• il y a 9 mois
Vendredi 2 février 2024, SMART SPACE reçoit Maxime Puteaux (Spécialiste des lanceurs, Euroconsult) , Jean-Daniel Testé (consultant en sécurité dans l'espace et président, Agena Space) et Denis Bensoussan (directeur affaires spatiales, Beazley - Lloyd's of London)

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Transcription
00:00 [Générique]
00:04 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Space.
00:07 Hilah atterrit sur le nez mais il s'est réveillé.
00:10 Le module spatial japonais fonctionne après une arrivée rocambolesque sur la Lune.
00:15 On y revient en première partie d'émission dans votre col actu.
00:19 On parlera aussi d'un génuiti, le petit hélicoptère martien
00:23 qui a volé pour la toute dernière fois il y a quelques jours.
00:27 Et puis l'Iran est au coeur des discussions après le lancement de trois satellites dans l'espace.
00:32 Enfin dans votre talk, dans votre Space Talk, on va parler d'assurance spatiale.
00:38 Une branche méconnue du secteur qui permet pourtant aux acteurs d'amortir des sommes astronomiques
00:43 qui s'imposent après l'échec d'un lancement.
00:46 Pour ne citer que cet exemple, on va revenir sur le sujet avec nos deux invités en plateau spécialiste du sujet.
00:52 Voilà pour le programme, on démarre tout de suite direction la Lune.
00:55 [Musique]
00:59 Le module spatial japonais Slim posé sur la Lune s'est enfin réveillé.
01:06 Une première photo avait été prise sur place qui a permis de découvrir
01:10 que l'atterrisseur japonais s'était échoué sur la Lune, la tête à l'envers.
01:14 À cause de cette mauvaise orientation, la JAXA n'était pas certaine de réussir à charger les panneaux solaires de Slim.
01:21 Or, sans cette source d'énergie, évidemment, Slim ne pouvait pas fonctionner.
01:25 Mais finalement, la communication avec Slim a été établie avec succès
01:31 et les opérations ont pu démarrer.
01:33 Slim a immédiatement entamé ses observations scientifiques
01:37 et préut une image d'une roche située à proximité, puisque c'est bien là l'un de ses objectifs principaux,
01:44 analyser les roches de son site d'atterrissage afin d'en apprendre davantage sur les origines de la Lune.
01:50 et sa formation.
01:52 Ingenuity, le petit hélicoptère martien de la NASA, n'est plus capable de voler.
01:59 Lors de son dernier vol, le 18 janvier dernier,
02:02 une ou plusieurs de ses pales de rotor en fibre de carbone ont été endommagées pendant l'atterrissage.
02:08 En conséquence, la NASA a déclaré mettre un terme à la mission d'Ingenuity,
02:13 qui n'est plus capable de voler à long terme.
02:15 L'hélicoptère a atterri, on le rappelle, pour la première fois en mars 2021,
02:20 initialement conçu pour effectuer jusqu'à 5 vols d'essais expérimentaux sur 30 jours seulement.
02:27 Il est finalement resté sur Mars pendant 3 ans, a réalisé 72 vols et parcouru plus de 14 fois la distance prévue,
02:35 permettant ainsi une exploration inédite de la planète rouge.
02:40 Dernière actualité, l'Iran a envoyé ce dimanche pour la première fois simultanément 3 satellites dans l'espace.
02:48 Selon les médias officiels iraniens, les satellites ont été lancés à l'aide de la fusée Simorgh,
02:53 développée par le ministère de la Défense iranienne.
02:56 Un satellite de 32 kg et deux nanosatellites de moins de 10 kg ont été placés à une orbite minimale de 450 km.
03:05 Alors les deux plus petits engins étant officiellement destinés à des essais de fréquence, de communication et de technologie de géolocalisation.
03:12 Mais alors pourquoi les tons partout ? Cette semaine que la tension monte d'un cran dans l'espace,
03:18 on va poser la question à Jean-Daniel Testé qui est en ligne avec nous, président d'Agenaspace et consultant en sécurité dans l'espace.
03:26 Bonjour Jean-Daniel Testé, bienvenue dans cette émission.
03:30 Que représentent ces lancements finalement en matière de géopolitique ?
03:34 Bonjour, comme d'habitude pour ce qui concerne l'Iran, son programme spatial, en tout cas son programme de lanceurs,
03:40 est essentiellement drivé, si je peux m'assurer ici, par le développement de missiles balistiques.
