Éric Dupond-Moretti était l’invité de BFMTV au lendemain de la relaxe prononcée par la Cour de Justice de la République dans son procès pour prise illégale d’intérêts.
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00:00 Bonsoir Éric Dupond-Moretti.
00:02 Bonsoir Monsieur Diomène.
00:03 Merci beaucoup d'être avec nous ce soir sur BFM TV.
00:05 Merci de nous accueillir dans ce bureau, votre bureau,
00:09 Place Vendôme, que vous avez failli perdre.
00:12 Vous nous accueillez au lendemain de votre relax
00:15 par la Cour de justice de la République,
00:17 après trois ans de procédure judiciaire.
00:19 On va revenir sur ses conséquences,
00:21 sur les réactions politiques bien sûr.
00:23 On parlera également du climat actuel après le drame de Crépole,
00:26 mais d'abord une question plus personnelle.
00:29 Quand vous avez entendu hier aux alentours de 15h
00:32 le président de la Cour de justice de la République
00:34 vous déclarer non coupable,
00:35 on a vu, on vous a vu sortir de ce tribunal
00:39 et lever les yeux au ciel.
00:41 Qu'est-ce que vous vous êtes dit ?
00:43 Qu'est-ce que vous avez ressenti à ce moment-là ?
00:46 Je me suis dit c'est fini.
00:48 Enfin, après trois ans et demi,
00:53 si vous voulez que je vous dise des choses encore plus personnelles,
00:57 j'ai pensé à mes proches.
01:00 Parce que c'est une épreuve que j'ai subie, évidemment.
01:04 On a attaqué mon honneur.
01:08 Il y a 16 000, 16 000, monsieur Duhamel,
01:12 articles de presse qui ont été publiés.
01:15 Et je vais le dire comme ça,
01:17 un certain nombre d'entre eux n'ont pas consacré
01:19 ma présomption d'innocence.
01:22 Je voulais enfin m'expliquer.
01:25 Et j'ai été entendu.
01:28 Donc j'ai pensé à moi, bien sûr.
01:30 J'ai pensé à ma famille.
01:31 Vous aviez eu ce mot au début du procès, infamie.
01:35 Oui, je l'ai vécu comme une infamie.
01:38 D'abord parce que, comme je ne voulais pas que mon ministère,
01:43 que ma fonction,
01:46 puisse d'une quelconque façon être entachée par le probe
01:51 de telle poursuite,
01:53 je n'ai jamais répondu aux attaques.
01:55 Et elles ont été parfois violentes.
01:58 Parfois des injures ont été proférées.
02:02 J'ai pris sur moi.
02:03 Ce n'est pas tout à fait ma nature.
02:05 Ce n'est pas tout à fait votre tempérament, oui.
02:06 Notamment, on a vu ça pendant le procès,
02:09 les récits d'audience vous ont dépeint comme grommelants,
02:14 maugréants.
02:14 C'était quoi ?
02:15 C'était insupportable d'être à la place du prévenu,
02:17 là où vous étiez plutôt habitué à être à celle de l'avocat ?
02:21 Ce n'est pas parce que j'ai été ancien avocat
02:23 que ça accentuait la difficulté.
02:26 Parfois vous interrogiez même directement les témoins
02:28 comme un avocat.
02:30 Non, ce n'est pas interdit.
02:31 Il y a trois ans et demi que j'attendais.
02:33 C'était à la fois une épreuve,
02:35 et une épreuve difficile à vivre,
02:37 même s'il faut la relativiser.
02:39 Mais c'était aussi un soulagement pour moi de dire les choses.
02:43 Et quand j'ai pu enfin dire qu'en réalité,
02:48 je n'avais jamais voulu me venger,
02:51 et qu'à la lecture de la décision,
02:53 j'entends que la Cour de justice de la République
02:55 consacre cette vérité qui est ma vérité,
02:59 oui je suis soulagé.
