La loi immigration devant le conseil constitutionnel : qu'est ce que pourrait censurer les Sages ?

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Aujourd'hui dans "Punchline", Mickael Dorian et ses invités débattent de la loi immigration actuellement discutée au conseil constitutionnel.
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Transcription
00:00 [Musique]
00:03 Punchline, 18h-19h, Michael Dorian sur Europe 1.
00:07 [Musique]
00:13 Et nous sommes de retour sur CNews et sur Europe 1 pour la suite de Punchline
00:16 avec Nathan Devers, Jean-Baptiste Souffron, Karim Zeribi, Gilles Miailly et Sophie de Monton.
00:21 Une semaine jour pour jour après l'adoption de la loi immigration,
00:25 Emmanuel Macron a officiellement saisi le Conseil constitutionnel.
00:29 Le chef de l'État souhaite vérifier la conformité du texte mais il n'est pas le seul.
00:33 La Haute Instance a également été saisie par plus de 60 députés de gauche.
00:37 C'est une trentaine de mesures au total qui pourraient être retoquées.
00:41 Les détails avec Mickaël Dos Santos et Marie-Liège Chevalier.
00:45 Quelques minutes avant le vote de la loi immigration par les sénateurs,
00:49 Gérald Darmanin avait annoncé la couleur.
00:52 - Des mesures sont manifestement et clairement contraires à la Constitution.
00:58 Le travail du Conseil constitutionnel fera son office.
01:01 Une trentaine de mesures de la loi immigration
01:03 pourraient être censurées par le Conseil constitutionnel.
01:06 La première, celle qui concerne les conditions d'accès aux prestations sociales
01:10 comme l'aide au logement ou encore les allocations familiales.
01:13 L'obligation pour des étrangers extra-communautaires sans travail
01:17 de résider en France pendant au moins 5 ans
01:19 pourrait s'apparenter à une forme de préférence nationale
01:22 et donc à une rupture d'égalité.
01:24 Le durcissement du regroupement familial
01:25 pourrait également être considéré par le Conseil des sages
01:28 comme contraire aux principes fondamentaux
01:30 qui visent à protéger les familles, qu'elles soient françaises ou étrangères.
01:34 La semaine dernière, Elisabeth Born s'était interrogée
01:37 sur l'une des nouvelles règles du regroupement familial,
01:40 l'obligation pour les proches du demandeur de maîtriser la langue française.
01:44 - Il est prévu que si vous épousez demain un Canadien ou un Japonais,
01:47 il ne peut pas rejoindre la France s'il ne parle pas bien français.
01:50 On va interroger le Conseil constitutionnel.
01:52 Enfin, le rétablissement du délit de séjour irrégulier
01:55 ou encore les restrictions du droit du sol
01:58 pourraient également constituer des cavaliers législatifs,
02:00 des mesures considérées sans rapport avec la loi immigration.
02:04 - Avec toutes ces modifications, Sophie de Menton,
02:07 je vous donne la parole,
02:08 est-ce qu'on ne risque pas de se diriger vers un éventuel référendum ?
02:12 - Ça, j'ai aucune idée.
02:13 Mais ce que je sais, c'est que,
02:16 premièrement, moi qui suis chef d'entreprise,
02:18 quand on réunit une commission mixte paritaire,
02:21 on prend un juriste conditionnaliste avant,
02:24 on montre, on dit "ça va le texte,
02:25 je ne sais pas, dans une entreprise,
02:26 si on nous sortait un truc comme ça, n'importe quoi".
02:29 Mais moi, je lance un appel à Laurent Fabius,
02:32 qui est président du Conseil constitutionnel,
02:33 parce que je me bats,
02:35 et je me suis même battue avec la CGT sur ce sujet.
02:39 Comment peut-on, dans un pays comme la France,
02:42 donner, dire à des travailleurs sans papiers,
02:47 qui sont la plupart du temps des faux papiers,
02:49 ils ne sont pas vraiment sans papiers,
02:50 parce que quand ils sont recrutés, c'est des faux papiers.
02:53 Ce n'est pas le boulot des chefs d'entreprise
02:54 de les vérifier les faux papiers.
02:55 On les a, ils ont des faux papiers.
02:57 Mais ils travaillent, ils donnent toute satisfaction,
02:59 ils sont déclarés, ils paient des impôts pendant X temps.
03:03 La loi française prévoit de donner l'autorisation de travailler
03:08 à condition que les immigrés aient travaillé
03:11 de façon illégale pendant deux ans.
03:13 Il faut avoir, je ne sais pas combien de feuilles de paie,
03:15 24 feuilles de paie, ou bien six mois d'affilée.
03:18 Et là, quand illégalement vous avez travaillé,
03:21 mais que vous avez été déclaré,
03:22 eh bien là, vous avez le droit de travailler.
03:24 Enfin, c'est une telle aberration
03:27 que je me bats là-dessus depuis six ans.
03:28 Ce n'est pas éthique, c'est monstrueux.
03:30 Vous dites à quelqu'un,
03:31 "Non, vous êtes là, immigrés, vous n'avez pas de papiers.