03:46 Donc ce qui est inquiétant en fait c'est que après 5 échecs successifs de cette fusée Simorgh,
03:51 ils ont finalement réussi au premier lancement et la mise en orbite.
03:55 Mais la mise en orbite, comme vous l'avez très bien dit, est anecdotique.
03:58 3 petits satellites, il s'agit de 3 CubeSats, donc c'est pas un exploit, c'est pas des satellites qui ont des missions majeures.
04:03 C'est une mission certainement expérimentale pour tester quelques petites technologies.
04:06 Ce qui est plus préoccupant c'est le succès du lanceur,
04:09 puisque il y a beaucoup de communauté entre ce lanceur Simorgh et les lanceurs de portée intermédiaire balistique
04:16 que développe par ailleurs la défense iranienne.
04:20 Donc c'est plus préoccupant de ce côté là, parce que ça montre qu'ils sont avancés dans la maîtrise du développement et de ce type de lancement.
04:29 - Comment on justifie légitimement l'inquiétude européenne, parce qu'on peut se dire que c'est un développement technologique légitime ?
04:40 - Alors la légitimité, bon, ça s'exprime forcément par rapport à un droit global,
04:46 et en fait aujourd'hui l'Iran contrevient à des règlements internationaux relatifs à la prolifération des zones de destruction massive.
04:55 Un missile balistique est potentiellement porteur d'un moment de destruction massive.
05:02 Donc on est dans cette logique là, c'est-à-dire que l'Iran est un pays aujourd'hui qui préfère,
05:07 puisqu'il va se gâter de cette capacité qui est aujourd'hui prohibée par les instances internationales.
05:12 - Ce n'est pas le premier lancement ces derniers mois, il y avait déjà eu un lancement de l'Iran.
05:18 Est-ce que la prochaine étape c'est d'établir clairement les possibilités iraniennes en matière de défense, voire d'attaque spatiale ?
05:26 Est-ce qu'on est déjà en mesure de le dire ?
05:29 - Je pense que c'est plus complexe que ça, dans le sens où le lancement précédent était un lancement qui lui avait été fait par le ministère de la Défense,
05:38 alors que celui-là est plutôt présenté comme un essai, je dirais, à but civil.
05:43 Le précédent était typiquement fait par les gardiens de la Révolution, donc pour le compte du ministère de la Défense,
05:50 et avait mis en orbite un satellite d'observation.
05:53 Donc il avait une finalité, je dirais, d'application spatiale, l'utilisation d'un satellite pour faire des images, pour faire des photos, etc.
06:01 Là on est dans une logique, on est dans le développement d'un missile balistique, on va dire à la portée intermédiaire.
06:07 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, ce que l'on considère c'est que les missiles balistiques iraniens ont une portée entre 1500 et 2000 km maximum.
06:14 Franchir cette étape, être capable de délivrer une charge utile d'une centaine de kilos globalement,
06:19 si on englobe les trois charges utiles, ça fait un peu moins de 100 kg, être capable de le délivrer à 450 km d'altitude,
06:29 ça veut dire que le vecteur, s'il est transformé en missile balistique, double potentiellement sa portée par rapport à celle qui était aujourd'hui acquise
06:40 avec les missiles de courte portée iraniennes, comme je l'ai dit, 1500-2000 km.
06:45 Aujourd'hui on passe dans des missiles de portée intermédiaire, qui ont une putée de l'ordre de 3500-4000 km, avec ce genre de capacités.
06:53 C'est inquiétant dans ce sens-là, c'est-à-dire que les cibles sont plus lointaines et menacent beaucoup plus la région qui ne le faisait lorsqu'il y avait des missiles à courte portée.
07:02 Merci Jean-Daniel Testé, président d'Agena Space et consultant en sécurité dans l'espèce, d'avoir pris le temps de nous éclairer sur cette actualité.
07:11 On y reviendra peut-être plus longuement dans une émission.
07:14 On enchaîne quant à nous avec le Space Talk sur Bismarck.
07:22 L'industrie spatiale aussi a besoin d'un parachute.
07:25 Alors le secteur de l'assurance est adapté, mais à quoi ressemble cette branche discrète au marché encore naissant ?
07:32 Pour en parler, nous avons en plateau Denis Bensoussin. Bonjour.
07:35 Bonjour.
07:36 Bienvenue sur le plateau de Smartspace. Alors vous êtes en charge des activités spatiales chez Beazley.
07:41 On va revenir un petit peu sur votre expertise dans cette émission.
07:44 En face de vous, on a Maxime Putot, habitué du plateau de Smartspace. Bonjour.