03:00 On va revenir dans un instant sur le jugement,
03:02 mais quand on vous entend là parler de ces 16 000 articles de presse,
03:06 vous le dites, et vous avez aussi prononcé cette phrase hier soir,
03:07 "j'ai accepté pendant trois ans de me faire injurier, je n'ai rien dit".
03:10 Est-ce qu'au fond, il y a une sorte de volonté de vengeance,
03:13 de prendre une revanche sur ceux-là même qui vous ont accablés ?
03:19 Aujourd'hui ?
03:20 Oui, aujourd'hui, et ce que vous avez ressenti
03:22 quand ce jugement a été dit ?
03:24 Pardon, on m'a reproché de vouloir me venger.
03:27 Je suis blanchi de cela, j'ai été innocenté.
03:31 Et vous voudriez qu'aujourd'hui…
03:33 De prendre votre revanche sur ceux-là même qui vous ont critiqué,
03:36 vous les mettez en cause ?
03:37 Monsieur Duhamel, mon état d'esprit aujourd'hui,
03:41 c'est qu'il faut tourner cette page.
03:45 Je veux…
03:46 Quand on dit "je n'ai rien dit, je me suis fait injurier",
03:48 on sent quand même qu'il y a une forme de rancœur, de rancune,
03:51 de rentrée, ce n'est pas forcément exactement les mots de quelqu'un
03:53 qui est tout à fait apaisé par rapport aux jours et aux semaines qui vont arriver.
03:58 Vous êtes gentil, vous savez ce que c'est que trois ans et demi
04:02 durant lequel, par exemple, à chaque déplacement,
04:05 on vous dit "mais alors votre procédure, monsieur le ministre, vous en êtes ?"
04:08 C'est la démocratie, vous êtes ministre de la justice, garde des Sceaux,
04:11 c'était inédit d'avoir un ministre en exercice,
04:14 c'est assez logique qu'on vous ait posé la question.
04:16 Il me peine de vous dire, mais je le dis très calmement,
04:19 que la présomption d'innocence aussi c'est la démocratie.
04:23 Hier dans l'entretien que j'ai eu avec le président de la République,
04:25 je ne vous en donnerai pas la teneur,
04:26 on a évoqué des sujets qui sont en cours,
04:34 sur les émeutes par exemple, sur des textes qui sont en préparation,
04:40 mais moi j'ai tenu à dire merci au président de la République
04:43 parce qu'il a été scrupuleusement respectueux de ma présomption d'innocence.
04:48 Ça n'est pas le cas de tout le monde.
04:50 – Vous avez dit soulagement, est-ce que vous avez eu peur d'être condamné
04:54 et donc de devoir quitter le gouvernement,
04:57 quitter ce bureau que vous occupez aujourd'hui ?
05:00 – Écoutez monsieur Duhamel, je vais vous dire,
05:02 quand on a été 36 ans avocat,
05:03 on sait qu'il y a parfois un aléa judiciaire, naturellement,
05:08 mais en même temps je faisais confiance dans la justice.
05:11 – Vous aviez préparé un discours de passation de pouvoir
05:14 si vous étiez condamné ?
05:14 – Mais non, mais non, mais non.
05:17 – Vous auriez quitté le gouvernement si vous aviez été condamné ?
05:19 – Mais peut-être, mais les choses se seraient faites en leur temps,
05:23 puis je veux rappeler quand même qu'on ne va pas…
05:25 – Mais peut-être c'est une règle qui avait été fixée…
05:29 – Monsieur Duhamel, on ne va pas épiloguer sur ce que j'aurais fait
05:33 si j'avais été condamné, car je veux vous redire que j'ai été innocenté,
05:39 que j'attendais cela depuis trois ans et demi,
05:43 que je savais ce que j'avais fait, je savais ce que je n'avais pas fait,
05:49 je savais dans quel état d'esprit les choses avaient été faites.
05:53 Je rappelle que les procédures, et puis on ne va pas refaire le procès,
05:58 mais elles étaient antérieures à mon arrivée au ministère.
