Les bonnes résolutions : faut-il en prendre ?

  • l’année dernière

Hélène Zelany revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd’hui, faut-il prendre des bonnes résolutions ? Elle en parle avec le professeur Michel Lejoyeux.

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Retrouvez "Hélène Zelany et vous" sur : http://www.europe1.fr/emissions/pascal-praud-et-vous

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Transcription
00:00 - Europain, 11h, 13h, Hélène Zellany et vous.
00:04 - Alors on s'approche lentement mais sûrement de la fin de l'année, on fait le bilan de 2023,
00:09 on se projette sur 2024 avec souvent plein de bonnes résolutions qu'on va tenir ou pas.
00:14 On en parle avec le professeur Michel Lejoyeux. Bonjour !
00:18 - Bonjour et c'est un plaisir d'être avec vous.
00:22 - Plaisir partagé ! Vous êtes notamment président de la Commission nationale de psychiatrie,
00:27 auteur du livre "En bonne santé avec Montaigne" qui vient de sortir en livre de poche.
00:32 Merci beaucoup d'être en direct sur Europain.
00:34 Alors vous nous dites en gros que le philosophe Michel de Montaigne, au XVIe siècle,
00:40 lui-même d'ailleurs souffrait de mélancolie,
00:43 et bien que Montaigne peut nous aider à aller mieux et avoir la vie plus rose que grise.
00:50 - Ah oui et notamment vous parliez des résolutions.
00:52 Vous voyez c'est un bon moment pour ne pas faire des résolutions générales.
00:58 L'année prochaine je serai plus gentil, je serai plus calme, je serai plus sociable.
01:03 Tout ça n'est pas mesurable, n'est pas spécifique.
01:06 Moi ce qui m'a plu avec Montaigne, c'est qu'il propose des choses très concrètes.
01:10 Passer un peu plus de temps dans son jardin, passer plus de temps avec ses meilleurs amis,
01:16 avec ceux qui comptent dans sa vie.
01:18 Donc prenons des petits objectifs très concrets, très mesurables,
01:23 et surtout cohérents avec ce qu'on est.
01:25 Si demain je me dis en 2024 je fais de l'haltérophilie,
01:29 je ne vais pas y arriver, ce n'est pas cohérent ni avec mon physique ni avec ce que j'ai fait.
01:33 Peut-être vous y arriverez évidemment parce qu'à Europain vous êtes tous des athlètes.
01:37 - Bien sûr, mais évidemment.
01:38 D'ailleurs on fait déjà de l'haltérophilie, n'est-ce pas Michel ?
01:41 - Ah oui, totalement, tous les soirs.
01:44 - Moi ce que je trouve très intéressant dans votre livre,
01:47 et d'ailleurs étonnant, on dit contre-intuitif aujourd'hui,
01:51 c'est que finalement ce que disait, ce qu'écrivait Montaigne au XVIe siècle
01:56 est très actuel et totalement applicable à notre vie aujourd'hui,
02:01 envahie de réseaux sociaux, d'addiction en tout genre.
02:07 C'est ça qui est très frappant finalement.
02:09 - C'est, comme vous dites, particulièrement contre-intuitif.
02:14 À l'époque où on se dit, plus on a de relations, notamment en ligne, et plus on est heureux,
02:19 Montaigne dit, alors il exagère, moi dans mon livre j'ai donné un conseil avec trois amis,
02:24 Montaigne dit "il ne faut avoir qu'un ami".
02:27 Si vous avez deux amis et qu'ils vous demandent des choses contradictoires,
02:31 vous ne saurez pas auquel des deux répondre.
02:33 Donc il dit "on a toujours trop d'amis" et il incite à faire,
02:36 et je donne des exercices comme ça dans le livre, un bilan d'amitié.
02:39 C'est-à-dire au fond, est-ce qu'on passe du temps avec les gens qui comptent vraiment
02:43 ou est-ce qu'on se disperse avec des gens qui ne comptent pas ?
02:47 Est-ce qu'on est avec celui, comme disait Montaigne, qui disait "parce que c'était lui, parce que c'était moi" ?
02:52 Et vous savez que lui c'était Étienne de Laboétie, son ami de cœur.
02:55 - L'amitié authentique, ça c'est très important dans les écrits de Montaigne
03:01 et c'est très important pour nous tous.