07:48 Bonjour.
07:49 Vous êtes responsable des lanceurs chez Euroconsult.
07:53 Alors on va commencer par rentrer un petit peu dans le vif du sujet pour qu'on comprenne l'assurance spatiale.
07:58 Ça concerne quel moment de la chaîne de valeur précisément dans le secteur spatial ?
08:03 Écoutez, ça vient très tôt.
08:05 Ça vient au moment de l'achat, la décision d'achat.
08:08 Ça se fait parce que ça vient en accompagnement du financement.
08:12 Ce sont des sommes importantes.
08:14 Donc on a besoin de faire des financements extérieurs, en dehors du bilan.
08:19 Et donc ça permet, c'est une des conditions du financement, c'est le collatéral au financement des banques.
08:25 Donc ça permet d'autoriser l'achat de satellites par des opérateurs commerciaux.
08:31 Donc on parle principalement du marché des satellites ici ?
08:34 Oui, tout à fait.
08:35 Ça remonte au début de l'ère commerciale dans le spatial.
08:39 C'est à peu près le milieu des années 60 avec Telstar, avec Early Bird et Intelsat.
08:43 Ce qui était donc des satellites privés.
08:46 C'est ça qui est intéressant peut-être ?
08:48 Exactement.
08:49 C'est-à-dire que c'est les premiers satellites commerciaux géostationnaires.
08:52 Donc l'orbite géostationnaire qui avait été rêvée par Arthur C. Clarke,
08:57 pour permettre les communications autour de la Terre.
09:01 Et donc ça a été fait à titre commercial à partir des années 60,
09:06 à la suite des projets de la NASA et autres.
09:09 Et donc depuis le début de cette ère commerciale,
09:12 l'assurance a accompagné l'achat et le développement de ces satellites commerciaux.
09:18 Vous l'avez dit, en 1962, le premier satellite privé.
09:21 Donc ça démarre là ce secteur.
09:23 Est-ce que déjà on savait répondre ?
09:26 Est-ce que le secteur de l'assurance a dû s'adapter ?
09:28 Ou est-ce qu'on savait répondre aux besoins spécifiques au secteur spatial ?
09:31 Ça a beau être un transport dans un environnement particulièrement hostile,
09:34 ça reste une opération de transport.
09:36 Avec la différence près qu'à partir du moment où le satellite est dans sa coiffe
09:39 et le lanceur décolle, on ne peut plus intervenir sur l'objet.
09:43 Et donc on a utilisé l'assurance comme finalement le moyen de régler,
09:47 d'assumer les risques que pouvait encourir le matériel.
09:50 Puisque une fois que la satellite est en orbite,
09:52 jusqu'à présent on n'était pas en mesure d'aller le chercher
09:55 ou d'aller le réparer ou d'aller regarder ce qui se passait.
09:57 L'assurance était vraiment le filet de sécurité.
10:00 Et ce sont en fait des assureurs du transport aérien et du transport maritime
10:04 qui sont venus au spatial dans une logique de diversification.
10:07 On va revenir sur les acteurs, c'est intéressant de voir les opportunités aussi qui s'ouvrent
10:10 et puis la variation des acteurs qui arrivent sur ce secteur.
10:13 Est-ce qu'on a une idée de la part que ça représente l'assurance spatiale
10:16 au cœur de l'assurance ?
10:18 C'est une petite part. C'est un secteur qui est très niche, qui est très de pointe.
10:23 On est à peu près aujourd'hui historiquement entre 500 millions de dollars
10:26 et un milliard par an en fait.
10:28 Donc par rapport à l'industrie spatiale, c'est une toute petite fraction,
10:32 mais c'est une fraction très importante parce que ça permet en fait
10:36 tout le reste de l'activité de se développer.
10:39 En anglais le terme c'est "enabler",
10:42 donc ça permet en fait l'achat de satellites, l'achat de lanceurs en fait.
10:47 Et donc ça permet en fait tout le développement de l'industrie spatiale.
10:52 Et donc ce marché-là, est-ce qu'il est plus prometteur qu'un autre ?
10:55 Vous l'avez dit, c'est tout petit, c'est une niche.
10:57 Quand on est un acteur de l'assurance,
11:00 est-ce que ce n'est pas forcément une évidence d'aller servir ce secteur-là ?
11:03 L'assurance a quand même trouvé son bonheur dans le marché des satellites géostationnaires
11:09 puisqu'on était sur un marché qui est relativement stable, prévisible,
11:12 avec des objets dont les risques étaient relativement connus et qui étaient fiables.