06:01 – Je vous poserai une question dans un instant là-dessus,
06:03 sur votre état d'esprit pendant ces trois ans et demi,
06:05 vous dites "j'ai pensé à ma famille",
06:09 est-ce que pendant ces trois ans et demi,
06:10 il y a des moments où vous vous êtes dit "j'arrête" ou "le corps, la tête"
06:16 ou "envie de lâcher" ou "lâche" ?
06:18 – Non. – À aucun moment ?
06:19 – Non, je n'ai jamais pensé à démissionner.
06:22 Vous savez pourquoi ?
06:23 Monsieur Duhamel, je suis venu ici pour améliorer la justice de mon pays.
06:28 J'ai eu la chance d'avoir derrière moi un président de la République,
06:33 deux premiers ministres qui m'ont permis de renforcer considérablement
06:38 les moyens de la justice et… deux petites secondes…
06:43 et cela pour moi, ça n'était pas rien.
06:46 Je savais quel était mon objectif, il me portait.
06:50 Mais pour autant, vous dire que cette procédure
06:52 que j'ai toujours considérée comme injuste ne m'a pas affecté personnellement,
06:58 si je vous disais le contraire, vous me diriez,
07:01 vous auriez raison, je vous mens.
07:02 – Vous parlez des objectifs, il y a maintenant cette question de savoir
07:05 comment est-ce que vous gérez l'après,
07:06 notamment dans vos relations avec le monde judiciaire.
07:08 Celui qui a requis contre vous lors de ce procès s'appelle Rémi Etz,
07:11 il est procureur général près de la Cour de cassation,
07:13 c'est-à-dire l'un des principaux postes judiciaires,
07:15 et vous êtes, comme ministre de la Justice, son supérieur hiérarchique.
07:18 Je voudrais vous soumettre quelques-uns de ces mots
07:20 que vous avez entendus dans son réquisitoire.
07:21 Voilà ce qu'il disait, il a évoqué un interdit bafoué qui ne peut être impuni,
07:25 parlé d'un poison mortel pour la démocratie,
07:28 concernant ce conflit d'intérêts présumé,
07:32 sur l'échelle de l'intensité du conflit d'intérêts,
07:34 celui du garde des Sceaux se situe à un niveau très élevé.
07:37 Comment est-ce qu'on peut imaginer une seule seconde
07:39 que vous pourrez continuer à travailler sereinement avec lui,
07:41 vu ce qu'il a dit ?
07:44 – Monsieur Duhamel, le procureur général a requis ce qu'il estimait
07:49 devoir requérir en toute indépendance.
07:51 Vous vous faites remarquer d'ailleurs que…
07:53 – Enfin les mots restent, Eric Dupond-Moretti.
07:55 – Voulez-vous me laisser terminer mon propos ?
07:59 En toute indépendance, et le parquet de ce pays,
08:02 mon procès en est une illustration, est totalement indépendant.
08:06 Moi je veux tourner la page, il est l'un de mes interlocuteurs
08:11 institutionnels majeurs, comme l'est le premier président
08:15 de la Cour de cassation, comme le sont également
08:18 les présidents des conférences, chefs de cour,
08:21 chefs de juridiction, et comme le sont aussi,
08:23 Monsieur Duhamel, les syndicats.
08:26 Et je vais recevoir…
08:27 – Ils sont à l'origine de la plainte.
08:30 – Je vais recevoir, mais l'expression elle est très simple,
08:34 tourner la page, vous voyez ce que ça signifie ?
08:37 La mission qui est la mienne, elle me dépasse,
08:40 c'est celle d'améliorer la justice de notre pays, excusez-moi.
08:44 On l'a fait sur le terrain des moyens, il faut mettre en œuvre
08:48 la loi de programmation qui a été votée.
08:52 Il y a encore beaucoup de choses à faire.
08:53 – Ça ne laissera pas de traces, il n'y aura pas de rencœur personnel
08:56 quand on vous connaît, quand on connaît votre tempérament,
08:58 les mots aussi que vous avez pu avoir sur les syndicats de magistrats.
