Gaëlle Ringot, prof de physique au lycée Joffre et référente égalité filles/garçons

  • il y a 7 mois
Transcript
00:00 Ce matin on reçoit Gaëlle Ringo qui est prof de physique référente égalité fille/garçon en classe prépa au lycée Joffre à Montpellier.
00:05 Bonjour Gaëlle Ringo.
00:07 Bonjour.
00:07 Alors on parle orientation puisque ça y est la plateforme Parcoursup a ouvert depuis cette semaine, les élèves de terminale peuvent faire leur vœu.
00:15 Parce qu'il y a aussi le salon des études supérieures qui se tient à Montpellier à partir d'aujourd'hui donc on est en plein dedans, il va falloir faire des choix.
00:21 Est-ce qu'il y a encore beaucoup de censure chez les filles dans certaines filières ?
00:25 Oui, il y a encore des censures, je parle des filières scientifiques.
00:31 En maths et en informatique, les filles sont sous-représentées.
00:35 Vous par exemple dans vos classes, ça donne quoi en proportion ?
00:40 Alors moi je suis dans une classe de physique/chimie donc chez plus de filles on est autour de 20-25% mais il y a des filières maths/info où on descend honnêtement on est autour de 11%.
00:53 Là je parle du lycée Joffre mais en gros ça représente à peu près la tendance.
00:57 Donc il y a vraiment un travail à faire sur les sciences dures, les mathématiques et l'informatique.
01:03 Et il se fait quand ce travail-là ?
01:06 Alors nous ça fait 3 ans qu'on travaille donc je suis effectivement en classe préparatoire mais l'équipe de Joffre est constituée de profs du secondaire aussi.
01:15 L'équipe préférée à Egalité Figuerson.
01:17 Voilà donc on travaille vraiment ensemble et on s'aperçoit que le travail essentiel pour nous c'est la seconde.
01:22 La classe de seconde ?
01:23 Voilà, c'est-à-dire le choix des spécialités à la fin de la seconde, essayer de motiver les filles, leur donner un petit peu d'ambition, répondre à certaines craintes etc.
01:34 Donc on travaille beaucoup sur cette classe-là parce que finalement au moment de la terminale, au moment du choix des études supérieures, tout a été fait puisque les spécialités ont été choisies.
01:44 C'est déjà presque trop tard parce qu'effectivement maintenant c'est en seconde qu'on choisit de prendre l'option maths, l'option anglaise, l'option...
01:49 Tout à fait, voilà.
01:51 Qu'est-ce qui explique, pourquoi finalement, qu'est-ce que disent les élèves de seconde ?
01:55 Pourquoi cette censure vers les filières scientifiques, informatiques, numériques ?
01:59 Alors nous on a travaillé avec les élèves et avec les enseignants pour essayer de comprendre un peu les mécanismes.
02:05 Alors il y a bien sûr tout l'historique de chaque élève, le contexte familial etc.
02:11 Et puis il y a finalement cette sorte d'injonction à se positionner en seconde qui manifestement est beaucoup plus difficile pour les filles que pour les garçons.
02:24 C'est-à-dire que quel que soit l'élève, il a du mal à voir finalement à quoi correspond telle ou telle spécialité.
02:31 Puisque finalement les mathématiques en terminale ou dans le supérieur, ça ne correspond pas du tout à ce qu'ils ont vu par exemple au collège ou en début de seconde.
02:40 Et finalement on leur dit de choisir quelque chose qu'ils ne maîtrisent pas.
02:44 Et on s'aperçoit que c'est statistiquement plus facile pour les garçons que pour les filles de se positionner.
02:50 Ils vont être un petit peu, les garçons, bon j'ai caricature en mode "t'inquiète, ça va se faire"
02:55 alors que les filles se posent beaucoup de questions "est-ce que c'est sûr ? Est-ce que je vais y arriver ?" etc.
03:00 Donc ça c'est vraiment un premier obstacle sur lequel on travaille énormément, c'est-à-dire la prise de confiance pour les filles.
03:07 - Vous travaillez, comme vous dites, vous êtes référente égalité fille-garçon, vous travaillez comment ?
03:11 Qu'est-ce que vous faites concrètement pour essayer de faire avancer les choses auprès des élèves ?
03:15 - Alors on a fait depuis trois ans beaucoup de choses, notamment des tables rondes avec les secondes.
03:21 Alors on s'aperçoit lors de ces tables rondes que finalement le problème est vraiment complexe.
03:27 Déjà dans le rapport fille-garçon dans ces classes-là, parce que c'est l'adolescence, donc c'est pas toujours très très facile.
03:33 Il faut sortir un peu de la caricature "les filles contre les garçons" etc.
03:39 On essaie vraiment d'emmener tout le monde et de convaincre les garçons qu'un monde scientifique sans femmes dysfonctionne.
03:46 On travaille beaucoup là-dessus, c'est-à-dire vraiment regrouper les filles et les garçons dans un projet commun.
03:52 On travaille beaucoup là-dessus.
03:53 Après sur la formation, on va dire, parce qu'il y a cette partie-là, on organise des conférences.
04:02 Surtout avec des anciens élèves de filles, pour que les filles puissent avoir des représentations.
04:09 - Mais c'est ce que vous dites, en fait les filles manquent dans les filières scientifiques,
04:13 puisque ce sont les vôtres, de représentations féminines auxquelles elles pourraient s'identifier.
