Condamnés pour terrorisme: quel suivi à leur sortie de prison?

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Comme chaque semaine dans "À l'épreuve des faits", notre journaliste Céline Pitelet tente de démêler le vrai du faux dans l'actualité de la semaine.

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Transcription
00:00 L'homme mis en examen pour l'attentat perpétré près de la tour Eiffel le week-end dernier a expliqué cette semaine avoir agi en réaction à la persécution des musulmans dans le monde.
00:10 Cet homme avait déjà été condamné en 2018 parce qu'il projetait une attaque terroriste à la défense.
00:15 Il a été libéré de prison en 2020 et ça pose donc la question du suivi des détenus condamnés pour terrorisme une fois qu'ils sortent de prison.
00:24 Combien sont-ils ? Comment sont-ils suivis ?
00:26 On va d'abord regarder les chiffres clés avec vous Jeanne Daudet. Combien y a-t-il de détenus radicalisés dans les prisons françaises ?
00:34 On dispose des chiffres du ministère de l'Intérieur. Dans nos prisons, sur 75 000 détenus au total, 391 sont condamnés pour des faits de terrorisme.
00:45 462, vous le voyez, ont été condamnés pour des faits de droit commun mais sont soupçonnés de radicalisation aussi.
00:53 Est-ce qu'on a des chiffres sur le nombre des détenus condamnés pour terrorisme qui sont déjà sortis de prison ou qui vont bientôt sortir de prison ?
01:01 Depuis 5 ans, depuis l'été 2018, 486 détenus condamnés pour des faits de terrorisme ont été libérés après avoir purgé leur peine.
01:12 Il s'agit en grande majorité d'hommes. Il y a aussi 84 femmes selon toujours les chiffres du ministère de l'Intérieur.
01:18 Ce qui fait en moyenne 90 détenus condamnés pour terrorisme qui sont sortis de prison chaque année.
01:24 On va regarder cette fois-ci les chiffres pour ce qui est de l'année 2023, l'année que nous sommes en train de terminer.
01:29 86 détenus ont été condamnés pour terrorisme et vont sortir ou sont sortis de prison cette année.
01:36 C'est déjà le cas pour 84 d'entre eux, l'immense majorité. Deux doivent encore être libérés d'ici la fin du mois de décembre.
01:43 Pour 2024, il est prévu que 36 détenus condamnés pour terrorisme sortent de prison, 34 autres pour 2025.
01:51 9 fois sur 10, ces sortants de prison sont libérés après avoir purgé l'intégralité de leur peine.
01:56 Parce que les aménagements de peine en matière de terrorisme, c'est extrêmement rare.
02:01 Merci beaucoup Jeanne. Alors que se passe-t-il une fois qu'ils sortent de prison ?
02:04 Certains détenus font toujours l'objet d'une obligation de soins.
02:07 Celle-ci peut effectivement se poursuivre après la peine de prison, après la sortie de prison, avec une difficulté, nous dit Anne Sénéquier,
02:15 l'impossibilité d'être derrière ces personnes 24 heures sur 24.
02:19 Ce n'est pas aussi simple que de dire "je donne un médicament, donc il ne se passera rien".
02:24 Il y a le process de l'appulsion, du passage à l'acte, et c'est toute la problématique.
02:28 On ne peut pas suivre. En fait, il faudrait être à 24 derrière une personne, mais ça, ce n'est pas possible.
02:32 Parce que le passage à l'acte, il se nourrit aussi du contexte.
02:37 Donc il y a la pathologie, il y a le traitement, il y a le suivi, mais il y a le contexte qui est un cadre de contraintes
02:42 qui, à un moment donné, presse trop fort autour du patient et qui va justement craquer.
02:46 D'après le ministère de l'Intérieur, une fois leur peine purgée, 95% des détenus pour terrorisme font l'objet d'une mesure judiciaire ou administrative.
02:57 Alors, quel type de mesure concrètement ? On va regarder tout ça.
02:59 En 2017, ont été instaurées les MICAS, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance,
03:06 qui prévoient par exemple d'interdire à l'ex-détenu de quitter le périmètre de sa commune pour faciliter sa surveillance
03:13 ou encore de l'obliger à venir pointer une fois par jour au commissariat.
03:17 Depuis mars 2022, il existe aussi la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste
03:22 qui impose certaines obligations ou interdictions aux condamnés à l'issue de leur peine.
03:27 Par exemple, l'obligation de résider dans un lieu déterminé ou d'avoir une activité professionnelle ou de suivre une formation professionnelle.
03:35 Merci Jérôme Poirot de nous avoir rejoint.
03:37 Est-ce que par ailleurs, ces détenus, une fois qu'ils sont sortis de prison, sont-ils tous surveillés par les services de renseignement ?
03:45 Oui, et c'est très heureux parce que les mesures que vous avez indiquées là nécessitent pour la plupart d'entre elles la collaboration de ces personnes.
03:55 Parce que ce sont des obligations, elles les respectent ou elles ne les respectent pas.
03:59 Et donc, fort heureusement, les services de renseignement, pour l'essentiel, la DGSI, la célèbre DGSI compétente en matière d'anti-terrorisme,
04:07 surveille ces détenus. Alors ce sont des écoutes informatiques, des intrusions, des écoutes téléphoniques, des intrusions dans leur matériel informatique.
04:17 Ça peut être des filatures et puis aussi c'est la surveillance de leur entourage, de leur fréquentation.
04:23 Mais ces surveillances, d'abord, elles nécessitent beaucoup de moyens, évidemment.
04:28 Quand on passe à une filature, vous avez bien dit qu'il faut beaucoup de monde pour surveiller quelqu'un 24 heures sur 24.
04:34 Et puis elles sont soumises à des autorisations, et non seulement de leur ministre et du Premier ministre, mais avant tout,
04:41 et c'est elle qui a le dernier mot, d'une autorité administrative indépendante qui est très sourcilleuse sur la liberté,
04:48 les libertés individuelles des anciens terroristes.
04:51 Donc, en fait, on est dans un cas de figure où il y a beaucoup de dispositifs qui existent,
04:57 tous ne peuvent pas être mobilisés autant qu'il serait nécessaire, et donc nous avons beaucoup de trous dans la raquette.

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