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00:00 Face à rage, présenté par Valère Coréard.
00:03 [Musique]
00:08 La France, pays de râleur. En 2011, les Français étaient déjà champions du monde du pessimisme quant à leur situation économique.
00:15 En 2013, nous sommes encore 60 % à être pessimistes pour l'avenir de la société.
00:21 Et si tout était question de volonté, d'approche ou de philosophie ?
00:25 Alexandre Jost, bonjour.
00:27 Bonjour Valère.
00:28 Bienvenue. Face à rage, vous êtes président et fondateur de la fabrique Spinoza.
00:32 Trois dates dans votre parcours professionnel. En 2000, vous êtes diplômé de l'École centrale de Paris.
00:37 2010, création du think tank La Fabrique Spinoza.
00:40 2013, nommé à la Commission présidentielle de la République, dite Atalie 2, pour l'économie positive.
00:47 D'abord, est-ce que vous rajoutez une date à ces trois-là ?
00:50 Non. Écoutez, j'ai l'impression que c'est exactement ce qui s'est passé dans ma vie et ce qui m'a amené à créer un projet autour du bien-être citoyen.
01:00 Oui, c'était en 2010, un think tank La Fabrique Spinoza. D'abord, pourquoi un think tank ?
01:06 Et si on peut rappeler très brièvement, qu'est-ce que c'est qu'un think tank, finalement ?
01:09 Oui, tout à fait. Eh bien un think tank, on aime bien les mots anglo-saxons, ces jours-ci.
01:13 C'est un club de réflexion. On pourrait dire un club d'action dont l'objet est d'apporter des propositions pour transformer la société.
01:20 Et La Fabrique Spinoza, c'est quoi ? Et pourquoi ce nom-là ?
01:23 Ce nom-là, eh bien parce que « fabrique » au sens de « production réelle d'idées ».
01:28 Et puis Spinoza, parce que c'est un des philosophes assez méconnus, finalement, en comparaison de son œuvre,
01:34 qui est tournée vers la joie, la liberté et qui imagine le bonheur d'une manière qui nous parle à nous, êtres humains.
01:41 Qu'est-ce que vous proposez, alors ? Quelles sont vos activités et quel est le fondement de votre action ?
01:47 Écoutez, c'est très simple. Le fondement de notre action est de dire que nous avons peut-être oublié le but en chemin.
01:53 On parle de croissance du PIB. C'est fondamental dans une nation qui est en crise. Mais est-ce que cette croissance du PIB
02:00 ou quelle forme de croissance peut permettre à une société de s'épanouir ? Et par rapport à ce constat simple,
02:07 nous disons qu'en réintrôlisant le concept de bien-être citoyen au cœur de notre société,
02:12 nous obtenons des effets vertueux en termes économiques, en termes politiques, en termes de fonctionnement global.
02:17 Et pour ce faire, nous construisons des groupes de réflexion avec des citoyens pour réfléchir à des propositions.
02:23 Et alimentés par de l'expertise qui vient de la science, nous formulons des propositions nouvelles qui, aujourd'hui,
02:28 intéressent gouvernement, entreprises et l'ensemble des citoyens.
02:33 Et vous me le disiez en préparant cet entretien, vous avez un objectif qui est ambitieux, hyper ambitieux même,
02:38 d'ici 10 à 20 ans, que la grande majorité des Français soient simplement heureux, ait une positive attitude, c'est ça ?
02:46 Alors en fait, dans ce type de débat, la formulation est importante. Et je parlerais plutôt de créer les conditions
02:55 en tant que société, en tant qu'économie, en tant que fonctionnement collectif, les conditions qui permettraient,
03:01 si le gens le souhaitent, libre à eux, d'être épanouis pour 90% ou 100% des Français. Voilà.
03:08 Est-ce que vous pourriez nous décrire quelques-unes de vos préconisations concrètes ? Parce qu'on se dit que pour arriver
03:14 à cet objectif, que la grande majorité des Français se sentent bien, c'est ce que vous me dites, il y a quand même un petit peu un chemin, là.
