• il y a 10 mois
Samedi 3 février 2024, MARCHÉS PRIVÉS reçoit Fleur Pellerin (Fondatrice, Korelya Capital) , Antoine Colson (Directeur Général, IPEM) et Boutros Thiery (Directeur des investissements, Mercer France)

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Ce programme vous est présenté en partenariat avec Mercer et l'IPEM.
00:05 Bienvenue dans Marché privé, l'émission qui vous apporte une analyse éclairée des grandes tendances du non-coté sur Bismarck.
00:23 Dans ce nouvel épisode, nous allons nous concentrer sur le capital risque et le capital innovation, l'investissement en capital dédié au financement de l'innovation, à son accélération et à sa croissance.
00:35 Qu'est-ce qui caractérise ce segment de marché aujourd'hui au sein de l'industrie non-coté et quel développement attendre, notamment en Europe, face au poids de ces marchés d'innovation aux Etats-Unis et en Asie aujourd'hui ?
00:48 Deux experts sont avec nous dans quelques instants pour mettre ces enjeux en perspective et Fleur Pellerin, fondatrice de Corellia Capital depuis 2016 maintenant, sera le grand témoin de ce nouvel épisode de Marché privé sur Bismarck en seconde partie d'émission.
01:02 Le capital innovation est-il un segment en voie de mûrissement, en voie de maturité ? C'est la question qu'on se pose pour ce nouvel épisode de Marché privé et les deux experts de ce rendez-vous sont à mes côtés.
01:17 Antoine Colson, directeur général de l'IPEM. Bonjour Antoine. Bonjour.
01:21 L'IPEM qui est la plateforme d'échange mondiale de l'industrie du non-coté. Vous sortez d'un événement canois qui se tenait il y a quelques jours à la fin du mois de janvier.
01:29 Et Boutros Thierry, directeur des investissements chez Mercer France. Bonjour Boutros. Bonjour.
01:33 Mercer, groupe mondial diversifié avec des positions incontournables on va le dire pour l'industrie de la gestion d'actifs que ce soit pour l'univers coté et non-coté.
01:42 Boutros, si on se focalise sur ce segment qu'on a traduit comme étant le segment du capital innovation, c'est le venture capital, c'est le growth equity dans le langage anglo-saxon de l'industrie du non-coté.
01:53 Qu'est-ce que ce segment représente aujourd'hui au sein de l'industrie ? De quoi parle-t-on ? Et quel est l'état des lieux, des forces en présence si je puis dire ?
02:01 Alors en effet c'est peut-être important de commencer à préciser de quel segment on parle. Il y a beaucoup d'acronymes.
02:07 On parle d'un segment, d'un sous-segment du capital investissement, donc déjà dans les marchés non-cotés, illiquides.
02:13 Et peut-être le segment le plus risqué qui existe de tous les segments investissables sur les marchés que ce soit pour les investisseurs professionnels ou particuliers.
02:23 C'est un segment qui se caractérise par un investissement très tôt dans la chaîne de création de valeur des entreprises.
02:29 Donc c'est soit des sociétés qui sont naissantes avec parfois juste une idée, une technologie ou un nouveau segment, un concept.
02:37 Ou des sociétés un petit peu plus mûres justement qui vont aller se développer après avoir mûri une idée qui a fait ses preuves par exemple sur un marché local.
02:47 Mais on est vraiment au début du processus de création de valeur d'entreprise et donc par définition on va avoir un niveau de risque très élevé, des niveaux de rendement potentiellement aussi importants.
02:57 On regardera effectivement ce que nous disent les rendements et la dispersion des rendements sur l'état des lieux, des forces en présence.
03:05 Vous êtes venu avec ce graphique qui est la photographie fin 2022 de ce que représentent différents marchés du non-coté, mais ces segments spécifiquement, en Europe par rapport à ce qu'on observe aux Etats-Unis et en Asie.
03:18 C'est vrai que la photo qu'on peut voir n'est pas forcément en faveur de l'Europe pour dire les choses très clairement à ce stade.
03:26 Oui alors on sera peut-être amené à en parler. Il y a des différences régionales dans les dynamiques de ce segment.
03:34 C'est un segment qui comme le private equity dans son ensemble s'est beaucoup développé aux Etats-Unis avec à la fois beaucoup de gérants mais aussi beaucoup d'investisseurs qui allouaient sur ce type de segment là.
03:44 L'Asie est historiquement très développée, un gros segment d'innovation, on parlera peut-être de secteur un peu plus tard.
03:49 Frappé par le poids quand même de ce que représente le growth et le venture en Asie.
03:53 Oui c'est un segment très spécifique qui a vu se développer beaucoup de sociétés qui ont créé de l'innovation et qui ont aussi un marché intérieur.
