"J'ai senti qu'il était dans une démarche qui était l'une des phases de mon désengagement": David Vallat, ex-djihadiste, témoigne des échanges qu'il a eus avec l'auteur de l'attentat à Paris

  • l’année dernière
BFMTV propose ce mardi une émission spéciale “Terrorisme: la France sous la menace”, après l’attentat qui a coûté la vie à un touriste germano-philippin samedi soir à Paris. 
Transcript
00:00 - Si il se trouve, David Valla, que vous avez été contacté en 2020, il y a trois ans, par l'homme qui a attaqué ces touristes samedi dernier à Paris,
00:10 qu'est-ce qu'il vous dit à ce moment-là et qu'est-ce que vous comprenez de sa démarche et de son état d'esprit à ce moment-là ?
00:16 - Alors j'ai une page Facebook qui est très active, une autre qui était à destination professionnelle mais qui, de moyen, n'est pas exploitée, et j'ai un compte Twitter.
00:26 C'est sur Twitter qu'il me contacte dans un premier temps, puis sur Messenger. Et sur mes files de publication, il partage des liens de vidéos pour me demander mon avis.
00:35 Et je lui conseille fortement à l'époque, en 2020, de cesser de s'exposer à ce type d'image et à ce type de discours parce que je vais reprendre une expression qu'a formulée M. Hugo Michron,
00:48 que je trouve parfaitement fondée. Il nous dit que les djihadistes andogènes de culture française et qui ont adopté l'idéologie islamiste validant le djihadisme, disposent d'un double logiciel.
01:03 Celui de leur culture française, bien qu'ils le nient, mais ils sont quand même français. Il faut savoir que quand vous venez dans un camp en zone, on rajoute à votre surnom votre origine géographique.
01:15 Et les Français, lorsqu'ils viennent de France, sont considérés comme des Français. On ne les prend pas pour des Syriens ou pour des Afghans ou pour des Maliens ou d'autres.
01:24 Donc il y a une vraie spécificité, même s'ils l'admirent. Ils ont cette culture française, ce logiciel. Et ils ont également le logiciel djihadiste.
01:31 Le va-et-vient que peut faire mentalement un individu vers l'un ou l'autre de ces deux logiciels va suivre un déséquilibre lorsqu'il va nourrir plus l'un que l'autre.
01:43 Donc à l'époque, je lui conseille de se défaire de visionner ses liens et ses images. Et je lui conseille de se mettre à lire des livres qu'il emprunterait à la bibliothèque,
01:54 de nourrir son esprit d'autres idées, de se mettre à la philosophie, de trouver un travail, de s'occuper de l'esprit.
02:00 Parce que c'est par ce biais, notamment, que j'ai réussi à me désengager. Cela m'a permis de m'occuper de l'esprit à autre chose qu'à réfléchir à un volet politique islamiste
02:11 dont j'avais validé le levier d'action violente qu'est le djihadisme. Parce que l'individu structure son esprit avec le verbatim et les images avec lesquelles il s'expose.
02:23 - Vous, David Valla, vous dites qu'en prison, vous lisiez deux livres par jour. C'est ce qui vous a permis de vous déradicaliser.
02:30 En l'occurrence, on le disait, cet assaillant vous a contacté en 2020. Est-ce que vous avez sincèrement, vous, senti une volonté de se déradicaliser ?
02:40 - J'ai senti qu'il était dans une démarche qui était l'une des phases de mon désengagement. Lorsque je sors de détention, il y a un énorme vide qui se présente à moi.
02:51 Parce que j'ai mis à bas une structure sur laquelle se portait toute ma vision du monde. Parce que je vais citer Mme Penrade, chercheuse, qui a nommé ça très clairement.
03:03 Elle appelle ça une métapensée. Les islamistes ou l'idéologie islamiste proposent une métapensée qui vous permet une lecture du monde passé et contemporain sur base strictement confessionnelle,
03:14 vous propose une identité forte et une appartenance à un groupe. Nous sommes des êtres guerrières. Notre espèce humaine a besoin de se sentir appartenant à un groupe.
03:23 Mais surtout, propose un projet d'avenir. C'est une réelle structure mentale que vous construisez. Et quand je la mets à bas, par quoi vais-je la remplacer ?
03:34 J'ai un énorme vide qui m'attend à ma sortie de détention. Donc ce sera une série de rencontres. Le fait que j'ai réussi depuis ma détention à passer un diplôme d'accès aux études universitaires
03:45 et que l'on m'aurait accordé une inscription à l'université de Bordeaux, l'université d'histoire. La directrice à l'époque se voit opposer une femme non recevoir par la juge d'application des peines
03:55 et décide par conséquent de m'inscrire malgré tout parce qu'elle souhaitait que j'ai accès à une libération provisoire pour un entretien, parce qu'elle ne voulait pas inscrire quelqu'un qui avait mon profil.
04:06 Puisque la juge d'application des peines s'opposait de cette sortie, elle part sur le principe que j'ai le droit d'étudier. J'ai donc où aller et m'occuper l'esprit.

Recommandée