• l’année dernière
Après le remaniement, l'avocat spécialiste du droit de l'environnement Arnaud Gossement pousse un double coup de gueule : d'une part parce qu'il n'y a plus de ministère de la Transition énergétique, d'autre part parce que le nucléaire passe sous la coupe de Bercy.

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00:02 6h, 9h15, RTL Matin, avec Stéphane Carpentier.
00:08 Et à 8h47, nous allons nous arrêter une nouvelle fois ensemble ce matin sur ce nouveau gouvernement conduit par Gabriel Attal.
00:14 Nouvelle équipe qui suscite bien des commentaires, pas de femme à la tête des ministères régaliens.
00:19 Une femme ministre des sports, mais aussi désormais ministre de l'Education Nationale, double casquette en cette année olympique.
00:26 Sans oublier la surprise Rachida Dati à la culture.
00:30 Reste une disparition, celle du ministère jusqu'ici pleinement consacré à l'énergie.
00:36 Sujet stratégique, désormais rattaché à Bercy, au ministère de l'Economie Bruno Le Maire.
00:43 Arnaud Gossemant est avocat et spécialiste du droit de l'environnement.
00:46 Il va nous rejoindre en direct dans quelques instants.
00:49 D'ailleurs, il est connecté. Bonjour Arnaud Gossemant.
00:51 Bonjour.
00:52 Merci d'être là.
00:53 Le ministère de la Transition Énergétique est porté disparu, c'est ça ?
00:57 Alors oui, tout à fait. C'est-à-dire qu'Agnès Pagny-Runacher, qui était ministre de la Transition Énergétique,
01:03 son portefeuille a disparu avec le remaniement. Elle sera normalement à la Santé.
01:06 Et l'administration qu'elle pilotait devrait être rattachée à Bruno Le Maire, ministre de l'Economie,
01:11 et désormais aussi ministre de l'Énergie, c'est-à-dire de la souveraineté industrielle.
01:15 Et ça, ça vous inquiète ?
01:17 Alors, je ne sais pas si ça m'inquiète, mais c'est un message politique très fort.
01:20 Jusqu'à présent, on avait rattaché, et ce depuis 2007, et le Grenelle de l'Environnement,
01:25 l'administration de l'énergie à celle de l'écologie, et ce notamment pour développer les économies d'énergie,
01:30 les renouvelables. Et depuis le discours de Belfort du président de la République en 2022,
01:35 on a vu une pression assez importante pour que l'administration de l'énergie soit au service,
01:41 surtout prioritairement, de la relance du programme nucléaire.
01:44 Donc le fait de rattacher l'administration de l'énergie à Bruno Le Maire,
01:47 qui n'a jamais fait l'hymne de terre de son enthousiasme pour la relance du nucléaire,
01:51 est un message politique. Et c'est un message politique d'ailleurs qui va être concrétisé dès ce dimanche,
01:56 puisque le premier déplacement du ministre de l'Énergie sera consacré à la relance du nucléaire.
02:00 C'est quoi ? C'est quoi ? C'est un grand retour en arrière pour vous ?
02:04 Alors, pour les uns, ça sera un retour en arrière, puisqu'effectivement, il y avait un consensus en 2007,
02:09 alors que Nicolas Sarkozy était président de la République. C'était le Grenelle de l'Environnement
02:13 pour faire en sorte que l'énergie ne soit pas réduite simplement à une question de production nucléaire,
02:19 mais soit ouverte aussi à la question de l'écologie, de la nature, du changement climatique.
02:25 On demandait à tous ces fonctionnaires de travailler ensemble dans un super ministère de l'écologie.
02:30 D'un côté, avec ce remaniement, nous n'avons plus de super ministère de l'écologie,
02:34 puisque Christophe Béchut est à la tête d'une administration qui est considérablement réduite.
02:39 Et de l'autre, à Bercy, et Bercy récupère, comme elle le souhaitait depuis longtemps, l'énergie.
02:45 Et évidemment, la crainte, notamment des acteurs des renouvelables qui se sont exprimés cette semaine,
02:49 c'est que cette administration soit d'abord dédiée quasi exclusivement à la relance du nucléaire.
02:54 Oui, c'est ce qu'on comprend avec vos propos, Arnaud Gaussement.
02:57 C'est que le nucléaire passe sous la responsabilité de Bercy, du ministère de l'économie.
03:01 Donc, visiblement, c'est un souci. Mais pardon, mais pourquoi vous faites un procès à Bruno Le Maire ?
03:05 C'est un ministre compétent. Qu'est-ce qu'il vous dit qui ne va pas défendre aussi les énergies renouvelables ?
03:10 Alors, c'est quelqu'un de très compétent et d'ailleurs, il est tout à fait légitime de souhaiter la production d'électronucléaire.
03:17 Je ne me positionne pas sur ce point. Alors, ce qu'il me fait dire, c'est un texte.