11:17 Et en fait, le monde est en train de changer.
11:19 Donc peut-être que Denis va pouvoir revenir dessus,
11:21 mais ce qui a fait un peu le pain et le beurre de l'industrie en général
11:24 pour les opérateurs de satellites et les assureurs,
11:26 ce pain-là a été mangé et est un peu en train de disparaître.
11:29 Alors pour qu'on comprenne la révolution qui s'opère aussi
11:31 et qui va toucher les acteurs de l'assurance spatiale,
11:34 on peut comprendre ce qui fait la spécificité du secteur spatial et de l'assurance spatiale.
11:38 Est-ce que les conditions sont les mêmes ?
11:39 Alors vous l'avez dit, pas forcément.
11:42 Les règles ne sont pas tout à fait pareilles.
11:44 Il y a la question du dommage au bien, peut-être que vous pouvez décrypter.
11:48 C'est-à-dire que quand on assure sa voiture,
11:51 l'idée c'est qu'on a un pourcentage de chance d'avoir un accident
11:55 et de pouvoir remplacer cette voiture-là.
11:57 Quand on envoie un objet dans l'espace, c'est complètement différent.
12:00 On ne peut pas le réparer, on ne peut pas le remplacer comme ça.
12:03 Donc comment ça se passe ?
12:05 Alors je vais essayer de commencer par le début.
12:07 En fait, c'est un secteur de niche qui est très technique,
12:10 qui demande des gens qui ont des grandes qualifications techniques
12:13 pour comprendre le design des satellites
12:15 et pour comprendre la fiabilité sous-jacente des satellites
12:18 et pouvoir essayer d'anticiper effectivement
12:21 quelle sera la fiabilité au bout de 5, 10, 15 ans,
12:24 qui est la durée de vie générale des satellites en orbite géo.
12:27 Il faut parier sur la vie du satellite.
12:31 Exactement.
12:32 On va beaucoup plus loin que le lancement, c'est important de le préciser.
12:34 Exactement. Je reprends votre analogie de la voiture.
12:37 C'est comme si on a une voiture et qu'on traverse le désert
12:40 où il n'y a pas de station-service et qu'on doit tout prendre à bord.
12:43 On doit prendre 3 ou 4 roues de secours,
12:45 on doit prendre beaucoup de fuel avec soi.
12:48 C'est pour ça que les satellites aussi ont ce coût très important
12:52 parce qu'ils prennent à bord tout ce qu'ils auront besoin
12:56 pendant la durée de vie.
12:58 La spécificité de l'assurance, c'était de couvrir des sommes assez importantes.
13:05 On parle de 200, 300, 400.
13:07 Aujourd'hui, on est à plus de 500 millions des fois par satellite.
13:11 Donc très important.
13:13 Sur un phénomène qui est très rapide,
13:15 un lancement aujourd'hui c'est entre 10 et une demi-heure.
13:19 C'est très rapide.
13:20 On met tout ça en jeu sur une demi-heure.
13:23 Comme on l'a dit, pas de moyens de recours ou de réparation.
13:26 Donc des polices d'assurance qui ne sont pas standard du tout,
13:31 qui sont vraiment adaptées à la mission du satellite.
13:34 C'est ça. En fait, c'est la mission que vous avez mis au-dessus.
13:37 C'est que quand un acteur du spatial assure son satellite
13:41 et l'assure la performance de son satellite.
13:44 La performance est un des éléments critiques.
13:49 C'est pour ça qu'on doit prédire la fiabilité.
13:53 Il faut savoir quelle sera cette performance
13:56 pendant toute la durée de vie du satellite.
13:58 On sait que la performance peut être très spécifique.
14:02 Ça peut être des missions d'observation,
14:04 des missions de navigation, des missions de télécommunication.
14:08 La police d'assurance doit vraiment reprendre
14:11 toutes les caractéristiques de cette performance.
14:13 Ça c'est un élément.
14:14 Il y a aussi les revenus futurs qui peuvent être assurés.
14:17 Ça c'est un important.
14:18 Et on en couvre aussi une partie de l'actif.
14:21 Ça peut être le coût du remplacement du satellite.
14:24 Et pour la fusée, c'est le coût de remplacement,
14:27 le rachat d'une opportunité de lancement.
14:30 C'est ça qui fait le caractère unique.
14:33 On a une exposition très large, très rapide.
14:36 C'est volatile parce qu'en général,
14:38 il n'y a pas beaucoup de pertes partielles.
