SMART IMPACT - Emission du mardi 2 janvier

  • il y a 7 mois
Mardi 2 janvier 2024, SMART IMPACT reçoit Eliette Vincent (Cofondatrice et présidente, Cocolis) , Antoine Rostand (Président et cofondateur, Kayrros) , Erwan Benezet (Auteur, « Nucléaire : une catastrophe française » Éd. Fayolles) et Sylvain Nizou (Président, Hexana)
Transcript
00:00 [Générique]
00:08 Bonjour à tous, ravie de vous retrouver dans Smart Impact, votre magazine consacré à la transition sociale et environnementale des entreprises.
00:16 Au sommaire de cette émission, quand l'intelligence artificielle se met au service de la transition énergétique, elle devient de l'intelligence environnementale.
00:25 C'est en tout cas ce que défend le cofondateur de Kéros, spécialisé dans la production de données climatiques.
00:31 L'entreprise travaille notamment avec le secteur industriel pour optimiser et donc dépolluer leurs chaînes de production.
00:38 Également dans cette émission, le nouveau nucléaire finit les grandes centrales, bienvenue dans l'ère des réacteurs qu'on dit de quatrième génération.
00:46 Plus petit, plus sûr selon le gouvernement.
00:49 Vous les connaissez sous le nom de SMR, nos deux invités ont un avis, vous verrez bien tranché sur leur intérêt.
00:56 Et enfin, un service de livraison de colis un peu particulier.
00:59 La start-up Coccoli propose une solution de covoiturage pour vos colis volumineux ou fragiles.
01:04 Elle permettrait de réduire la pollution routière de 25 kilos de CO2 par livraison.
01:10 Je crois que j'ai tout dit, on commence par l'IA donc au cœur de la transition énergétique. C'est parti.
01:15 [Générique]
01:21 Notre invité aujourd'hui est Antoine Rostand, président et cofondateur de Kéros, spécialiste de la production de données climatiques en temps réel.
01:29 Bonjour Antoine Rostand.
01:30 Bonjour.
01:31 Merci beaucoup de nous accompagner aujourd'hui.
01:33 Vous travaillez aujourd'hui, je le disais, au service de l'industrie, des institutions financières, également auprès des pouvoirs publics.
01:38 Quand l'IA et les technologies géoanalytiques se mettent au service de la transition énergétique, ça va être notre sujet.
01:44 Antoine Rostand, en tout cas, je crois que c'est le vôtre.
01:46 Kéros, petite question, c'est une référence je crois à un dieu grec. C'était quoi l'idée derrière ce nom ?
01:51 C'est mon fils qui m'a donné cette idée. Kéros, c'est le dieu de l'opportunité.
01:57 Il passe une fois dans la vie de chaque être humain. Il a des longs cheveux, il faut l'attraper au moment où il passe.
02:02 Et l'opportunité ici, c'est d'utiliser l'intelligence artificielle et les satellites pour objectiver la démarche de transition énergétique.
02:11 On a besoin d'objectiver l'action climatique et c'est ce que nous faisons avec le satellite.
02:18 Pourquoi vous avez choisi la mesure des émissions liées principalement aux énergies ? Pourquoi les énergies ?
02:24 On mesure toutes les émissions, mais aujourd'hui, ce qui est le plus facile à mesurer, c'est celle liée directement à la consommation d'énergie.
02:32 Le problème que l'on a aujourd'hui dans la gouvernance climatique mondiale, c'est qu'on a des approches par pays alors que les émissions n'ont pas de frontières.
02:42 C'est vraiment le sujet fondamental du manque d'impact de l'action climatique mondiale.
02:48 On a une vision par frontières alors que le CO2 n'a pas de frontières. Nous, on casse ce problème-là.
02:53 Quel secteur s'intéresse exactement aujourd'hui ? Est-ce que ce sont des secteurs qui polluent beaucoup ? Ça peut être le transport aussi ?
03:01 Nous, on a une mesure indépendante. On ne travaille pas pour les industriels, on va travailler pour les secteurs publics.
03:09 Pour les gouvernements ?
03:10 Pour les gouvernements, donc les Nations Unies, la Commission européenne, le gouvernement français, qui veulent savoir ce que font les industries pollueurs.
03:18 Et on va travailler aussi pour les investisseurs qui veulent aussi savoir si la trajectoire climatique des sociétés dans lesquelles elles investissent sont conformes et respectées.
03:27 Vous avez parlé d'intelligence artificielle, vous avez parlé de satellite. Quelles sont précisément les technologies sur lesquelles Kéros s'appuie ?
03:36 Derrière cette question, j'espère que vous allez m'expliquer pourquoi l'intelligence artificielle et pourquoi l'imagerie satellitaire.