03:04 Il dit aussi qu'il faut s'entraîner à être moins sensible.
03:08 Je voulais savoir ce qu'il voulait dire par là.
03:11 - Oui, il disait qu'au fond, dans une culture où on muscle sa perméabilité à l'émotion,
03:20 sa capacité à tout recevoir, il dit qu'il faut aussi apprendre un peu à endurcir son esprit
03:27 et à ne pas s'émouvoir de tout.
03:29 Il y a un exemple, il dit "il y a une chose qui nous rend moins sensibles,
03:32 c'est une qualité que personne ne veut spontanément défendre, c'est l'oubli".
03:38 Vous voyez, si on profite de la fin d'année pour faire un bilan de l'année qui s'est passée,
03:43 avec toutes les catastrophes de l'actualité, avec les catastrophes personnelles,
03:47 soyez tranquilles, au bout de quelques minutes, on va tous être effondrés.
03:51 Montaigne dit "les couples qui tiennent, les personnes qui restent de bonne humeur
03:56 sont ceux qui, bien sûr, ne sont pas amnésiques des grands événements,
04:00 mais sont capables de cultiver une part d'oubli".
04:03 Quand il dit s'entraîner à être moins sensible, il dit attention à l'excès d'empathie.
04:10 Pourtant l'empathie, c'est très à la mode, on a l'impression que c'est plutôt une qualité l'empathie.
04:14 Alors vous allez me dire, c'est peut-être l'excès qui fait la différence ?
04:17 C'est bien sûr l'excès qui fait la différence.
04:21 Et voyez, au fond, l'empathie, oui, mais il y a une sorte d'empathie généralisée,
04:28 d'effondrement permanent, qui n'est pas productif.
04:33 Si je devais le dire à la façon de Montaigne, il y a l'empathie triste,
04:37 qu'on n'est pas obligé de cultiver.
04:39 Montaigne disait "la tristesse n'est pas une qualité dans la vie".
04:42 Moi, en tant que psychiatre, j'ai tellement envie de dire ça en consultation,
04:46 je n'ose pas le dire, donc je l'ai écrit dans mon livre.
04:49 Mais ce n'est pas formidable d'être tout le temps triste, d'être tout le temps morose.
04:54 Ce n'est pas ce que vous faites sur votre radio.
04:57 Europe n'est pas tout le temps morose, ils ont bien raison de ne pas l'être.
05:00 Au fond, l'empathie découragée qui, à chaque émission,
05:06 va vous donner toutes les raisons d'aller mal, n'est pas une qualité morale.
05:10 Et d'ailleurs, le livre s'ouvre sur cette citation des essais de Montaigne,
05:14 qui va tout à fait dans ce sens, "la plus expresse marque de la sagesse,
05:19 c'est une réjouissance constante".
05:23 Oui, tout se passe comme si aujourd'hui, notamment avec une actualité
05:27 qui ne nous incite pas, on était crédible que si on était effondré,
05:34 accablé, pessimiste.
05:36 Vous savez, Montaigne reprend, préfigure notre grand philosophe français,
05:41 notre autre grand philosophe français qui était Alain,
05:43 qui avait dit une phrase indépassable, "le pessimisme est de nature",
05:48 il suffit de regarder l'actualité, tout nous pousse à être pessimiste,
05:51 "l'optimisme est de combat".
05:53 Ce combat pour l'optimisme, sachant qu'on est naturellement pessimiste,
05:57 c'est quelque chose qui fait du bien et qu'on peut entraîner au quotidien.
06:02 C'est vraiment possible, même quand on ne va pas très bien,
06:05 de s'entraîner à être optimiste.
06:08 J'aimerais bien que vous nous donniez la méthode.
06:11 Alors, d'abord, pour s'entraîner à être optimiste,
06:14 il faut être sûr qu'on n'est pas malade.
06:16 J'enseigne la médecine, j'exerce la psychiatrie,
06:19 et je fais la différence, comme le fait Montaigne,
06:22 entre ce qu'il appelle la tristesse et le chagrin.
06:25 On pourrait dire aujourd'hui, entre la tristesse réactionnelle,
06:29 l'émotion en réaction aux événements, et les maladies dépressives.
06:33 Quand on a une maladie dépressive, quand on a une perte d'envie,
06:36 une perte d'énergie, une perte d'estime de soi,
06:40 là, il faut être aidé.