04:03 Il n'y a pas que la Chine, il y a aussi d'autres marchés en plus de la Chine qui sont consommateurs de ces innovations.
04:08 Et donc on voit l'Europe là de manière un peu flagrante qui est en retard sur ces deux segments même si on en parlera, il y a eu quand même un rattrapage assez fort.
04:17 Et donc aussi en thème de développement des rendements de gérants qui sont très différents, très disparates.
04:26 Mais aussi une prise de recul qui est peut-être un peu plus faible sur le marché européen.
04:31 Antoine, qu'est-ce qui caractérise pour vous ce segment ou ces segments du capital risque, du capital innovation ?
04:36 Vous trop se le disiez, c'est sans doute les segments pour l'investisseur où il y a le plus de risques et qui demandent peut-être aussi le plus de patience du coup Antoine.
04:45 C'est un segment déjà que j'estime être peut-être le premier dans le capital investissement.
04:53 C'est celui qui met vraiment de l'argent neuf au service d'idées nouvelles.
04:56 C'est là où le métier d'investisseur en capital trouve tout son sens.
05:00 Un entrepreneur qui arrive avec un pitch, il peut repartir avec du capital et mettre ce pitch en musique.
05:07 D'ailleurs il est assez troublant et intéressant de constater qu'en France on appelle ça capital risque.
05:11 Vous trop soulignez le risque de la classe d'actifs.
05:13 Quand aux Etats-Unis, dans le monde anglo-saxon, on appelle ça venture capital, adventure capital.
05:17 C'est-à-dire qu'on finance des aventures.
05:19 Je pense que c'est ça pour moi la première caractéristique, c'est qu'on met de l'argent dans l'économie réelle, au service d'aventure avec les risques que ça comporte.
05:28 Et ça évidemment c'est du long terme.
05:30 La plupart des innovations qui nous entourent, ce qu'on a dans la poche, dans notre téléphone, les applications qu'on utilise, ont été financées par Capital Risk.
05:39 Et évidemment, c'est pas sorti du garage, même si c'est la grande comparaison à la Silicon Valley, c'est pas sorti du garage en quelques mois.
05:46 Ça peut prendre des années, voire.
05:48 Donc l'horizon de temps est souvent de 8-10 ans.
05:50 Et l'autre point qui est particulier, je dirais, c'est la polarisation des succès.
05:54 Il y a un livre fabuleux d'ailleurs, que je vous recommande, qui s'appelle The Power Law, qui est sur l'histoire du capital risque aux Etats-Unis.
06:04 Et en fait, l'idée n'est pas de faire x2 sur 50% de son portefeuille, c'est de faire x100, x1000 sur quelques lignes de son portefeuille.
06:13 Donc il y en a qui seront peut-être, qui perdront, il y en a qui feront des returns plus modestes.
06:19 Mais l'objectif est toujours de faire un maximum de return sur un nombre limité de lignes.
06:24 Et ça, ça a amené aussi à une polarisation des performances dans les mains de certains gérants.
06:28 C'est très connu aux Etats-Unis.
06:30 Moins connu qu'Wall Street, il y a Sand Hill Road, qui est cette rue qui abreuve Menlo Park, Palo Alto, autour de Stanford,
06:38 qui est vraiment le boulevard où il y a toutes les boîtes de Venture.
06:42 Et ils sont connus, les noms.
06:44 Il y a quelques noms qui ont fait beaucoup de return depuis le début de la Silicon Valley.
06:49 Et le contexte actuel peut peut-être remélanger un peu les cartes.
06:54 Et certainement aussi, il y a des noms qui émergent en Europe, un peu de la même manière.
06:57 Regardons peut-être effectivement les rendements.
07:01 Là aussi, on voit tout un cycle avec l'infographie que vous nous apportez, Boutreau.
07:07 C'est plus de 20 ans de cycles qui sont mesurés à travers les rendements qu'on va pouvoir voir.
07:12 En fonction des différentes classes d'actifs, dans l'univers non coté, mais aussi à comparer avec l'univers coté,
07:18 on voit très bien que le segment du capital innovation, capital risk, capital gross equity,
07:24 est celui qui peut offrir effectivement les meilleures performances,
07:29 mais avec une dispersion peut-être parmi les plus importantes.
07:32 C'est inhérent à la composition de ce segment et à la façon de gérer.
07:38 Antoine le rappelait, il y a un risque de casse important sur un portefeuille de 10, 15, 20 lignes maximum.
07:44 On va avoir 2, 3 lignes du portefeuille qui vont faire le maximum de rendement.
07:48 Et les autres qui ne vont pas donner ce rendement espéré.
07:51 Donc par définition, il y aura une hétérogénéité entre les gérants.
07:55 On le voit sur le schéma qui est présenté, par rapport aux classes d'actifs non cotés,
08:00 bien entendu par rapport aux classes d'actifs cotés.