03:42 La première chose, c'est le satellite puisque le satellite n'a pas de frontière. Il y a un traité des Nations Unies qui permet d'observer l'intégralité de la Terre.
03:49 L'Europe a créé des satellites qui permettent de mesurer tous les grands paramètres climatiques. C'est un investissement extraordinaire dans la constellation Copernicus.
03:58 Nous allons utiliser tous ces satellites-là. On utilise plusieurs centaines de satellites pour créer des algorithmes qui vont mesurer les émissions de métal, les émissions de CO2,
04:09 l'utilisation de la forêt, la hauteur des arbres. On compte tous les arbres sur la planète, on mesure leur hauteur.
04:15 On ne peut pas le faire à l'être humain. Il faut vraiment des ordinateurs, du big data et de l'intelligence artificielle pour être capable de reconnaître un arbre et de mesurer sa hauteur.
04:22 Les satellites que vous utilisez aujourd'hui, c'est les gouvernements, les institutions qui vous donnent l'autorisation de les utiliser ?
04:28 Tout à fait. C'est dans le secteur public.
04:31 Vous n'êtes pas les seuls, Antoine Rostand, sur ce créneau-là. Qu'est-ce qui permet aujourd'hui, vous, de mesurer, on l'a un peu compris, mais d'attribuer ces émissions avec autant de précision ?
04:43 Aujourd'hui, il y a quelques équipes qui font ce travail-là. On fait partie des 2-3 équipes qui ont vraiment un leadership mondial sur le sujet, avec une équipe à Harvard, une équipe à Valencia, en Espagne.
04:56 C'est quoi ? C'est la combinaison de ces technologies qui fait qu'on arrive à cette précision-là sur la mesure ?
05:02 C'est vraiment beaucoup de maths, c'est beaucoup d'algorithmiques. On a en France beaucoup de matheux. On travaille avec l'université de Paris-Saclay, qui est bien placée à Shanghai.
05:11 On a eu accès à toute la capacité mathématique de la recherche française pour être capable de faire ça. On exploite vraiment toute la qualité de la recherche française, le laboratoire des sciences du climat et de l'environnement, l'université de Paris-Saclay, etc.
05:24 Ça vient vraiment de la recherche.
05:26 Kéros, c'est une équipe de combien de personnes ?
05:28 150.
05:29 Vous en parliez justement, vous êtes notamment attaqué au suivi à la quantification des fuites de méthane dans le monde. Vous en avez parlé. Ces données n'existaient pas avant Antoine Rostand ?
05:39 Non. On ne savait rien. Le méthane, c'est un tiers du réchauffement climatique et on ne savait rien.
05:44 Comment vous l'expliquez ça ?
05:46 C'était très difficile à mesurer parce que le méthane, c'est le gaz naturel. En Europe, il y a une odeur, mais naturellement, il n'y a pas d'odeur.
05:53 On ne le voit pas, on ne le sent pas. Il y avait énormément de fuites qu'on ne savait pas attribuer, on ne savait pas d'où ça venait.
05:58 On savait qu'il y en avait, puisqu'on peut le mesurer dans l'atmosphère, mais on ne savait pas d'où ça venait.
06:02 Maintenant, on sait d'où ça vient, on sait exactement qui pollue. C'est un changement fondamental dans la lutte contre le réchauffement climatique, puisque maintenant, on est capable de mettre en place des réglementations, des amendes.
06:13 Grâce à notre technologie, l'Europe a mis en place une réglementation qui, pour la première fois, va donner des amendes et va interdire ces pollutions au méthane.
06:20 Oui, parce que c'est ce que j'allais vous dire. L'idée aussi, c'est de prendre des mesures, de prendre des décisions, de trouver des solutions.
06:25 Une fois qu'on a ces informations, qu'on a ces données-là, qu'est-ce qu'ils en font ces données-là, les gouvernements, les pouvoirs publics ?
06:33 La grosse décision, c'est...
06:35 Est-ce que vous, vous êtes dans ce suivi-là, justement, derrière, une fois que vous leur avez fourni toutes ces informations ?
06:40 Nous, on a beaucoup poussé pour qu'il y ait une réglementation européenne qui s'applique non pas à la production de méthane en Europe, mais surtout sur le méthane dit "importé",
06:49 donc à l'énergie que l'on importe de l'extérieur des frontières. Et ça, c'est pour la première fois. Il y a eu ça pour la forêt.
06:56 Et maintenant, pour le méthane, il y a une réglementation européenne qui va obliger les pays qui exportent de l'énergie, donc du pétrole, du gaz ou du charbon, vers l'Europe,
07:04 à réduire leurs émissions de méthane. Et nous, on va contrôler ça.
07:08 Ces décisions politiques, vous les suivez, donc, évidemment.
