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Vendredi 2 juin 2023, SMART SPACE reçoit Pablo Gallego (directeur commercial, PLD Space) , Xavier Averty (chef de programme à la direction des énergies, CEA) et Pierre Henriquet (Médiateur scientifique et conférencier)

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00:00 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Space. Je suis ravie de vous retrouver après près de deux
00:08 semaines d'absence. Alors au programme de votre émission, le col actu, vous ne l'avez pas oublié,
00:14 est pour commencer la tentative de lancement avorté de la start-up espagnole PLD qui
00:19 reporte le premier vol de son lanceur test Miura One. Le directeur commercial de la start-up est
00:26 en ligne avec nous, vous l'entendrez dans quelques instants. On parlera aussi d'Airbus et de son nouveau
00:31 satellite de Thalès qui prend la tête du projet d'alimentation en Energiescoops et de la Chine
00:38 qui a envoyé son premier civil dans l'espace. Et puis dans votre Space Talk, on explorera ensemble
00:44 le sujet du nucléaire au service du secteur spatial. Déjà utilisé à moindre mesure, cette énergie
00:52 pourrait bien révolutionner l'accès à l'espace. En tout cas plusieurs voix s'élèvent en ce sens
00:57 aujourd'hui alors même que l'Europe a besoin impérativement de se doter d'un accès autonome
01:03 à l'espace. On fera le tour du sujet avec nos invités. Voilà pour le programme du jour,
01:09 on démarre tout de suite avec le col actu direction l'Espagne.
01:12 Le premier mini lanceur européen se fait attendre des conditions météo défavorables.
01:23 En contraint, mercredi, la start-up espagnole PLD Space a annulé le vol inaugural de sa petite fusée
01:29 Miura One. Ce lancement était la première étape dans le développement d'un lanceur, un mini lanceur
01:36 spatial. Alors très attendu, ce vol aurait été le tout premier lancement d'un mini lanceur dans
01:41 un contexte européen ultra compétitif, vous le savez. Pour en parler, nous avons en ligne Pablo
01:48 Gallego, directeur commercial de PLD Space. Bonjour Pablo, bienvenue dans l'émission Smart Space.
01:54 C'était la dernière fenêtre de tir du mois de mai et vous n'avez pas pu aller au bout du lancement,
01:59 racontez-nous. Oui bonjour, depuis l'Espagne, on n'a pu pas lancer à cause des conditions
02:09 météo, comme vous bien le disiez. Les conditions météo n'étaient pas bons les mêmes jours. Et on a
02:17 essayé, on a fait tout le nécessaire pour avoir l'opportunité au dernier moment de changement
02:23 de la météo. Mais les conditions au niveau des vitesses, en hauteur, étaient très très fortes.
02:31 Normalement, on peut lancer à 20 km/h et on avait des rafales à 30 m/s.
02:38 Avec ces conditions, on a dû aborter le lancement. Mais on a fait les opérations jusqu'à être
02:46 prêt au lancement. Alors on est content qu'on ait réussi à arriver au bout. Au bout, ça veut dire
02:54 pour nous, on est très prêt au lancement. Mais on n'est pas content, surtout parce qu'on n'a pas
02:59 réussi à lancer. Mais on est prêt, ça c'est la partie positive. Quelle est la prochaine fenêtre
03:04 de tir pour ce lanceur ? La prochaine fenêtre de tir, ça va être annoncé dans les jours qui viennent.
03:12 On espère que ça sera dans une semaine au moins. Mais on ne peut pas l'annoncer. Il faut attendre
03:20 les conditions météo surtout. Et surtout à l'approbation du centre de lancement qui se
03:26 trouve à l'espace, qui s'appelle Inta. C'est l'autorité à la fin. Alors si c'est si difficile
03:34 d'avoir les bonnes conditions météo, c'est aussi dû aux dimensions du lanceur en fait,
03:38 qui est très sensible à ce qui va se passer et qui a un niveau de tolérance assez bas ?
