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"Le modèle économique du ski français s'essouffle", selon la Cour des comptes qui demande aux stations de s'adapter. Dominique Thillaud, le directeur général de la Compagnie des Alpes, répond à ces conclusions, mardi 6 février, sur franceinfo.

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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir à toutes et à tous. Alors que les vacances d'hiver commencent ce week-end pour la zone C, celle de Paris notamment,
00:11 certaines stations de ski font grise mine, il n'y a pas suffisamment de neige et c'est désormais récurrent.
00:17 Faut-il changer de modèle ? On va en parler ce soir avec l'invité éco de France Info.
00:22 Bonsoir Dominique Thilliau.
00:23 Bonsoir.
00:24 Vous êtes à la tête de la Compagnie des Alpes, leader européen des loisirs avec 12 parcs de loisirs dont le parc Astérix et le Futuroscope,
00:33 mais aussi 10 domaines skiables dont Val d'Isère, les Arcs, Tignes, La Plagne ou encore Cerchevalier.
00:39 C'est le sujet qui va nous occuper ce soir.
00:41 La Cour des comptes publie aujourd'hui un rapport intitulé "Les stations de montagne face au changement climatique".
00:48 Elle dit notamment à la Cour que les stations ne s'y préparent pas suffisamment, avec notamment un recours excessif au canon à neige,
00:56 une technologie coûteuse en énergie qui perturbe le cycle de l'eau.
00:59 Que répondez-vous à ces critiques ?
01:01 Je crois que d'abord il n'y a pas de déni du réchauffement climatique.
01:05 Le réchauffement climatique n'est pas une opinion, n'est pas une idéologie, n'est pas un commentaire, c'est un fait scientifique.
01:12 Donc il faut le traiter de manière scientifique.
01:14 Nous c'est ce que nous faisons, alors moi je ne parle pas au nom des stations, parce que moi je suis un opérateur de remontée mécanique.
01:20 C'est le maire, et c'est toujours le maire qui a la légitimité démocratique, qui est le vrai patron.
01:25 C'est important de le rappeler.
01:27 Oui c'est important de le rappeler.
01:28 Nous nous travaillons en étroite collaboration avec d'autres socios professionnels pour tester des choses.
01:33 Des entités dans les Alpes, d'ailleurs c'est dit dans le rapport que vous citez, des entités publiques, des entités privées dans les Alpes, nous tâtonnons.
01:40 Nous testons des choses.
01:42 Et vous êtes d'accord pour dire qu'il faut revoir le modèle économique qui est quand même fondé sur un enneigement qui aujourd'hui est moindre ?
01:50 Oui mais chaque situation sera spécifique avec son rythme.
01:54 Nous, nous exploitons des domaines plutôt de haute altitude, et donc on est un peu moins rapidement concernés.
02:00 Ce qui ne nous empêche pas d'avoir un impact très fort aujourd'hui sur nos émissions carbone, en scope 1 et 2, pardon d'être un peu technique, et à la fois de tester des choses.
02:09 Alors on déteste des choses, parfois ça ne fonctionne pas.
02:13 Alors en termes comptables ça se dit échoué.
02:16 Mais en termes socio-économiques...
02:18 Non mais c'est quand même un modèle économique qui est fondé sur l'enneigement, l'utilisation de canons à neige.
02:22 Ah l'utilisation de canons à neige, mais oui, mais simplement la neige de culture ne va jamais remplacer la neige naturelle.
02:29 La neige de culture se fabrique entre -3 et -15 degrés.
02:32 Donc tout le monde comprend aisément qu'avec le réchauffement climatique, il y aura de moins en moins de froid, et donc de moins en moins de neige de culture.
02:39 Et alors du coup, de moins en moins de domaines skiables ?
02:41 Certains sites, suivant leur altitude, leur exposition, leur localisation, sont plus ou moins exposés à ce risque, avec un rythme plus ou moins rapide.
02:52 Et donc vous, vous êtes en altitude, vous êtes moins concernés ?
02:55 Non, nous nous sommes concernés.
02:57 Nous nous sommes concernés, on parle du bas, mais on parle aussi du haut, des glaciers.
03:01 Il suffit d'aller à la mer de glace à Chamonix, de voir qu'il y a 30 ans on montait 10 étages, et qu'aujourd'hui on en manque 37.
03:09 On voit bien, c'est pour ça qu'il n'y a pas aucun déni dans la montagne.
03:12 Et comment est-ce que vous prenez en compte ce réchauffement climatique, à votre niveau Dominique Thillot ?
03:16 Eh bien nous, on agit sur nos émissions.
03:19 Alors je vais vous donner un exemple très concret, sur lequel j'ai la preuve.
03:23 C'est qu'on n'utilise plus d'énergie fossile pour nos dameuses.
03:26 On a réduit de 72% nos émissions de CO2 en utilisant ce qu'on appelle du HVO,
03:32 c'est des huiles de friture usagées, sans huile de palme, que nous récupérons, vous l'avez dit en introduction,
03:38 notamment de nos parcs d'attraction, qui sont utilisables dans les chaudières, dans les moteurs de dameuses, dans les moteurs de bus,
03:45 sans aucun réglage sur le moteur.
