La situation dans les écoles "devenue intenable" selon les syndicats qui déposent une alerte sociale

  • l’année dernière
Le syndicat FSU-SNUipp a déposé une centaine d'alertes sociales en France pour alerter sur une situation jugée inédite dans les écoles. Selon le syndicat, la situation n'a jamais été si grave. Dans les Pyrénées-Orientales, près de 50 professeurs des écoles ont démissionné ces cinq dernières années.
Transcript
00:00 Mais pour l'instant à 7h46, c'est un cri de détresse qu'on entend ce matin sur France Bleu Roussillon.
00:05 Un appel au secours, un SOS pour sauver l'école en France.
00:08 Rien que ça, les syndicats enseignants ont déposé hier une centaine d'alertes sociales dans tout le pays.
00:13 Ils attendent maintenant une réaction de l'État.
00:16 Suzanne Chaudjahi, notre invitée ce matin, c'est le co-secrétaire du syndicat SNUIPPFSU dans les Pyrénées-Orientales.
00:22 Bonjour Jean-François Noguès.
00:23 Bonjour.
00:24 Alors c'est pas la première fois qu'on reçoit un syndicat enseignant pour dénoncer le manque de moyens dans l'éducation nationale.
00:29 Mais cette fois, vous estimez qu'on a atteint un point de rupture.
00:33 Alors en quoi la situation actuelle est pire aujourd'hui que ce que vous avez connu auparavant ?
00:39 Alors l'action actuelle, c'est que 102 alertes sociales sont déposées partout en France par la FSU SNUIPP
00:45 et donc nous aussi pour la FSU SNUIPP66.
00:49 C'est quoi déjà une alerte sociale ?
00:50 Alors une alerte sociale, c'est la démarche préalable au dépôt d'un préavis de grève.
00:55 Ça on verra dans un deuxième temps, mais c'est surtout l'occasion d'alerter notre hiérarchie sur tout ce qui ne va pas
01:01 et notamment sur trois points.
01:02 Les conditions de travail, les conditions de l'inclusion scolaire
01:06 et ensuite le dialogue social et les relations hiérarchiques qui sont fortement dégradées.
01:10 C'est-à-dire que vous n'avez jamais connu une telle situation ?
01:13 Non, c'est la raison pour laquelle nous déposons ces 102 alertes.
01:17 C'est une première dans tous les départements de France.
01:19 Et qu'est-ce qui vous fait dire ça ? Il y a beaucoup d'enseignants qui démissionnent ces derniers temps ?
01:24 La liste est longue de tout ce qui ne fonctionne pas au-delà du discours de communication de notre ministre qui est rôdé.
01:31 Mais depuis quelques années, on sent dans les retours qu'on a que la situation s'aggrave.
01:37 Alors évidemment sur le manque de moyens, mais ça c'est pas nouveau.
01:40 Mais aussi sur la formation, les démissions qui augmentent fortement depuis cinq ans.
01:47 On estime qu'il y a entre 40 et 50 professeurs des écoles titulaires qui ont démissionné.
01:50 Ici dans le département ?
01:52 Dans le département, on pourrait faire la longue liste des postes qui ont été fermés.
01:56 Des postes de remplaçants, des 50 postes de maîtres spécialisés qui travaillaient dans les réseaux d'aide qu'on appelle les RAZ.
02:04 Et qui s'attachaient à la difficulté scolaire des élèves.
02:08 La situation des AESH qui sont vraiment maltraitées par l'institution.
02:13 On rappelle que ces collègues qui accompagnent les élèves dans des situations de handicap subissent le temps partiel.
02:18 Ils sont payés 900 euros par mois.
02:19 Et évidemment, toutes ces raisons, j'y ajouterai aussi le non remplacement.
02:24 Les enfants de vos auditeurs et les familles qui nous écoutent le constatent très certainement.
02:30 Les maîtres et maîtresses ne sont pas remplacés.
02:32 Donc le problème numéro un, si je comprends bien, c'est plus le manque de postes que le manque de candidats, comme on entend ces derniers temps.
02:38 Alors notre métier n'est plus attractif.
02:40 Donc il y a aussi un problème de candidats ?
02:42 Tout à fait. Le ministère en est réduit à faire une campagne de recrutement sur les petits sachets des baguettes de peigne.
02:48 Et donc ce manque d'attractivité qui est lié à plein de choses, les rémunérations qui sont en dessous de la moyenne de l'OCDE,
02:57 mais aussi les conditions de travail qu'on dénonce aujourd'hui et les conditions de l'inclusion scolaire.
03:03 L'année dernière, 160 élèves qui avaient une notification pour une orientation vers des établissements spécialisés,
03:08 ne l'étaient pas et étaient en classe ordinaire.
03:11 Dans le département ?
03:12 Dans le département seulement.
03:13 On sait pourtant qu'en raison de la démographie, le nombre d'écoliers va diminuer à la rentrée prochaine.
03:20 Est-ce que ça peut arranger la situation un petit peu ?
03:22 Alors nous, on aurait préféré que le ministre profite de cette baisse démographique réelle,
03:27 justement pour améliorer les effectifs et les conditions de toutes et tous.
03:32 On rappelle qu'en France, il y a en moyenne trois élèves de plus que la moyenne des pays de l'OCDE par classe.