07:11 On les suit. Et on a beaucoup travaillé avec les politiques pour qu'ils comprennent la valeur de la technologie et pourquoi ils pouvaient faire une réglementation
07:18 et qu'on serait capable de suivre leur mise en œuvre. C'est ça le problème quand on met une réglementation. Il faut avoir les moyens de suivre. Et c'est ce qu'on apporte sur la table.
07:25 Vous parliez des Nations Unies, vous parliez d'Europe aussi. Aujourd'hui, dans le monde, puisque c'est aussi ce que vous défendez, tout le monde n'est pas au même niveau.
07:35 Tout le monde n'a pas les mêmes ambitions concernant la transition environnementale, la transition énergétique.
07:40 Vous les voyez, ces différences-là, en fonction des institutions, des pays avec lesquels vous travaillez ?
07:45 Oui, on voit vraiment. Par exemple, on a fait une comparaison de deux États différents aux États-Unis, le Texas et le Nouveau-Mexique.
07:52 Ils ont des réglementations très différentes, justement, sur les émissions de méthane. Et le Nouveau-Mexique a deux fois moins d'émissions de méthane par unité de pétrole produit que le Texas.
08:01 Donc même au sein des États-Unis, il y a des différences réglementaires. Et quand la réglementation est en place, il y a un impact immédiat.
08:08 Il faut voir que la réglementation méthane européenne, ça va être l'impact climatique le plus important jamais fait.
08:13 On parle de 2 gigatonnes de CO2. C'est deux fois la France et l'Allemagne réunies. Toutes les émissions de la France et de l'Allemagne réunies.
08:20 C'est à combien d'années ?
08:21 En 3-4 ans.
08:22 En 3-4 ans. Oui, c'est énorme.
08:24 Bon, une petite question. Ce n'est pas pour vous mettre en difficulté, Antoine Rostand, mais on parle aussi beaucoup de l'empreinte carbone, de l'intelligence artificielle,
08:31 notamment sur l'entraînement de cette technologie, avec ses multiples données. Voilà, ça a un impact important.
08:37 Comment vous travaillez sur ce paradoxe-là ? Donc polluer un petit peu tout en voulant dépolluer.
08:45 D'abord, l'intelligence artificielle qu'on utilise n'est pas les LLM, ce qu'on appelle la Generative AI.
08:51 C'est assez peu consommateur en capacité de calcul. Mais après, je pense qu'il faut voir l'écologie de manière objective.
09:01 C'est-à-dire, si on doit dépenser 1 pour gagner des 10, il faut le faire. Il ne faut pas avoir une vision religieuse ou idéologique du problème.
09:10 Et nous, ce qu'on fait, c'est qu'on objective. On donne des chiffres. Il y a des choses qui marchent, des choses qui ne marchent pas.
09:16 Et on va donner aux décideurs, que ce soit les États, les entreprises, les investisseurs, des moyens de décider que ça, c'est mieux.
09:23 Ce n'est pas parfait, mais c'est mieux que ça. Et c'est vraiment très important.
09:26 C'est intéressant. Je crois d'ailleurs qu'en plus, vous défendez – c'est ce que je disais en préambule de cette émission – le terme d'intelligence environnementale.
09:32 Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce concept ? Qu'est-ce que vous entendez derrière ça ?
09:35 On y est venus au bout de quelques années, parce qu'en fait, c'est un concept qui n'existait pas. Il y a de l'intelligence économique.
09:40 Mais on ne fait pas que de l'économie. Il y a l'intelligence militaire. On ne fait pas de militaire. Mais il y a un vrai sujet d'environnement.
09:46 Et pour nous, le problème crucial de la gouvernance climatique, c'était le manque de données, le manque de compréhension.
09:53 Et c'est vraiment pour ça qu'on a décidé de se focaliser là-dessus, l'intelligence environnementale, donc comprendre l'impact de l'activité humaine,
09:59 comprendre l'impact d'une politique publique, comprendre l'impact d'un investissement et mesurer tout ça en temps réel.
10:05 Kéros, c'est pas rien. Vous avez été nommé par le Times parmi les 100 entreprises les plus influentes au monde.
10:10 Quelle influence vous souhaitez avoir, justement, aujourd'hui sur ce monde ? Antoine Rostand terminera là-dessus.
10:15 C'est vraiment transformer la gouvernance climatique mondiale. Les COP sont là. Elles ont leurs limitations.
10:22 Et ce qui manquait, c'est la donnée. Donc on veut que les COP deviennent effectives, que les gouvernements aient un impact.
10:27 Et c'est vraiment notre mission.
10:29 On terminera là-dessus. Merci beaucoup Antoine Rostand d'avoir répondu à nos questions.
10:32 Je rappelle que vous êtes le président et cofondateur de Kéros. Merci beaucoup de nous avoir accompagnés.
