• il y a 11 mois
Sonia Devillers reçoit Manuel Bompard, député LFI-NUPES des Bouches-du-Rhône, et coordinateur de la France Insoumise. Il reviendra sur la conférence de presse d'Emmanuel Macron la veille. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-17-janvier-2024-2346207

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Sonia De Villers, votre invitée ce matin est députée LFI, nupe des Bouches du Rhône,
00:05 coordinateur de la France Insoumise.
00:07 Bonjour Manuel Bompard.
00:08 Bonjour.
00:09 Le chef de l'État parlait depuis plusieurs semaines d'un rendez-vous avec la nation
00:12 au mois de janvier.
00:13 Sa conférence de presse hier soir fut-elle à la hauteur selon vous ? Que retenez-vous
00:18 de cette prise de parole ?
00:19 Je crois que c'était d'abord un rendez-vous avec lui-même.
00:22 On a compris que le président de la République s'aimait beaucoup, il aimait beaucoup s'entendre
00:26 parler.
00:27 Moi ce que je me pose comme question ce matin, c'est qu'est-ce que les Français vont
00:31 retenir de cette intervention ? Ce que j'observe c'est que, en réalité, ça risque d'être
00:36 encore plus de difficultés pour eux.
00:38 Il a laissé entendre que finalement l'électricité allait augmenter de 10% au 1er février de
00:43 cette année.
00:44 C'est à peu près 200 euros en moyenne de plus à payer pour les Françaises et les
00:49 Français.
00:50 Il a évoqué, il a ouvert la piste du doublement des franchises médicales, alors qu'on sait
00:54 qu'un certain nombre de Français ont déjà des difficultés ou renoncent aux soins en
00:58 raison de difficultés financières.
01:00 Sur les franchises médicales, je vous arrête, le président de la République, Emmanuel
01:04 Macron, a dit « ce n'est pas un crime ». Passer de 0,5 euro de 50 centimes à 1 euro
01:10 sur une boîte de médicaments, ce n'est pas un crime.
01:12 Et par ailleurs, par rapport à d'autres dépenses de la vie courante, ce n'est pas
01:17 énormément.
01:18 Et lui il dit « ça va responsabiliser les assurés sociaux ».
01:19 J'ai bien compris quel était son raisonnement.
01:21 Moi je vous dis aujourd'hui que vous avez déjà une partie significative des Français
01:25 qui renoncent à se soigner pour des raisons financières et que si doublé les franchises
01:30 médicales, ça peut conduire à augmenter encore le nombre de personnes qui n'ont pas
01:34 accès aux soins.
01:35 Je ne veux pas dire que c'est un crime, mais ça peut conduire effectivement à de
01:38 très lourdes difficultés.
01:39 Et puis on a compris aussi qu'il n'y aurait pas davantage de professeurs pour faire face
01:43 notamment aux difficultés de l'éducation nationale, qu'il n'y aurait pas davantage
01:46 de soignants pour faire face aux difficultés de l'hôpital.
01:49 Et comme ça a été dit à l'instant, que la planification écologique ou la transition
01:54 climatique sont reléguées au second plan de ses priorités.
01:57 Alors sur la santé néanmoins, on a parlé de régulariser des médecins étrangers, on
02:02 a parlé justement de remédier aux déserts médicaux, de repenser la formation des médecins.
02:07 Ce n'est pas des sujets qui ont été éludés.
02:09 Vous avez raison, mais la seule proposition qui était d'ailleurs une proposition transpartisane
02:14 qui avait été déposée à l'Assemblée nationale, signée par des responsables de
02:17 différents partis, qui proposait de ne pas permettre l'installation de médecins dans
02:22 des zones qui sont déjà suffisamment pourvues pour faire en sorte qu'ils puissent s'installer
02:26 dans les déserts médicaux, il l'a évacué d'un revers de la main.
02:28 Et en réalité ce que j'ai trouvé frappant hier, c'est que pour les français qui travaillent
02:33 pour les plus pauvres, pour les plus faibles entre guillemets, c'est beaucoup de contraintes,
02:38 c'est beaucoup d'obligations.
02:39 Et par contre dès qu'il s'agit d'obtenir par exemple l'installation de médecins dans
02:44 des déserts médicaux, quand il s'agit de demander aux entreprises d'augmenter les
02:47 salaires, là il refuse la contrainte et il est seulement sur l'incitation.
02:51 J'ai l'impression qu'Emmanuel Macron, il est fort avec les faibles, mais il est très
02:54 faible avec les forts.
02:55 En matière de pouvoir d'achat, puisque vous parliez de cette France qui travaille et des
03:01 moyens qu'on lui donne pour subsister, pour vivre, Emmanuel Macron confirme une baisse
03:08 d'impôt.