06:42 Mais quand c'est simplement une émotion,
06:44 on peut faire des expériences positives qui vont redonner de l'optimisme.
06:52 Vraiment, faisons la différence entre les deux.
06:54 Et Montaigne le dit très bien, si on confond tristesse banale
06:58 et chagrin effondré, là, pour le coup,
07:01 on va dire à quelqu'un qui est malade d'une dépression,
07:04 "fait un effort et c'est complètement inadapté".
07:06 Alors, expérience positive, ça, ça a retenu mon intention,
07:10 et j'ai bien l'intention de vous demander d'être un peu plus précis
07:12 et de nous donner des exemples.
07:14 Mais on va d'abord marquer une petite pause.
07:15 Vous restez avec nous, Professeur Lejoyeux.
07:17 Et vous, quelles sont vos bonnes résolutions ?
07:19 Parlez de votre expérience.
07:21 Parvenez-vous à les tenir, ces résolutions ?
07:24 Et vous nous appelez à ce numéro.
07:25 Hélène Zellany attend vos appels sur Europe 1 0180 20 39 21.
07:35 Nous parlons des bonnes résolutions pour 2024
07:37 avec le professeur en psychiatrie Michel Lejoyeux.
07:39 Alors, Michel Lejoyeux, juste avant la pause,
07:41 vous parliez des expériences positives qu'on peut mener
07:46 pour essayer de voir la vie du bon côté.
07:48 Mais avant, j'aimerais qu'on prenne en ligne
07:50 Lily qui vient de nous appeler.
07:51 Bonjour.
07:53 Bonjour Hélène, bonjour à tous.
07:54 Vous avez quel âge d'abord ?
07:56 J'ai 27 ans.
07:57 Vous avez 27 ans.
07:59 Alors, l'émission est autour des bonnes résolutions.
08:02 Et quelles sont vos bonnes résolutions pour 2024 ?
08:05 Alors, je serais tentée de vous dire que j'aimerais bien faire plus de sport,
08:08 manger mieux, etc.
08:09 Mais je trouve que c'est quand même des injonctions
08:12 qu'on s'oblige en fait de prendre des bonnes résolutions,
08:16 alors qu'en réalité, on sait très bien qu'on ne les tient pas plus de deux jours.
08:20 Alors du coup, vous n'en prenez pas ou vous essayez quand même ?
08:22 J'essaye un petit peu, mais je sais que ça ne dure pas plus de deux jours,
08:26 donc je ne les prends pas vraiment.
08:27 C'est une période que vous appréhendez, cette fin d'année,
08:31 et toutes ces injonctions,
08:32 ou finalement vous prenez ça avec du recul ?
08:35 Je trouve ça quand même toujours un peu difficile,
08:37 parce que quand on arrive à la fin d'une année,
08:39 on se force à faire un espèce de bilan
08:41 de l'année qui vient de s'écouler
08:42 et de ce qu'on voudrait mieux faire l'année suivante.
08:44 Et je trouve ça toujours hyper difficile en fait.
08:47 C'est vrai que ce n'est pas évident, professeur Lejoyeux.
08:51 C'est vrai que ces injonctions, ça peut angoisser aussi certaines personnes.
08:56 Alors, c'est d'autant plus angoissant,
09:00 comme on le disait tout à l'heure, que c'est général.
09:02 Faire plus de sport, ce n'est pas très précis,
09:05 ça ne veut pas dire grand-chose.
09:06 Il y a une étude récente qui vous donne une expérience de bonne humeur simple.
09:11 Je marche six minutes rapidement.
09:14 On l'a fait faire à des Allemands, à des Bavarois.
09:17 Ils marchaient dans le froid pendant six minutes.
09:20 On a mesuré leur niveau de bien-être avant qu'ils commencent à marcher
09:24 et après leurs six minutes de marche.
09:25 On s'est aperçu que leur niveau de bien-être augmentait de 30%
09:30 après six minutes de marche rapide.
09:33 Vous voyez, on peut plutôt que se dire je fais plus de sport,
09:36 se dire je rentre dans ma journée, six minutes de marche rapide.
09:40 Et pour savoir ce qu'a dit le docteur à la radio,
09:43 si c'était vrai ou pas, je vérifie.
