Au lendemain des annonces du ministre de l'Education nationale pour rehausser le niveau des élèves en France, le syndicat Sud Education a réagi sur France Bleu Roussillon mercredi matin. "On parle souvent de la baisse de niveau en France, mais le vrai problème est que l'école creuse les inégalités."
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00:00 Il est 7h47, vous avez la parole ce matin sur France Bleu Roussillon.
00:05 Vous donnez votre avis sur les annonces du ministre de l'Éducation nationale hier,
00:08 Gabriel Attal, qui a dévoilé son plan pour rehausser le niveau des élèves à l'école,
00:12 au collège, au lycée.
00:13 Le redoublement qui va être de nouveau laissé à discrétion des établissements scolaires
00:19 et non plus des parents.
00:20 Les groupes de niveau dans les classes au collège, le brevet obligatoire pour entrer
00:24 au lycée, des mesures fortes.
00:26 On vous attend, vous avez la parole, donc, 04 68 35 5000.
00:30 En attendant, l'avis d'un enseignant, d'un prof d'histoire-géo en collège à Perpignan,
00:34 il est co-secrétaire aussi du syndicat Sud Education dans les PO.
00:37 Et il est votre invité, Suzanne Chouadjaï.
00:39 Bonjour, Christophe Herpérira.
00:40 Bonjour.
00:41 Vous êtes donc prof d'histoire-géo au collège Madame de Sévigné, à Perpignan.
00:44 Le ministre, on l'a entendu, a annoncé, entre autres, que dès l'année prochaine,
00:48 la décision finale du redoublement d'un élève reviendrait aux enseignants et non
00:52 plus aux familles.
00:53 Avec cette mesure, le ministre veut, je cite, "lutter contre l'échec forcé des élèves
00:58 qui passeraient dans la classe supérieure avec encore trop de lacunes".
01:01 Est-ce que c'est une bonne idée, ça, de laisser la décision à l'équipe pédagogique ?
01:05 Les équipes pédagogiques, évidemment, c'est notre métier, on sait ce qui est le mieux
01:10 pour les élèves.
01:11 Mais la question du redoublement, nous, on ne se la pose pas vraiment parce qu'elle
01:18 est inefficace dans la façon dont elle est faite maintenant.
01:21 Redoubler, ça ne sert à rien ?
01:22 Si on ne met pas en place d'autres façons de travailler avec l'élève, une remédiation,
01:27 par exemple, si il continue dans les mêmes groupes classe de la même façon, un élève
01:33 qui avait en dessous de la moyenne, il n'aura pas plus que la moyenne, parce qu'il a fait
01:38 le programme l'année d'avant, qu'il y a compris quelque chose.
01:41 Donc, là-dessus, nous, on n'y croit pas beaucoup.
01:45 Beaucoup d'élèves, par exemple, en 3e et qui redoublent, on les garde surtout parce
01:50 qu'il n'y a pas de place, par exemple, en lycée professionnel, parce qu'il n'y a pas
01:54 assez d'investissement en lycée pro.
01:56 Et donc, du coup, on est obligé de les garder parce qu'ils ne trouvent pas leur voie.
02:00 Donc, il y a un échec du système sur le redoublement.
02:03 Ça va coûter beaucoup de moyens et on se pose la question de l'utilité de cette annonce,
02:09 si ce n'est une annonce pour répondre à des personnes qui pensent que les professeurs
02:14 n'ont plus eu autorité.
02:15 Ça devient une rangaine un peu conservatrice.
02:17 - Autre annonce du ministre, la création de groupes de niveau en 6e et en 5e pour le
02:22 français et pour les maths, surtout.
02:24 Et pour les groupes les plus en difficulté, le ministre a dit qu'il allait créer des
02:28 postes pour qu'il y ait une quinzaine d'élèves par groupe.
02:31 C'est une bonne nouvelle, ça ? C'est ce que vous réclamez, en fait, des postes en plus ?
02:34 - Alors, il y a deux choses dans ce que vous dites.