03:43 C'est des conditions un peu extrêmes. Ce n'est pas normal. On appelle ça la danne. C'est un phénomène
03:54 qui est arrivé dans les deux semaines qu'on était en train d'essayer de faire des lancements.
04:01 Mais on croit que ça va changer. On voit que les conditions ont changé déjà depuis aujourd'hui.
04:09 Ce ne sont pas des conditions normales dans la zone. On est à 20 km/h pour un lancement. Ce ne sont
04:18 pas des conditions extrêmes. Normalement c'est l'habitude sur place. C'est très moindre que ça.
04:26 Alors Miura One, pour que le public comprenne bien, ce n'est pas le lanceur final. Finalement
04:31 c'est un démonstrateur. C'est pour ça que c'était aussi si important de le lancer. Pour arriver à
04:36 votre produit final qui sera Miura 5. Racontez-nous. Oui c'est ça. Miura One c'est un démonstrateur.
04:44 C'est un démonstrateur qui utilise presque toutes les technologies et les matériaux qui vont
04:49 être utilisés pour les Miura 5. C'est celle qui va nous donner les marquettes. C'est là où se trouvent
05:02 les clients. Miura 5 c'est un lanceur qui fait une puissance de 150 kg pour une orbite typique.
05:12 Et en ce moment on déroule des tests avec ce petit lanceur qu'on appelle Miura One.
05:23 En parallèle on développe Miura 5 qui est en phase de construction et qui sera prêt en 2025.
05:31 Alors on peut dire un mot avant de conclure. Ce lanceur vous le développez avec l'accompagnement
05:38 de l'espace et de l'agence spatiale espagnole ? Oui on a un très fort support, c'est clair,
05:46 de l'Espagne et en particulier de l'agence spatiale espagnole qui vient d'être créée.
05:51 On a eu 7 supports depuis presque le début, en petite vitesse comme on dit en Espagne. On n'avait
06:00 pas beaucoup de sous. On a dû démontrer beaucoup en privé. C'est vrai que ça nous aide beaucoup
06:06 d'avoir 7 supports et surtout ça se voit qu'il y a un intérêt, il y a un marché et je crois
06:13 que ça va être très complémentaire pour toute l'Europe. Ce sera très symbolique pour vous
06:19 d'être les premiers à lancer un mini lanceur dans la zone de l'Union Européenne ? Oui on est super
06:27 fiers sur toute l'équipe, on est 140 personnes. C'est pour nous les plus importants investisseurs
06:33 pour la boîte et tous les clients qu'on aura et qu'on a et surtout ceux qui ont investi dans
06:40 tous les membres qu'on a. Merci Pablo Gallego, directeur commercial de PLD Space. On suivra donc
06:49 avec attention votre actualité dans les prochains jours pour voir peut-être décoller Miura 5. Alors
06:55 on enchaîne avec une autre actualité, pardon, une première pour la Chine, un civil chinois s'est
07:02 envolé cette semaine parmi les trois nouveaux astronautes envoyés dans l'espace direction la
07:07 station spatiale chinoise, le Palais Céleste, pour un séjour de six mois. Il s'agit de Guy
07:13 Aichao, professeur spécialiste des sciences et de l'ingénierie spatiale. Il sera chargé des
07:19 expériences à bord de la station. Il n'est pas issu des forces armées comme c'était pourtant
07:25 systématiquement le cas jusqu'à aujourd'hui. Alors parmi l'équipage, un seul vétéran,
07:31 le commandant de mission Ding Haiping, donc c'est son quatrième vol spatial avec lui un autre novice,
07:40 si je puis dire, l'ingénieur Zhu Yangzhu qui réalise son tout premier vol dans l'espace.
07:43 Cet équipage, il a d'ores et déjà rejoint l'équipage précédent, celui de la mission
07:49 Shenzhou 15 qui redescendra sur Terre d'ici quelques jours. À l'occasion de ce lancement
07:55 réussi, Pékin en a profité pour réaffirmer lundi vouloir envoyer un chinois sur la Lune d'ici à 2030.