10:36 Dans Smart Impact, on passe à notre débat.
10:39 Smart Impact, le débat RSE, aujourd'hui le nucléaire du futur.
10:49 Des réacteurs plus innovants, plus sûrs, plus petits, plus compétitifs, axés vers une logique de décarbonation du mix énergétique.
10:55 C'est la promesse de ces petits réacteurs modulaires SMR dont tout le monde parle.
11:00 Nos invités pour nous aider à comprendre l'intérêt de ces nouveaux réacteurs dits 4ème génération sont Erwan Benezet,
11:07 journaliste au Parisien au service économique du Parisien et auteur du Grand Bazar de l'énergie aux éditions Artaud.
11:12 Bonjour Erwan. Bonjour.
11:13 Merci beaucoup de nous accompagner aujourd'hui dans Smart Impact.
11:15 Sylvain Nizou nous accompagne également, président d'Exana, une start-up qui conçoit un réacteur nucléaire modulaire, ancien chercheur au CEA.
11:23 Bonjour Sylvain Nizou. Bonjour.
11:25 Merci beaucoup à tous les deux d'être là.
11:27 Erwan Benezet, moi je me suis posé une question.
11:29 Un mot sur cette bascule.
11:31 Donc le débat ne tourne plus du tout autour du sortir du nucléaire mais bien sur la construction d'un nouveau nucléaire.
11:37 Ça comment vous l'expliquez ? La bascule elle s'est fait quand ?
11:39 Alors effectivement le mot de bascule illustre tout à fait ce qui s'est passé.
11:43 On a eu une sorte d'hiver nucléaire pendant une petite dizaine d'années entre Fukushima en 2011
11:48 et le discours de Belfort du président de la République sur le site d'Alstom le 10 février 2022.
11:57 Entre temps, il n'y avait pas... Alors en France, ce n'était pas une sortie du nucléaire comme le visait d'autres pays, notamment l'Allemagne ou la Suisse.
12:06 Mais c'était effectivement un objectif d'une réduction de la production d'électricité.
12:11 On est les champions en termes de parts de production nucléaire d'électricité en France.
12:15 On produisait trois quarts sur la base du nucléaire et le quinquennat précédent, François Hollande voulait la réduire à 50%.
12:23 Donc on était sur ces objectifs là. Emmanuel Macron arrive à la présidence en 2017.
12:28 Les choses commencent à bouger et au bout de quelques années, notamment 2022, on annonce qu'effectivement on repart sur une toute nouvelle ère.
12:36 Le phénix nucléaire renaît de ses cendres et avec un objectif de construction de nouveaux réacteurs.
12:43 Et aujourd'hui, le premier jalon, c'est la construction de six nouveaux réacteurs dits EPR2,
12:50 avec sans doute la première mise de branchement sur le réseau entre 2035 et 2040 à Penly, donc sur un site déjà existant.
13:00 Et ça, c'est important de le préciser.
13:02 C'est important de préciser en effet les objectifs et les ambitions du gouvernement là-dessus.
13:05 Donc on repart dans le nucléaire, mais vers un nouveau nucléaire. Ce n'est pas exactement le même.
13:09 On va en parler. Bon évidemment, je vous pose la question à vous, Sylvain Nizot, puisque vous êtes axé sur ce secteur là.
13:16 Pourquoi il y a autant d'engouement aujourd'hui autour des SMR ?
13:19 La raison de l'émergence des SMR, c'est appelé par un besoin d'une certaine manière,
13:26 aujourd'hui dans le défi de la transition énergétique qu'on doit engager, associé à la transition climatique.
13:33 Le choix des différentes stratégies de sobriété, d'efficacité énergétique, de développement des renouvelables,
13:40 nécessite aussi d'être accompagné par le développement d'autres sources d'énergie bas carbone, qui émettent donc peu de CO2.
13:47 Et le nucléaire fait partie de ces solutions.
13:50 Et on va dire que des évolutions technologiques, et puis l'identification de nouveaux usages de l'énergie nucléaire,
13:57 au-delà de la simple production d'électricité sur les réseaux, permet de faire émerger ces technologies de petits réacteurs nucléaires, modulaires,
14:06 qui ne sont pas toujours si petits que ça, avec toute une gamme de réacteurs avec des niveaux de puissance différents,
14:12 et puis surtout des nouveaux services, des services de production de chaleur à plus ou moins haute température, en plus de l'électricité,
14:19 et à partir de ça aussi cette capacité à produire efficacement d'autres services industriels, énergétiques, comme la production d'hydrogène.
14:26 Le vôtre, celui sur lequel vous, vous travaillez, à quoi il ressemble ? Expliquez-nous ce que c'est cette faible puissance modulaire.