14:40 Soit ça marche très bien ou ça ne marche pas du tout.
14:44 Donc voilà, c'est vu comme quelque chose de volatile,
14:47 beaucoup de sévérité.
14:48 Et donc il faut adapter ça en termes
14:50 non seulement d'expertise technique,
14:52 mais de capital aussi.
14:53 Il faut avoir du capital qui est disponible très rapidement.
14:56 Et donc c'est pour ça que c'est réservé
14:58 à un certain nombre d'acteurs, très réduit.
15:00 C'est intéressant ce que vous dites.
15:02 J'ai lu que le remboursement arrivait très vite,
15:04 le dédommagement arrivait très vite dans le secteur spatial.
15:07 C'est vrai.
15:08 C'est une des caractéristiques du service
15:10 qu'on fournit à nos clients.
15:11 J'ai lu 2-3 mois.
15:12 J'ai trouvé ça assez dingue.
15:13 Ça peut être beaucoup plus rapide que ça.
15:15 En fait, l'idée, c'est de vraiment pouvoir
15:17 fournir l'expression parachute.
15:19 C'est ça.
15:20 C'est quand on tombe en chiblise,
15:21 on a besoin d'un parachute tout de suite,
15:23 pas dans un mois.
15:24 Et donc l'idée, c'est de mettre ce capital à disposition
15:27 pour trouver une solution de remplacement.
15:29 Une solution de remplacement,
15:30 c'est tout de suite réserver un lancement.
15:32 Parce qu'on sait aujourd'hui
15:33 qu'il y a beaucoup de demandes pour les lancements,
15:35 notamment avec SpaceX,
15:36 qui a un calendrier qui est très, très, très chargé
15:38 et pas beaucoup d'alternatives.
15:40 Donc il faut tout de suite réserver et il faut payer.
15:42 La deuxième chose,
15:44 c'est que pour avoir la capacité en satellite,
15:46 par exemple, quand on s'occupe de...
15:48 On a des contrats avec des compagnies de télévision,
15:51 par exemple, avec des événements à distribuer,
15:54 il faut avoir trouvé de la capacité
15:56 chez d'autres satellites
15:58 pour pouvoir assurer le service à son client.
16:00 Donc pareil, il faut aller vite.
16:01 Il y a beaucoup de demandes,
16:02 pas beaucoup de disponibilité.
16:04 Donc il faut aller très vite.
16:05 Et puis pareil,
16:06 il faut aussi recommander un nouveau satellite.
16:08 Les délais de construction de satellite sont longs.
16:11 C'est deux ans, trois ans.
16:13 Et donc le plus tôt on peut faire cette commande,
16:15 on peut commencer à réserver les sous-systèmes.
16:18 Ça permet de réduire le temps.
16:20 Donc effectivement, la durée de paiement des signes,
16:23 ça fait partie du service et de la différenciation.
16:25 Ça va être décisif.
16:27 On a eu un exemple assez fort
16:29 de peut-être l'utilité d'une assurance spatiale l'année dernière
16:32 avec le lancement raté de Vegas
16:35 qui emportait des satellites d'Airbus,
16:39 si je ne dis pas de bêtises.
16:40 La Pleiad Neo.
16:41 Voilà, la Pleiad Neo.
16:42 Et à ce moment-là,
16:43 on a une idée du dommagement que ça représente.
16:45 Déjà du coup, que ça représente pour Airbus
16:47 qui va exploser ses satellites.
16:50 Surtout qu'en plus,
16:51 dans le cas des Pleiad Neo,
16:53 on était dans le cadre d'un constructeur opérateur.
16:55 Donc c'était Airbus qui construit les satellites
16:56 pour son activité d'observation
16:58 avec derrière l'impossibilité de générer du service.
17:00 Donc je n'ai plus en tête le montant de la prime.
17:04 Mais c'était un événement de plus dans une année,
17:06 en 2023, qui a été assez terrible pour le monde de l'assurance
17:08 à côté de Viasat, premier Viasat 3,
17:10 un satellite à 1 milliard de dollars
17:12 dont l'antenne ne s'est pas déployée.
17:14 Un petit satellite qui voyageait en passager,
17:15 Astranis, pareil, qui n'a pas fonctionné.
17:17 Donc à la fois côté satellite et côté lanceur,
17:19 on a vécu une année 2023 très difficile.
17:21 Et la question est de savoir si le secteur de l'assurance
17:23 va pouvoir se remettre sur pied et à quel horizon.
17:26 Oui, parce qu'en fait, vous l'avez dit tout à l'heure,
17:28 les choses bougent énormément.