08:02 Et donc quand on se pose dans une perspective d'allocation, on va allouer sur ce segment-là,
08:08 mais pas forcément une grosse partie de son portefeuille,
08:11 et surtout en diversifiant le risque principal qui est le risque de gérant.
08:16 Mais on voit que ça peut apporter énormément de valeur,
08:18 tout en essayant de comprendre ce que c'est que cette classe d'actifs,
08:23 le temps qui est nécessaire pour aller chercher du rendement.
08:26 Et aujourd'hui, c'est ce qui fait défaut peut-être le plus.
08:29 Aujourd'hui, on ne peut pas, à ce jour, être sûr de savoir quelles seront les performances des millésimes de VC ou de growth aujourd'hui.
08:39 Ce que l'on sait, et ce que l'on voit concrètement, c'est que les durées d'investissement se sont allongées,
08:44 et que les fonds qui sont censés redonner du capital aujourd'hui, temporisent en fait.
08:50 Après, il y a plein d'innovations.
08:51 Il y a de l'ingénierie qui permet de continuer effectivement ces stratégies et de les prolonger un peu dans le temps.
08:56 Vendre aujourd'hui dans un contexte où les valo ont été réajustés, et tant mieux,
09:01 dans un contexte où il n'y a pas forcément d'acheteurs, c'est plutôt complexe.
09:05 Justement, je date un petit peu l'émission, on est encore en début d'année 2024,
09:08 l'émission est tournée en février 2024.
09:10 Antoine, vous sortez de votre grand rendez-vous cannois, l'IPM se tenait à Cannes fin janvier.
09:15 Sur la partie VC growth, quelle a été un peu la nature des échanges et des discussions,
09:22 après deux ans de choc de taux ? Je le reprécise également.
09:27 L'année 2023 a été dans l'ensemble de l'univers financier, en particulier dans le long côté, difficile.
09:32 Et je pense que, enfin je ne sais pas, je pense, les chiffres le disent,
09:36 c'est dans le Venture que ça a été le plus difficile, et le Growth.
09:39 Alors je pense que c'est important de rappeler, il y a le spectre très large en fait,
09:42 dans ce monde qui gère 25% du non-coté, autour de 3000 milliards de dollars dans le monde.
09:47 On va du très early stage, qui finance des boîtes au niveau du pitch,
09:52 c'est-à-dire de la présentation de PowerPoint, au Growth,
09:55 on fait des tours, des valorisations qui sont parfois de plusieurs milliards,
09:58 et des tickets qui sont de plusieurs centaines de millions de dollars.
10:01 C'est ce segment de Growth qui a le plus souffert dernièrement,
10:07 parce qu'on voit aussi, qui dit Growth dit le plus proche de la liquidité normalement.
10:13 La fenêtre de l'introduction en bourse ou de la session corporate s'est refermée.
10:19 Je crois que les IPO, les introductions en bourse, sont facilement moins de 50% d'une année sur l'autre.
10:26 Et au même moment, les valorisations de ces actifs ont pris un certain pain.
10:33 Du -20, du -30, du -40 ?
10:35 Je crois que sur le late stage Gross US, les chiffres que j'ai en tête,
10:39 on est sur du -40 par rapport au pic de 2021.
10:41 Pour avoir un ordre de grandeur.
10:43 Voilà, ce qui est quand même significatif, mais il ne faut pas oublier après tout le bull run,
10:47 je suis désolé de l'anglais, mais qui a connu le segment ces dernières années.
10:51 Encore une fois, il faut regarder les choses sur le long terme.
10:53 Donc l'humeur, comment elle était, difficulté à sortir de ses positions,
10:57 donc à apporter de la liquidité à ses investisseurs, donc à lever de nouveaux fonds.
11:00 Mais on sent aussi une industrie au travail, parce qu'il y a des innovations,
11:04 il y a des sujets en ce moment, l'IA en est un particulièrement.
11:08 Et c'est dans les moments difficiles aussi, tout le monde se souvient de l'après bulle de mille,
11:13 où de super projets, de très belles entreprises sont nées,
11:17 et c'est peut-être même le meilleur moment pour y être.
11:19 Un moment d'opportunité dans cette phase de maturation, de mûrissement du capital d'innovation en Europe.
11:24 Messieurs, restez avec nous, nous allons tout de suite accueillir le grand témoin de ce nouvel épisode de Marché privé.
11:33 Et c'est donc Flore Pellerin qui est le grand témoin de ce nouvel épisode de Marché privé,
11:37 tourné vers les enjeux du capital innovation, fondatrice de Corellia Capital depuis 2016.
11:43 Flore Pellerin, bonjour.
11:44 Bonjour.
11:45 Merci beaucoup de venir nous apporter votre éclairage sur les enjeux du capital innovation,
11:50 et comment développer encore plus la maturité sur ce segment, notamment en Europe.