03:47 Et donc ça coûte un petit peu plus cher, parce que ce produit-là, qui est sans énergie fossile,
03:52 qui est un deuxième usage d'un premier produit, est plus taxé que les énergies fossiles. Allez comprendre.
04:00 La Cour des comptes dit justement qu'il faudrait peut-être envisager de faire payer davantage les skiers
04:06 pour prendre en compte les investissements que nécessite ce réchauffement climatique.
04:11 Est-ce que vous êtes d'accord ? Est-ce qu'il faut augmenter aujourd'hui le tarif des remontées mécaniques ?
04:15 Pour faire payer aux consommateurs le prix des investissements nécessaires ?
04:19 Aujourd'hui, l'évolution des coûts, quand l'électricité a connu cette évolution incroyable sur les dernières années,
04:27 indirectement l'évolution des coûts se retrouve dans le prix du forfait.
04:32 Nous, ce qu'on a décidé, c'est qu'on voulait être net, zéro carbone, sans crédit carbone, sans compensation.
04:38 A 2030, nous dégageons des investissements dans ce seul but.
04:43 Voilà ce qu'on peut faire, indirectement, aujourd'hui, ce coût-là de transition.
04:49 Et je ne donne de leçons à personne.
04:51 Oui, mais c'est en raison des coûts de l'énergie. Ce n'est pas pour faire payer aux skieurs le prix du réchauffement climatique.
05:00 Ce n'est pas la même logique.
05:02 Non, c'est une logique constructive, incitative, et certainement pas dans une logique punitive.
05:08 Et qu'en est-il de la diversification des activités, qui est une autre préconisation ? Il faut utiliser la montagne autrement, toute l'année.
05:16 Mais ils ont bien raison, et tout le monde a bien raison.
05:19 Mais ça ne se fait pas n'importe comment.
05:21 Nous tâtonnons, nous testons des choses.
05:23 Et encore une fois, je le disais à l'instant, parfois ça marche, parfois on apprend.
05:29 Alors qu'est-ce qui marche et qu'est-ce qui ne marche pas ?
05:31 Aujourd'hui, le coût d'après, si vous me permettez cette expression, qui va permettre de faire vivre, d'avoir un bénéfice socio-économique,
05:38 et ça commence vraiment par social en premier, c'est-à-dire avec le maintien et la fixation de populations à ces endroits-là,
05:45 qui peuvent avoir une qualité de vie, aujourd'hui, le coût d'après complet, on ne l'a pas.
05:50 Donc c'est pour ça que collectivement, avec les maires, avec les socioprofessionnels, on teste des choses.
05:57 Il y a eu la mode des tyroliennes, après il y a la mode des luxurailles, mais tout ça n'a pas les mêmes retombées économiques.
06:05 La Cour des comptes, alors pardon de revenir toujours à ce rapport,
06:09 dit qu'il ne faut pas un modèle économique qui soit toujours basé sur une forte fréquentation et des investissements importants.
06:18 Écoutez, des investissements importants, s'il faut créer un nouveau modèle, il faudra bien investir.
06:25 Moi, je ne connais pas de modèle économique créateur de richesse sociale en premier lieu et économique en second lieu,
06:31 dans un de leur aspect de l'environnement qui ne nécessite pas d'investissement.
06:35 Toutes les bonnes idées sont bonnes à prendre, je serais ravi d'écouter leurs idées.
06:40 Nous cherchons tous, collectivement, parce que nous sommes tous engagés,
06:44 alors certains peuvent dire "ça ne va pas assez vite, ça ne va pas assez fort", l'enjeu c'est d'y arriver.
06:50 Et personne ne confond météo et climat.
06:53 Parce que cette année, nous avons une année avec beaucoup de neige,
06:56 ça ne signifie pas que la tendance n'est pas au réchauffement climatique.
07:00 Donc vous en avez conscience ?
07:02 Bien sûr, mais tout le monde en a.
07:04 Vous diversifiez vos activités, mais ça ne veut pas dire non plus renoncer à ces activités.
07:08 On essaie de diversifier nos activités.
07:10 On renonce aussi à certaines choses, faire de la neige de culture en trop basse altitude quand il n'y a plus de froid,
07:16 notamment il y a des systèmes de neige de culture à température positive,
07:21 on n'en a jamais fait et on n'en fera jamais.
07:24 On renonce aussi à apporter notre assistance technique pour la création de stations de snow-dome
07:29 dans des pays où il n'y a pas de neige naturelle.
07:32 Voilà, c'est ça, des renoncements concrets qui montrent qu'on change,
07:37 bien sûr, même pour nous, pas assez vite, pas assez fort,
07:40 mais il faut qu'on ait les résultats et la preuve de ce qu'on fait.
07:43 Et donc on s'en remet à la science,
07:45 beaucoup de respect pour la Cour des Comptes,
07:48 comme pour les élus, comme pour tous les socioprofessionnels,
07:51 mais il faut des preuves, des résultats.
07:53 Il faut être capable de prendre des risques, en un mot, il faut être capable d'entreprendre.
07:56 Merci beaucoup Dominique Thillaud, directeur général de la Compagnie des Alpes,
07:59 invitée de France Info ce soir.
08:01 Merci beaucoup.

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