08:04 Airbus annonce le lancement réussi de son satellite de télécommunication Badr 8 depuis
08:12 Cap Canaveral en Floride. Badr 8 est équipé du démonstrateur Téléo d'Airbus qui fournit des
08:19 télécommunications optiques espaceurs à des vitesses de l'ordre du gigabit par seconde.
08:25 C'est très pointu effectivement. Construit par Arabsat, le satellite utilisera son système de
08:30 propulsion électrique pour atteindre l'orbite géostationnaire à 36 000 km de la Terre.
08:36 Il est conçu pour fonctionner en orbite pendant 15 ans et il fournira de la connectivité à travers
08:44 l'Europe, le Moyen-Orient, l'Afrique et l'Asie centrale. Dernière actualité du jour, celle de
08:51 Thales Alenia Space qui annonce diriger depuis l'Espagne le consortium du projet Scopes, un
08:57 projet européen en contrôleur évolutif pour source d'alimentation. Ce projet s'inscrit dans le cadre
09:04 du programme de recherche et innovation Horizons Europe de la Commission européenne dont l'un des
09:11 piliers est l'autonomie européenne dans l'espace. En matière d'alimentation, le secteur spatial là
09:18 encore est dépendant des Etats-Unis où sont produits la plupart des ASIC, c'est-à-dire des
09:23 circuits intégrés à signaux mixtes spécifiques à une application. Alors l'objectif de Scopes,
09:29 c'est de fournir à la communauté spatiale européenne un système de contrôle évolutif
09:34 pour les sources d'alimentation en énergie made in Europe. Voilà pour l'actualité du jour,
09:40 on enchaîne tout de suite avec notre Space Talk sur Bismarck.
09:44 Le nucléaire au service du spatial, de la propulsion à la production d'énergie,
09:54 le nucléaire pourrait jouer un rôle majeur dans le développement de l'exploration spatiale depuis
09:59 le pas de tir jusque sur la Lune ou Mars alors même que l'exploration spatiale humaine revient
10:05 sur le devant de la scène. Oui mais le nucléaire dans le spatial ou ailleurs ça reste un sujet de
10:11 débat, on va en faire le tour avec nos invités. Pour en parler en plateau avec moi, Xavier Avertis,
10:17 chef de programme à la Direction des énergies au CEA. Bonjour. Bonjour. Bienvenue sur le plateau
10:22 de Smart Space. Avec nous, nous avons aussi à distance Pierre-Henriquet, docteur en physique
10:27 nucléaire et médiateur scientifique. Bonjour Pierre, bienvenue sur le plateau. Bonjour. Alors
10:32 depuis quelques mois, on peut lire beaucoup d'articles sur ce sujet, le nucléaire dans
10:37 le secteur spatial comme énergie spatiale. Vous avez tous les deux contribué à cette presse
10:42 écrite, à ces articles qu'on a pu lire. Pourquoi le sujet est revenu sur la table aujourd'hui
10:48 précisément ? Eh bien aujourd'hui c'est principalement les enjeux autour de l'exploration
10:53 de l'espace et de l'espace profond qui dynamisent le sujet et l'importance du nucléaire. Actuellement,
11:02 il y a déjà recours à des énergies avec les panneaux photovoltaïques, avec des batteries,
11:06 des piles à combustible, mais ça, ça permet de répondre à des besoins, on va dire, de court terme
11:10 et de proche précision. Dès lors qu'on va s'éloigner de la Terre, eh bien on va s'éloigner
11:15 aussi du Soleil et derrière, il y a besoin d'avoir une énergie qui soit durable et massive, voilà,
11:23 pour faire face aux obstacles de la vie qui sont, par exemple, sur la Lune, une température qui va
11:29 osciller de -150°C à +150°C, une nuit lunaire qui va être de 14 jours. Eh bien comment est-ce
11:35 qu'on fait pour faire face à ce genre d'ambiance si demain on s'implante sur la Lune avec une
11:40 basse vie, par exemple ? Effectivement, c'est toutes ces contraintes qui remettent peut-être
11:44 le nucléaire dans les petits papiers, si j'ose dire, du secteur spatial parce que le sujet de
11:49 l'énergie, comme le sujet de l'ergol, par exemple, c'est le sujet majeur, le plus gros challenge, Pierre.