03:09 Alors il a évoqué, si je l'ai bien compris, une baisse d'impôt peut-être dans l'année
03:13 2025.
03:14 Il a écarté toute mesure contraignante pour l'augmentation des salaires.
03:17 Il nous a ressorti maintenant ce qui est une vieille antienne, qui est la question des
03:23 branches dans lesquelles il y a des minima salariaux qui sont au-dessous du SMIC.
03:27 Je rappelle qu'il a déjà parlé de ça au mois de mars, qu'il a parlé de ça au
03:30 moment des rencontres de Saint-Denis au mois d'août, et qu'aujourd'hui vous avez quasiment
03:33 une branche sur deux qui a des minima en dessous du SMIC.
03:36 Donc sur la question du pouvoir d'achat, des salaires, Emmanuel Macron est sur beaucoup
03:40 de paroles, mais quand il faut agir, quand il faut faire en sorte que les salaires augmentent,
03:45 quand il faut augmenter le SMIC, quand il faut faire en sorte par exemple qu'on indexe
03:47 les salaires sur l'inflation, là il n'est jamais au rendez-vous.
03:50 Il y avait un grand absent hier, il y a eu beaucoup de mots, beaucoup de phrases du président
03:54 de la République, il y avait un mot qui n'a pas été prononcé, c'est le mot « partage
03:57 ». Alors que cette année, on a atteint un record historique en France de versement des
04:04 dividendes.
04:05 C'est un record historique.
04:06 Je pense qu'il aurait pu parler de comment on fait en sorte de mettre davantage à contribution,
04:10 ce qui gagne beaucoup, pour faire en sorte que la vie soit moins difficile pour les
04:13 autres.
04:14 - Parlons de l'école, Manuel Bompard.
04:15 Le cours d'éducation civique, marquer les passages symboliques, les remises de diplômes,
04:20 l'expérimentation de l'uniforme au collège.
04:22 Je ne crois pas du tout que le symbolique, dit Emmanuel Macron, soit vieux jeu.
04:29 Et vous Manuel Bompard, est-ce que vous pensez que le symbolique est vieux jeu ?
04:33 - D'abord, je pense que les Français n'ont pas besoin de symboles, ils ont besoin de
04:37 réalité.
04:38 Et quand vous avez une difficulté à l'école publique parce que, par exemple, il n'y a
04:43 pas suffisamment d'enseignants, parce que, par exemple, des enseignants qui ne sont pas
04:47 présents ne peuvent pas être remplacés, vous pouvez mettre tous les symboles que vous
04:50 voulez, vous pouvez rajouter tous les enseignements que vous voulez.
04:53 S'il n'y a personne pour les dispenser pour les élèves, ça ne va servir strictement
04:57 à rien.
04:58 Je trouve qu'il a une vision, effectivement, assez réactionnaire.
05:01 Par ailleurs, il recycle des concifs.
05:02 - Attendez, juste un moment sur l'école.
05:04 On sait bien quand même que Gabriel Attal avait annoncé un choc des savoirs, avait
05:08 annoncé des effectifs réduits en lycée pro, avait annoncé des groupes de niveau
05:14 au collège, avait annoncé un renforcement de l'apprentissage des mathématiques, des
05:18 nouveaux programmes au primaire, etc.
05:20 - Toutes ces annonces ne m'ont pas échappé.
05:24 Par contre, je vois bien qu'en ce qui concerne le fait d'avoir des rémunérations salariales
05:29 qui soient au moins supérieures à l'inflation, on n'y est toujours pas.
05:32 En ce qui concerne le fait d'avoir des recrutements pour faire en sorte qu'il ne manque pas des
05:37 enseignants au concours de recrutement, comme ça a été le cas l'année dernière, on
05:40 n'y est toujours pas.
05:41 En ce qui concerne, par exemple, la question de se poser comment les élèves peuvent avoir
05:46 accès à des fournitures scolaires gratuites alors qu'on est dans des situations d'inflation,
05:51 de crise sociale qui fait qu'il y a un certain nombre d'élèves qui n'arrivent même pas
05:53 à avoir les fournitures scolaires pour pouvoir étudier dans les bonnes conditions, on n'y
05:56 est toujours pas.
05:57 Donc après, vous pouvez faire la marseillaise.
05:58 M. Blanquer en a déjà parlé en 2017 et M. Fillon avait déposé une proposition de
06:03 loi en 2015 sur le sujet.
06:04 En quoi est-il réactionnaire puisque vous avez utilisé ce mot ?
06:06 Parce qu'il a une vision de l'ordre qui passerait par des symboles.