03:34 Montrez que vous avez du travail,
03:36 apportez 24 feuilles de salaire,
03:39 ou apportez la preuve que vous avez travaillé
03:40 six mois d'affilée,
03:42 et là, vous aurez le droit de travailler."
03:44 On marche sur la tête.
03:46 On a tout essayé.
03:47 Et un jour, la CGT m'a appelée, m'a dit,
03:49 "Tiens, on ne sait pas quoi faire,
03:50 on vous envoie deux chefs d'entreprise
03:52 parce qu'on ne sait plus quoi faire."
03:53 Et j'ai vu arriver des chefs d'entreprise qui disaient,
03:55 "Oui, ça fait quatre ans qu'ils bossent avec moi,
03:57 je le déclare."
03:58 - Jean-Baptiste Susskran.
03:59 - Je suis tout à fait d'accord.
04:00 On est dans une situation où on marche sur la tête,
04:03 c'est-à-dire que les chefs d'entreprise
04:05 ont bien autre chose à faire aujourd'hui,
04:06 si vous voulez, que d'essayer de comprendre le CZA
04:10 et d'essayer de savoir si oui ou non.
04:12 Déjà, on est en train de faire du droit de l'immigration,
04:14 un système encore plus compliqué
04:15 des droits fiscaux français.
04:17 Et on attend des immigrés
04:21 qui eux-mêmes sont souvent en situation de détresse,
04:23 qu'ils soient légaux ou illégaux, c'est dur.
04:25 Et ils essaient de comprendre comment ils vont pouvoir se glisser,
04:28 se faire accepter, rentrer dans les cases ou repartir.
04:31 Des gens qui les reçoivent,
04:33 d'essayer de comprendre par eux-mêmes un texte qui est incompréhensible,
04:36 à tel point que même les gens qui proposent le texte
04:38 ne sont pas capables de proposer un texte
04:40 qui leur semble, eux, compatible avec la Constitution.
04:43 C'est absolument n'importe quoi.
04:45 Ce dont on a besoin, c'est d'une refonte,
04:48 c'est d'une réflexion.
04:49 C'est en 2023 de réfléchir autrement qu'en 1980
04:53 et de se demander, finalement,
04:54 qu'est-ce qu'on veut aujourd'hui comme mécanisme ?
04:56 Il y a des gens qui peuvent réfléchir.
04:58 On pourrait avoir un nouveau sujet et un débat.
05:02 Mais au lieu d'un débat, on a une collection de mesurettes, finalement,
05:05 dont on ne sait pas très bien ce qui va s'appliquer, va s'appliquer,
05:07 qui sont toutes plus inhumaines les unes que les autres,
05:10 surtout quand on se rend compte qu'elles n'ont aucune logique.
05:12 Et encore une fois, ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale
05:14 ne ressemblait pas non plus réellement à un débat autour de ce texte.
05:16 Mais même le texte initial à l'Assemblée nationale,
05:19 même le texte initial, ne faisait pas de sens.
05:22 Vous voyez ce que je veux dire ?
05:23 C'est-à-dire que le gros problème,
05:25 c'est de mettre du sens sur l'immigration.
05:27 C'est qu'est-ce qu'on veut comme immigration aujourd'hui,
05:30 pour la France en 2023 ?
05:32 C'est normal, si vous voulez se poser cette question.
05:34 Et à cette question, si vous demandez quel est le plan,
05:37 eh bien, je ne le connais pas.
05:38 Et je ne l'ai pas vu émerger des débats.
05:41 On était plus proche de la comédie et de la mascarade
05:42 que du débat autour des discussions qui ont lieu à l'Assemblée,
05:46 Karim Zérébi, autour du texte immigration.
05:48 Ce que je veux dire à nos politiques,
05:50 c'est est-ce qu'on fait de ce sujet un sujet purement et seulement électoraliste ?
05:54 Ou est-ce qu'on est capable d'en faire un sujet d'intérêt général
05:56 avec une approche, je dirais, positive
06:00 et une approche qui est celle de la fermeté,
06:03 qui est nécessaire et qui nous oblige à gérer les flux migratoires ?
06:07 Mais gérer les flux migratoires,
06:08 ça ne veut pas dire surfer uniquement sur les peurs,
06:11 sur les aspects négatifs.
06:12 Donc, on peut aussi expliquer que nous avons besoin d'une immigration régulée,
06:17 ce que choisit et qui trouve sa place dans la société française.
06:20 On est incapable d'avoir ce débat-là, avec rationalité.
06:24 Or, quand j'entends, moi, que la CMP a statué sur un texte
06:28 dont on savait avant même, effectivement,
06:31 que tout le monde a posé sa signature,
06:33 qu'il allait contenir des aspects inconstitutionnels,
06:36 je me dis, mais quand on parlait tout à l'heure de l'affaiblissement du politique,
06:40 mais où va-t-on ?
06:41 Ce n'est pas possible.
06:42 On a le président de l'Assemblée nationale,
06:43 le président de la République en personne,
06:45 donc qui saisit le Conseil constitutionnel.
