• il y a 2 mois
Xerfi Canal a reçu Philippe Silberzahn, professeur de stratégie et entrepreneuriat à l'emlyon Business School, pour parler du refus de la technologie nouvelle par les acteurs en place.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Philippe Silberzan, PhilippeSilberzan.com, c'est votre blog qu'il faut absolument
00:14lire chaque lundi, un nouveau billet, il faut se stimuler, c'est une drogue très puissante.
00:21Mais légale.
00:22Mais légale, voilà, et puis pas dangereuse pour la santé, c'est quand même pas mal
00:26pour une drogue.
00:28Vous êtes professeur de stratégie entrepreneuriale à l'EMU Business School, Philippe Silberzan,
00:33quelques leçons de la technologie, de l'histoire de la technologie, du management de la technologie.
00:38Une de ces leçons, c'est que les utilisateurs, quand ils utilisent une technologie existante,
00:44spontanément rejettent les technologies nouvelles, ça c'est passionnant.
00:48Voilà, effectivement, on observe dans l'histoire d'innovation que les technologies de rupture
00:55sont très rarement adoptées par les acteurs dominants.
00:57Ces acteurs les connaissent, c'est rare qu'ils les ignorent, mais ils ne les adoptent pas.
01:03Donc, ce n'est pas un manque de compétence, ce n'est pas un manque d'argent, ce n'est
01:07pas une ignorance, c'est au fond un refus très rationnel et qui s'explique de la
01:12façon suivante.
01:13Prenons l'exemple assez historique aussi du transistor.
01:16On oublie souvent que le transistor a été inventé sans qu'on sache vraiment ce qu'on
01:21pourrait en faire, mais qu'une belle invention scientifique, puis rapidement on se rend compte
01:24qu'il y a des capacités d'amplification.
01:25Donc, a priori, ceux qui devraient être intéressés sont les fabricants de radio.
01:29Les radios à l'époque, c'était des tubes à vide, très haute qualité sonore,
01:34mais évidemment une grande fragilité, il y avait des contrats de maintenance, etc.,
01:38donc très compliqués.
01:39Et normalement, le transistor est une réponse à ça, puisqu'évidemment, ça permet de
01:42supprimer les tubes.
01:43Les fabricants de radio s'y intéressent presque tout de suite, regardent le transistor,
01:48mais le transistor ne leur permet pas d'atteindre une qualité audio suffisante pour leurs clients,
01:54qui, à l'époque, sont plutôt des clients haut de gamme, c'est des machines très
01:56chères, donc des mélomanes, des gens qui écoutent Mozart et donc qui ont une exigence
02:00sur la qualité.
02:01Le transistor ne permet pas d'atteindre cette qualité.
02:04Donc, les fabricants vont dépenser beaucoup d'argent pour essayer d'améliorer cette
02:08qualité en se disant « tant que ça n'a pas atteint cette qualité-là, on ne sortira
02:11pas d'appareils radio à base de transistor ». Donc, il n'y a pas d'adoption.
02:16C'est de la R&D, mais il n'y a pas d'adoption.
02:18Et puis, parallèlement, d'autres fabricants, mais pas de radio, se disent « au fond,
02:23le transistor, oui, effectivement, il ne permet pas une très grande qualité audio,
02:27mais il a quand même deux avantages, c'est qu'il est tout petit et qu'il consomme
02:30très peu.
02:31Qui ça peut intéresser ? » Et là, très vite, la réponse va être les implants auditifs,
02:36puisque ça va permettre aux gens qui ont des difficultés à entendre de pouvoir entendre.
02:40Et ce qui est intéressant, c'est que là encore, on pourra leur dire « oui, alors
02:45la qualité sonore n'est pas géniale ». Et là, ils vont vous répondre « mais
02:48ce n'est pas grave du tout, parce que c'est ça ou rien ». Et donc, ça va prendre naissance
02:55dans une nouvelle application où ce qui va être mis en avant, c'est la faible consommation
02:59électrique et la taille, bien sûr, et pour une qualité sonore qui, certes, n'est pas
03:05géniale-géniale, mais qui, évidemment, change la vie des gens qui l'adoptent.
03:08Et donc, très souvent, on a ce mécanisme où la techno qui, normalement, devrait servir
03:13à l'acteur établi est, en fait, en général, adoptée par un nouvel acteur sur de nouvelles
03:18applications, dans des nouveaux domaines, avec de nouveaux modèles économiques.
03:21Et c'est pour ça, souvent, qu'on parle de rupture, parce qu'en fait, du point de vue
03:25de l'acteur en place, cette techno qu'il comprenne et qu'il connaisse, au fond, n'a
03:30pas de sens par rapport à leur activité, à leur modèle d'affaires.
03:34Donc, on va créer un nouveau modèle d'affaires sur une nouvelle application pour des nouvelles
03:37cibles.
03:38Et là, la techno va prendre son envol.
03:40Il ne faut jamais oublier qu'il y a le produit, certes, il y a la techno, certes, il y a l'application.
03:44Exactement.
03:45Il faut être très humble quant aux modalités d'application d'une technologie.
03:49Exactement.
03:50Ça n'est jamais que la techno.
03:51C'est vraiment un très bon exemple.
03:53Ça n'est pas que la techno, c'est le modèle qu'on va créer autour qui va donner sa valeur
03:57à la techno ou, au contraire, un peu la stériliser.
03:59Parfois, l'inertie provient du fait de ne pas réussir à imaginer d'autres applications
04:03possibles que celles qu'on a toujours eues avec la techno existante.
04:06Exactement.
04:07Merci Philippe Sidbarzade.
04:08Merci Jean-Philippe.
04:09Merci Philippe Sidbarzade.

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