06:13 Moi je crois que si vous voulez faire en sorte que nos élèves rejoignent un projet collectif,
06:19 si on veut faire en sorte que le pays s'attelle à un projet collectif, que tout le monde
06:23 ait envie de tirer dans la même direction, il faut donner des perspectives positives.
06:26 Et le service national universel par exemple, c'est un projet collectif pour les jeunes,
06:30 c'est les inclure dans un projet collectif et républicain ?
06:32 Écoutez, pour l'instant, l'expérimentation de ce service national universel, de mon point
06:37 de vue, est un fiasco.
06:38 Qu'on essaye de faire en sorte par exemple qu'on ait un service civique, dans lequel
06:42 il y a des missions de transition écologique, des missions de lutte contre la pauvreté,
06:46 de solidarité, j'y suis pas opposé.
06:48 Mais le service national universel tel qu'il est aujourd'hui, me semble pas du tout correspondre
06:53 à cette mission.
06:54 Et je ne vous compare pas à un président réactionnaire qui a rappelé néanmoins l'inscription
06:58 du droit à l'avortement dans la Constitution, le droit à la PMA, la proclamation…
07:04 Bon là, j'y arriverai pas.
07:07 Merci pour toutes ! Ce sont des combats que vous avez menés vous aussi à la France Insoumise,
07:13 est-ce que vous vous en satisfaisiez ?
07:14 Écoutez, l'inscription dans la Constitution du droit à l'interruption volontaire de
07:19 grossesse, c'est effectivement une proposition que nous avons portée depuis des années.
07:22 C'est une proposition progressiste.
07:24 Et donc je ne vais pas vous dire que je ne suis pas satisfait du fait que cette proposition
07:29 soit reprise.
07:30 Mais je crois que c'est un peu l'arbre progressiste qui cache la forêt réactionnaire.
07:35 On pouvait attendre notamment hier soir une annonce sur la fin de vie, puisque ça fait
07:38 partie aussi des combats.
07:39 Ça fait aussi partie en tout cas des sujets sur lesquels nous nous battons depuis des
07:43 années et des années.
07:44 Nous avons proposé entre 2017 et 2022 une proposition de loi dans notre niche parlementaire
07:48 à l'Assemblée Nationale sur ce sujet, comme nous l'avons fait d'ailleurs sur la Constitution
07:52 de l'IVG.
07:53 Je me dis que finalement sur ces sujets, on avait raison avant tout le monde.
07:56 Le « en même temps » macronien ou macroniste, comme vous voulez, a séduit à une époque
08:00 tout un électorat de gauche.
08:02 Ça a fait énormément de mal aux partis socialistes par exemple.
08:05 Vous, ça vous a plutôt renforcé à l'époque ? La gauche radicale est radicalement anti-Macron.
08:09 En droitisant aujourd'hui son gouvernement et son discours, est-ce qu'Emmanuel Macron
08:12 n'est pas en train de faire tourner la roue à gauche ? Est-ce qu'il n'est pas en train
08:15 de pousser une gauche plutôt réformiste, libérale, modérée à se reformer ?
08:20 Moi je crois que ce que les gens ont besoin, c'est que vous ayez un courant politique
08:26 à gauche qui propose une alternative.
08:28 On voit bien la désagrégation du macronisme qu'on a sous les yeux.
08:32 La question qui est posée c'est est-ce que la solution face à ça c'est le Rassemblement
08:36 National ou est-ce qu'il y a autre chose ?
08:37 Est-ce qu'il y a autre chose ? C'est ça ma question.
08:39 Est-ce qu'il y a un Raphaël Glucksmann qui trouve un espace à gauche ? Les sondages
08:43 le disent.
08:44 J'ai compris que Raphaël Glucksmann est devenu la nouvelle coqueluche des médias.
08:47 Mais vraiment ma question c'est est-ce qu'il y a un espace qui n'est ni Macron ni Mélenchon
08:53 pour se développer ?
08:54 Mais pour faire quoi ? La question qui nous est posée c'est pour faire quoi ? Est-ce
08:57 que comme Emmanuel Macron il faut renoncer à la question du partage de la richesse ou
09:02 est-ce que comme nous le proposons à la France Insoumise il faut effectivement partager les
09:06 richesses ? Est-ce qu'il faut s'attaquer à l'urgence climatique ou pas ?
09:08 Il n'y a pas dix solutions.
09:10 Je pense que le programme que nous avons porté tous ensemble, d'ailleurs avec le Parti
09:13 Socialiste au moment des élections législatives qui est le programme de la NUPES, me paraît
09:16 le bon programme. Moi je reste fidèle à ce programme.

Recommandations