09:45 J'estime mon niveau de bien-être avant et après la marche
09:48 et je vais voir au miracle qu'après ces six minutes,
09:51 je me sens mieux, je me sens mieux dans mon corps
09:53 et je me sens mieux dans mon esprit.
09:55 Donc pas plus de sport, six minutes de marche par jour.
09:58 - Qu'est-ce que vous pouvez dire à Lili qui préfère ne pas en prendre
10:02 parce qu'elle a peur de ne pas les tenir, ses bonnes résolutions ?
10:05 - Qu'il faut en prendre des toutes petites,
10:06 qu'il faut en prendre des tenables,
10:08 qu'il ne faut pas faire de bilan de l'année,
10:11 les bilans de couple, les bilans de vie.
10:13 Tout ça vraiment, c'est trop déprimant.
10:16 Mais faire rentrer, et je vous en donnerai quelques autres petits exemples,
10:20 quelques toutes petites expériences qu'on peut faire.
10:23 Alors si on veut les faire avant le 1er janvier, on les fait.
10:25 Si on veut les commencer maintenant, évidemment on les commence dès aujourd'hui.
10:28 Des expériences dont on mesure rapidement
10:32 un effet sur le bien-être du corps et de l'esprit.
10:35 - Lili, vous entendez ?
10:36 Est-ce que vous vous préparez à faire six minutes de marche ?
10:38 Alors il ne fait pas très froid en ce moment, mais bon...
10:41 - Oui, je pense que six minutes de marche par jour,
10:43 c'est relativement tenable quand même.
10:45 - C'est tenable, et c'est vrai ce que dit le professeur Lejoyeux,
10:48 peut-être ne pas mettre la barre haut tout simplement,
10:51 et se donner des petites ambitions.
10:53 - Oui, peut-être que finalement, se fixer des petits objectifs,
10:56 c'est plus facile que de se donner forcément une résolution
10:59 à tenir sur toute une année.
11:01 - Bon, bah écoutez, merci en tout cas.
11:02 Merci de votre appel, Lili.
11:05 Professeur Lejoyeux, alors vous voulez nous donner d'autres exemples,
11:08 on est très preneurs, parce que les six minutes,
11:10 ça je crois que c'est très facile pour nous tous.
11:13 Six minutes de marche, c'est vraiment dans nos cordes,
11:15 et c'est, je pense, un minimum.
11:17 Est-ce qu'il y a d'autres exemples que vous pouvez nous donner ?
11:19 - Une toute petite idée encore à Lili.
11:21 Il faut commencer tout de suite.
11:23 Une résolution, le 1er janvier, on a des chances de la tenir.
11:26 Le 2, on perd 30% de chance.
11:28 Le 3, 50%.
11:30 Et le 4, l'histoire est complètement finie.
11:33 Donc une résolution, on a deux sens,
11:34 que si elle est tenue immédiatement.
11:36 Ça, c'est une première chose.
11:38 La deuxième chose dont on sait que ça fait du bien,
11:41 c'est la capacité à déguster l'instant présent.
11:45 On va, une fois par jour... - Cueille le jour !
11:47 - Cueille le jour, Carpe Diem !
11:50 On va, une fois par jour,
11:52 s'installer dans son fauteuil préféré,
11:55 débrancher son téléphone.
11:56 Pour un instant, on a le droit de ne pas écouter Europe 1,
11:58 mais on les réécoute après, tout de suite après.
12:02 On prend une musique qui accompagne,
12:05 on prend une boisson qui accompagne,
12:07 et on se concentre sur le temps, sur ses sensations.
12:10 C'est ce qu'on appelle la capacité à vivre l'instant présent.
12:13 On appelle ça aussi le mindfulness.
12:15 Une expérience comme ça par jour,
12:17 là aussi, c'est une manière de se reconnecter avec soi-même.
12:22 Et là, vous le faites, et globalement,
12:25 tous les gens qui savent le faire,
12:26 qui acceptent de le faire, vont mieux.
12:28 - Alors j'imagine que vous parlez d'une musique plutôt calme.
12:31 Moi, je voulais vous faire entendre celle-là.
12:33 - Quel souci, Montaigne et la Boétie.
12:37 Quel souci, on y va.
12:41 - Voilà, c'est un petit clin d'œil qui date quand même de 1987.
12:46 Quel souci, la Boétie, Claudia Philips.