06:47 Il savait, lorsque leurs députés de la majorité votaient ce texte-là,
06:52 qu'il avait des aspects inconstitutionnels.
06:54 Mais c'est baroque, c'est presque une forme d'instrumentalisation.
06:58 C'est pour ça que je dis, est-ce qu'on en fait un sujet purement électoraliste
07:01 ou est-ce qu'on en fait un sujet d'intérêt général pour la nation ?
07:04 Tant pour les immigrés que pour la France.
07:06 Je veux dire, on n'est pas capable,
07:08 on n'a pas ce recul, cette hauteur de vue.
07:10 On manque de cap, on manque de colonne vertébrale.
07:12 On ne sait plus où on va politiquement dans notre pays.
07:15 - Mais c'est qui ? - C'est ça, le drame.
07:16 Le drame, c'est ceux qui nous dirigent.
07:17 Qui veux-tu que ce soit ?
07:19 - Les parlementaires sont très coupables. - Sophie de Monton.
07:22 - Un parti nous dirige, quand même. - Nathan Devers.
07:24 Moi, je suis d'accord avec tout ce qui a été dit.
07:25 Je pense qu'il faut se poser une question.
07:28 Comment les historiens raconteront cette loi dans un siècle ?
07:30 On ne sait pas ce qui va se passer.
07:32 On ne sait pas si Marine Le Pen va accéder au pouvoir dans quelques années.
07:35 Mais en tout cas, ce qui est certain,
07:36 c'est qu'en effet, quelque chose qui est absolument aberrant,
07:40 si vous voulez, qu'il y ait un texte anticonstitutionnel à certains égards,
07:44 avec des mesures qui nous viennent tout droit,
07:46 comme je le disais tout à l'heure,
07:47 non seulement du Rassemblement national,
07:48 mais du Front national intellectuellement,
07:50 ça vient de là, c'est sa matrice
07:52 pour un certain nombre de mesures du Front national, de Jean-Marie Le Pen.
07:54 Comment se fait-il qu'un texte comme ça passe,
07:57 qui passe avec l'aval d'un certain nombre de gens de la majorité présidentielle,
08:01 qui passe dans un contexte où on a un ministre de l'Intérieur qui nous dit
08:04 qu'il expulse des gens contre l'avis de la CEDH et que c'est très bien ?
08:07 Donc tout ça, ça doit quand même nous faire réfléchir.
08:09 Moi, je me souviens, en 2017, il y avait un certain nombre de gens
08:11 qui disaient que le macronisme, finalement, derrière un peu le vide idéologique,
08:15 le risque, c'est que ce soit la préparation de la France de l'extrême droite.
08:18 Et quand les gens disaient ça en 2017,
08:20 on avait l'impression qu'ils disaient des sortes d'abstractions,
08:22 des slogans, Emmanuel Le Pen, que c'était complètement aberrant.
08:25 Mais là, si vous voulez, cette loi, elle montre,
08:28 objectivement, une forme de collusion idéologique et politique
08:31 entre des gens qui se sont présentés comme des remparts contre le Front national,
08:35 c'est quand même pour ça que les gens ont voté pour eux en 2017 et en 2022,
08:38 enfin, une grande partie des électeurs,
08:39 et qui aujourd'hui, introduisent dans la loi, ou veulent introduire dans la loi,
08:43 des mesures, des dispositions, des idées qui viennent directement
08:45 de ceux qui sont censés être leurs ennemis.
08:47 Ça, ça interrogera les historiens dans un siècle, c'est sûr et certain.
08:49 Un dernier mot sur le sujet, Gilles Mignaili.
08:52 Oui, quand on dit "immigration",
08:54 pour les élus et peut-être pour les élites,
08:58 ce sont des sujets techniques qui sont liés au mouvement des migrations.
09:02 Mais pour la plupart des Français,
09:03 c'est la question de la présence de l'islam en France.
09:06 Quand on dit "immigration", on dit ça.
09:08 Et l'expérience collective,
09:12 c'est que des gens qui viennent des pays musulmans
09:16 s'intègrent relativement moins bien
09:20 que ceux qui sont venus de la Pologne,
09:22 ceux qui sont venus de l'Italie, de l'Espagne et d'autres pays.
09:26 Et qu'aujourd'hui, on se retrouve dans une situation où il y a trop,
09:31 il y a trop de gens qui n'ont pas de problème,
09:34 de projet d'intégration, qui sont en France,
09:37 parce que dans les pays d'origine, leur vie n'était pas bonne,
09:42 mais qu'ils n'ont pas l'intention de devenir Français.
09:46 Et depuis quand les Français n'ont pas l'intention de devenir des colonnés ?
09:48 Ils veulent vivre dans des îlots culturels.
09:52 Et puis surtout à l'époque, c'était face à notre débat.
09:54 C'était simple, les règles de la France.
09:55 Mais dans la tête des gens qui s'expriment...
09:58 Quand on dit qu'il y a 65 % des personnes qui sont pour la loi,
10:03 ce n'est pas parce qu'ils ont étudié la loi,
10:05 C'est parce qu'eux, ils en ont marre déjà.

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