17:30 On prend plus de risques.
17:31 Il y a plus de lancements.
17:33 Est-ce qu'il peut-être naturellement augmente
17:35 les chances d'un échec ?
17:37 Finalement, et ça, ça va complètement changer
17:40 les habitudes de ce tout récent secteur
17:42 de l'assurance spatiale ?
17:44 Le secteur de l'assurance, c'est quand même un petit peu vieux,
17:46 mais il est bouleversé parce que son cœur de métier,
17:48 c'était quand même les satellites géostationnaires.
17:50 Ce marché-là, on en a déjà parlé,
17:52 est amené à diminuer.
17:54 Donc il y a moins d'objets ou des objets des fois plus petits.
17:56 Et en plus, on va introduire de nouvelles plateformes.
17:58 On pourra peut-être y revenir.
18:00 Donc c'est de nouveaux satellites, de nouveaux risques.
18:01 Et en parallèle de ça, on voit la multiplication
18:03 des constellations où en fait, tout le monde ne s'assure pas.
18:06 Et donc, Denis avait évoqué ceci dans une conférence.
18:09 Finalement, le pourcentage du satellite
18:12 qui est actuellement assuré par rapport au nombre total
18:14 de satellites lancés est vraiment marginal.
18:16 Mais pourquoi ?
18:17 Pourquoi ? Alors, ça fait partie de l'évolution
18:19 qui est en train de se passer.
18:20 C'est-à-dire qu'on a un satellite géostationnaire
18:23 qui coûte 200 ou 300 ou 400 millions.
18:25 Effectivement, ça fait sens d'assurer le risque.
18:28 C'est aussi un satellite qui est financé par des banques.
18:31 Et les banques ont besoin de cette assurance.
18:33 C'est une des conditions de financement.
18:35 Aujourd'hui, on évolue vers une industrie
18:37 où il y a plus de petits acteurs.
18:39 Et donc, la taille des satellites a réduit,
18:41 le coût des satellites a réduit, la durée de lancement.
18:45 Et donc, du coup, en fait, l'assurance,
18:47 c'est un outil de remplacement financier.
18:49 C'est le parachute financier.
18:51 Et aujourd'hui, on a des parachutes techniques.
18:53 C'est-à-dire, dans une constellation,
18:55 typiquement, on perd un satellite.
18:57 Et bien, il y a d'autres satellites qui peuvent
18:59 effectivement jouer ce rôle de parachute.
19:02 Donc ça, c'est effectivement une évolution.
19:05 L'autre évolution, effectivement, c'est la réduction
19:07 du nombre de satellites géostationnaires.
19:09 Une autre évolution, et en fait, je pense que c'est
19:12 un des challenges principaux du marché de l'assurance spatiale,
19:16 c'est en fait la course à l'innovation,
19:19 qui s'est beaucoup accélérée depuis les dernières années
19:21 et qui, aujourd'hui, prend part pour toute l'industrie.
19:25 C'est-à-dire, pendant très longtemps,
19:27 c'était seulement les petits acteurs
19:29 qui étaient les plus innovants.
19:31 Et même les grands acteurs, les acteurs traditionnels,
19:34 Airbus, Boeing, etc., ont été obligés aussi
19:37 de se mettre dans un rythme d'innovation effréné.
19:40 - Ce qui veut dire quoi ?
19:41 Ce qui veut dire prendre plus de risques
19:43 et moins tester sa technologie
19:45 et donc moins s'assurer de la réussite ?
19:47 - C'est-à-dire changer d'approche technique
19:50 et de paradigme en termes de fiabilité, en fait.
19:53 C'est-à-dire que la fiabilité, pour nous, en tant qu'assureurs,
19:56 mais aussi pour l'industrie, pour les opérateurs,
19:58 c'était le point cardinal.
20:00 On a besoin de fiabilité.
20:01 L'assurance assure des satellites fiables
20:04 et avec un degré d'innovation qui est mesurable,
20:07 anticipable, qui est tarifiable.
20:11 Aujourd'hui, on a toute l'industrie
20:13 qui a bougé vers un modèle différent
20:15 où, en fait, l'idée, c'est vraiment de se positionner
20:18 et lancer des choses, des satellites, des lanceurs
20:23 qui ont un degré de fiabilité anticipé
20:25 beaucoup plus faible, en fait.
20:27 Mais l'intérêt, c'est d'être le premier sur le marché.
20:29 - Ça rejoint la culture de l'échec qu'on a déjà évoquée sur ce photo.