02:36 La première, c'est que je m'étonne un peu du retard du ministre sur les avancées en
02:42 sciences de l'éducation, puisque ça fait depuis la fin des années 90 qu'une sociologue
02:46 comme Marie Durubella avait clairement prouvé par des études que les groupes de niveau
02:52 n'étaient pas super efficaces, en fait, qui faisaient l'effet inverse de ce qu'on attendait.
02:58 Donc là-dessus, on est assez critique.
03:00 Et ensuite, sur le fait de mettre des moyens, je m'étonne encore.
03:04 Je m'étonne encore, puisque il y a encore quelques semaines, le ministre avait dit clairement
03:10 qu'il allait supprimer, c'est dans la loi de finances, en la rentrée 2024, il y aurait
03:15 2500 postes supprimés.
03:17 Il y a eu 2000 postes supprimés ce septembre, il y en a eu 8000 depuis 2017.
03:23 - Mais là, il a dit qu'il allait en créer pour ces groupes de niveau.
03:26 - Oui, oui, non mais moi, ce que je vois, c'est ça.
03:29 On a des promesses, des promesses, on verra.
03:31 Et puis quel prof ? Il n'y a même plus d'attractivité du métier.
03:36 Donc, est-ce qu'il va recruter des contractuels qui manquent parfois de formation ? Non.
03:43 Là, je vois des annonces, des annonces qui peuvent rassurer une partie de son électorat.
03:50 - Juste sur le principe du groupe de niveau, est-ce que ça ne permettrait pas aux élèves
03:53 d'avoir plus le temps d'assimiler les notions, d'avoir des enseignants plus disponibles aussi ?
03:58 - Un des facteurs qui permet aux élèves de progresser, c'est l'image qu'ils ont d'eux-mêmes
04:06 et la confiance qu'ils peuvent avoir en eux.
04:07 Si on met des élèves en échec scolaire, même sur une discipline particulière, entre eux,
04:15 ils vont savoir, ils le savent qu'ils sont dans le groupe des mauvais.
04:17 Et ça, ça va être très très négatif, à la fois scolairement, mais à la fois sur l'être humain
04:23 et sur les citoyens qu'on veut.
04:25 Donc, là-dessus, on perd tout d'un coup une énergie propre que peut avoir l'élève pour progresser.
04:31 On pourrait très bien fonctionner autrement pour effacer ces disparités.
04:35 - Et puis à partir de 2025, l'obtention du brevet sera obligatoire pour passer au lycée.
04:40 Si jamais un élève ne l'obtient pas, il passera par une classe prépa lycée pour rattraper son retard.
04:45 Est-ce qu'on sait qui assurera ces classes préparatoires ?
04:49 Il y a du monde à l'éducation nationale pour ça ?
04:51 - Alors là, je ne sais pas du tout.
04:53 C'est quelque chose dont on n'avait jamais entendu parler.
04:56 Ça devait être dans les tiroirs quelque part.
04:57 Ils attendaient un moment pour le placer.
04:59 - Pourtant, c'est des annonces qui ne sortent pas de nulle part
05:00 puisque c'est issu d'une consultation d'enseignants.
05:04 - Oui, alors la consultation d'enseignants.
05:06 Le ministre nous dit 230 000 enseignants ont été consultés.
05:11 Il est très content de le dire.
05:12 Moi, ce que je remarque, c'est qu'on est quasiment 900 000 enseignants.
05:15 Donc, ça ne fait qu'un tiers des profs qui ont répondu à ce questionnaire.
05:19 Bon, c'est largement moins de la majorité.
05:22 Il ne peut pas se fier à ça, forcément.
05:24 - Sur le brevet ?
05:26 - Oui, sur le brevet, il peut y avoir...
05:29 Par exemple, le fait de s'axer sur les notes plutôt que sur les compétences,
05:35 comme nous a dit le ministre,
05:36 ça va impacter assez négativement les élèves qui sont en éducation prioritaire.
05:42 Ça représente un élève sur cinq en France.
05:45 Et ça risque vraiment de les bloquer et de ne pas leur donner de la chance
05:49 d'accéder au lycée, de peut-être trouver une voie dans laquelle ils pourraient s'émanciper.