11:54 Oui, tout à fait, c'est vrai que ce sujet, c'est un sujet qui est très ancien. Les premiers
12:00 satellites qui étaient équipés de technologies basées sur le plutonium, ça date des années 60,
12:04 mais très récemment, c'est les nouveaux développements liés au programme Artemis,
12:10 du retour des humains sur la Lune, qui vont eux aussi nécessiter de résoudre, justement,
12:15 comme on le disait, des problèmes de fourniture d'énergie, des problèmes que le solaire ne suffira
12:20 pas à combler, et d'où d'intenses recherches actuellement sur, justement, de nouveaux types
12:24 de petits réacteurs nucléaires capables de fonctionner dans le vide spatial et d'alimenter,
12:29 par exemple, de futures bases lunaires. Donc, en fait, concrètement, on commence à
12:33 percevoir quelques cas d'usage, vous l'ai cité, sur la Lune, si on colonise la Lune,
12:37 pour aller jusque Mars, évidemment, ça fait partie des projets d'Artemis, vous l'avez dit,
12:41 Pierre. Est-ce que, déjà, sur Terre, il est question de propulser une fusée avec l'énergie
12:45 nucléaire ? Allez-y, je vous en prie, vous pouvez commencer, vous allez répondre tous les deux,
12:51 de toute façon, sur ce sujet. L'intention, en tout cas, ce n'est pas de partir depuis la Terre
12:54 avec un fonctionnement du réacteur nucléaire. C'est bien une fois qu'on est sorti de l'orbite
13:00 terrestre, à milliers de kilomètres de la Terre, qu'on ferait démarrer ce réacteur nucléaire.
13:05 Pour des raisons de sécurité et de sûreté, c'est comme ça que c'est envisagé. Voilà,
13:11 ce que je peux dire. Pierre, on est raccord là-dessus ? Oui, effectivement. En fait,
13:15 le nucléaire spatial se sépare en deux grandes parties. La première partie,
13:19 c'est fournir de l'énergie. Donc, on a une technologie qu'on utilise maintenant régulièrement
13:24 pour alimenter en énergie les sondes d'exploration spatiale, les rovers qu'on a sur Mars,
13:28 ce qu'on appelle les RTG. Ce sont des tubes métalliques dans lesquels on a placé des
13:32 petits palets de plutonium. Et en fait, c'est la radioactivité de ces petits blocs qui va créer
13:37 de la chaleur qu'on va convertir en électricité. Donc, ça, on s'en sert pour alimenter justement
13:43 nos rovers. Ça, on le fait depuis 50 ans, ce n'est pas nouveau. L'autre application qui n'est
13:47 pour l'instant qu'à l'état de recherche, c'est ce qu'on appelle le moteur nucléaire. Donc là,
13:51 il ne s'agit plus d'alimenter, mais de propulser de nouveaux types de vaisseaux spatiaux. C'est un
13:57 type de moteur fusée qui ne brûle pas les carburants classiques qu'on utilise aujourd'hui
14:01 dans le spatial, mais qui utilise une mini centrale nucléaire dans le vaisseau pour chauffer les gaz,
14:05 les éjecter à très grande vitesse et propulser ces futurs vaisseaux spatiaux. En théorie,
14:10 ce genre de moteur est beaucoup plus efficace que nos propulseurs actuels. Ça pourrait même
14:14 réduire sensiblement le temps de voyage, par exemple, entre la Terre et Mars. Mais ça, par
14:17 contre, c'est uniquement de la recherche et ça ne fonctionnerait que dans l'espace. Ça n'a pas
14:21 la puissance pour faire décoller depuis la Terre. Mais ça veut dire que ces réacteurs nucléaires,