14:32 Alors, Exana, c'est une start-up, pour commencer, qui porte la conception d'un réacteur nucléaire modulaire de quatrième génération,
14:39 qui s'appuie sur une technologie qu'on connaît très bien dans le monde, et très bien en France,
14:43 qui est la technologie des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium.
14:47 Cette technologie-là, c'est quelque chose, c'est un capital, un savoir-faire, un patrimoine technologique,
14:53 qui a fait l'objet déjà de réalisations dans le passé des réacteurs expérimentaux,
14:56 comme le réacteur Phénix, qui a fonctionné pendant 35 ans, expérimental, qui s'est arrêté en 2009, à la fin de sa vie expérimentale.
15:04 Le réacteur Superphénix, qui est un réacteur qui a pu démontrer la faisabilité à grande échelle et industrielle de cette technologie-là,
15:11 qu'on a arrêtée dans les années 97, 96, 97.
15:14 Et puis, encore récemment, la recherche française et l'industrie ont travaillé sur un projet qui s'appelait le projet Astrid,
15:20 qui a permis de renouveler les compétences, qui a permis de développer des nouveaux moyens.
15:24 Et donc, c'est ce savoir-faire et cette technologie qu'Exana a décidé de reprendre,
15:29 de capitaliser sur ses acquis, sur ses savoir-faire, pour fabriquer un objet qui est complètement nouveau,
15:33 qui est plus petit, qui est moins puissant, mais qui va rendre des services nouveaux.
15:37 D'une, on va le fabriquer non plus directement sur un chantier, mais davantage dans une usine,
15:42 ramener des éléments et assembler des éléments pour essayer de maîtriser davantage les durées de chantier,
15:47 plus compétitif aussi à l'arrivée.
15:49 Et puis, on va fournir ces différents services, en particulier de la chaleur à haute température,
15:54 parce que c'est finalement le principe élémentaire d'un réacteur nucléaire,
15:57 c'est de fournir de la chaleur qu'on va ensuite convertir d'habitude en électricité.
16:01 Et là, cette chaleur, on va pouvoir, à condition de s'approcher un peu du monde industriel,
16:05 la cheminer directement vers l'industrie pour pouvoir remplacer finalement ce qui servait à faire la chaleur dans l'industrie,
16:11 c'est-à-dire du pétrole, du gaz et du charbon.
16:14 Et donc, on va donc, avec de la chaleur et de l'électricité, remplacer les services qui étaient avant et toujours encore utilisés,
16:22 en tout cas assurés par les combustibles fossiles.
16:25 Erwann Benezet, vous n'étiez pas complètement d'accord tout à l'heure quand je disais que c'était un nouveau nucléaire,
16:28 c'est-à-dire est-ce que ces nouveaux réacteurs-là, ils posent finalement les mêmes questions ?
16:33 Question du déchet, question de ce qu'on retrouve dans votre ouvrage, la question de la perte de compétence, la question de coût.
16:38 Est-ce que vous diriez que ces questions-là se posent toujours avec ces nouveaux petits réacteurs ?
16:44 Alors, la raison pour laquelle je hochais la tête, c'est que le nouveau nucléaire, ce n'est pas que l'ESMR.
16:51 En fait, on parle souvent de mix énergétique. Il y a quelque part, il va y avoir sans doute un mix nucléaire,
16:57 c'est-à-dire à la fois le nucléaire existant, c'est-à-dire que le parc nucléaire aujourd'hui,
17:01 qui est composé de 56 réacteurs réunis dans 18 centrales, depuis que Fessenheim et ses deux réacteurs ont été fermés.
17:09 Et puis, aujourd'hui, on cherche à prolonger la durée de vie, ce qui pose question,
17:15 mais en tout cas, c'est peut-être l'autorité de sûreté nucléaire qui, in fine, devrait l'accepter ou non technologiquement.
17:24 Donc prolonger la durée de vie des réacteurs au-delà d'une quarantaine d'années qui était la durée de vie initiale qui avait été programmée.
17:30 Et puis, à côté de ça, il y a effectivement éventuellement les SMR, les petits réacteurs, les small modular reactors,
17:36 qui ont l'intérêt aussi de pouvoir être produits en usine. C'est cet aspect modulaire et donc non pas directement sur le chantier.
17:45 Et donc de faciliter à la fois sans doute la production, en tout cas, c'est ce qui est espéré, et puis de mutualiser.
17:51 Ça, vous l'avez dit tous les deux. C'est un point important. C'est un point intéressant, celui-là.
17:54 C'est important. Ça change beaucoup les choses, en particulier la capacité à qualifier, à valider certains assemblages,
18:00 certaines pièces dans l'usine et finalement réduire les incidents, les risques qui pourraient intervenir sur un chantier.