11:54 Je rappelle évidemment que vous avez été ministre en charge pendant deux ans, entre 2012 et 2014,
11:58 des enjeux d'innovation et de l'économie numérique en France.
12:02 Qu'est-ce qui caractérise Corellia Capital et les investissements que vous menez, Flore Pellerin,
12:07 dans cette industrie et ce segment du capital innovation ?
12:09 J'étais très intéressée par votre tableau tout à l'heure, enfin vos statistiques sur le différentiel
12:15 entre les zones géographiques pour tout ce qui concerne le financement de l'innovation,
12:19 parce que précisément quand j'étais ministre, j'avais constaté qu'il y avait un gros gap de financement,
12:24 notamment sur le segment qu'on appelle la croissance, le gros,
12:27 et donc quand j'ai créé mon fonds d'investissement, je me suis dit que j'allais me spécialiser précisément...
12:30 Il y avait un potentiel.
12:32 Il y avait un potentiel et surtout il y avait encore un écart à rattraper.
12:35 Je vois qu'on a encore un petit peu de travail en Europe à accomplir si on veut rattraper les États-Unis,
12:39 mais donc Corellia Capital, c'est un fonds de late stage, late venture, early growth,
12:43 comme on dit dans notre jargon, qui accompagne la croissance des entreprises
12:46 au moment où elles passent à l'échelle, où elles s'internationalisent,
12:49 donc des entreprises tech européennes, et on les aide à se déployer notamment vers l'Asie.
12:54 C'est ça un peu qui fait notre différence par rapport aux autres fonds de la place.
12:57 Alors les deux premiers millésimes étaient très tech, je crois, pure tech effectivement, Fleur.
13:02 Il y a un nouveau millésime qui est en cours, qui a été lancé, annoncé à l'automne dernier, je crois,
13:08 au moment de l'IPEM ces derniers jours.
13:11 Tournez vers l'art de vivre, le lifestyle.
13:15 Pourquoi choisir cet univers d'investissement quand on est justement un fonds de VC
13:20 ou de early growth, comme vous dites, Fleur,
13:24 qu'est-ce que ça nous dit effectivement de l'appétit qu'ont les investisseurs pour cet univers
13:28 et l'innovation qu'on peut trouver également dans cet univers ?
13:31 Oui, alors c'est une stratégie de diversification.
13:33 Il y a d'autres acteurs qui sont déjà sur des segments assez proches,
13:37 Félix Capital par exemple, ou d'autres qui interviennent plus tard,
13:40 mais comme Elkaterton par exemple, qui sont des fonds qui interviennent aussi dans ce secteur lifestyle,
13:44 qui va pour nous de la mode, la beauté, la wellness, enfin la santé,
13:49 jusqu'à l'hospitalité et food and beverage, je suis désolé,
13:53 on ne sait plus comment dire en français, c'est ça ?
13:56 L'alimentation, les boissons.
13:58 Notre point focal reste néanmoins la tech,
14:02 mais ce qui m'intéressait c'est que je trouvais qu'il y avait des synergies évidentes
14:05 entre la France et la Corée, ou plus largement entre l'Europe et l'Asie,
14:09 sur tout ce qui concerne ces marques émergentes, qui sont plutôt des marques premium,
14:12 qui sont consommées par des classes moyennes, dont le pouvoir d'achat augmente,
14:16 et il y a une convergence de plus en plus nette entre ces différents segments que j'évoquais tout à l'heure,
14:20 entre l'hospitalité, par exemple les hôtels, qui ont des spas,
14:24 qui ont des produits cosmétiques, qui présentent des vêtements dans leur boutique,
14:27 et qui ont besoin de restaurants, et donc on voit bien qu'en ce moment,
14:30 on est à la recherche plutôt d'expérience, même que de produits à consommer,
14:33 et ça crée une opportunité je trouve très intéressante,
14:36 notamment dans cette perspective de pont entre la France et la Corée,
14:39 la Corée étant le premier marché de consommation du luxe par net au monde.
14:44 Quand on est dédié à l'accompagnement et à l'accélération de la croissance et de l'innovation,
14:51 qu'est-ce que ça change d'être positionné sur une stratégie lifestyle par rapport à une stratégie pure tech ?
14:56 Est-ce que les process d'investissement sont différents ?
14:58 Est-ce que le tempo de la création de valeur est différent également, Fleur ?
15:02 Moi je suis très novice, j'ai une associée Julie Rose qui vient de rejoindre Corelia,
15:06 qui est une grande spécialiste de ces investissements qu'on appelle "consumer" en fait,
15:11 qui sont des investissements dans des marques.
15:14 De ce que j'en vois pour l'instant, c'est vraiment très très très différent.