04:17 - Tout à fait.
04:18 Donc ça on essaye d'apporter des figures inspiratrices.
04:23 - Parce qu'il y en a. Il y a des femmes, il y a toujours des femmes scientifiques.
04:27 Et on s'aperçoit qu'une élève, là on a organisé avec les alumnis de Joffre une conférence.
04:34 Il y avait une vingtaine de jeunes filles qui avaient une vingtaine d'années.
04:38 Ça a eu beaucoup de succès parce que là évidemment, ce n'est pas des figures de boomers, comme disent les jeunes.
04:46 C'était des jeunes et ça a beaucoup mieux fonctionné.
04:49 Il y a eu beaucoup de questions, etc.
04:51 - Et donc vous pensez que ça va changer, ça, dans les années à venir ?
04:54 - Je pense, j'espère. On travaille pour.
04:58 Donc il faut être patient. Ça c'est certain, parce qu'il y a beaucoup de clichés, des manques de représentation.
05:04 - C'est ça, on se dit que ça avance.
05:06 Mais en fait, on se rend compte que finalement, des jeunes de seconde, par exemple, aujourd'hui en 2024,
05:10 ont toujours des clichés dans la tête.
05:12 - Oui, ça c'est certain.
05:14 Et des craintes, manque de confiance, etc.
05:17 C'est tout ce travail-là qu'on essaye de faire.
05:19 - Est-ce que les filières, ensuite, en études supérieures, les grandes écoles par exemple,
05:23 elles en font assez pour attirer les filles ?
05:26 Ou est-ce qu'elles ont du boulot à faire aussi de leur côté pour améliorer un petit peu les choses ?
05:30 - Alors, il y a énormément de travail de la part des grandes écoles.
05:33 Ça c'est certain.
05:35 Moi je travaille beaucoup sur Paris pour ça aussi.
05:39 Et le problème, en fait on en revient toujours au même problème,
05:44 c'est-à-dire le nombre de filles qui vont présenter,
05:47 pour les techniques, qui vont présenter Centrale Supérieure, etc.
05:50 C'est-à-dire, dès le départ, il y en a moins.
05:52 Et puis, moi je ne vois personne en classe,
05:56 donc je suis en licence 2, en classe de deuxième année.
05:59 Il y a ce travail aussi de confiance,
06:02 parce que ce syndrome de l'imposteur, vous connaissez un petit peu,
06:05 c'est-à-dire finalement, une fille qui est dans une classe de deuxième année,
06:08 un peu sélective, un petit peu difficile,
06:10 va toujours avoir le sentiment de ne pas être tout à fait à sa place.
06:16 - Pas légitime.
06:17 - Et donc ça, du coup, elle va peut-être moins s'inscrire aux concours plus prestigieux
06:21 ou aux concours aux garçons, qui sont eux, beaucoup plus détendus.
06:24 Je parle statistiquement, bien sûr, mais c'est un peu la tendance.
06:27 - Est-ce qu'il y a aussi comme frein,
06:29 est-ce que les filles en seconde ou en terminale,
06:32 au moment de faire leur choix d'orientation,
06:34 se disent "j'ai pas envie de bosser dans une filière avec que des collègues masculins,
06:38 donc je ne m'oriente pas là-dedans".
06:39 C'est quelque chose qui est pris en compte ou pas du tout ?
06:41 - Alors, je dirais plutôt non.
06:44 Surtout au niveau de la seconde, le critère c'est
06:47 "je ne veux pas me retrouver en première avec une classe où il n'y a que des garçons".
06:51 Donc c'est vraiment du très court terme.
06:53 C'est-à-dire, elles veulent être dans une classe où il y a des copines, etc.
06:57 Donc, voilà, il faut essayer de motiver plutôt un petit groupe, vous voyez.
07:03 Après, sur le fait d'être dans un milieu masculin,
07:07 quand on aborde les écoles d'ingénieurs ou après des métiers,
07:11 je n'ai pas l'impression que ce soit vraiment bloquant.
07:14 Pour les élèves que j'ai dans ma classe, ce n'est pas vraiment le sujet.
07:18 - Vous, vous êtes prof de physique, donc vous avez suivi une filière scientifique en tant que femme.
07:24 Est-ce que vous voyez entre le moment où vous, vous avez fait vos études,
07:27 vos choix d'orientation, et aujourd'hui, des grosses différences,
07:31 ou c'est un peu toujours la même ambiance ?
07:33 - Alors, il y a beaucoup plus de femmes, c'est certain.
07:37 - Vous n'étiez pas du tout nombreuse, vous, à l'époque ?
07:39 - Non.
07:40 Alors, moi, ça ne m'a jamais posé aucun problème.
07:43 Mais je pense qu'on en parlait moins, donc finalement,
07:47 je n'avais pas conscience vraiment du sujet.
07:50 Et comme ça ne me préoccupait pas du tout...
07:54 - Vous n'étiez pas posé la question, vous, à ce moment-là ?
07:57 - Non, non. Alors que là, il y a beaucoup plus de filles quand même, malgré tout.
08:01 Et c'est un vrai sujet. Donc ça paraît paradoxal.
08:05 - Et il y a encore du boulot à faire. Merci beaucoup Gaëlle Ringo d'avoir été avec nous ce matin.
08:08 Prof de physique donc au lycée Geoffre à Montpellier,
08:10 et référente, égalité fille garçon.

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