18:09 Et ainsi, ne pas retarder le chantier, valider un maximum d'éléments en usine, avoir des stratégies de production,
18:15 en fait, celles qu'on a sur l'aéronautique, par exemple. On fait des gros objets, mais en très grande série.
18:19 Donc c'est un peu aller s'inspirer aussi de ce qu'on sait très bien faire dans d'autres industries pour pouvoir essayer de l'appliquer aussi au nucléaire.
18:25 Donc c'est un vrai défi. C'est un vrai défi. Néanmoins, on pense aujourd'hui que c'est vraiment l'opportunité et le moyen pour pouvoir rendre encore plus compétitif
18:33 et déployer plus rapidement ces technologies SMR en parallèle des autres.
18:37 Et dans ce nouveau nucléaire, il y a aussi les prochains, j'ai commencé à en parler au début, les prochains réacteurs dits plutôt classiques
18:45 qui aujourd'hui continuent à être des réacteurs de troisième génération. Donc sur le modèle de l'EPR qui est fabriqué actuellement à Flamanville,
18:53 on parlait de l'importance de maintenir à la fois de contenir les coûts et la durée des chantiers.
19:01 L'EPR de Flamanville, pour rappeler, c'était 3,3 milliards d'euros au départ quand il a été lancé au mi-temps des années 2000.
19:07 Et aujourd'hui, on en est à plus de 20 milliards. Il devait être mis en service en 2012.
19:12 Et a priori, là, ça vient d'être annoncé, il serait mis en service mi-2024 à une plus faible puissance que ce qui avait été prévu.
19:19 Mais donc il y a la prochaine génération, ce qu'on appelle les EPR2. Et là, ce que justement Emmanuel Macron a lancé à Belfort,
19:28 c'est le projet de construire trois paires, donc six réacteurs à Penly tout d'abord, puis à Gravelines et à Buget.
19:38 Non, pas Buget, j'ai un trou de mémoire. Donc trois paires de réacteurs.
19:42 En tout cas, c'est tout ça qui va coexister demain.
19:44 Voilà, exactement. Donc vous avez à la fois le nucléaire existant, le nucléaire de demain, mais sur un modèle déjà connu,
19:51 et les réacteurs modulaires, sans parler d'autres technologies. Mais alors là, on est sur un horizon encore sur plusieurs décennies,
19:57 par exemple de fusion nucléaire, c'est-à-dire ce qui se passe dans le soleil.
20:01 Sur les questions que je vous posais tout à l'heure, Erwann Benezet, c'est à l'avenir, ces questions-là,
20:05 elles vont finir par se résorber, parce qu'on va avoir des réponses à cette question.
20:09 Moi, j'aimerais revenir après sur l'aspect compétitif, parce qu'on a vu qu'aux États-Unis,
20:13 ces petits réacteurs, ils ont plutôt essuyé un revers pour l'instant. Peut-être qu'on aura le temps d'en parler.
20:17 En tout cas, voilà, sur la question de la sécurité, sur la question du coût...
20:21 Alors, vous l'aviez soulevé tout à l'heure, puis je vous laisserai aussi répondre.
20:24 En fait, ce qui est très, très important pour se relancer dans cette aventure, sans prendre part pour ou contre la technologie,
20:31 en tout cas, ce qui est très important, c'est d'éviter les écueils du nucléaire passé.
20:36 J'en verrai au moins deux, voire trois. Mais deux, c'est ne pas mettre de côté, ne pas se reposer sur ces lauriers, une fois qu'on...
20:43 Il faut le rappeler quand même, les 56, à l'époque 58 réacteurs, voire un peu plus de 60, en parlant des réacteurs expérimentaux,
20:50 qui ont été construits, c'est la plus grande aventure industrielle française de toute notre histoire.
20:56 Donc, une fois que ça, ça a été accompli, on s'est un peu reposé sur nos lauriers, et on a mis de côté deux aspects fondamentaux,
21:03 qui sont le stockage et le stockage des déchets, et le démantèlement.
21:08 Et ça, si on relance une filière aujourd'hui, il faut absolument la prendre en compte tout de suite,
21:14 et ne pas mettre sous le tapis la poussière nucléaire qui nous reviendrait plus tard.
21:18 Ça, ce sont deux écueils.
21:19 Alors, est-ce que c'est le cas ? Est-ce qu'on prend en compte ça aujourd'hui ?
21:21 C'est une question fondamentale. C'est-à-dire que le nouveau nucléaire et ses technologies SMR ont tout intérêt,
21:27 parce qu'on va repartir pour des décennies, voire des siècles, de technologies,
21:30 de répondre à ces enjeux de sûreté, mais également vis-à-vis des déchets nucléaires.
21:34 C'est pour ça que, dans les stratégies qu'on va adopter, quand bien même on appelle ça du nouveau nucléaire et des réacteurs avancés,
21:40 ou de quatrième génération, beaucoup de ces technologies s'appuient sur des acquis du passé.