03:21 Écoutez, je vais prendre une proposition un peu poil à gratter, dans la mesure où nous sommes dans un studio radio-télé.
03:28 Entre 1973 et 2008, eh bien sur 35 ans, le PIB a été multiplié par 2, +113%, un euro constant. Et dans le même temps,
03:37 eh bien le niveau de satisfaction des Français déclaré est resté le même, médiocre, à 6,2 sur 10. Et certains économistes assez sérieux
03:44 pensent qu'il pourrait y avoir comme seule... Peut-être pas comme seule, mais comme une des explications principales le fait que
03:51 le temps de visionnage à télévision a été augmenté. Aux États-Unis, le temps de visionnage de télévision est augmenté de 10 heures par semaine,
03:59 alors que le temps de loisir est augmenté de 6 heures. Et quand on interroge les gens sur leur satisfaction à regarder la télévision,
04:05 on s'aperçoit qu'elle est médiocre. Donc il serait possible que ce temps accru devant la télévision soit une explication. Alors une proposition
04:13 que l'on fait, c'est de dire pourquoi ne pas encourager une réforme de la gouvernance du CSA, de telle sorte à y intégrer des avis citoyens,
04:20 de tels spectateurs, pour s'assurer que le média télévision est à même de favoriser l'épanouissement collectif en termes de culture,
04:28 en termes de plaisir, en termes d'éducation, de développement.
04:32 On dit que la France est un pays de râleur. Pourquoi est-ce qu'on est si pessimiste ? Je le disais, un sondage paru le 25 janvier dernier précise
04:40 que la moitié des Français se dit certain que le déclin de la France est inéluctable. C'est pas que la télé.
04:46 Alors effectivement, quoique les médias y participent, mais peut-être une petite correction. Il y a deux manières d'examiner l'optimisme.
04:57 Ou bien en distinguant optimisme de but et optimisme de chemin. Les Français sont probablement plutôt optimistes en termes de but.
05:05 Ils pensent qu'ils arriveront quelque part. Mais pessimistes en termes de chemin, ça sera difficile. Et une autre distinction à faire,
05:10 c'est que les Français sont un peuple qui est optimiste individuellement, mais pessimiste collectivement.
05:16 Si on demande aux Français « Pensez-vous que vous vous trouverez un an plus tard dans une meilleure situation ? », en général, ils répondent « Oui ».
05:23 Même aujourd'hui.
05:24 Vous parlez également milieu professionnel. Et vous expliquez en tout cas une de vos théories, et que le bien-être favorise finalement la productivité,
05:37 l'efficacité en entreprise. Vous pouvez expliquer cela ?
05:39 Oui, bien sûr. Alors peut-être un petit bémol. Comme vous dites, une de nos théories, en tant que think tank et en étant non-partisan,
05:48 nous avons la capacité à construire une pensée qui soit aussi libre, aussi neutre que possible. Donc nous nous appuyons sur des recherches scientifiques.
05:56 Et effectivement, il y a aujourd'hui 225 études, par exemple récapitulées par Sonja Lyubomirsky, qui suggèrent des avantages aux affects positifs,
06:06 et des avantages au bien-être à l'épanouissement, y compris dans le champ professionnel. Et nous apportons des préconisations aux entreprises,
06:14 de telle sorte, à améliorer leur efficacité économique via le bien-être de leurs collaborateurs, sans oublier que le bien-être des collaborateurs,
06:21 de notre point de vue, est également une finalité en soi pour une organisation. Lorsque vous faites des propositions, l'objectif est qu'elles soient entendues.
06:30 Donc comment est-ce que vous faites pour être entendus ? Et l'avez-vous déjà été ? Alors écoutez, comment faire pour être entendu ?
06:38 Eh bien je pense que ça passe par le fait d'être ici avec vous aujourd'hui. Ça passe par le fait de rassembler autour de nous des personnalités.
06:46 Nous avons parmi les gens qui nous soutiennent Richard Lea, l'ancien conseiller économique de Tony Blair. Nous avons des gens comme Mathieu Ricard.