12:49 Parce que la musique, ça permet de se ressourcer,
12:53 mais ça permet aussi de danser, de mettre de bonne humeur.
12:56 Et ça, même Montaigne le reconnaissait d'ailleurs.
12:59 - Absolument. Montaigne le reconnaît.
13:00 Des chercheurs italiens viennent de faire une expérience étonnante.
13:03 Ils vous proposent de manger une glace
13:05 et d'estimer le niveau de sucre de la glace
13:08 quand il vous faut écouter des musiques en même temps.
13:10 Et il se soit aperçu que plus la musique vous plaît,
13:14 plus vous trouvez la glace sucrée.
13:16 Donc, ce qui est important, c'est une musique qui vous plaît.
13:18 Si vous avez envie d'écouter une musique de danse,
13:20 vous écoutez une musique de danse.
13:21 Si vous préférez une musique calme,
13:23 surtout pas de prescription d'un morceau ou d'un autre.
13:26 Il n'y a pas de morceau magique.
13:27 Le morceau magique, c'est celui avec lequel vous êtes en phase.
13:31 - C'est vrai.
13:32 Et est-ce que vous, à vos patients qui ne vont pas très bien,
13:37 vous avez des conseils ?
13:39 Alors, vous disiez écouter de la musique,
13:41 couper peut-être aussi avec les sollicitations extérieures,
13:45 que ce soit le téléphone, les réseaux.
13:48 Quand on ne se sent pas au mieux de sa forme,
13:50 là pour finir l'année,
13:51 est-ce qu'il y a d'autres conseils que vous pouvez nous donner ?
13:53 - Bougez vraiment.
13:54 Aujourd'hui, on voit que ça mobilise les endorphines,
13:56 que ça mobilise les neuromédiateurs,
13:58 que ça améliore les capacités mnésiques.
14:01 Donc, bougez au minimum six minutes.
14:03 Mais vraiment, la sédentarité est un poison.
14:05 C'est un poison pour le cœur.
14:06 C'est aussi un poison pour l'esprit.
14:09 Plus que la musique, ce temps de concentration sur l'instant,
14:11 qui peut être aussi une lecture.
14:13 Et puis, troisième sujet, désintoxiquer sa vie.
14:16 On a des toxiques de la bonne humeur.
14:19 On a des produits qui nous font du mal et qui sont des faux amis.
14:23 Le premier est le tabac et le deuxième est l'alcool.
14:27 Ce sont les plus banals.
14:29 Et ce sont des produits, pour ceux qui en consomment,
14:33 qui donnent l'impression de détendre,
14:35 de donner un petit coup de fouet, un effet euphorisant.
14:38 Mais bien sûr, quand on consomme un verre d'alcool de temps en temps,
14:41 ça n'est pas déprimant.
14:42 Mais toutes les personnes qui consomment régulièrement de l'alcool
14:46 ou qui fument sont plus exposées à la dépression
14:49 et évidemment à d'autres maladies.
14:51 Donc, ce n'est pas une mauvaise idée de faire le Dwight January.
14:54 Celui-ci, ça va être bon pour l'humeur.
14:55 Alors, désintoxiquer sa vie.
14:57 On va en reparler justement.
14:59 Je voulais vous interroger là-dessus.
15:00 Encore une petite pause, si vous le voulez bien, Professeur Lejoyon.
15:03 Et on va se retrouver juste après pour voir comment on peut désintoxiquer sa vie.
15:07 Posez vos questions à notre invité.
15:09 Dites-nous quelles sont vos bonnes résolutions pour 2024.
15:11 Avez-vous tenu celle de 2023 ?
15:13 Appelez-nous au 01 80 20 39 21.
15:16 Hélène Zellany et vous, c'est tous les jours, 11h-13h.
15:20 11h-13h, Hélène Zellany sur Europe.
15:23 Les bonnes résolutions pour 2024, c'est le premier sujet d'Hélène Zellany et vous.
15:27 On attend vos appels au 01 80 20 39 21.
15:31 Avec votre invité, Hélène, le professeur en psychiatrie, Michel Lejoyeux.
15:35 Alors, Professeur Lejoyeux, on l'a dit, vous êtes professeur en psychiatrie,
15:39 mais aussi en addictologie.
15:41 Et vous disiez juste avant la pause qu'il était important de désintoxiquer sa vie.
15:45 Un sujet que vous connaissez très bien.
