et que nous ayons cette conversation, montre bien qu'il y a un problème.
02:17 Alors quel est le problème pour vous ?
02:19 Écoutez, il est multiple, mais tout simplement, le fait qu'un jeune sur quatre, à peu près, se retrouve en début de carrière au chômage,
02:29 donc avant même d'avoir une carrière digne de ce nom au chômage, c'est en soi symptomatique de la manière dont la condition de la jeunesse
02:39 s'est détériorée depuis une quarantaine d'années dans ce pays.
02:43 Donc ça va mal parce qu'on est au chômage, ça va mal parce que le fait même que la première aspiration des jeunes français soit de devenir fonctionnaires
02:54 est en soi symptomatique d'un problème.
02:58 Pour moi, entre 15 et 25 ans, on ne doit pas être en train d'essayer de s'insérer,
03:06 on doit être en train d'essayer d'exploser, de perforer, de faire des choses incroyables,
03:14 et on devrait être en train d'imaginer ce que peut être le futur.
03:19 Aujourd'hui, les jeunes français, pour la plupart d'entre eux malheureusement, ne cherchent pas à imaginer quoi que ce soit,
03:26 ils sont consternés, ils sont apeurés, ils ont très peur de l'avenir.
03:32 Ce n'est pas un bon état d'esprit quand on a cet âge-là.
03:38 Vous parlez du symptôme, mais le traitement selon vous, quelle serait la solution ? Qu'est-ce qu'il faut faire ?
03:43 Comme on le dit, c'est l'ouverture sur le monde la solution.
03:47 La France a une tendance à vivre en vase clos.
03:52 Le discours public, on est un peu en autarcie en France.
03:56 Donc il y a de grands bouleversements planétaires qui sont à l'œuvre, et puis il y a une petite conversation gauloise.
04:05 Donc la première chose...
04:07 Il faut partir.
04:08 Il faut partir, ne serait-ce que pour encore une fois mieux revenir, c'est notre propos dans la tribune.
04:12 Il ne s'agit pas d'abandonner le navire.
04:15 On a été souvent attaqué comme étant... d'une part rejetant la France, ou un attaque critiquée parce qu'on inviterait les jeunes au renoncement.
04:28 Ce n'est pas du tout le cas.
04:30 Il s'agit simplement de voir qu'aujourd'hui, l'échiquier, ce n'est pas l'hexagone.
04:37 L'échiquier pour les jeunes, non pas juste français, mais tous les autres du monde, c'est le monde.
04:42 Et le monde n'est pas hexagonal.
04:44 Le monde est assez large.
04:45 On ne peut pas imaginer de prendre une carte et jeter une fléchette dessus, ou poser le doigt et partir au hasard.
04:51 Est-ce que vous avez des destinations privilégiées ?
04:54 Alors d'abord, je trouve que ça peut être très marrant de jeter une fléchette sur la carte du monde pour aller voir.
04:58 Je ne suis pas sûr que ce soit très pertinent, mais enfin...
05:01 Il se trouve qu'il y a des endroits, en effet, où l'avenir du monde est vraiment en train de se jouer aujourd'hui.
05:08 Les grands centres de croissance mondiaux, que sont Sao Paulo, que sont Istanbul, Bombay, Shanghai, Jakarta,
05:18 me paraissent être des endroits à creuser en particulier.
05:21 Alors ce sont des villes qui sont parfois un petit peu effrayantes.
05:25 Ce sont des mastodontes.
05:27 Il n'y a pas le temps de jouer quand on se retrouve à Jakarta ou à Sao Paulo.
05:31 Il faut quand même retomber sur ses pattes assez rapidement pour ne pas se faire bouffer.
05:36 Mais donc d'une part, il y a ces endroits-là.
05:40 Et puis sinon, il y a toute une ribambelle de pays qui sont en train d'émerger également,
05:46 qui sont un petit peu moins visibles et qui sont... Comment dire ?
05:50 Où les choses vont se faire dans les années qui viennent et où, en atterrissant aujourd'hui, on peut prendre beaucoup d'avance.
05:56 Je pense à des endroits comme, par exemple, la Mongolie.
06:01 Pour les plus aventuriers, je pense au Sud-Soudan.
06:06 Je pense également au Mexique, par exemple.
06:09 Qu'est-ce que ça peut apporter pour un jeune là qui nous écoute ou nous regarde
06:14 de partir ailleurs, de se plonger dans le bouillon d'une grande ville étrangère ?
06:18 Qu'est-ce qu'il peut aller y chercher ? Et avec quoi peut-il revenir ?
06:22 Justement, lorsqu'on quitte la France, d'abord, la première chose qui se passe,
06:28 c'est qu'on prend conscience d'à quel point c'est fantastique d'être français.