06:54 Nous avons des sociologues, des neuroscientifiques comme Jacques Fralin. Donc ça, ça y aide. Et puis peut-être simplement croire que,
07:02 eh bien avec des petits bras, puisqu'aujourd'hui, nous sommes seulement 1 000 suiveurs dans les réseaux sociaux à la fabrique Spinoza,
07:10 eh bien on peut porter une action. Alors pour vous donner un exemple de « est-ce que ça marche ou pas », eh bien je dirais que depuis 2 ans,
07:16 depuis notre création, nous travaillons auprès des députés, des parlementaires, des sénateurs pour les encourager à créer une commission
07:24 sur les indicateurs de bien-être, comment imaginer des indicateurs complémentaires au PIB. Et après 2 ans, nous sommes en passe de réussir.
07:31 Et effectivement, une commission se crée au Sénat pour réfléchir à quels seraient nos indicateurs, à même de fixer un cap pour notre société
07:40 et favoriser par là-même un meilleur fonctionnement économique. — La culture du positif à tout prix n'aurait-elle pas aussi ses limites
07:48 à un moment donné ? Est-ce qu'on risque pas de créer un environnement superficiel du bonheur et d'éluder les vraies questions de fond,
07:56 les problèmes de la vraie vie, j'allais dire ? — Alors écoutez, cette question, elle nous touche particulièrement, parce qu'il ne faudrait pas avoir
08:06 un corps angélique et oublier les gens qui sont dans la grande précarité, dans des situations d'exclusion. Et par rapport à ces gens-là,
08:13 il est certain qu'il faut d'abord leur donner un toit, veiller à ce qu'ils soient dans une situation de dignité humaine. Les personnes auprès de qui
08:21 nous souhaitons ajouter de la valeur sont peut-être les Français qui sont dans une situation, on va dire, moyenne. Une deuxième chose à ajouter,
08:29 c'est que les études et les recherches suggèrent que l'épanouissement d'un individu est bénéfique pour la société dans son ensemble.
08:38 Avec des coûts de santé qui sont moindres, les individus qui sont épanouis sont des gens qui participent plus à la vie de la cité.
08:44 Ils sont des gens qui sont plus engagés démocratiquement, qui sont des gens qui ont plus d'initiatives, qui sont plus d'entrepreneurs dans la société.
08:50 Donc on croit véritablement à la fabrique Spinoza qu'il y a possibilité d'imaginer un fonctionnement global où s'alignent des impératifs économiques,
08:58 des impératifs sociétaux et des impératifs d'épanouissement personnel, individuel et collectif.
09:04 Vous faites partie de la commission présidentielle de la République dite « Atalie 2 » pour l'économie positive.
09:09 Pouvez-vous nous en décrire l'objet et en quoi consiste cette commission ? Quels sont ses objectifs ?
09:16 Oui, bien sûr. Écoutez, l'idée de cette commission est très simple. Elle consiste à dire que dans des recherches de croissance,
09:26 on a tendance à aller chercher des remèdes qui soient véritablement curatifs par rapport aux symptômes présents.
09:37 Et nous souhaitons imaginer dans cette commission une autre forme d'économie qui s'appuierait sur des ressorts différents.
09:44 Et c'est une économie qui, potentiellement, pourrait s'appuyer sur un altruisme, un altruisme rationnel, avec une coopération plus grande
09:52 entre les entités, entre les individus, de telle sorte à favoriser un meilleur fonctionnement de cette économie.
09:57 — « Altruisme rationnel ». — Alexandre Jost, merci d'avoir accepté notre invitation face à RAJ.
10:03 Je le rappelle pour nos auditeurs. Cette émission est multimédia sur RAJ à 8h05, chaque vendredi à la radio et en vidéo sur RAJ.fr.
10:12 C'est des 10h. Si vous avez une réaction sur une émission, une proposition d'invité, de sujet, n'hésitez pas.
10:18 C'est sur ce mail, face@raj.fr. À la semaine prochaine.
10:24 (Générique)