09:03 On a, pardon, un peu de mal à croire que ça ne laissera pas de traces.
09:05 – Je vais vous en faire la démonstration, Monsieur Duhamel.
09:09 Durant trois ans et demi, alors qu'on a peu respecté
09:14 ma présomption d'innocence, j'ai travaillé avec tous
09:17 les interlocuteurs institutionnels dont je viens de vous parler.
09:20 Je vous rappelle par exemple que pour mettre en place
09:22 les états généraux, tout le monde a été reçu ici.
09:26 Pourquoi voulez-vous que lorsque j'étais accusé
09:29 et que je réussissais à discuter avec mes différents interlocuteurs,
09:34 pourquoi voudriez-vous qu'une fois innocenté,
09:38 je ne le fasse pas ou je ne le fasse plus ?
09:40 Ça n'a aucun sens.
09:42 – Vous évoquiez tout à l'heure le fond du jugement.
09:44 Je voudrais qu'on y reste un instant, si on doit résumer
09:46 pour ceux qui nous écoutent, ce que dit la Cour de justice de la République,
09:48 c'est que le conflit d'intérêt, il est avéré,
09:52 mais qu'il n'y avait pas d'intention, c'est-à-dire que vous…
09:54 ce n'était pas un conflit d'intérêt fait sciemment
09:56 et donc c'est la raison pour laquelle vous avez été relaxé.
09:59 Pour quelqu'un qui a plus de 30 ans de barreau,
10:02 est-ce qu'il n'y a pas un problème à ne pas avoir vu
10:05 qu'il y avait un conflit d'intérêt ?
10:07 Encore une fois, c'est ce qui a été dit par Dominique Paute,
10:10 le président de la Cour de justice de la République.
10:12 – Combien de temps vous et certains de vos confrères
10:14 n'allez pas entendre que j'ai été innocenté ?
10:17 Qu'est-ce que vous voulez refaire ?
10:18 Vous voulez refaire le match ?
10:19 – On ne dit pas l'inverse.
10:19 – Vous voulez requérir ?
10:20 Le conflit d'intérêt, c'est une situation objective.
10:23 Je vous ai connu, par exemple, comme j'ai connu
10:26 un certain nombre de magistrats qui ont fait ensuite
10:29 l'objet d'une enquête administrative.
10:31 Qu'est-ce qu'il fallait faire ?
10:32 Certains ont dit qu'il fallait prendre un décret de déport.
10:35 La très grande majorité des témoins vient dire
10:39 "mais personne n'a évoqué le décret de déport".
10:41 – Mais ce conflit d'intérêt est bien avéré,
10:43 encore une fois je reprends les mots du jugement.
10:45 – Mais ce n'est pas l'infraction, il n'y a pas de délit de…
10:48 alors je ne sais pas quel intérêt ça présente,
10:50 il n'y a pas de délit de conflit d'intérêt.
10:53 Il y a un délit de prise illégale d'intérêt,
10:56 qui implique une intention, et en l'occurrence
10:58 une intention malveillante.
11:00 Ce que dit la décision de la Cour de justice de la République,
11:05 c'est que des témoins, tous ceux qui étaient autour de moi,
11:09 ont dit que jamais je n'avais souhaité me venger, que jamais…
11:13 – Et c'est ce qui a conduit à la relaxe.
11:15 – Et c'est ce qui a conduit à la relaxe.
11:17 Et c'est, pardon, l'impératif m'est interdit,
11:20 ce que je vous demande de retenir.
11:21 – Est-ce qu'au fond il y a une forme de regret
11:23 de ne pas avoir vu ce conflit d'intérêt ?
11:25 – Mais personne n'avait vu le décret de déport.
11:30 Jean Castex a été extraordinairement clair,
11:32 je ne sais pas si vous avez suivi le procès, vous personnellement ?
11:35 – Moi je n'y étais pas, mais le journaliste Vincent Ventighem y était,
11:38 et puis j'ai pu en suivre la chronique de façon assez assidue.
