Mobilisation des agriculteurs: "Ça fait des années qu'on attend des réponses concrètes de la part du gouvernement", relate Camille Beaurain (céréalière dans la Somme)

  • il y a 9 mois
La FNSEA, premier syndicat agricole français, et les "Jeunes agriculteurs" ont été reçus à Matignon ce lundi soir par Gabriel Attal et le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau. Plusieurs axes routiers demeurent bloqués, principalement en Occitanie, dans l'attente de mesures concrètes du gouvernement

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Transcription
00:00 -Vous savez, avec l'histoire et les événements que j'ai vécus,
00:03 j'ai plus trop d'espoir.
00:05 Au fond de moi, j'espère sincèrement que ça changera.
00:09 Je comprends aussi la colère qui se passe
00:12 depuis quelques jours maintenant.
00:14 Le souhait, forcément, c'est de ne pas lever les actions en place
00:18 le temps qu'il n'y a pas des réponses concrètes.
00:21 Ca fait des années qu'on attend des réponses
00:24 et des actions concrètes de la part du gouvernement.
00:27 Je pense qu'il faut maintenir jusqu'à temps que des réponses
00:30 soient apportées et des réponses concrètes
00:33 pour nous venir en aide, enfin, en 2024,
00:35 et arrêter ce fléau et ne pas pouvoir vivre de ce métier.
00:39 -La priorité pour vous, c'est quoi ?
00:41 La première mesure que vous aimeriez qu'ils prennent ?
00:44 -En tant que veuve d'agriculteur,
00:48 ma priorité est que le monde paysan arrête de se suicider
00:51 parce qu'ils ne vivent pas de leur travail.
00:54 Après, aujourd'hui, je pense que la priorité première,
00:57 c'est qu'il faut être pris.
00:59 Et ça, c'est tout à leur honneur.
01:02 On ne peut pas continuer comme ça sans avoir des prix,
01:06 que ce soit des gens qui décident des prix qui nous sont payés.
01:12 Vous faites appel à un électricien, un plombier ou autre service,
01:16 c'est eux qui décident de leurs prix.
01:18 Nous, on est aujourd'hui le seul métier
01:21 à ne pas décider des prix auxquels nous sommes rémunérés.
01:25 C'est juste un scandale absolu.
01:27 On peut parler de plein de choses.
01:29 J'ai vu sur le site de France Agrimaire,
01:32 sur un caddie de 100 euros,
01:34 il n'y a que 6,50 euros de reversés à l'agriculteur.
01:37 Le reste, c'est à l'agroalimentaire,
01:39 à la grande distribution, où est la loi Egalim-Lendan
01:42 pour une juste rémunération à nos agriculteurs.
01:45 Il y a plein de points à éclaircir pour leur venir en aide aujourd'hui
01:50 et arrêter ces suicides, ces manquements,
01:54 c'est une charge mentale, physique très lourde pour eux aujourd'hui.
02:00 -Justement, vous l'évoquiez,
02:03 votre compagnon s'est suicidé en 2017, à l'âge de 31 ans.
02:07 Il était éleveur porcin dans la Somme.
02:09 Vous, à l'époque, vous aviez 24 ans. Vous avez écrit un livre.
02:13 "Tu m'as laissé en vie, suicide paysan, veuve à 24 ans".
02:18 Pourquoi s'est-il donné la mort à l'époque ?
02:21 -Tout simplement parce qu'il y avait certes une charge de travail,
02:27 mais on s'en sortait.
02:29 On a commencé, à notre installation en 2011,
02:34 à sortir 265 porcs l'année de sa mort,
02:37 avec un travail intensif, sans prendre de vacances,
02:40 ne serait-ce qu'un week-end, nous sortons 1 000 porcs.
02:44 La chose qui mène à ce drame,
02:48 c'est qu'il y a un non-suivi au niveau bancaire qui est dedans.
02:53 Il y a une mauvaise gestion de la part du centre de comptabilité,
02:57 parce qu'on explique ce qui va et ce qui ne va pas,
03:00 mais c'est encore que les chiffres qu'on voit,
03:02 et on ne voit pas les efforts d'un jeune éleveur
03:05 qui prend la suite de son père qui est décédé brutalement.
03:08 Et il y a un conflit familial qui rajoute à ça,
03:12 plus des mises aux normes, plus une charge mentale
03:15 au niveau administratif qui nous tue petit à petit,
03:18 et qui les tue encore aujourd'hui.
03:20 Toujours donner plus, mais encaisser le moins possible,
03:23 fait que le 27 octobre 2017,
03:26 il s'est donné la mort dans un de nos bâtiments.
03:29 -Et comment vous, vous avez tenu ?
03:31 -Bah, écoutez, j'avais deux choix.
03:37 J'avais deux choix, je peux pas vous dire que je n'y ai pas pensé.
03:41 Quand c'est arrivé, forcément, on ne pense qu'à ça.
03:44 J'avais 24 ans, tout s'est écroulé.
03:46 Je l'avais rencontré, j'avais 15 ans, j'étais mariée à 18 ans.
03:49 Ma vie était l'exploitation, ma vie était auprès de lui,
03:53 j'étais dans l'élevage à 100 %, je ne me voyais pas faire autre chose.
03:57 Pourtant, je n'étais pas ici d'une famille d'agriculteurs.
04:00 Donc j'avais deux choix, soit celle de me battre comme j'ai fait,
04:04 et vous me voyez devant...
04:05 face à un ordinateur devant vous aujourd'hui,
04:08 ou soit de faire la même chose que lui.
04:10 J'ai eu la chance d'être entourée,
04:12 cette chance, tout le monde ne l'a pas.
04:15 Donc j'ai choisi de me battre, d'aller en justice,
04:18 de faire pour m'installer, là, depuis 2021,
04:21 sur l'exploitation.
04:22 J'ai arrêté l'élevage totalement, je suis juste céréalière.
04:26 Voilà, tout le monde n'a pas cette force-là.
04:29 D'avoir écrit le livre m'a surtout aidée dans mon deuil.
04:33 J'ai fait des bonnes rencontres au bon moment.
04:36 Aujourd'hui, j'ai de nouveau quelqu'un dans ma vie
04:39 depuis quelques années.
04:40 Je suis maman depuis un an.
04:43 La vie continue, je me dis que s'il m'a laissée en vie,
04:48 c'est bien le titre du premier ouvrage que j'ai écrit,
04:51 c'est qu'il y avait une raison, j'avais des messages à faire passer.
04:54 Peut-être que je parle trop, peut-être pas assez, je ne sais pas,
04:58 mais je me dis que le temps qu'on parlera de cette profession,
05:02 c'est qu'il faut en parler, il faut leur venir en aide,
05:05 et il faut arrêter que des femmes comme moi ou des hommes
05:08 vivre ce que j'ai vécu il y a 7 ans, c'est trop.

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