14:26 ces mini moteurs nucléaires, remplissent tous les critères d'un environnement qui est extrêmement
14:31 hostile. L'espace, c'est-à-dire que ça doit être durable, ça doit être sûr, puisqu'on part d'ici
14:36 d'envoyer des astronautes et de voyages spatiaux habités, évidemment. Jusque-là, c'était pour des
14:43 rovers, donc on n'avait pas de cette problématique, ni de radiation aussi. Donc ça soulève beaucoup de
14:47 questions. Et aujourd'hui, le moyen le plus sûr, ce serait le nucléaire. En tout cas, par rapport
14:52 aux applications qui sont envisagées, la réponse, c'est que c'est oui. On sait faire des études de
14:57 sûreté et dimensionner aussi quand même les objets que seront les réacteurs de demain. Pour compléter
15:03 la réponse de Pierre, il y a l'aspect à la fois propulsion, mais également l'aspect production
15:08 d'énergie sur une base vie. Donc, c'est à nouveau quelque chose qui peut, si on implante demain une
15:13 base sur la Lune, eh bien, on aura besoin d'un réacteur à nouveau qui, lui, aura vraiment la
15:18 vocation, non pas de se propulser, mais juste d'alimenter la base vie au côté d'équipage.
15:24 Quels critères principaux ? Parce que, alors, j'ai fait mes petites recherches et puis j'ai trouvé
15:28 sur le site gouvernemental sfen.org que l'efficacité énergétique, possiblement d'une station nucléaire
15:35 dans l'espace, elle serait quand même énormément réduite. Pour plein de raisons, on vous épargne
15:39 peut-être quelques détails. Difficile d'accès, mais elle serait réduite entre 3 et 15 % contre
15:45 30 % sur Terre. Est-ce que ça veut dire que, finalement, le critère qui nous intéresse ici,
15:50 ce n'est pas l'efficacité énergétique ? En fait, cette diminution de l'efficacité énergétique,
15:56 elle est liée à l'ensemble des contraintes qui s'imposent à l'environnement du réacteur. Et du
16:01 coup, il faut accepter des compromis. Donc, on va maximiser la sûreté et la sécurité, à la fois
16:06 dans les aspects lance-pans, mais également dans l'aspect implantation, ce qui va engendrer un
16:12 certain nombre de contraintes. Dans l'espace, vous avez déjà, pour partir, il faut avoir un volume
16:17 disponible, il faut avoir une masse qu'on va chercher à alléger. Tout ça va engendrer des
16:22 contraintes sur le dimensionnement du réacteur. Et ce qui fait qu'à un moment donné, il faut
16:27 concéder que l'aspect performance du réacteur soit moindre. Vous avez également, dans l'espace,
16:33 la difficulté du refroidissement dont a besoin le réacteur, qui va produire de la chaleur. Il
16:39 faut pouvoir refroidir le réacteur. Et bien ça, dans l'espace, dans la mesure où il n'y a pas de
16:45 conduction ni de convection, il va falloir avoir recours à de la radiation pour dissiper la
16:50 chaleur. Et ça, tout ça, va faire qu'à un certain moment, les performances peuvent s'en trouver
16:55 affectées. Donc, on accepte, à un moment donné, de diminuer la partie performance.
17:01 Claire, vous voulez réagir ?
17:02 Oui, c'est vrai qu'actuellement, dans l'espace, quand on veut fournir de l'énergie à un satellite,
17:08 par exemple, ou à d'autres systèmes, on utilise énormément l'énergie solaire. En fait,
17:12 ce n'est pas très différent de sur Terre. Il y a différents moyens de produire de l'énergie.