11:41 – Eh bien posez-lui la question, et il vous dira à tous ceux
11:44 qui sont venus dire qu'il n'avait pas été question d'un décret de déport.
11:47 Mais pardon, monsieur Duhamel,
11:49 moi j'ai suffisamment souffert d'un mépris de ma présomption d'innocence
11:53 pour ne pas ce soir, laissez-moi terminer si vous le voulez bien,
11:56 refaire le match.
11:57 – Et on vous entend là-dessus ?
11:58 – Le procès est terminé, il a duré dix jours,
12:02 je m'y suis rendu tous les jours bien sûr, c'était la moindre des choses,
12:07 j'ai répondu à toutes les questions qui m'étaient posées,
12:11 je me suis exprimé directement, le verdict a été rendu,
12:15 entendez-le, c'est ce que je vous demande.
12:16 – Vous dites refaire le match, est-ce que vous craignez
12:18 que le procureur général près de la Cour de cassation interjette un appel,
12:22 pardon, mais se pourvoie en cassation et donc,
12:25 au fond, il y ait un nouveau match, est-ce que vous le craignez ?
12:28 – Monsieur Duhamel, le procureur général près de la Cour de cassation
12:33 peut former un pourvoi en cassation.
12:37 – Et vous le craignez ?
12:37 – Et il choisira en toute indépendance de le faire ou de ne pas le faire,
12:43 et je n'ai aucun autre commentaire à faire.
12:45 – J'ai deux questions sur les réactions des uns et des autres,
12:48 est-ce que vous avez reçu un message de François Mollens,
12:51 le prédécesseur de Rémi Hetz qui était un témoin très à charge
12:54 pendant ce procès pour vous dire, voilà, félicitations pour cette relaxe ?
12:57 Vous avez eu un échange avec François Mollens ?
12:58 – Non, Monsieur Duhamel. – Non ?
13:00 – Non. – Qu'est-ce qu'il y a ?
13:02 – Question… pas d'échange avec lui.
13:04 – Je vous ai répondu.
13:05 – Deuxième question, vous parliez du soutien d'Emmanuel Macron
13:08 que vous avez vu pendant plus d'une heure hier à l'Élysée,
13:11 je ne vous ai pas entendu remercier la Première ministre Elisabeth Borne
13:14 de son soutien, pour rappel elle avait dit au micro de BFM TV,
13:18 c'était le 8 octobre, que si vous étiez condamné,
13:20 vous devriez quitter le gouvernement, que la règle s'appliquerait à vous.
13:23 Est-ce que vous lui, comment dire,
13:25 est-ce que ça vous reste un petit peu en travers de la gorge ?
13:27 – Ecoutez-moi, vous avez le chic pour faire le buzz.
13:32 – Ah, pourquoi faire le buzz ?
13:33 – Je vais vous le dire, pourquoi j'ai parlé du président de la République ?
13:37 D'abord parce que la relation que j'ai avec lui,
13:40 c'est une relation qui est longue désormais,
13:44 je suis arrivé ici en juillet 2020.
13:47 Deuxièmement, on m'a demandé quelle était la teneur de notre échange.
13:52 Pour vous rassurer, monsieur Duhamel,
13:55 Elisabeth Borne m'a appelé hier soir, longuement.
14:00 – Et donc vous la remerciez de la même manière que le président de la République.
14:02 – Mais monsieur, si Elisabeth Borne n'avait pas soutenu son garde des Sceaux,
14:08 il ne serait plus au gouvernement, je vous rappelle quand même,
14:11 et je vous indique que le garde des Sceaux,
14:13 il tient sa légitimité du président de la République,
14:15 et du ou de la première ministre, ça ce sont nos institutions.
14:20 – Une question sur les réactions politiques,
14:22 on a vu la France Insoumise dire la chose suivante,
14:25 parler d'une juridiction d'entre soi systématiquement partielle
14:27 concernant la Cour de justice de la République,
14:29 en estimant que le procès avait fait la démonstration implacable
14:32 de votre culpabilité.