20:32 - C'est la philosophie d'Elon Musk,
20:34 c'est-à-dire ce qu'il appelle "hardware rich",
20:36 c'est-à-dire beaucoup d'équipements qu'on lance
20:39 et on teste en vol, en fait.
20:41 Mais ce n'est pas très compatible
20:43 avec le principe directeur de l'assurance spatiale
20:46 qui est quand même des choses qui ont été testées.
20:49 Donc, aujourd'hui, on a cette course à l'innovation
20:51 qui va un peu à l'encontre de la course à la fiabilité, en fait.
20:54 Donc, c'est là qu'il y a effectivement un challenge important.
20:58 - Est-ce que la conséquence, c'est peut-être
21:00 que les prix augmentent des assurances ?
21:02 - C'est ce qui est en train de se passer.
21:04 Il y a un ajustement. Effectivement, l'année 2023
21:06 pouvait être qualifiée d'année historiquement catastrophique.
21:10 Je pense qu'on est aujourd'hui à des chiffres
21:12 qui sont au-delà du milliard de pertes
21:15 de Sinistre à rembourser.
21:18 Et donc, il y a des réajustements qui sont en cours
21:20 pour justement faire en sorte que l'industrie de l'assurance
21:25 puisse continuer à faire son travail,
21:27 c'est-à-dire d'accompagner le développement,
21:29 l'innovation dans l'industrie spatiale.
21:31 Donc, c'est des réajustements en termes de prix,
21:33 c'est des réajustements aussi en termes de conditions, de police.
21:37 Et on va essayer de faire en sorte de donner
21:40 un peu plus d'incentive pour retrouver la fiabilité
21:44 qui pouvait exister par le passé.
21:47 - Maxime, ces acteurs, c'est qui a l'air insuffisamment solide
21:51 pour affronter une année comme l'année 2023
21:54 avec un milliard de Sinistre ?
21:56 Est-ce que ce sont des acteurs classiques de l'assurance ?
21:58 Est-ce que ce sont de nouveaux entrants ?
22:00 - Ce sont souvent des acteurs établis qui se sont diversifiés
22:03 dans le spatial en plus de leur activité historique du transport.
22:06 Donc, Beazley en fait partie, on a eu AXA
22:10 et d'autres sociétés généralistes en font partie.
22:15 Elles ne sont pas forcément très visibles, mais ont cette activité-là.
22:18 Je tiens aussi à préciser qu'en fait, quand on parle d'assureurs,
22:20 il y a deux niveaux d'assurance,
22:22 parce que Denis peut y revenir dessus.
22:24 Les sommes sont tellement élevées,
22:26 les assureurs sont amenés à partager les risques entre eux,
22:28 entre concurrents, sur une même mission,
22:30 vis-à-vis d'un même client, et en plus, sont amenés à se réassurer
22:33 pour assumer les conséquences.
22:35 - Les assureurs se réassurent.
22:37 D'accord. Parce que les sommes sont trop élevées
22:39 et qu'on ne peut pas avoir la trésorerie nécessaire, c'est ça ?
22:42 - Il y a une approche qui est nécessaire,
22:45 c'est l'approche de portefeuille et de diversification du risque.
22:49 Parce qu'il n'y a pas suffisamment de risques
22:51 pour arriver dans la loi des grands nombres.
22:54 - Alors c'est la question de la mutualisation.
22:56 C'est-à-dire que dans le secteur spatial,
22:58 en toute logique, vous le savez mieux que moi,
23:00 mais pour garantir aussi d'être capable de rembourser,
23:03 il y a suffisamment de personnes qui apportent de l'argent aux assureurs
23:07 pour qu'ils puissent en sortir une fois ou deux sur des sommes astronomiques.
23:10 Là, il n'y a pas suffisamment de personnes
23:14 qui ont recours à une assurance,
23:16 et donc il n'y a pas suffisamment de cash réuni.
23:18 - C'est exactement ça, c'est un des challenges.
23:22 Le fait qu'il y ait moins de satellites géos,
23:25 ça rend l'échantillon de risque sur une année faible.
23:31 Du coup, on n'a pas cet effet de mutualisation,
23:33 c'est-à-dire que les bons risques payent pour les plus mauvais.
23:36 On n'arrive pas à avoir ce modèle.
23:39 Il faut trouver d'autres solutions.
23:42 - On a parlé de ces nouveaux acteurs, des start-up,
23:46 notamment qui arrivent avec des coûts en dessous.