21:44 Et en particulier, sur la sûreté, on va avoir des solutions qui vont, par exemple, être des réacteurs qui n'ont plus de pression.
21:50 Les réacteurs qu'on connaît aujourd'hui sont des réacteurs dits à eau pressurisée,
21:53 donc à 150 bar de pression dans un réacteur.
21:55 Et bien aujourd'hui, on a des technologies, comme sur celle d'Exana, qui est à pression atmosphérique.
21:59 Donc on va réduire ces défauts, ou en tout cas ces risques associés.
22:02 On va aussi avoir des stratégies qui permettent, grâce à des réacteurs qui vont être plus petits, moins puissants,
22:07 avoir cette capacité, quand bien même, en cas d'incident, il n'y a plus d'eau, d'électricité, de black holes général,
22:12 ce sont des réacteurs qui ont cette capacité à pouvoir se refroidir spontanément, on va dire naturellement,
22:17 sans avoir besoin d'apport extérieur.
22:19 Donc on va répondre à ces enjeux sans oublier l'enjeu des déchets, ou même de la ressource,
22:24 parce que finalement, on le voit très bien, une technologie nucléaire dépend d'un réacteur, mais également d'un combustible.
22:30 Et la question du combustible est fondamentale.
22:32 La ressource, la disponibilité, la durabilité de la stratégie qu'on emploie sur le combustible nucléaire est clé.
22:37 La stratégie d'Exana, c'est de dire arrêtons d'exploiter de l'uranium naturel, qu'on va enrichir, qu'on va chercher très loin,
22:45 et davantage mobilisons et utilisons les ressources qui sont déjà disponibles, valorisons ces matières,
22:50 on parle des combustibles usés de la filière EDF, on parle d'uranium impoveri,
22:55 et grâce à ces matières-là, qui représentent des équivalents de milliers d'années d'énergie, grâce à cette technologie,
23:00 on va les mobiliser, on va les utiliser, on pourrait dire qu'on va recycler des matières, ou valoriser ces matières,
23:05 au bénéfice d'une technologie et de notre énergie, et je dirais de notre souveraineté industrielle et européenne.
23:13 - Erwan Benezet, en 10 secondes.
23:15 - Alors ces questions-là, elles se posent pour le nucléaire, mais en fait elles se posent pour toutes les technologies de production à venir,
23:20 y compris pour le renouvelable, y compris pour la voiture électrique par exemple.
23:23 S'il faut prendre absolument en compte le recyclage, le déchet, les démantèlement.
23:28 Sinon, même ces nouvelles technologies dites renouvelables, dans 20 ans, on se les reprendra dans la figure malheureusement.
23:35 - Bon, le message est passé. Merci beaucoup à tous les deux d'être venus nous voir aujourd'hui sur le plateau de Smart Impact.
23:39 Erwan Benezet, merci beaucoup d'être venu. Journaliste au service économique du Parisien,
23:43 auteur du grand bazar de l'énergie aux éditions Artaud, Sylvain Nizou, président d'Exana.
23:48 Merci beaucoup à tous les deux d'être passés nous voir. On termine cette émission avec la bonne idée du jour.
23:54 Et la bonne idée du jour est celle de Coccoli et de sa cofondatrice et présidente, Eliette Vincent.
24:05 Elle nous accompagne en visioconférence. Bonjour Eliette.
24:08 - Bonjour.
24:09 - Merci beaucoup d'être avec nous, même à distance. On est ravies de vous avoir avec nous aujourd'hui.
24:14 Vous venez de nous parler d'une solution de covoiturage, mais pour nos colis.
24:19 Je crois, Eliette, que c'est en voulant acheter une commode sur le Boncoin qu'elle est née, cette idée.
24:23 Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu la genèse de ce projet ?
24:26 - Oui, exactement. Écoutez, j'ai voulu acheter une commode sur le Boncoin pour décorer,
24:31 pour installer dans la chambre de ma fille quand elle avait 6 mois.
24:34 J'ai trouvé le modèle idéal qui se trouvait à Lille et moi j'étais à Paris.
24:38 Je voulais faire cet achat d'occasion sur le Boncoin pour l'avoir moins cher,
24:43 mais aussi parce que c'était un bénéfice écologique et je ne voyais pas trop l'intérêt d'acheter neuf quand on peut avoir d'occasion.
24:48 Sauf que quand je me suis penchée sur les solutions pour le faire arriver jusque chez moi,
24:52 je me suis vite rendue compte qu'il n'y en avait pas.
24:54 C'est comme ça que j'ai eu l'idée de Coccoli.