05:53 - Ce n'est pas la peine d'avoir le brevet pour aller au lycée, selon vous ?
05:56 - On peut valider les compétences nécessaires.
05:57 Et d'ailleurs, elles sont validées, les compétences nécessaires.
05:59 Sinon, on ne les en verrait pas.
06:01 Les notes, elles sont très discriminantes suivant qui corrige, etc.
06:05 Ce n'est pas égalitaire, ce n'est pas pareil.
06:08 France Bleu Roussillon, l'invité du 6/9.
06:11 - Et on vous invite à réagir au 04-68-35-5000,
06:14 à poser vos questions aussi à notre invité,
06:17 Suzanne Chaudjailly, en studio avec nous,
06:19 Christopher Pereira, professeur d'histoire géo au Collège Venable de Sévigny à Perpignan
06:23 et co-secrétaire du syndicat Sud Education.
06:25 Vous pouvez nous parler d'ailleurs de votre expérience au Collège Madame de Sévigny,
06:28 puisque vous, vous ne notez pas les élèves, en tout cas les élèves de 6e.
06:32 Comment vous faites alors pour les évaluer ?
06:34 - Moi, j'évalue par compétence, mais il n'y a rien de nouveau là-dessus.
06:37 Depuis très longtemps, dans le premier degré, on évalue par compétence et pas par note.
06:41 Moi, tout simplement, je le maintiens sur le cycle 3,
06:44 c'est-à-dire CM1, CM2, 6e,
06:48 dans un objectif qui s'appelle de pédagogie coopérative,
06:53 qui ne sont pas nouvelles, qui viennent des pédagogies freinées des années 30,
06:57 et qui travaillent plus sur la coopération, sur l'entraide,
07:00 et surtout sur une note qui n'existe pas, qui n'est pas stigmatisante,
07:04 mais par contre, ils sont évalués.
07:06 Moi, je pense que j'évalue encore plus que si j'avais des évaluations de fin de chapitre, etc.
07:12 - Et vous pensez que ça, ça devrait être généralisé à toutes les classes de collège, par exemple,
07:15 de la 6e à la 3e ?
07:17 - Alors moi, je ne verrais aucun inconvénient à ce que ça aille jusqu'en 3e.
07:20 Moi, je vois des élèves, par exemple, qui n'ont plus besoin de la carotte au bout du bâton,
07:26 qui est la note, pour bosser une évaluation.
07:31 Par exemple, moi, je n'ai pas d'élèves sur ma classe de 6e,
07:33 c'est un projet pédagogique qui est suivi par le rectorat,
07:36 donc c'est très sérieux.
07:39 Je n'ai aucun élève qui me dit "Monsieur, est-ce que c'est noté ?"
07:41 et qui, d'un coup, va se mettre à travailler.
07:43 Non, moi, ils travaillent, mais ils travaillent parce qu'ils y trouvent un intérêt
07:45 qui n'est pas celui de la note, il n'y a plus de sens.
07:47 - Ça reste une évaluation aussi précise que la note peut être à la virgule près ?
07:52 - Alors, la note, elle n'est pas précise.
07:56 - Ça peut être 6,5, ça ne peut pas être que 17 ?
07:58 - Oui, mais Pierre Merle, sociologue, a bien prouvé que sur une copie de philo, par exemple,
08:06 si on la faisait corriger par 50 profs différents,
08:08 il y aurait 50 notes différentes avec des écarts allant de 1 à 8 points.
08:12 Donc la note, elle est très imprécise.
08:14 - Merci Christophe Herperrera, vous êtes professeur d'histoire-géo au collège de Madame de Sévigny à Perpignan,
08:19 co-secrétaire du syndicat Sud Education dans les Pyrénées-Orientales.
08:23 Vous restez un instant avec nous, puisque vous allez répondre aux questions des auditeurs
08:27 qui, je crois, font la queue à haut standard.
08:30 04 68 35 5000.
08:34 - N'hésitez pas à nous téléphoner, on va vous retrouver dans un instant.