15:17 Nous on va investir par exemple dans des marques qui sont, je le disais, des marques émergentes,
15:20 c'est-à-dire qui réalisent entre 5 et 10 millions de chiffres d'affaires,
15:23 mais pour certaines, elles sont déjà profitables, ce qu'on voit quand même rarement dans la tech,
15:27 et donc c'est vrai que c'est pas du tout les mêmes...
15:29 C'est pas la même prise de risque.
15:31 C'est pas la même prise de risque. En général, à 5 à 10 millions,
15:34 c'est souvent avant entre 1 à 5 ou 1 à 10 millions qu'il y a beaucoup d'échecs
15:39 et de gens qui doivent recommencer et faire autre chose,
15:42 mais à 10 millions, on est déjà un peu dérisqué sur tout ce qui est opérationnel,
15:46 et après, c'est une question d'accompagner le passage à l'échelle,
15:48 de structurer les équipes, de penser la stratégie internationale.
15:51 Donc on est dans une problématique de grosse, comme en tech,
15:55 mais ça arrive selon des schémas qui sont assez différents,
15:59 et des profils de profitabilité qui sont aussi très différents.
16:02 Antoine, je reprends, on va à retour de terrain de Cannes, effectivement, de l'événement IPEM.
16:07 Quelle est la dynamique des thématiques qu'on voit dans cet univers VC gross ?
16:12 Très tech, évidemment, naturellement, et ça restera, j'imagine,
16:15 mais est-ce qu'il y a d'autres thématiques qui montent ?
16:17 Est-ce que les thèmes s'élargissent au-delà de ce qui a été quand même très tech très tôt ?
16:22 Chaque année, à l'occasion de l'IPEM de janvier, on monte une enquête européenne
16:26 où on sonde les GPs, les sociétés de gestion, par exemple, pour leurs thèmes d'investissement.
16:30 Et ce qui est intéressant, je trouve, cette année, c'est que dans le VC,
16:35 on échappe au buzzword comme on a eu, il me semble, un petit peu par le passé.
16:39 Il n'y a pas si longtemps, des termes comme blockchain, fintech, j'en passe,
16:45 étaient vraiment... mais parfois sortaient de manière énorme dans l'enquête.
16:50 Là, on voit quelque chose de plus homogène avec quand même quelque chose autour de ce qui s'appelle deep tech,
16:55 AI qui semble quand même être des sujets qui sont partis pour durer,
17:01 mais qui sont présentés à travers toutes ces composantes, c'est-à-dire medtech, biotech,
17:07 et il semble y avoir toujours vraiment une forte dynamique d'innovation dans ce domaine.
17:12 Et puis aussi dans ce qui est tourné vers le green, green tech, clean tech,
17:16 on voit qu'il y a des enjeux technologiques pour accompagner ces transitions environnementales.
17:21 Ça, c'est clairement des gros sujets qu'on voit.
17:23 Du point de vue des allocataires d'actifs, il y a un besoin de diversification.
17:28 Vous avez dit tout à l'heure, Boutros, VC growth dans un portefeuille, dans une allocation globale,
17:32 évidemment, ce n'est pas un cœur de portefeuille, pour le coup, c'est de la diversification,
17:36 mais au sein de cette poche, il y a aussi un besoin de diversification en dehors de la tech,
17:41 qui est peut-être déjà très détenue, voire surdétenue par certains investisseurs globaux.
17:46 Il y a plusieurs façons de regarder le sujet de la diversification.
17:49 Déjà, vous dites que ce n'est pas forcément un cœur de portefeuille, tout dépend pour qui on gère des actifs.
17:53 C'est-à-dire que, dans le cas de la gestion pour un familier-office ou certains fonds souverains,
17:57 ils ont des allocations énormes en private equity, et le VC growth va lui-même représenter une part importante de cette poche.
18:04 Mais c'est vrai que, si on revient dans un contexte un peu européen et qu'on gère pour des assureurs ou des caisses de retraite,
18:10 ça ne va pas être forcément un cœur de portefeuille.
18:12 Nous, en général, on alloue sur des portefeuilles de private equity,
18:16 outre des mandats dédiés avec des contraintes spécifiques, on est à peu près à 20-30 % sur du VC growth.
18:22 Et malgré le contexte dont on parlait tout à l'heure, qui est plutôt… pas morose, mais qui amène à se questionner,
18:28 on continue à investir parce qu'on y croit, mais avec une logique de diversification.
18:33 Donc, il y a deux axes de diversification.
18:35 Déjà, quand on sélectionne un gérant de VC, c'est un spécialiste par construction.
18:41 On ne s'improvise pas gérant VC ou growth.
18:43 Et puis, au sein du segment VC growth, des gérants qui sont des spécialistes d'un secteur,
18:50 et c'est le cas chez Corellia, ça nous intéresse parce qu'il faut avoir une connaissance parfaite du secteur
18:57 pour démontrer une capacité à créer de la valeur à toutes les étapes.