15:46 Alors, on parle à la fois de cigarettes, d'alcool, mais aussi de drogue et aussi de réseau.
15:53 - Oui, l'impact n'a rien à voir.
15:57 - Bien sûr.
15:58 - C'est la grande modernité.
15:59 Je vois des gens qui me disent,
16:00 "Dites-moi, j'ai un peu peur de regarder trop souvent mon portable avec une cigarette à la bouche
16:04 ou en buvant trop d'alcool.
16:05 30% des hospitalisations sont dues à l'alcool.
16:09 Le tabac intervient dans la moitié des cancers.
16:11 Si vous regardez un peu trop votre portable, ce n'est pas la priorité sanitaire absolue."
16:16 Ce qui est important, vous savez, je l'ai appris chez Montaigne,
16:18 et c'est là où Montaigne nous apprend justement la bonne santé,
16:22 c'est que nous avons une capacité à contracter des habitudes.
16:26 Montaigne raconte une très jolie histoire dont je me sers en consultation,
16:29 d'une dame qui tient un petit veau dans ses bras.
16:32 Vous voyez, c'est attachant, c'est mignon, elle porte son veau.
16:35 Et puis, elle prend l'habitude de garder ce veau et à un moment, ça devient un bœuf.
16:39 Et quand on porte un bœuf dans ses bras, ça devient lourd.
16:42 Et Montaigne dit que c'est ça, notre capacité à prendre des habitudes.
16:46 Quand on commence un comportement, il a tendance à se répéter.
16:50 Quand on prend l'habitude de boire deux petits verres le soir,
16:53 on ne peut plus s'en passer au bout d'un certain temps.
16:57 Quand on prend l'habitude de ne plus les boire, on ne peut plus non plus en reprendre,
17:00 de même que quand on prend trop de sucre ou du tabac.
17:03 Donc, c'est le bon moment pour faire ce petit clic
17:06 et passer d'une habitude toxique à une habitude de bonne santé.
17:10 - Pas si évident que ça, quand on est addict,
17:14 puisque vous travaillez beaucoup en addictologie aussi,
17:18 est-ce que vous conseillez plutôt dans ce cas-là
17:21 d'être un peu radical et de passer, si on fumait un paquet par jour,
17:25 par exemple, pour prendre la cigarette, d'arrêter,
17:27 de passer par exemple à la cigarette électronique
17:29 ou est-ce qu'il vaut mieux le faire progressivement ?
17:33 - Alors là, on n'a aucun doute médical.
17:36 Montaigne, il n'y en avait déjà pas, mais nous, on en a encore moins.
17:39 Il faut arrêter du jour au lendemain.
17:42 J'ai fait des efforts, je vais y arriver, ne sors pas de l'emprise addictive.
17:47 Par contre, il faut utiliser ce qu'on appelle des substituts.
17:50 Alors, il y a plein de substituts nicotiniques,
17:52 que ce soit la cigarette électronique, que ce soit les gommes,
17:55 que ce soit tout ce qui apporte de la nicotine.
17:58 Pour l'alcool, les choses sont exactement pareilles.
18:00 Si on a une dépendance physique, c'est-à-dire si quand on arrête
18:04 deux, trois jours de boire, on a un syndrome de sevrage,
18:06 il ne faut pas arrêter tout seul, il faut être aidé par un médecin.
18:09 Si on n'a pas de dépendance physique, la seule méthode qui marche
18:13 est de décider de se mettre à distance de l'alcool complètement
18:17 pendant au minimum quelques jours, une semaine, un mois.
18:21 Et puis après, on en trouve tellement de bénéfices qu'on a envie de continuer.
18:24 - Et d'ailleurs, ça rappelle cette phrase de Montaigne,
18:27 il est avec nous pendant tout cet entretien.
18:30 "Bien vivre, c'est d'abord rester en bonne santé."
18:34 - Bien sûr. Vous savez, j'ai adoré Montaigne,
18:37 notamment parce qu'il ne parle pas de bonheur.
18:39 Moi, quand on vient me dire comment est-ce que j'accède au bonheur,
18:43 je dis que si déjà on n'est pas malade, si on a une vie avec des copains
18:46 et pas trop de maladies, ça me suffit largement comme niveau de bonheur.
