Quand le client devient victime : arnaques et procès [Emma Leoty]

  • l’année dernière
Xerfi Canal a reçu Emma Leoty, avocate, pour parler des arnaques au prélèvements.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcript
00:00 Bonjour Maître Emali Ohti.
00:10 Bonjour.
00:11 Maître Emali Ohti, vous êtes avocate et vous êtes avocate d'une cause qui me tient
00:14 beaucoup à cœur.
00:16 Vous défendez des victimes qui sont des anciens clients, même pas des anciens, qui sont clients
00:20 sans le savoir.
00:21 C'est une histoire complètement hallucinante.
00:23 Vous avez eu beaucoup d'audience liée à une émission d'Envoyé Spécial sur l'affaire
00:30 de la Sfam, d'Indexia, aujourd'hui Upside.
00:33 C'est une histoire complètement folle.
00:35 J'aimerais que vous nous racontiez comment vous êtes tombée dedans.
00:38 J'ai eu un premier client qui m'a sollicité en tant qu'avocat, qui m'a expliqué, parce
00:46 que j'interviens beaucoup sur des problématiques de droit bancaire.
00:49 Ce client est venu me voir en me disant « je suis tout le temps à découvert, je ne comprends
00:55 pas, c'est un compte, c'est un couple de clients, c'est un compte qui est destiné
01:00 normalement à des dons pour des associations.
01:03 Je ne sais pas ce que je fabrique avec ce compte, mais je crois être prélevé au titre
01:10 de contrat dont je n'ai absolument aucune copie.
01:13 » Ces clients, quand ils sont venus me rencontrer, je les ai sentis plein de bonne foi, je les
01:18 ai sentis en colère, je les ai sentis un peu désespérés.
01:22 Et puis, il a fallu le temps d'accepter, d'avoir été prélevé.
01:26 Il a fallu demander à la société copie des contrats.
01:29 On ne les a pas obtenus dans un premier temps.
01:31 Il a fallu engager une action en justice pour obtenir copie des contrats.
01:35 On a eu la chance, parce que je l'avais sollicité en justice, d'obtenir le remboursement
01:40 de ces prélèvements induits.
01:42 On a dû maintenir notre position devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir
01:47 en référé les contrats.
01:49 L'action en référé, elle nous a permis d'obtenir ces contrats.
01:53 L'action en référé ne permet pas d'obtenir des dommages à intérêt.
01:56 C'est comme ça, c'est le code de procédure civile.
01:58 Au regard des contrats qui nous ont été communiqués, mes clients, ils ne souhaitent
02:03 pas en rester là.
02:04 Ils sont à la fois extrêmement mécontents.
02:08 Ils ont été dans une phase de déni, ils ont été perdus.
02:13 Ils n'ont pas compris pourquoi ils ont été prélevés au titre de contrat.
02:17 Ils ont honte, évidemment.
02:18 Ils n'osent pas dire qu'on ne va pas regarder.
02:19 Il y a un sentiment de honte de se dire, mince, est-ce que c'est moi ? Est-ce que j'ai
02:26 été négligent dans la surveillance de mes comptes ?
02:28 Et puis surtout, mes clients, ils se retrouvent aujourd'hui, à l'heure actuelle, dans
02:32 une situation délicate, parce que la société adverse est dans l'impossibilité de nous
02:37 produire un des deux contrats.
02:38 Donc, ça fera l'objet d'une action judiciaire au fond, en demande de dommages à intérêt,
02:44 parce que ce contrat, selon les dires de la société adverse, elle n'est pas capable
02:50 et elle nous indique que le contrat ne peut pas être communiqué.
02:54 Et donc, on se retrouve avec un contrat produit, un contrat qui ne peut pas être produit.
02:59 Et puis, mes clients, eux, ils ont le sentiment d'injustice d'avoir été prélevés au
03:05 titre de prélèvement qui ne corresponde à rien.
03:09 Et ça…
03:10 Je me permets de vous interrompre, parce que c'est vraiment totalement hallucinant.
03:14 Cette affaire a fait l'objet d'une transaction pour éviter des poursuites pénales, si j'ai
03:19 bien suivi, en 2019, à hauteur de 10 millions d'euros.
03:21 Indexia, Exosfam, est interdit de pratique d'assurance.