08:36 On va peut-être vous faire réagir quand même à ce message Facebook, Christophe Herperrera.
08:40 Écoutez, message de Jessica, qui nous dit "Bonne idée,
08:43 si un élève n'a pas les capacités, on parle redoublement,
08:45 pour passer dans la classe supérieure, il doit redoubler".
08:48 Et elle nous confie son expérience. Jessica, elle dit
08:51 "J'ai redoublé sur mon propre choix, contre l'avis de tous les professeurs,
08:55 parce que j'avais le sentiment d'avoir, je cite, rien foutu en première,
08:58 avec 11 de moyenne, je cite toujours, j'étais bien mieux en terminale ensuite".
09:03 Je vous invite à réagir, Christophe Herperrera.
09:04 - Moi, je suis content qu'elle se sente mieux.
09:08 - Ça, c'est un redoublement qui sert à quelque chose, comme vous disiez tout à l'heure.
09:10 Mais rien n'empêche aux enseignants, et c'est d'abord ce qu'on fait,
09:14 de prendre en compte le ressenti des élèves.
09:16 Donc on peut le faire intelligemment.
09:18 Ce qui est décrété là, c'est le contraire d'une réflexion intelligente par le ministre.
09:24 - Allez, on vous attend 04-68-35-5000, et on accueille Michel de Perpignan.
09:28 Bonjour Michel.
09:29 - Oui, bonjour, voilà, je suis grand-mère, voilà, j'ai 8 petits-enfants,
09:33 tous bons en maths, c'est facile à dire, mais bon, c'est un peu de la famille.
09:38 Mais je dirais qu'il y a des gros problèmes depuis très très longtemps.
09:41 L'enseignement des maths est toujours enseigné de façon compliquée.
09:47 Et il faudrait que pour certains enfants, puisque j'entends des mamans maintenant qui me disent
09:52 "mon enfant n'est pas bon parce qu'à l'école ça ne va pas",
09:55 mais il faudrait peut-être qu'au niveau de la 6e, les enfants aient acquis pour entrer en 6e
10:01 toutes les connaissances en calcul, je dirais pas en mathématiques, mais en calcul.
10:06 Parce qu'ils abordent après la 6e avec déjà des difficultés,
10:10 et ça se répercute jusqu'en 3e bien sûr, et après on les fait passer.
10:16 Je suis ancienne aussi, responsable des élèves à l'école,
10:23 et je voyais qu'on faisait passer, il n'y avait plus de redoublement.
10:27 Alors que ça pourrait servir, mais c'est pas redoublement, il faudrait déjà que la 6e,
10:32 avoir des enfants qui aient acquis les connaissances en français et en maths.
10:37 - Alors Michel, notre invité n'est pas prof de maths, n'est pas prof de français non plus,
10:41 il est prof d'histoire géo, mais peut-être qu'il a quelque chose à vous répondre,
10:44 puisque je le voyais noter quelque chose.
10:46 - Je pensais, là il y a l'enquête internationale PISA qui vient de sortir,
10:52 et où effectivement on voit que la France est en baisse sur les maths,
10:56 mais la plupart des pays sont en baisse, mais la France se situe dans la moyenne.
11:00 Ce n'est pas au moment du passage en 6e qu'il faut s'assurer,
11:05 oui il n'a pas ça, etc. En général c'est presque trop tard, il n'a pas ce niveau-là en maths, etc.
11:10 C'est quels sont les moyens qu'on met avant la 6e pour permettre à tous,
11:13 et moi je dis bien à tous, parce que les élèves qui ont le plus mauvais niveau,
11:18 c'est aussi ceux qui ont des conditions socio-économiques familiales les plus difficiles,
11:23 et là-dessus on parle souvent de la baisse de niveau,
11:25 mais on oublie de dire que depuis des années l'enquête PISA blâme la France,
11:30 et montre très bien que la France, son vrai problème,
11:33 c'est que l'école creuse les inégalités sociales entre les élèves.
11:37 Un élève qui va à l'école, de nos jours, l'écart est encore plus creusé quand il en ressort.