23:48 Il y a des nouveaux acteurs comme ces start-up
23:50 qui vont aussi sur le marché de l'assurance.
23:52 Est-ce que c'est viable, prometteur, au vu de ce qu'on se dit là ?
23:56 - La valeur des satellites étant plus faible,
23:58 le montant de la prime d'assurance du coup le sera aussi.
24:01 Mais ça peut être aussi une manière de distribuer les clients
24:05 et d'avoir une assiste un peu plus élargie,
24:07 même si elle est un peu moins importante.
24:10 On voit aussi peut-être d'autres activités se faire assurer.
24:13 On parlait du lancement du satellite et du déploiement du satellite,
24:15 mais il y a des activités de service en orbite,
24:17 des activités d'alunissage qui commencent à être assurées.
24:20 Et donc c'est peut-être aussi des opportunités,
24:22 des relais de croissance qui peuvent être intéressantes
24:24 pour le monde de l'assurance.
24:25 - C'est-à-dire rajouter des acteurs, rajouter des cas pratiques.
24:28 On voit de plus en plus, on l'a dit, on l'a effleuré tout à l'heure,
24:31 les satellites géostationnaires, ce n'est pas forcément l'avenir.
24:36 - Ça restera le cœur de l'activité,
24:39 mais demain les satellites seront capables de se déplacer,
24:42 seront capables d'aller peut-être se réparer.
24:45 Encore des nouvelles applications et des nouvelles spécificités
24:48 auxquelles il faudra répondre avec les assurances spatiales.
24:52 - Oui, l'intérêt c'est de faire grossir le gâteau en fait,
24:55 pour pouvoir arriver justement à ce niveau de mutualisation.
24:58 Et donc effectivement, il y a des promesses,
25:00 le gâteau est en train de grossir,
25:02 mais effectivement il y a une phase de transition
25:04 qu'il va falloir digérer d'abord.
25:06 Et le gâteau, il va grossir vers toutes les activités,
25:09 ce qu'on appelle dans l'espace en fait.
25:11 Aujourd'hui on est dans une industrie qui est vers l'espace,
25:14 et aujourd'hui on va aller avec quelque chose qui est dans l'espace,
25:17 c'est-à-dire la fabrication de matériaux ou de molécules en orbite,
25:21 la réparation, le fait de servicer les satellites,
25:27 de réparer les satellites,
25:29 le fait de redonner un autre objectif,
25:33 de changer la mission des satellites en orbite.
25:35 Il y a des satellites aujourd'hui qui vont être modifiables,
25:38 et donc du coup, leur donner beaucoup plus de valeur,
25:41 et donc ça, ça va permettre d'élargir aussi le gâteau.
25:45 Il y a tous les services aussi d'exploration,
25:47 par exemple on parle de la Lune, on parle des corps célestes,
25:50 il va y avoir une mission fantastique bientôt,
25:52 Psyche, qui va aller sur un astéroïde de métal,
25:56 donc ça c'est encore quelque chose d'assez intéressant.
25:59 Et beaucoup d'autres activités,
26:02 il y a des gens qui pensent à faire des zones,
26:05 des data centers sur la Lune ou en orbite,
26:08 des satellites rôlés, donc il y a toute...
26:10 C'est une façon de laisser la place aussi à tous ces nouveaux acteurs,
26:13 et à toutes ces nouvelles opportunités,
26:14 de leur dire "vous pouvez venir, il y aura un parachute,
26:17 et en plus venez, on a besoin de mutualiser un petit peu les coups".
26:21 Exactement, c'est-à-dire c'est vraiment agrandir la taille du secteur,
26:24 mais en même temps l'accompagner,
26:26 c'est-à-dire notre rôle il a changé avec effectivement la nouvelle industrie,
26:31 c'est-à-dire on est passé de partenaire,
26:34 on est toujours partenaire et on permet le financement,
26:37 mais aujourd'hui on est devenu quasiment des conseillers,
26:39 on leur permet d'établir leur stratégie,
26:42 non seulement de financement, mais de déploiement, de développement,
26:45 et donc on veut continuer dans cette approche
26:48 pour effectivement grandir l'assiette du risque
26:51 et continuer à faire notre job.
26:53 Merci Denis Bensoussan d'avoir pu t'en venir nous éclairer sur ce sujet.
26:57 Merci à vous Maxime Putot de nous avoir rejoint pour cette conversation.
27:01 Merci à tous de nous avoir suivis.
27:03 A bientôt, dès la semaine prochaine sur Bsmart, à la production Lily Zalkin.
27:08 [Musique]

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