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Xerfi Canal a reçu Philippe Silberzahn, professeur de stratégie et entrepreneuriat, emlyon Business School, pour parler de Google et ChatGPT. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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00:00 Bonjour Philippe Silberzan, professeur de stratégie, management, entrepreneuriat,
00:13 EM Lyon Business School, auteur philippesilberzan.com, c'est votre blog, auteur de chroniques hebdomadaires
00:20 qui sont absolument géniales, qu'il faut absolument lire. La difficile réponse à une rupture de
00:26 l'acteur en place, et là vous nous prenez un cas au cœur de l'actualité, vos étudiants doivent
00:30 adorer, Google versus Chiajipiti. Alors le dilemme de Google. Voilà le dilemme, alors le dilemme
00:38 c'est quelque chose qu'on observe très souvent dans une situation de rupture, c'est à dire qu'on a
00:42 un acteur en place, un acteur dominant, il y a une rupture et c'est pas l'acteur dominant qui tire
00:47 partie de cette rupture. Alors il y a plein d'exemples, on connaît tous Kodak, Kodak tire pas
00:51 partie du numérique alors que c'est l'acteur dominant de la photo. Et là on vient de voir la
00:55 même chose effectivement avec Google. Google qui investit depuis des années dans l'intelligence
01:00 artificielle, Google qui est évidemment le leader de la recherche, c'est à dire je pose une question
01:05 pour essayer d'avoir de l'information, donc on aurait pu s'attendre à ce que Google soit leader
01:11 sur ça. Et c'est pas Google, donc c'est une autre société qui lance donc le fameux Chiajipiti,
01:18 et puis derrière toute une flopée de startups, et on a observé ce temps de retard puisque le
01:25 PDG de Google lui-même a reconnu qu'effectivement ils avaient été en retard là-dessus. Donc une
01:29 fois encore on observe ce fameux dilemme qui est que le leader en place se fait un peu damer le
01:35 pion par des nouveaux entrants sur un domaine qu'il aurait dû maîtriser et sur lequel il aurait dû
01:40 être le leader. Un vrai enjeu, l'enjeu de la performance initiale de la technologie de rupture.
01:45 Oui alors parmi les raisons qui font que le leader en place va être réticent à miser sur la nouvelle
01:51 techno, c'est que cette nouvelle techno elle n'est pas encore très performante et puis elle peut
01:57 donner des résultats embarrassants. Alors Chiajipiti, on a tous vu que parfois les réponses, les sources
02:03 sont pas géniales. On peut inventer des faits. Voilà voilà et donc en termes de qualité c'est
02:10 quand même très critiquable et donc imaginons que Chiajipiti commence à sortir des réponses
02:16 racistes ou des choses comme ça. Pour un acteur très important ça peut avoir un impact très
02:21 négatif et c'est d'ailleurs ce qu'a dit le PDG de Google en disant "nous ne pouvons pas nous
02:25 permettre de prendre le risque de lancer une techno qui va se mettre à sortir des propos racistes ou
02:31 des choses comme ça et donc nous allons attendre que la techno soit au point pour que ça représente
02:38 moins de risques pour nous". Et donc là on a une vraie raison pour laquelle l'acteur va attendre.
02:43 Ce risque n'est pas le même pour une petite startup qui elle va tout miser là-dessus. Bah si ça marche
02:49 qu'un AKA donne des trucs un peu bizarres c'est pas très grave parce qu'on est une toute petite
02:52 entreprise. Le risque pour nous là est minime et donc on voit déjà là tout de suite comment un gros
02:58 acteur va être handicapé par rapport à une nouvelle techno peu performante sur certains aspects ou qui
03:03 va délirer un peu sur certains trucs. Mais pour une petite startup ça va être beaucoup moins grave
03:08 et d'où effectivement cette attente de l'acteur en place. Un élément extrêmement intéressant c'est
03:15 que généralement l'innovation va être adoptée par les non consommateurs. Oui alors ça c'est on n'y
03:21 pense pas souvent mais justement comme l'innovation au début... C'est ce qui explique aussi cette réponse tiède.
03:28 Exactement, elle est sous performante et donc les gens, les experts vont la juger inintéressante.
03:36 On prend l'exemple très simple de la traduction automatique. Dans les premiers temps il y avait
03:40 Google Translate, il y a une quinzaine d'années, Google Translate c'était très médiocre en fait.
03:46 Mais pour quelqu'un comme moi c'était un progrès incroyable parce que je pouvais produire un texte
03:51 en anglais à peu près compréhensible pour mes interlocuteurs même s'il y avait des fautes etc.
03:56 Mais évidemment pour un interprète ou un traducteur c'était une qualité tout à fait médiocre.
04:01 Et donc très souvent ceux qui vont adopter les ruptures ce sont des gens qui n'ont pas d'autre
04:06 choix. Moi je n'avais pas les moyens de me payer un traducteur donc pour moi c'était soit quelque
04:11 chose de moyen soit rien. Donc forcément quelque chose de moyen c'est mieux que rien. Donc ce sont
04:15 les non consommateurs qui adoptent et ça explique aussi pourquoi l'acteur en place va ignorer
04:22 ses non consommateurs puisque par définition c'est pas des clients qu'on lui pique en fait.
04:26 Et donc c'est un deuxième élément de non réponse qui fait qu'on va se dire bon bah ça nous prend
04:31 pas de clients donc on va pas s'en inquiéter. On s'en inquiétera plus tard. Et puis évidemment
04:34 bah on veut pas une technologie substituable à la technologie existante. Et en plus voilà,
04:38 troisième effet qui se coule qui est que ça risque de cannibaliser notre techno actuel.
04:43 On sait pas trop comment la placer, on va pas mettre en danger notre business actuel et donc
04:48 là encore on va limiter les risques. Et donc le paradoxe c'est que ces trois stratégies qu'on
04:54 vient d'évoquer qui sont des stratégies de limitation de risque entraînent un risque
04:58 majeur qui est celui de rater l'opportunité. Voilà et voilà comment le jet de GAFAM,
05:02 Google, se retrouve en position extrêmement délicate face à JPT. Absolument. Merci Philippe
05:07 Silberman. Merci Jean-Philippe.
05:08 Merci Philippe.
05:10 [Musique]

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