14:34 Qu'est-ce que vous leur répondez, répondez à ces Insoumis ?
14:38 – Je réponds que quand le juge de monsieur Mélenchon le condamne,
14:44 c'est un mauvais juge, et quand mon juge m'acquitte,
14:49 c'est aussi un mauvais juge.
14:52 Bon, on sait bien que monsieur Bernalicis n'est pas l'homme le plus respectueux
14:57 des institutions qui sont les nôtres.
14:59 – C'est-à-dire ?
15:01 – Ecoutez, vous le savez bien, attaquer la plupart des institutions de la République.
15:08 Bien, alors écoutez, on va dire les choses très clairement,
15:11 moi je n'ai pas choisi cette juridiction,
15:15 elle préexistait avant même mon arrivée au ministère.
15:19 Bien, complètement parce qu'on va balayer ça,
15:22 c'est une ineptie tellement énorme qu'il faut la balayer.
15:26 – Emmanuel Macron voulait la supprimer.
15:27 – Attendez, peu importe, et je vous dirai pourquoi.
15:31 Dans la composition, il y a une dame de l'EFI, madame Obono.
15:37 Moi j'ai la faiblesse de penser, monsieur Duhamel,
15:40 que sa seule boussole durant le procès, c'est les faits et le droit,
15:43 et pas les tweets que monsieur Bernalicis adressait à la France entière,
15:50 en tous les cas à ses affidés, à ses CID tous les soirs,
15:53 en disant "ma culpabilité".
15:54 Bon, par ailleurs, sur le plan politique,
15:58 parce que tout cela est évoqué, vous comprenez,
16:00 moi c'est évoqué par ceux qui voulaient me voir condamné.
16:02 On dit "mais c'est politique, c'était fait à l'avance etc."
16:06 Ma famille politique est ultra minoritaire au sein de la composition.
16:10 – 5 sur 12 contre 3 magistrats.
16:13 – Et il en faute au moins 8.
16:15 Bon, je rappelle enfin que la mauvaise foi ne se présume pas,
16:19 et que les parlementaires, excusez-moi ça n'est pas rien,
16:21 ont prêté serment.
16:23 Donc, vous voudriez que ces gens-là, comme ça,
16:26 par une espèce d'a priori singulier et totalement anormal,
16:30 soient des parjures, mais c'est comme ça que l'on fait perdre,
16:33 au fond, à la politique ces lettres de noblesse.
16:36 Monsieur Bernalicis, il est fâché parce que j'ai été acquitté,
16:41 mais pourtant je l'ai été, que ça lui plaise ou non.
16:44 Alors maintenant, il peut raconter tout ce qu'il veut,
16:46 mais ça n'a en réalité, monsieur Diomène, strictement aucun intérêt.
16:50 Éric Dupond-Moretti, je voudrais qu'on parle également
16:53 du climat actuel dans le pays, et notamment des suites du drame de Crépole.
16:57 Vous avez dénoncé l'instrumentalisation du rassemblement national de ce drame,
17:01 rappelons-le, la mort du jeune Thomas, 16 ans,
17:03 vous avez qualifié le RN d'incendiaire, c'était mardi à l'Assemblée nationale,
17:08 quand un jeune garçon de 16 ans se fait poignarder à un bal de village.
17:11 Est-ce que le sujet c'est vraiment la question de la récupération du RN ?
17:15 – Quand un gamin se fait poignarder, dans les conditions que nous savons,
17:20 et je reviendrai sur les conditions parce qu'on sait, à ce stade, assez peu de choses.
17:26 D'abord évidemment on s'incline, et puis on constate quand on est un politique,
17:31 l'état de sidération dans lequel se trouve le pays, d'émotion, de sidération,
17:37 mais comment c'est possible ?
17:40 Et puis, on attend normalement, quand on est un responsable politique,
17:46 ce que va dire la justice.