03:39 Donc c'était une occasion, cette occasion elle est manquée, malheureusement.
03:44 Il y a eu le dédoublement des classes de CP, CE1, grandes sections, c'est pas suffisant ?
03:48 Les fameuses classes à 12 mises en place par Jean-Michel Blanquer.
03:51 Si on fait un petit tour dans les écoles du département,
03:54 on s'aperçoit que pour respecter ces classes à 12, il faudrait 48 postes supplémentaires.
03:58 Si on ajoute les 50 RASED supprimés les 15 dernières années, le non-remplacement.
04:02 RASED ?
04:03 Les RASED dont les maîtres spécialisés dans la difficulté scolaire.
04:07 On s'aperçoit que la situation est à un point de rupture.
04:12 France Bleu Roussillon, l'invité du 6/9.
04:15 7h50, notre invité Jean-François Noguès, co-secrétaire du syndicat enseignants ce nuit Pépé FSU dans les Pyrénées-Orientales.
04:22 Vous ciblez donc les établissements spécialisés, à l'instant les ITEP, les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques,
04:29 les IME, les instituts médico-éducatifs, avec des enfants qui devraient être placés dans ces structures et qui finalement ne le sont pas.
04:36 C'est justement à cause du nombre de postes selon vous ?
04:39 Alors les établissements spécialisés c'est une délégation du service public à d'autres organismes.
04:45 L'ABC de ce que devrait être le fonctionnement de l'éducation nationale c'est que quand on oriente un élève, l'institution oriente un élève,
04:52 on met tout en œuvre pour qu'il y soit effectivement.
04:56 Et ça, ça crée des situations difficiles dans les classes.
04:59 Il y a aussi les élèves qui ne sont pas en situation de handicap mais qu'on appelle les élèves perturbateurs,
05:04 qui créent parfois, par le manque de moyens, des situations de souffrance.
05:09 Et ça c'est important dans notre alerte sociale, ce qui nous remonte de nos collègues, professeurs des écoles et AESH,
05:15 c'est la souffrance grandissante au travail.
05:18 Il y a une étude de l'autonome de solidarité qui est assez alarmante en ce sens.
05:23 Vous parliez des remplaçants aussi, on en manque toujours autant dans le département,
05:29 c'est-à-dire qu'il y a des classes aujourd'hui qui parfois se retrouvent sans enseignant ?
05:32 D'abord, notre département est déficitaire en personnel titulaire,
05:36 ce qui fait qu'on a actuellement dans les classes des petits Catalans et des petites Catalanes 50 contractuels,
05:41 ce qu'on ne connaissait pas, il y a trois ans il y en avait zéro.
05:44 Et cette situation déficitaire amène à toute cette souffrance, ce mal-être, ce stress,
05:56 mais aussi pour les familles et les enfants à des difficultés sur le service public d'éducation.
06:04 On ne devrait pas être dans cette situation actuellement.
06:06 Et quand vous parlez de tous ces problèmes à votre hiérarchie, est-ce qu'elle vous entend ? Est-ce qu'elle vous soutient ?
06:11 Alors, le but des centres de alerte sociale, c'est d'alerter dans les départements, mais aussi au ministère.
06:17 Tout ceci, c'est le résultat de politiques libérales.
06:21 Libérales ?
06:22 Libérales.
06:23 Pas des entreprises ?
06:23 Clairement. On est dans le démantèlement un petit peu du service public, selon nous.
06:30 Quand on dit qu'il y a la priorité aux primaires et qu'en face à la rentrée 2024, on supprime 1 703 postes dans le premier degré,
06:38 on voit bien que le discours n'est pas suivi d'actes.
06:42 Donc, votre syndicat a déposé une centaine d'alertes sociales dans tous les départements de France hier.
06:48 C'est d'ailleurs une première. La direction académique ici, dans les PO, a logiquement l'obligation de vous recevoir dans les tout prochains jours.
06:55 Je crois que c'est dans les trois prochains jours.
06:57 Si jamais les réponses ne sont pas à la hauteur de ce que vous attendez, qu'est-ce qui va se passer ?
07:01 Effectivement, dans les centres de département, nous avons déposé une alerte sociale.
07:05 Nous serons reçus de main par la directrice académique et nous lui exposerons nos arguments en entendant des réponses concrètes locales.
07:14 La suite, il y aura très certainement déjà d'autres actions de la FSU SNU-PP dans les semaines à venir,
07:22 au niveau aussi de l'intersyndicale éducation nationale.
07:25 Mais quoi comme actions ?
07:27 Alors, ça peut être d'autres actions locales, mais cette alerte sociale permet déjà de pouvoir se mettre en grève.
07:35 C'est dans le paysage, on va dire, sur ce thème des conditions de travail, de l'inclusion.
07:41 Prochaine étape, la grève.
07:43 C'est une possibilité, on verra les réponses apportées par l'institution.
07:47 Et je voudrais quand même rajouter aussi qu'il y a une forte dégradation du climat avec notre hiérarchie.
07:55 On a besoin que la hiérarchie locale, nationale, protège, soutienne les équipes en ce moment.
08:01 Merci beaucoup Jean-François Noguès, vous êtes co-secrétaire du syndicat enseignant SNU-IPP-FSU dans les Pyrénées-Orientales.
08:07 A bientôt.

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