06:32 Moi, ce qui me frappe beaucoup, c'est que les Français qui vivent à São Paulo, à Los Angeles, à Bombay, à Shanghai,
06:39 sont hyper fieras d'être français. La French Touch, ça existe.
06:44 C'est une réalité que connaissent la plupart des gens du monde et les Français qui vivent hors de France.
06:51 Les seuls, finalement, qui ont raté le fait qu'il y a un truc qui s'appelle la French Touch, c'est les Français de l'Hexagone.
06:57 Donc la première chose que gagneront, j'espère, beaucoup de jeunes en allant voir ailleurs,
07:05 c'est de se réapproprier la France et la fierté d'être français.
07:09 La deuxième chose, c'est de se réconcilier avec la grande conversation mondiale.
07:14 Encore une fois, on vit en vase clos en France. Donc il y a toute une ribambelle de phénomènes qui sont à l'œuvre.
07:21 Et en allant à Shanghai, en allant à São Paulo, en allant voir ailleurs, on se rend compte que vivre dans ces endroits,
07:30 c'est penser, c'est vivre, c'est sentir le monde d'une manière tout à fait différente de la manière dont on sent le monde
07:39 lorsqu'on regarde le 20h en France. Et ça, c'est... Comment dire ?
07:45 Ça apporte cette ouverture, cette capacité à regarder les choses sous un autre angle, étant en soi tellement enrichissante
07:54 que moi, je dis, même si vous allez dans un endroit beaucoup moins exotique que ce que j'ai mentionné,
07:59 même si vous allez dans un endroit qui n'est pas très rock'n'roll du tout...
08:03 Moi, j'ai fait mes études au départ dans une ville du nord de l'État de New York qui s'appelle Syracuse,
08:11 qui est beaucoup moins agréable que sa sœur sicilienne. Et c'était pas un endroit, franchement, qui bouleverse ni par sa beauté,
08:21 ni par son ouverture, mais j'y ai gagné quelque chose d'énorme, ne serait-ce que parce que je suis parti, que j'étais loin de chez moi.
08:28 Lorsqu'on est à l'étranger, lorsqu'on voyage, on pense plus. On voit le monde, encore une fois, d'une autre manière.
08:35 Et c'est ça que je pense gagnerait en premier lieu ou en tout cas parmi les choses dont bénéficieront, bénéficieraient ceux qui partent.
08:45 Il y a ces aspects-là.
08:47 — Est-ce qu'il n'y a pas un discours un peu, j'allais dire, superficiel, peut-être un peu décalé par rapport à la réalité des jeunes ?
08:56 Partir à l'étranger, ce sont des moyens, du temps, de l'argent. Est-ce que vous ne passez pas là à côté d'une réalité française ?
09:04 — Moi, je tiens à être tout à fait... Je veux pas être justement dans la naïveté. Je veux pas être... Non, je veux pas me faire de film là-dessus.
09:14 C'est vraiment fondamental pour moi, d'autant plus que moi, j'ai la chance d'être né dans un quartier de riches du centre de Paris,
09:21 que j'ai toujours eu... J'avais une cuillère en argent dans la bouche. Enfin je veux dire moi, j'avais tout. Donc je suis même pas français.
09:27 J'ai parlé anglais toute ma vie. Bien sûr que j'ai des facilités que d'autres n'ont pas. Mais je voudrais tordre le coup à quelques lieux communs,
09:33 quelques poncifs qui, à mon avis, justement, paralysent les jeunes français. C'est une ânerie aujourd'hui de croire, ceux qui veulent nous faire croire
09:45 qu'il faut être dans la finance, il faut être aisé, il faut être privilégié, il faut avoir fait HEC ou je ne sais quelle grande école pour s'épanouir à l'étranger.
09:54 C'est pas vrai. Les chauffeurs, les serveurs, les plongeurs, les coiffeurs français qui vivent à Londres, à Shanghai, à Sao Paulo, à Pékin, etc.
10:06 vivent mieux que leurs homologues qui vivent en France. Je parle des Français. Donc aujourd'hui, il vaut mieux être coiffeur en dehors de France
10:14 que coiffeur en France. Il vaut mieux être serveur en dehors de France qu'en France. Il vaut mieux être cuisinier, restaurateur, ce que vous voulez,
10:24 en dehors de France qu'en France, en étant français.
10:27 Félix Marcard, merci. Je le rappelle pour nos auditeurs, cette émission est en multimédia. C'est à la radio à 8h05, dès 10h en vidéo.
10:36 C'est sur le rage.fr. Et si vous avez une réaction, une proposition d'inviter, un mail pour vous, c'est le face@rage.fr.
10:44 À la semaine prochaine.
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