17:48 Car, vous le savez, le temps de la justice,
17:52 ce n'est pas le temps médiatique et ce n'est pas le temps politique.
17:56 Et puis là, je vois que certains s'engonflent tout de suite,
17:59 c'est contre les Blancs, on racialise finalement de façon très manichéenne
18:05 ce qui s'est passé, sans savoir ce qui s'est passé.
18:07 Ce qui est sûr, c'est que c'est un drame absolu.
18:10 Ce qui est sûr, c'est que le grand-père de ce jeune homme, le petit Thomas,
18:15 il dit "je remercie les forces de l'ordre",
18:18 et la justice va faire son travail, et la justice fera son travail.
18:22 Tout le reste, c'est de l'exploitation.
18:25 – Pardon Éric Dupond-Moretti, mais non mais…
18:29 – Laissez-moi me répondre.
18:30 – Permettez-moi de vous poser une question.
18:31 – Mais je n'ai pas répondu à la première.
18:33 – Si, si, vous avez répondu, en expliquant qu'il fallait que la justice travaille.
18:36 Quand on vous voit à l'Assemblée nationale répondre de façon très vive
18:40 en renvoyant le Rassemblement national aux nazillons,
18:43 aux gudars qui les composent, je reprends votre expression.
18:47 Est-ce que, pardon, vous n'êtes pas en décalage absolu
18:50 avec l'émotion des Français qui se disent "on attend des responsables politiques",
18:54 notamment au gouvernement, qu'ils tirent des conséquences de ce drame
18:57 et qu'ils ne s'en prennent pas aux oppositions,
18:59 même si effectivement il peut y avoir de l'instrumentalisation politique ?
19:02 – Monsieur, je pense que vous mélangez deux choses.
19:05 L'émotion que suscite la mort affreuse, atroce de ce gosse, elle nous étreint tous.
19:12 Et pardon, pour reprendre une vieille formule, personne n'a le monopole du cœur.
19:17 Moi, j'agis ici au quotidien pour améliorer la justice.
19:22 Sa réactivité, sa rapidité.
19:25 Gérald Darmanin, il intervient au quotidien pour renforcer la police.
19:29 – Et Gérald Darmanin, il dit "il y a de l'ensauvagement de la société".
19:32 Est-ce que vous considérez, est-ce que vous avez vu dans ce qui s'est passé
19:36 le signe d'un ensauvagement de la société ?
19:38 Vous avez toujours refusé d'utiliser ce terme.
19:41 – Monsieur Duhamel, vous avez sans doute l'esprit beaucoup plus vif que moi.
19:45 Laissez-moi vous répondre complètement.
19:48 Nous, nous agissons. Voilà.
19:52 Le budget de la justice, le nombre de magistrats, le nombre de policiers, de gendarmes,
20:00 toutes les circulaires que je prends sont des circulaires qui incitent à la fermeté.
20:07 Ce que je n'aime pas dans l'attitude du Rassemblement national,
20:11 c'est l'exploitation au fond de ce drame.
20:15 – Non, laissez-moi terminer.
20:17 Je vais vous dire ce que j'ai dit, vous le savez, vous l'avez diffusé sur votre antenne.
20:22 Qu'il s'agisse de la petite Lola, du petit Enzo,
20:25 d'abord je voudrais vous poser une question, pardon, je n'inverse pas de rôle.
20:29 Vous pensez qu'il n'y a plus de petite Lola, plus de petit Enzo, plus de petit Thomas
20:33 si le Rassemblement national arrive au pouvoir ?
20:35 Donc qu'est-ce qu'ils nous disent ? Ils racialisent cette affaire.
20:39 On n'a pas besoin de ça, monsieur. On a besoin de concorde.
20:43 Il faut que les auteurs soient châtiés, sévèrement châtiés.
20:48 Et il ne faut pas non plus qu'on stigmatise une partie de notre population.
20:52 Les Juifs ont peur, les musulmans ont peur.
20:55 Et ce que je leur ai dit, c'est faites le ménage chez vous d'abord.