19:01 Le lifestyle n'est pas comme la tech, n'est pas comme la cleantech.
19:04 Donc déjà, les temps d'investissement et les conversions en termes de return ne sont pas les mêmes.
19:08 Les connaissances de sourcing à l'entrée de…
19:11 L'accès à l'expertise.
19:13 … ne sont pas les mêmes.
19:14 Donc, par définition, bien entendu qu'on ne mettra pas une allocation unique sur du lifestyle ou du cleantech,
19:20 mais le fait de combiner des spécialistes de VC, mais aussi des spécialistes de secteur au sein du VC,
19:25 et créer un portefeuille qui soit diversifié, va permettre de diversifier ce risque,
19:31 augmenter le return, et après aussi diversifier potentiellement par rapport à des investisseurs
19:38 qui ont déjà investi depuis plusieurs années, souvent dans la tech, justement.
19:42 Aux États-Unis, c'est le cas.
19:44 Je reviens sur la photographie fin 2022 que vous avez commentée, Flore Pellerin.
19:49 2012, vous arrivez au ministère de l'Innovation et de l'Économie Numérique.
19:53 Quel est le constat que vous dressez sur cette question du financement et du soutien apporté à l'innovation ?
19:58 Vous avez été à l'origine du label French Tech, si je ne dis pas de bêtises, Flore Pellerin.
20:03 Qu'est-ce qui s'est passé en 10 ans ?
20:04 Encore une fois, on le disait, la photo finish fin 2022, un peu figée.
20:09 C'est sûr qu'elle ne met pas l'Europe sur le devant de la scène, mais quelle a été la dynamique en 10 ans ?
20:13 Et comment est-ce qu'on peut, pour répondre à la question de l'émission, progresser, accélérer
20:18 sur le chemin de la maturité pour ce segment en France et en Europe ?
20:22 C'est vrai que ça aurait été intéressant d'avoir le même schéma pour l'année 2012.
20:25 Par exemple, moi je me souviens que, et je n'ai plus toutes les statistiques en détail en tête,
20:29 mais je me souviens qu'à l'époque, le constat qui était fait, d'ailleurs on avait un nom pour ça,
20:32 on appelait ça la "death valley", la "vallée de la mort" du financement.
20:35 Donc il y avait de l'argent en amorçage, il y avait de l'argent en early stage,
20:38 mais dès qu'il s'agissait de financer des séries B et plus tardives, c'est suivante,
20:43 là, en fait, les entreprises françaises avaient beaucoup de mal à trouver des acteurs français
20:47 capables de les accompagner. Donc c'était souvent des Américains qui arrivaient.
20:50 Et à l'époque, quand on parlait de séries B, ce n'était pas la folie d'aujourd'hui,
20:53 c'était des séries où les boîtes levaient 20 millions et plus.
20:57 20 millions et plus pour trouver quelqu'un de français prêt à lider ce tour-là,
21:00 à l'époque c'était extrêmement difficile.
21:02 Donc depuis, je trouve que le marché s'est quand même bien structuré.
21:06 La BPI a été missionnée pour ça.
21:09 Une des missions qu'on a assignées à l'époque à la BPI,
21:11 puisque c'est nous qui avons écrit la feuille de route,
21:14 c'était de structurer et de consolider un peu le marché du Vici.
21:18 Donc évidemment, il y avait des "you should suspect" qui ont été un peu renforcés,
21:22 des "raisez haut, il investe", etc.
21:24 Mais néanmoins, je pense que l'action de la BPI a contribué à l'émergence de nouvelles équipes
21:28 et a permis de combler petit à petit le retard, pas complètement,
21:31 il reste un peu de chemin à faire.
21:33 C'est pas que la France, mais sur ce segment de la croissance, du gros.
21:37 Donc je trouve que depuis 10 ans, il y a eu cette structuration du capital investissement
21:41 qui est évidente.
21:43 Il y a beaucoup d'équipes qui se sont créées, il y en a peut-être certaines
21:45 qui vont avoir des difficultés dans les mois ou les années qui viennent,
21:47 parce que c'est difficile de lever des fonds en ce moment.
21:49 Mais néanmoins, il y a une vraie maturité de l'écosystème aujourd'hui, je trouve.
21:53 La prise de conscience des enjeux de, alors ce qu'on appelle de souveraineté aujourd'hui,
21:57 Fleur, c'est un driver fort, c'est un creuset important, c'est un levier
22:02 qui permet d'accélérer encore sur le chemin de la maturité,
22:06 partant des niveaux qu'on a aujourd'hui en Europe.
