• il y a 10 mois
Durant ces quinze jours de conflit social qui ont agité le monde des agriculteurs, Juliette a eu le temps de relire "La terre" d’Emile Zola. Paru en 1887, ce quinzième volume des Rougon-Maquart traîne une réputation sulfureuse.

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Amusant
Transcription
00:00 - Juliette Arnault, c'est le moment, à 18h26, la parla des classiques.
00:04 Les tracteurs sont rentrés dans les fermes, mais durant ces 15 jours de mouvement social,
00:10 vous avez eu le temps de relire les 600 pages de "La Terre" d'Émile Zola,
00:16 15ème volume des Rougon-Macquart qui traîne une réputation sulfureuse.
00:20 - Oui, alors comment qu'elle est, cette condition paysanne sous le Second Empire ?
00:25 Le plus simple, c'est de citer "La Terre".
00:28 On a beau faire des révolutions, c'est blanc bonnet et bonnet blanc,
00:30 le paysan reste le paysan, mais encore, si le paysan vend bien son blé, l'ouvrier meurt de faim,
00:38 si l'ouvrier mange, c'est le paysan qui crève.
00:41 Bon, donc rien n'a changé.
00:43 Donc après le monde politique, après les petits commerçants, les ouvriers, les curés,
00:46 les bourgeois de province et de Paris, Zola, c'est donc en Paris du monde paysan.
00:49 Et comme c'est Zola, il ne va pas faire dans le pastoral, le bucolique, le tendre et les jolis sentiments.
00:54 Ici, tous les personnages du roman sont habités par la passion de la terre,
00:59 la grande travailleuse, éternellement à la besogne.
01:02 La terre impitoyable aussi, je le cite, il parle d'un vieux paysan et il dit de lui, Zola,
01:08 "il avait aimé la terre en femmes qui tuent et pour qui on assassine".
01:13 Les paysans dans la terre sont souvent pauvres, ils travaillent comme des chiens,
01:16 comment est-ce que ça ne les rendrait pas impitoyables ?
01:19 Après tout, le malheur n'embellit que les écrevisses.
01:22 C'est un proverbe russe, en malheur, ici connaissent les russes.
01:27 Dès l'apparition du livre, il y a eu une tribune dans le Figaro,
01:31 quand je vous dis que rien ne change.
01:33 Une tribune pour beugler en disant, Zola, le maître est descendu au fond de l'immondice.
01:40 Ce qui est vrai. Pourquoi ?
01:42 Parce que dans ce livre, c'est vrai que c'est la paix du gain, la violence qui en découle,
01:45 l'avidité, la ladrerie, l'inceste, le viol, beaucoup, le meurtre, un certain nombre.
01:51 Bref, à côté, Germina le lasso moire, c'est "oui, oui, s'achète un parasol".
01:56 Je devrais détester, mais voilà, l'outrance jusqu'à la bouffonnerie d'Émile Zola me fait rire,
02:01 et je la traque jusque dans le choix de ses noms propres.
02:04 Ainsi, le village en question s'appelle Rogne.
02:06 Dans la fratrie qui est au centre du roman, le fils Cadet est surnommé Buto, tellement il est buté.
02:12 Vous verrez, il est buté jusqu'à l'abominable.
02:14 Le fils aîné, qui est braconnier et très clairement ivrogne de profession, est surnommé Jésus-Christ.
02:21 Et lui-même, Jésus-Christ, n'appelle sa fille unique que "la trouille".
02:26 Et ce n'est pas parce que sa fille a peur de son fouet qu'il la surnomme de la sorte.
02:29 J'ai cherché dans le dictionnaire historique de la langue française pour comprendre pourquoi il l'appelait la trouille.
02:34 Figurez-vous qu'en vieux français, "trouille" vient du mot "colique".
02:38 "Trouiller" en dialecte veut dire "lâcher un pet avec des excréments".
02:43 Or, Jésus-Christ, et ça, Zola est très précis là-dessus, dit qu'il est très venteux.
02:48 Et Zola, qui est finement bien espiègle, donne à Jésus-Christ un trait unique dans le livre.
02:54 Il est le seul de tous les personnages à se foutre de la passion de la terre.
02:59 À la fin d'un chapitre où les vents de Jésus-Christ tiennent beaucoup de place,
03:04 et qui m'ont préféré, il y a un instant de philosophie narquoise à base de "tout ça ne vaut pas un pet".
03:10 Et Zola conclut le chapitre de la sorte.
03:13 Il écrit "Le vent la cuisse, au-dessus de la vallée noyée d'ombre,
03:18 Jésus-Christ en fit un dédaigneux et puissant, comme pour en écraser la terre".
03:24 Voilà, on a les révoltes qu'on peut ! Merci !