18:50 Donc, plutôt que d'aller chercher une sorte d'épanouissement personnel,
18:54 dont je ne connais pas bien la définition,
18:56 limitons-nous à des expériences vraiment validées de santé
19:00 qui vont nous permettre de finir l'année et de la reprendre dans les meilleures conditions.
19:06 - Alors, finir l'année, c'est aussi bien manger, ce sont les plaisirs de la table.
19:11 Dans quelques minutes, on va recevoir un chef, un grand chef, apprécier la nourriture.
19:16 Ça fait aussi partie de ce qui nous met de bonne humeur.
19:18 Et d'ailleurs, Montaigne adorait bien manger et il adorait le Bordeaux.
19:23 - Montaigne vivait, a été maire de Bordeaux, donc avait lui-même ses vignes.
19:30 - Là où j'ai été tout à fait malhonnête dans mon livre sur "En bonne santé avec Montaigne",
19:35 c'est que je n'ai pas reproduit les quantités de vins qu'autorise Montaigne pour être en bonne santé.
19:40 Parce qu'on serait très au-dessus de toutes les recommandations sanitaires.
19:45 Mais en tout cas, le sujet est toujours le même.
19:48 Prendre plaisir à un bon vin n'a rien de toxique,
19:52 à la condition qu'il n'y ait pas d'obligation, qu'il n'y ait pas de perte de contrôle,
19:56 qu'on soit vraiment dans le plaisir et pas dans une quantité à la recherche de livrets,
20:01 soit dans une contrainte qui vous oblige à boire tous les jours.
20:04 - Le contrôle, c'est un mot qui m'intéresse parce qu'on est dans une société
20:08 où il y a beaucoup de gens qui sont très en "auto-control",
20:12 "control free" qu'on dit pour utiliser un anglicisme.
20:16 Et c'est vrai qu'à cette période de l'année,
20:19 on se donne pas mal d'objectifs pour l'année prochaine, pour 2024,
20:26 qui vont dans le sens du contrôle.
20:28 Alors, il y a le contrôle évidemment, dont on parlait tout à l'heure,
20:32 éviter ses addictions, mais il y a le contrôle de son poids par exemple,
20:36 qui peut devenir une obsession,
20:39 le contrôle dans ses relations amicales et professionnelles.
20:43 Est-ce que parfois le contrôle n'est pas contre-productif aussi ?
20:49 - Bien sûr, c'est là où on passe à ce qu'on appelle l'échelle subjective des risques.
20:54 Il y a des choses qu'il ne faut absolument pas contrôler.
20:57 On ne contrôle pas son niveau d'investissement amoureux,
21:00 que ce soit avec ses proches, avec sa famille,
21:03 tout ce contrôle-là serait épouvantable.
21:06 Mais médicalement, on sait qu'il y a des comportements qui doivent être contrôlés.
21:10 C'est pour ça que faire rentrer un tout petit peu de santé
21:13 et un tout petit peu de médecine dans cette question du contrôle,
21:16 faire la différence entre le contrôle magique, superstitieux, névrotique,
21:21 qui ne sert à rien, et le contrôle indispensable,
21:24 ça on peut le faire, si vous ne contrôlez pas la manière dont vous conduisez,
21:27 vous allez avoir des graves soucis.
21:28 Je ne vais pas inciter à lâcher les contrôles qui protègent,
21:32 et on peut vraiment faire la différence entre les contrôles qui protègent et ceux qui sont toxiques.
21:37 - Et vous, professeur Lejoyeux, c'est quoi votre bonne résolution pour 2024 ?
21:43 - C'est d'avoir peut-être un peu plus de temps,
21:47 de me voler un peu plus de temps pour justement ceux qui comptent le plus.
21:53 Vous voyez, peut-être celles et ceux qui comptent le plus.
21:56 On est toujours enfermé dans une spirale d'hyperactivité,
22:01 et c'est vraiment ce que nous dit Montaigne.
22:05 On n'a probablement pas assez de temps ou assez de concentration
22:10 pour celles et ceux qui donnent du sens à notre vie,
22:13 qui leur donnent ce sentiment de cohérence et de plénitude dont on a besoin.
22:17 - Merci beaucoup, professeur Lejoyeux, d'avoir accepté notre invitation.
22:21 C'était un grand plaisir de vous recevoir.
22:23 Et je rappelle votre ouvrage "En bonne santé avec Montaigne" en livre de poche.

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