22:09 Alors, ça pour moi, c'est l'aspect le plus difficile,
22:12 le plus difficile pour les politiques à appréhender,
22:17 parce qu'en réalité, ça exigerait probablement une très forte convergence
22:21 des politiques industrielles, pas seulement dans le numérique
22:24 et dans le secteur de l'innovation, mais innovation-industrie,
22:27 pour qu'il y ait vraiment un alignement complet d'intentions et de stratégies.
22:32 Et ça, je pense que c'est très difficile à réaliser.
22:36 Et c'est la raison pour laquelle, que ce soit sur la première révolution numérique,
22:39 la deuxième, celle avec les plateformes, etc.,
22:42 on n'a pas vraiment réussi à créer un gros acteur européen.
22:45 On a essayé, mais c'était des essais qui étaient, je pense,
22:48 peut-être mal designés, mal conçus.
22:51 Et là, aujourd'hui, c'est une troisième révolution qui arrive,
22:53 celle de l'intelligence artificielle générative,
22:57 dans ses aspects software, logiciel et hardware, les puces.
23:01 Et je trouve qu'il faudrait vraiment qu'il y ait un énorme sursaut européen
23:04 pour se dire avec qui on fait des alliances, entre nous, avec l'extérieur,
23:08 pour ne pas laisser à nouveau ce marché, qui n'est pas seulement un marché économique,
23:11 mais c'est un marché aussi de puissance diplomatique et de rayonnement,
23:15 pour ne pas laisser ce marché uniquement aux Chinois et aux Américains,
23:18 tel que c'est un peu en train de se dessiner maintenant.
23:20 - Vous espérez qu'on arrivera à développer des champions dans ces secteurs ?
23:23 - Mais il y a un gap entre la réalité, la dimension politique,
23:26 qui s'est emparé de cette question de souveraineté ?
23:28 - Je trouve qu'entre l'intention et le discours, et la réalité des actions.
23:31 - Il y a une transmission directe, que ce soit aux Etats-Unis ou en Asie,
23:35 notamment en Chine, entre le pouvoir politique et le pouvoir financier,
23:40 avec parfois même de la planification.
23:42 - Et du protectionnisme assumé, alors que nous, c'est vrai qu'au niveau européen,
23:46 on n'arrive pas très bien à consolider parce qu'on a des règles de non-concurrence
23:49 ou de... Donc c'est très compliqué pour l'industrie européenne de se consolider.
23:55 - On refuse d'assumer cette idée de puissance, quoi.
23:57 - Moi je trouve qu'il y a un vrai sujet de réflexion au niveau européen,
24:00 pour faire en sorte qu'on construise des géants européens.
24:02 - Il y a une forme de géopolitisation même des enjeux technologiques aujourd'hui,
24:07 et de son financement, et de l'accélération de l'innovation, ça se ressent Antoine ?
24:12 - À l'IPEM ? C'est des sujets qui m'échappent très honnêtement.
24:16 Ce que l'on sait, c'est que l'Europe a été souvent un espace ouvert aux investisseurs internationaux.
24:22 Je veux dire, les derniers tours de grosses, très importants des dernières années,
24:26 ont souvent été conduits par des fonds nord-américains.
24:29 - Ça reste encore le cas.
24:31 - Voilà, l'ouverture d'un bureau de Sequoia à Londres a fait date d'ailleurs dans le Venture.
24:36 Et pour le Venture américain, qui pour la première fois,
24:39 - Mettait un pied sur le continent.
24:40 - L'une des stars d'un bureau en Europe, en France élargie.
24:44 - Oui, sur le continent, pardon.
24:45 - Et donc on l'a vu, les Coatu, les Tiger Global, etc.
24:48 ont vraiment été les grands pourvoyeurs d'investissement de l'arrivée.
24:52 La vraie question, c'est qu'il n'y a pas de Nasdaq européen.
24:54 C'est aussi ça, c'est qu'il n'y a pas de sortie pour une boite tech de taille Nvidia,
25:01 enfin de taille extraordinaire, au niveau européen.
25:03 Je crois que c'est l'autre enjeu sur lequel il y a, à mon avis, pas mal de réflexions,
25:06 c'est qu'il faut une porte de sortie capitalistique qui ait l'ampleur et la dimension de l'Europe.
25:11 - Il n'y a pas eu de succès emblématique encore de ce point de vue là, de sortie ?
25:14 - Les sorties se sont faites sur le Nasdaq, je crois.
25:17 - Oui, mais en Europe j'entends, il n'y a pas eu de succès emblématique de ce point de vue là.
25:20 - Des belles boites européennes vont parfois, pour certaines, s'introduire sur le Nasdaq.
25:23 - Ça va être le dernier étage de la fusée quand on a construit tout cet écosystème
25:27 avec renforcement de l'innovation early, le financement en growth qui arrive,
25:33 on voit que ça progresse mais il y a encore du chemin,
25:35 et ensuite que des gestionnaires d'actifs Coté prennent le relais.