17:16 Et puis, en fait, il ne s'agit pas forcément d'aller à 100% vers l'un ou à 100% vers l'autre,
17:20 mais d'adapter en fonction des situations. Et effectivement, à l'espace, il y a plein de
17:25 situations où les panneaux solaires ne peuvent pas fonctionner, que ce soit sur la Lune,
17:28 comme l'a dit Xavier tout à l'heure, où la nuit peut durer deux semaines terrestres,
17:32 et il faut bien les faire fonctionner, sur Mars, où les tempêtes de poussière recouvrent les
17:35 panneaux solaires, ou alors lorsqu'on explore le système solaire plus loin et qu'il n'y a plus
17:39 assez de lumière. Dans toutes ces situations, effectivement, même si l'efficacité est moins
17:44 importante que les systèmes qu'on a sur Terre, ces systèmes nucléaires sont pratiquement les
17:49 seuls moyens d'avoir de l'électricité en continu, de manière stable, pendant des temps assez longs,
17:53 de l'ordre de plusieurs dizaines d'années. Est-ce que ce constat, les agences spatiales
17:57 du monde entier le partagent ? Oui, c'est le constat. Aujourd'hui,
18:02 on voit qu'il y a des projets qui ont redémarré, maintenant il y a deux, trois ans,
18:06 typiquement côté américain. Il y a eu un appel à projets lancés par la NASA avec la DARPA,
18:13 ils mettent 500 millions de dollars sur la table, qui stimulent aussi la partie innovation. A nouveau,
18:21 comme l'a dit tout à l'heure Pierre, il y a eu des travaux de fait dans ces domaines-là,
18:24 dans les années 60, mais ça s'est gentiment arrêté. Donc là, et de l'autre côté du globe,
18:30 on voit que la Russie, on voit que la Chine se mobilisent également sur ces sujets-là. Donc,
18:35 en ce moment, l'Europe, qui a aussi travaillé sur ces objets-là dans les années 80-90,
18:41 mais à nouveau à l'étude papier, est en train de chercher à redynamiser à nouveau le sujet.
18:46 Si je comprends bien, l'Europe est encore un peu en retard sur ce sujet-là aussi. Pierre.
18:51 Je ne dirais pas forcément qu'elle est en retard. Il y a aussi une différence entre les travaux qui
18:59 sont faits dans les laboratoires de recherche, dont on ne parle pas forcément énormément,
19:02 et puis la communication qui peut être faite. Et effectivement, il est certain que les agences
19:07 de chaque côté de l'Atlantique n'ont pas la même capacité de communication. Ça, c'est quand même
19:11 quelque chose qu'il faut reconnaître. Des recherches ont été faites il y a quelques
19:17 décennies et effectivement se sont relativement arrêtées. Alors, au niveau de la propulsion
19:22 nucléaire, comme le disait Xavier, les choses repartent, mais au niveau aussi de la production
19:27 d'énergie, rien que de ce côté-ci de l'Atlantique, l'Agence spatiale du Royaume-Uni a par exemple
19:32 confié à Rolls-Royce récemment la tâche de mettre au point un de ses mini réacteurs nucléaires
19:36 lunaires. En France, le président Macron, il y a quelques années, mettait en avant dans son plan
19:40 d'investissement France 2030 la recherche sur justement des réacteurs nucléaires de petite
19:45 taille, innovants, qu'on appelle des SMR. Donc effectivement, avec le retour de l'humanité sur
19:51 la Lune, il y a de nouvelles opportunités et donc de nouvelles recherches qui sont en train de se
19:56 remettre en place, se basant sur le passé mais avec les nouvelles technologies qu'on a pu développer
20:00 depuis. - Ça fait qu'en fait, ce qui est intéressant avec le modèle européen, à la différence peut-être
20:05 des États-Unis, pas forcément de la Chine, c'est qu'on a ces compétences puisqu'on a développé la
20:10 branche nucléaire de façon assez pointue, on fait partie des références en France notamment. Vous le
20:17 savez très bien au CEA, l'enjeu donc c'est de créer cette synergie entre le secteur spatial et le
20:22 nucléaire. - Exactement et en fait ce sont deux filières qui en ce moment ont vraiment relancé et
20:27 redynamisé leur environnement sur l'innovation. Comme le disait Pierre, il y a un appel à projet
20:33 qui est en cours sur les petits réacteurs, les SMR pour l'aspect terrestre mais en même temps ça peut
20:38 stimuler complètement le domaine du spatial et en même temps on sait que l'aspect New Space
20:43 dynamise en ce moment la filière du spatial. Donc il y a un point de convergence en ce moment qui a
20:49 l'air de pouvoir se créer puisque les deux filières sont dans vraiment une dynamique d'innover
20:54 et enfin quelque part le projet en question de retourner sur la Lune puis aller plus loin dans
21:00 l'espace est quand même particulièrement stimulant, attractif pour les nouvelles compétences et les
21:06 jeunes aujourd'hui et donc on sent un champ de potentiel pour vraiment accélérer sur ces sujets là.