03:28 Et à présent, ce roman de Zola va faire l'objet d'une adaptation
03:38 dans le petit théâtre radiophonique du Grand Dimanche Soir.
03:41 Le personnage de Jésus-Christ est toujours là, en 2024,
03:45 toujours ivrogne, pardon, et incarné par...
03:50 Emmerick Lompreux.
03:52 Sa fille, la trouille, tient un café dans lequel on trouve deux clients,
03:55 Doulie et Guillaume, tandis que dehors gronde la colère des agriculteurs.
04:01 Non, alors là papa, je te préviens, t'es prévenu, hein ?
04:10 Tu embêtes le monde, tu sors, tu pètes, tu sors, t'es bourré, tu sors !
04:14 Ouais, t'as bien raison la trouille !
04:16 Bon, bah sauf elle !
04:17 Ouais, t'as bien raison la trouille !
04:19 Mais non, mais enfin, je viens juste prendre des petites nouvelles de ma petite fille,
04:21 fille, comment qu'elle va celle-ci ?
04:23 Oh, tu sais franchement...
04:24 Ouais, ouais, mets-moi une bière quand même !
04:25 Hé, Edith, t'as vu tous les tracteurs qui sont garés dedans, là, toi ?
04:30 Il se passe quoi, c'est le salon du Plook 2024 ?
04:33 Non, non, ce sont les agriculteurs qui manifestent !
04:36 Oh, les agriculteurs, cassent la tête, toujours gne gne gne,
04:39 le rock mouvol, gne gne gne, le givre à bouger mes carottes, gne gne gne,
04:44 je peux pas me marier avec ma chèvre !
04:45 Oh, hé, oh, on vous entend, hein ?
04:48 Qu'est-ce qu'ils ont, les Peknos, là ?
04:51 Oh, sache que nous, les agriculteurs, sans nous, tu serais...
04:55 Sans nous, tu serais...
04:58 Tu serais pas aussi gros !
04:59 Ah, voilà !
05:00 Hé, hé, hé, qu'est-ce qu'il veut, là ?
05:02 Je suis pas gros, les cutéreux, là !
05:04 Bon, allez, ça suffit, calme-toi, papa, regarde-moi dans les yeux, détends-toi !
05:08 Qu'est-ce que t'essaies de me faire, là ?
05:10 De l'hypnose ?
05:11 Hein ?
05:12 Ça va, Gérard Miller ?
05:13 Oui, nous, au grand dimanche soir, on est fondus d'actu !
05:17 Non, mais attends, tu te rends pas compte que le travail des agriculteurs, il est harassant !
05:21 Harassant ?
05:22 Ouais !
05:23 Ouais !
05:24 Ouais !
05:25 Ça veut dire quoi ?
05:26 Ça veut dire fatiguant, comme toi !
05:29 Fatiguant ?
05:30 Ouais, t'es sûre ?
05:31 Ouais, on travaille comme des chiens !
05:32 Attends, attends, laisse-moi dire ma réplique !
05:34 Merde !
05:35 J'avais envie de te faire la dessus !
05:38 Ah ouais ?
05:39 Allô, pétale, belle peau !
05:40 Non, alors ?
05:41 Alors, harassant, vous êtes sûr qu'harassant…
05:45 Attends, Doulipe, vous êtes sûr ?
05:47 Tu parles pas comme ça à ma femme !
05:49 Pardon !
05:50 Vous êtes sûr que c'est pas la sauce rouge, là, que j'aime bien, qu'elle me fait péter piquant ?
05:54 Non, ça, c'est la harissa, t'as bien fait d'insister !
05:57 Ouais !
05:58 Ouais !
05:59 Ouais !
06:00 Ouais !
06:01 Ouais, voilà, on travaille comme des chiens, de 5h du matin jusqu'au coucher, le soir, à 22h !
06:08 Ça nous amuse !
06:09 Putain, apparemment, vous avez pas pris le temps de vous brosser les dents, merde !
06:12 Voilà, voilà, vous répondez par quoi ? Du mépris, comme toujours !
06:15 Non, non, non, je ne vous ne méprise pas, les fêtouilles !
06:18 Oh, oh, oh, ça suffit, ça suffit, calmez-vous, ça suffit, on n'est pas là pour dire n'importe quoi, on n'est pas sur ces news !
06:24 Oui, au grand dimanche soir, on est fondu d'actu !
06:27 Oui, et puis tu sais, sans nous, tu pourrais pas la boire, ta bière française, voilà !
06:31 Tu serais obligé de boire quoi ? Une bière allemande ? Ou anglaise ? Ou pire encore, belge !
06:35 Non ! Nom de Dieu, mais elle a raison !
06:38 Allez, viens la trouille, ferme ton rad, on monte à la capitale !
06:41 Ouais ! Ouais !
06:45 Merci à la petite croix de cette dramatique de Radio France, et merci Juliet Tarnot !

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