03:27 Simultanément, tout ça passait par une relation avec Fnac Darty, dont l'entreprise elle-même
03:32 est actionnaire à hauteur de…
03:34 J'ai envie de vous dire comment c'est possible.
03:37 Aujourd'hui, vous défendez 650 victimes.
03:40 Comment c'est possible qu'en 2023, non seulement ce ne soit pas fini, mais ça continue,
03:47 alors qu'il y a eu un envoyé spécial, alors qu'il y a déjà eu des jugements de justice.
03:51 Comment c'est possible ? Et comment faire en sorte que ça change ? C'est dingue.
03:55 C'est une histoire dingue.
03:57 Vraiment, j'invite à se renseigner sur cette affaire Indexia-Exosfam.
04:00 Je rejoins votre position.
04:03 La Belgique a pris les devants, a priori, par un communiqué de la FSMA,
04:07 qui est l'autorité de contrôle bancaire belge, dès avril 2022.
04:12 Nous, il nous aura fallu une année de plus pour réagir.
04:16 Je n'ai pas honte de le dire.
04:18 Pourquoi ce délai d'un an pour la CPR, pour pouvoir prononcer une mesure temporaire
04:25 d'interdiction, a priori, de distribution de ces polices d'assurance ?
04:29 Je m'interroge. Je pense que seule la justice pourra répondre à toutes ces questions.
04:35 Moi, dans l'entre-temps, je mène des actions tant amiables que judiciaires
04:40 pour obtenir réparation et pour obtenir le remboursement de ces prélèvements indus.
04:48 Je suis convaincue qu'il faudra qu'un juge se prononce et se penche sur ce dossier
04:56 pour trancher et pour potentiellement donner raison à mes clients
05:01 qui souhaitent être remboursés de leurs prélèvements.
05:04 Ils sont désespérés.
05:06 Moi, j'ai des clients qui appellent dix fois par jour au service réclamation de cette société
05:10 pour obtenir remboursement de ce qui ne correspond, selon eux, à aucun contrat.
05:16 Donc, on est dans une injustice liée à la lenteur, au manque de célérité de la justice.
05:25 Et on est dans un conflit avec une société qui, manifestement, tarde à procéder au remboursement.
05:32 La voie amiable que j'ai engagée, pour le moment, sauf contre-ordre, elle semble fonctionner.
05:40 Au moindre incident, à la moindre absence de remboursement,
05:45 bien évidemment que de toute façon, ma réponse sera judiciaire.
05:48 Et j'ai certains clients qui, de toute façon, sont strictement opposés à une solution amiable,
05:53 qui considèrent qu'ils ont été floués, qu'ils ont été volés, pour certains, sur leur compte bancaire,
05:59 et ils veulent qu'un juge se prononce.
06:02 Ce n'est pas à moi de donner une qualification sur le type de pratique.
06:06 Ça sera un juge.
06:07 Mes clients s'estiment lésés.
06:09 Je ne suis que leur porte-parole.
06:11 Je défendrai ces cas avec toute la conviction qu'il le faudra.
06:15 Je porterai la voix de ces 650 clients.
06:18 J'ai aussi une approche raisonnée et raisonnable du sujet.
06:22 Je pense que parfois, il faut sortir aussi par la voix amiable.
06:27 Ça permet aux consommateurs d'avoir plus rapidement le remboursement de leur prélèvement induit.
06:32 Ça permet aussi de tourner la page, parce que d'être toujours dans cet état d'esprit de prélèvement,
06:39 de « mon dossier n'est pas clôturé », il faut avancer.
06:41 Et donc, l'amiable a des avantages et j'en suis fondamentalement convaincue.
06:46 Mais lorsqu'il n'y a plus de réponse amiable possible,
06:48 lorsque le consommateur ne le veut pas,
06:52 malgré mes alertes, malgré le fait que je l'ai incité à résoudre amiablement son dossier,
06:57 il faut aller au tribunal et il faudra que la justice civile,
07:01 mais aussi la justice pénale, se prononce.
07:04 C'est totalement hallucinant.
07:05 On va suivre ça avec beaucoup d'attention.
07:07 Merci de vous être mobilisée sur cette cause
07:10 et que je souhaitais vraiment faire connaître en vous recevant ici.
07:14 Merci à vous.
07:16 [Musique]

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