21:00 Une toute petite chose, j'ai évoqué les Gudars, les identitaires.
21:05 Si madame Le Pen veut me faire un procès, ce qu'elle annonce…
21:08 – Elle dit vous leur portez plainte contre vous.
21:09 – Très bien, je lui fournirai la liste de ceux qui sont encore là, chez elle.
21:14 – Et donc je vous repose ma question, Régis Randoretti.
21:16 Attendez, si vous me permettez, est-ce que vous voyez,
21:19 je répète ma question, dans ce qui s'est passé,
21:21 le signe d'un ensauvagement de la société ?
21:23 – Mais moi, c'est débat sémantique.
21:25 Ce que je vois, c'est qu'il y a une délinquance aujourd'hui,
21:30 notamment des mineurs, qui est une délinquance que nous ne connaissions pas.
21:36 Elle est visible de tous.
21:41 Les causes en sont multiples et on ne peut pas, en deux secondes, analyser la situation.
21:47 Les causes, c'est quoi ?
21:49 C'est partiellement les confinements, et nous savons que ça a laissé des traces.
21:54 C'est une dénaturation psychiatrique d'une partie de notre jeunesse.
21:59 On le sait, c'est une vraie difficulté.
22:01 C'est les réseaux sociaux avec des mots et des expressions de plus en plus violentes.
22:06 C'est une négation de l'autorité, quelle qu'elle soit.
22:11 À l'école, par exemple, mais pas qu'à l'école.
22:15 Et, pardonnez-moi, tout ça, ça génère un climat, des actes,
22:21 des attitudes qui peuvent faire peur.
22:23 Mais pour autant, se retrancher derrière le paravent des électeurs en disant
22:28 "il a injurié les électeurs", mais pas du tout.
22:31 Vous savez, dans une démocratie, les électeurs, ils peuvent changer d'avis.
22:35 Et moi, je vais vous dire quelque chose de tout simple, M. Duhamel.
22:37 Le bon sens populaire.
22:40 Dites-moi qui vous fréquentez et je vous dirai vraiment qui vous êtes.
22:46 Voilà ma réaction.
22:47 Elle est totalement assumée.
22:49 Je pense, et je redis, que dans ce pays, on a besoin de concorde.
22:55 On a besoin de pacifier les choses.
22:57 On n'a pas besoin de stigmatiser telle ou telle communauté,
23:01 telle ou telle religion.
23:01 – Vous ne reprenez pas le terme d'en sauvagement ?
23:04 – Mais vous en êtes encore là à vouloir me faire dire un mot
23:08 qui ne serait peut-être pas, dans l'espérance qui peut être la vôtre,
23:12 le mot de Gérald Darmanin et qui ferait encore polémique
23:16 pendant des jours et des jours.
23:18 Écoutez, c'est suffisamment dramatique, ces situations,
23:22 suffisamment terrible pour ne pas que l'on joue à cela.
23:26 Parce que moi, quand je vois ça, je me dis qu'il faut absolument
23:31 que l'on trouve les mesures adéquates.
23:34 Les émeutes, c'est un phénomène que nous ignorions,
23:36 les émeutes mineures, celles qui se sont déroulées.
23:39 Cette façon-là de faire, nous ne connaissions pas.
23:41 C'est d'ailleurs pour cela qu'on a d'abord demandé une expertise.
23:44 Puis ensuite, vous savez ce que l'on a fait ?
23:46 On s'est mis au boulot, Gérald Darmanin et moi.
23:48 Le président de la République, la première ministre,
23:49 nous ont demandé de trouver des solutions.
23:51 Nous réfléchissons encore.
23:53 Nous avons déjà un certain nombre de mesures qui sont prêtes.
23:55 Ça, vous voyez, c'est extrêmement important.
23:58 C'est bien plus important que Yaka Faucon Faudrait.
24:02 – Merci beaucoup Éric Dupond-Moretti
24:04 de nous avoir accueilli dans ce bureau.