24:56 Je me suis dit, il y a des centaines de milliers de voitures tous les jours qui font des trajets partout en France,
25:00 court distance, longue distance, pourquoi est-ce qu'on ne mettrait pas des colis dans leur coffre
25:05 pour rentabiliser le trajet du conducteur et pour proposer des solutions de livraison plus écologiques
25:10 et moins chères aux expéditeurs et aux destinataires.
25:13 C'était ça l'idée, l'objectif principal, c'est ça, c'est une livraison plus écolo, moins chère pour le consommateur final ?
25:20 Exactement, c'était vraiment l'idée, c'était de résoudre ce problème de manque de solution de livraison pratique,
25:27 moins chère, écologique, en utilisant des trajets qui ont lieu de toute manière.
25:32 Donc c'est des trajets à la fois de particuliers qui font des trajets ponctuels ou plus fréquents,
25:38 par exemple un trajet du domicile au bureau ou un trajet quand on part en week-end, en vacances,
25:42 quand on va voir sa grand-mère.
25:43 Donc c'est d'utiliser tous ces trajets qui ont lieu de toute manière
25:46 et qui souvent se font avec un véhicule qui est à moitié vide.
25:49 Eliott Vincent, ce que vous êtes en train de dire, c'est que vous et moi pouvons potentiellement livrer un colis,
25:57 c'est ça, avec cette solution-là, ce n'est pas forcément des livreurs professionnels ?
26:01 C'est vraiment l'idée, oui, c'est de se dire que par exemple vous partez en vacances à La Rochelle,
26:07 vous avez de la place dans votre coffre, vous allez pouvoir transporter quelques cartons, un petit meuble, un vélo,
26:12 pour rendre service à quelqu'un et rentabiliser vos frais de route tout en rendant service.
26:16 Et comment on est sûr que ce livreur va bien livrer si ce n'est pas un professionnel et si c'est un particulier ?
26:22 Parce qu'on a mis en place tout un tas de choses pour garantir que le service est de qualité,
26:28 et notamment une notation, donc chaque utilisateur, qu'il soit expéditeur ou transporteur,
26:35 est noté par son interlocuteur à l'issue du service rendu.
26:38 Et donc ça nous permet d'avoir une communauté vraiment fiable
26:41 qui aujourd'hui dépasse les 650 000 utilisateurs partout en France
26:44 pour faire tous ces transports pour des particuliers et pour des professionnels.
26:49 Et sur la sécurité et l'authenticité de ce que contient le colis aussi, vous avez des assurances là-dessus ?
26:55 Oui bien sûr, on a mis en place à la fois des process pour garantir ce qu'il y a dans le colis,
27:04 donc typiquement les utilisateurs vérifient ce qu'ils transportent avant le départ,
27:08 les colis ne doivent pas être emballés hermétiquement avant le départ pour qu'on puisse vérifier,
27:12 et on a également mis en place un bon de transport qui permet de bien écrire et de signer ensemble ce qui est transporté et par qui.
27:20 Et on a également mis en place une assurance pour garantir que chaque objet qui arriverait détérioré ou n'arriverait pas à destination
27:27 serait remboursé à sa juste valeur et ça va du coup jusqu'à 5000 euros.
27:31 C'était bien de le préciser, ce n'était pas du tout pour vous mettre en difficulté Eliott Vincent,
27:34 c'est plutôt pour rassurer ceux qui nous regarderaient et qui auraient envie de faire appel à votre solution.
27:38 Très rapidement, le temps passe très vite, on a parlé d'une solution plus écologique,
27:42 ça c'était aussi l'ambition initiale. Est-ce que vous arrivez donc à calculer la réduction de pollution que ça représente ?
27:49 Oui bien sûr, c'était un enjeu pour nous et du coup on a travaillé l'an dernier sur ce sujet,
27:54 on s'est fait accompagner par un cabinet spécialisé dans le domaine,
27:57 et on a réussi à chiffrer que chaque livraison effectuée par Coccoli permet d'économiser 25 kilos de CO2.
28:05 C'est une méthodologie qui a été validée avec l'ADEME, qui est l'agence gouvernementale pour les économies d'énergie.
28:12 Cette méthodologie est validée et donc on est vraiment content de pouvoir l'affirmer.
28:16 Merci beaucoup Eliott Vincent d'avoir répondu à nos questions dans Smart Impact à distance de nous avoir présenté.
28:22 Coccoli, je rappelle, vous êtes sa cofondatrice et présidente. Merci beaucoup d'avoir été avec nous et merci à vous de nous avoir suivi.
28:29 Merci à Marie qui m'a aidé à préparer cette émission, merci à Evelyne qui est en régie également avec nous.
28:34 Merci à tous de nous avoir suivis. On se retrouve très vite pour un nouveau numéro de Smart Impact.
28:38 A très vite sur Bsmart. Ciao.
28:40 [Musique]