21:11 - Comment le CEA s'empare du sujet ? - Aujourd'hui on est impliqué sur les deux natures de projet qui
21:18 sont les générateurs à radioésotope dont tu as parlé tout à l'heure Pierre. Donc on est en train de
21:23 regarder comment produire ce type de générateur avec un industriel qui s'appelle Orano pour une
21:30 application dans un premier temps qui est terrestre. On appuie pour CIGEO pour alimenter des
21:36 appareils qui pourront fonctionner pendant 100 ans dans du stockage profond. Donc à nouveau des
21:41 contraintes qui sont particulièrement grandes mais l'intérêt de ces générateurs c'est vraiment
21:45 la durée comme on l'a dit tout à l'heure et dans l'espace et on est impliqué également sur un
21:49 projet européen Horizon Europe avec les Belges pour concevoir ce type de générateur à base
21:57 d'un radioélément qui a été cité également par Pierre qui est le plutonium. - Horizon Europe qui
22:01 est un projet relancé par la commission européenne. - Exactement et à côté de ça on est impliqué sur
22:06 des projets de réacteurs à la fois sur l'aspect propulsion et également l'aspect
22:13 production sur une base vie. - Donc vous êtes convaincus tous les deux que ce type d'énergie
22:19 pourrait participer à donner précisément à l'Europe sa souveraineté en matière de
22:26 valérité et d'exploration humaine plutôt ? - C'est quelque chose en tout cas qu'on ne peut
22:34 pas mettre sous le tapis. Si on veut avoir une vraie autonomie dans le domaine spatial mais
22:42 aussi dans le domaine industriel, toutes ces technologies de production et d'utilisation
22:48 des énergies doivent être des technologies qui doivent être étudiées et éventuellement
22:54 utilisées dans la mesure où on a l'assurance qu'on peut les maîtriser de manière sûre. Donc ça c'est
23:00 le travail des laboratoires de recherche, le travail des industriels, ça prend du temps
23:05 effectivement mais à mon sens il s'agit plus de trouver justement un équilibre entre toutes les
23:12 sources d'énergie disponibles plutôt que de partir à 100% sur l'une et pas du tout dans l'autre.
23:18 C'est quelque chose qui en tout cas serait très loin d'être optimal. - Vous êtes d'accord avec
23:21 ce constat ? - Oui tout à fait, l'idée vraiment d'un mix énergétique, on en parle sur la Terre,
23:27 c'est exactement la même chose dans l'espace. - Mais est-ce que ça ne réduit pas l'efficacité ?
23:31 Est-ce que ça n'augmente pas le coût ? - Alors à nouveau il y aura ces questions de coût et
23:36 puis efficacité, on l'a dit à certains moments il faut accepter que la performance soit un peu
23:40 moins au rendez-vous. Par contre si c'est la seule solution pour aller là où on veut, il faut accepter
23:46 à la fois à un certain moment de payer certains prix pour ces développements-là et en même temps
23:51 de réduire un peu la performance. Mais je partage complètement l'avis de Pierre sur l'aspect
23:57 dynamisme et puis présence des équipes à l'échelle européenne. On a des labos de recherche
24:02 européens qui travaillent beaucoup sur le nucléaire, terrestres mais qui sont prêts à
24:09 démarrer plein pot sur tout ce qui est du domaine du spatial également. On a le
24:15 même écosystème dans le domaine du spatial donc il faut que ces deux communautés se rapprochent
24:20 et participent à des projets ambitieux ensemble. - Le challenge sera la miniaturisation ?