03:20 C'est l'avant-projet de loi. C'est-à-dire qu'Anne-Ispagne Runacher, avant de partir, a laissé sur sa table un projet de loi
03:26 qui va être discuté au Parlement, probablement défendu par Bruno Le Maire.
03:30 Ce projet de loi efface dans notre droit nos objectifs chiffrés de production d'énergie renouvelable et, à la place, y met une relance du nucléaire.
03:39 Vous vous rappelez que François Hollande avait souhaité réduire la part du nucléaire en 2015, en notre production d'électricité.
03:46 Ce projet de loi fait marche arrière-toute. Il souhaite, au contraire, augmenter cette part du nucléaire et en débrider la production.
03:54 Ce texte sera probablement défendu par Bruno Le Maire ou peut-être un ministre délégué. C'est ce texte qui me fait dire cela.
04:01 C'est l'avenir et les prochaines semaines qui nous le diront.
04:04 Pour avancer sur l'écologie, Arnaud Gosselin, il faut des moyens, il faut de l'argent.
04:07 Si c'est Bercy qui décide, cet argent, vous craignez qu'il y ait moins de moyens pour financer des transports en commun,
04:13 la rénovation énergétique ou les énergies renouvelables, c'est ça ?
04:17 C'est une crainte passagère. Je pense que nous sommes à la veille des élections européennes.
04:22 Le message que veut envoyer Emmanuel Macron, c'est qu'il se bat pour la souveraineté.
04:27 Il essaye aussi de faire passer ce message à un électorat qui pourrait tender par l'extrême droite.
04:32 Le fait de relancer le nucléaire, c'est aussi une façon de dire, regardez, je reviens à cette fierté nationale, à cet héritage du baudisme, le plan Messmer, etc.
04:43 Il y a un peu de nostalgie aussi dans ce choix-là. Est-ce que ce choix survivra aux Européennes ? Je ne pense pas.
04:49 Aujourd'hui, quand vous regardez le boom des énergies renouvelables dans le monde, et quand vous regardez aussi à quel point l'Europe et la Commission européenne en ont fait une priorité,
04:58 je ne suis pas certain que la France laisse sur le carreau les milliers de personnes qui se sont engagées dans des entreprises aujourd'hui qui militent pour la rénovation énergétique,
05:06 la mobilité durable, la rénovation énergétique des bâtiments, l'éolien, le solaire. C'est quand même l'avenir, c'est le sens de l'histoire.
05:13 Arnaud Gaussement, jusqu'à ces derniers jours, c'est Agnès Pannier-Runacher qui était ministre de la Transition énergétique, donc également en charge du climat.
05:20 C'est elle qui représentait la France, par exemple, lors des COP. Qui va le faire maintenant ?
05:24 Alors, d'un point de vue logistique, ça a toujours été, sauf pendant une parenthèse de deux ans, à l'époque de Jean-Louis Borloo, qui a démis de l'écologie,
05:31 ça a toujours été le Quai d'Orsay, le ministère des Affaires étrangères. Il y a toujours eu ensuite une association de ministres en charge de l'écologie,
05:38 qui a toujours eu le droit et la possibilité, et qui a été exercée d'ailleurs, de venir lors de ces grandes conférences climat.
05:45 Je serais étonné que Christophe Béchu n'ait pas le droit d'aller à la COP 29. Mais oui, c'est vrai que lors de la COP 28 qui s'est déroulée à Dubaï très récemment,
05:53 vous avez peut-être constaté que le nucléaire a fait une entrée assez fracassante dans le texte qui a été issu de cette COP 28.
06:00 Donc le nucléaire maintenant est dans les négociations internationales sur le climat, et ça justifierait sans doute la présence du ministre de l'économie à la COP 29 en Azerbaïdjan.
06:09 Qu'est-ce qu'on peut dire concrètement ? Qu'Emmanuel Macron fait une pause écologique là ?
06:13 Non, je ne pense pas. Je pense que le mouvement est lancé et on ne peut pas l'arrêter. Je pense simplement qu'il veut faire passer un message très pro-nucléaire
06:24 à une frange de son électorat qui peut y être sensible, même frange qui peut être aussi sensible au discours du Rassemblement National.
06:31 Je crois vraiment que là pour l'instant on est dans une séquence jusqu'aux européennes, séquence qui sera axée sur la souveraineté.
06:38 Vous remarquerez que Bruno Le Maire est ministre de la souveraineté industrielle. On va beaucoup parler de souveraineté, il semble qu'elle soit menacée pour Emmanuel Macron.
06:46 Donc voilà, on est surtout dans une séquence politique je pense.
06:49 Affaire à suivre. Merci de nous avoir éclairé et expliqué les choses Arnaud Gosselin, avocat et spécialiste du droit de l'environnement.
06:55 Invité de RTL Matin Entretien qu'on va pouvoir retrouver bien évidemment sur RTL.fr.
07:00 effet.
07:00 [SILENCE]

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