25:39 Il y a des initiatives qui ont été lancées en France, au niveau européen, pour soutenir ça.
25:43 L'image qu'on a montrée tout à l'heure est un peu figée, ça s'arrête à 2022,
25:48 et en effet il faudrait comparer 2012-2022.
25:51 Ce qu'on peut dire, on a quand même quelques chiffres, même si c'est toujours difficile dans nos côtés,
25:54 c'est que sur les trois dernières années, le financement VC growth a été plus dynamique en Europe
26:01 qu'aux États-Unis ou en Asie.
26:03 Donc il n'y a pas une indigestion, mais en tout cas un ralentissement dans les pays historiques sur l'innovation,
26:10 alors que l'Europe bénéficie de cet écosystème vivant, de ces initiatives de place.
26:15 Mais là on sera sur le juge de paix, il va falloir continuer à renforcer ces initiatives
26:19 pour qu'elles continuent à se développer avec plus de cohésion au niveau européen
26:25 pour financer ces innovations et aussi permettre à ces gérants de continuer à se financer
26:31 dans leurs pays qui ne sont pas domestiques.
26:33 Ça c'est un enjeu important, les fonds de VC américains se financent aussi en Europe et en Asie.
26:38 Il faudrait que les fonds de VC de grosses français et européens aillent chercher des capitaux ailleurs.
26:44 C'est la nature même de Corélia dès le départ.
26:48 On est sur à peu près 650 millions d'actifs sous gestion, on doit avoir à peu près 500 millions qui viennent de Corée.
26:54 Donc c'est beaucoup.
26:56 Sur la question des exits, pour conclure là-dessus, Flore Pellerin,
27:00 comment vous réfléchissez à ces besoins de sortie à un moment des stratégies VC growth ?
27:06 Est-ce que la bourse reste une option naturelle évidente
27:10 ou est-ce qu'aujourd'hui c'est une option parmi d'autres pour votre portefeuille d'entreprise ?
27:15 C'est exactement ce que disait Boutros, c'est-à-dire pour nous, quel est l'intérêt d'investir dans des sociétés en grosses ?
27:20 C'est qu'à un moment, on a un horizon de 10 ans, plus 2,
27:23 mais il faudra qu'on rende l'argent avec si possible une plus-value à nos investisseurs
27:28 et donc il faut qu'on puisse revendre à quelqu'un ou coter les entreprises.
27:31 Et donc c'est hyper important pour que le marché du grosse, l'investissement gros soit dynamique,
27:36 qu'il y ait ces perspectives.
27:37 Et ces perspectives, il n'y en a pas 36 000, c'est le listing en bourse, la cotation,
27:41 ou bien ce sont des gros stratégiques ou des gros fonds de private equity qui ont les poches profondes
27:46 et qui peuvent acheter les entreprises au moment où nous on souhaite sortir.
27:48 Et ça c'est vrai que les gros stratégiques, les gros corporate,
27:51 il faudrait pour ça qu'il y ait de la consolidation européenne dans un certain nombre de secteurs,
27:54 c'est pour ça que la politique industrielle européenne est super importante
27:58 et rétroagit sur nos activités à nous.
28:01 Et puis la bourse, c'est le Nasdaq, c'est-à-dire qu'il faudrait que le Nasdaq soit suffisamment profond
28:05 avec des analyses qui sachent bien évaluer les valeurs technologiques,
28:08 comme c'est le cas aux Etats-Unis, donc il faudrait qu'on ait ça au niveau européen ou français.
28:14 Il y a eu des progrès bien sûr sur Euronext.
28:16 On ne compte plus le nombre d'indices Next, Next Generation, Next 20, Next 40, Next Tech, etc.
28:21 Mais elles ne sont pas cotées.
28:22 Il faut vraiment qu'Euronext ou Amsterdam, j'en sais rien, moi je préférerais que ce soit à Paris,
28:28 mais il faut qu'on ait une place de marché qui soit suffisamment profonde pour qu'il y ait une liquidité organisée.
28:32 Et ça on n'y est pas encore complètement.
28:34 L'enjeu de l'union des marchés de capitaux, pour reprendre des sujets un peu globales macro
28:39 qui se posent aujourd'hui au niveau européen.
28:40 Merci beaucoup, merci Fleur Pellerin d'avoir accepté d'être le grand témoin de cet épisode de Marché privé
28:46 dédié au capital risque et au capital innovation, je le rappelle fondatrice de Corelia Capital.
28:50 Merci Antoine Colson et Boutros Thierry de nous avoir accompagnés à nouveau pour cet épisode de Marché privé,
28:56 directeur général de l'IPEM et directeur des investissements chez Mercer France.
29:01 Ce programme vous a été présenté en partenariat avec Mercer et l'IPEM.
29:06 Sous-titrage Société Radio-Canada