24:26 - Miniaturisation et puis à nouveau un gain de poids. Ça fait partie des gros enjeux
24:34 effectivement puisqu'il faut faire partir ces objets-là depuis la Terre. - Est-ce qu'il faut
24:40 qu'on fasse ça à l'échelle européenne ou à l'échelle nationale, Pierre ? - Ça c'est une des
24:47 questions de stratégie donc effectivement c'est difficile de pouvoir là aujourd'hui dire l'un ou
24:53 l'autre. De plus en plus, que ce soit dans le domaine de la recherche ou dans le domaine
24:57 industriel, les travaux se font justement de manière internationale en collaboration. Les
25:03 travaux sont de plus en plus importants, de plus en plus chers aussi, de plus en plus coûteux donc
25:08 ça nécessite aussi de plus en plus de complexe, ça nécessite énormément d'équipes, énormément
25:13 de savoir-faire. Donc sur des projets qui sont de grande ampleur, il est de plus en plus dans
25:20 la norme d'avoir des travaux de collaboration entre différents laboratoires mais aussi différents
25:25 pays voire différents continents, différentes agences. Donc c'est compliqué de faire tout ça
25:30 tout seul de son côté. - Évidemment. Dernière question, voilà, le sujet même de la relance
25:38 de l'exploration spatiale a du mal à convaincre l'opinion publique aujourd'hui. On se pose la
25:42 question du coût, on se pose la question des conséquences écologiques, des questions légitimes
25:47 évidemment sur le secteur spatial. Est-ce qu'un choix comme l'énergie nucléaire ne risque pas
25:54 d'être, de coûter à l'image en fait de cette exploration ? Est-ce qu'il faut encore redorer
25:59 l'image du nucléaire avant que cette synergie soit opérante ? - En tout cas, il faut accompagner
26:06 cette orientation-là et vraiment communiquer pour qu'il y ait vraiment une acceptation aussi
26:14 de chacun. Il y a eu des envois de ce type d'objet par d'autres pays dans l'espace, il y a eu des
26:20 accidents, on en a tiré des enseignements. Maintenant on va concevoir différemment certains,
26:26 par exemple les générateurs à radioésotope sont conçus différemment depuis des accidents des années
26:31 60 côté américain. Tout ça, il faut communiquer, expliquer et à nouveau, à certains moments, ça
26:38 fait partie des compromis qu'il faut peut-être accepter pour avancer. - Pierre, un mot là-dessus ?
26:44 - Il est évident que l'aspect de communication est un aspect qui est très très important. Alors,
26:49 communication à la fois du milieu scientifique, industriel, institutionnel, mais aussi au niveau
26:56 des médias et vous en faites le relais aujourd'hui, au niveau politique aussi. Et c'est ça qu'on peut
27:02 aussi avoir parfois comme problème, c'est que l'agenda scientifique et l'agenda politique
27:07 n'est pas forcément toujours exactement le même et on a parfois des communications qui sont
27:15 un peu extrêmes à la fois d'un côté et de l'autre. Il s'agirait de remettre un petit peu de
27:20 rationalité, d'homogénéité parmi tout ça, histoire de comprendre à la fois quels sont les points forts
27:27 et les choses à développer, à continuer, à améliorer dans ce système comme dans tout système
27:32 industriel, mais avoir une vision globale des choses, ce n'est pas facile et c'est à ça qu'on
27:38 s'attèle justement quand on vient parler de tout ça avec vous aujourd'hui. - Merci beaucoup Pierre
27:43 Henriquet, merci Xavier Averti. Pierre, je rappelle que vous êtes docteur en physique nucléaire et
27:47 médiateur scientifique et vous, Xavier Averti, chef de programme à la Direction des énergies au CEA.
27:53 Merci à tous de nous avoir suivis. On se retrouve dès la semaine prochaine sur Bismarck.
27:58 [Musique]