"Aujourd'hui, il y a une vraie appétence pour les magasins physiques", insiste, mercredi 12 février sur franceinfo, Bernard Cherqui, le président de l’Alliance du Commerce.
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00:00Bonsoir à toutes et à tous, et bonsoir à vous Bernard Cherki.
00:06Bonsoir Isabelle Raymond.
00:08Invité Echo de France Info ce soir, vous êtes à la tête de Mondial Tissus et président
00:13de l'Alliance du Commerce, organisation qui rassemble 16 000 magasins de vêtements et
00:18de chaussures en France, 150 enseignes au total, très connu des auditeurs et des auditrices
00:24de France Info.
00:25Je ne vais pas toutes les citer, mais ça va, des galeries Lafayette à Etam, en passant
00:28par Benetton, Jacaddy, Petit Bateau, Uniqlo et Zara, des grandes enseignes françaises
00:34et étrangères donc, qui ont des magasins physiques en France.
00:38Le mois dernier, les galeries Lafayette annonçaient justement la fermeture de son magasin de Marseille,
00:44deuxième plus grande ville de France.
00:45Quand l'italien Benetton annonce la fermeture de plusieurs centaines de magasins à travers
00:50le monde, on ne sait pas encore dans quelle mesure la France va être concernée.
00:54Mais tout de même, Bernard Cherki, est-ce que ce n'est pas la preuve, s'il en fallait
00:57une, que le magasin physique est encore et toujours menacé ?
01:01C'est une très bonne question parce que nous avons connu, nous, au commerce de mode,
01:07des difficultés.
01:08La pandémie, les gilets jaunes, la crise d'Ukraine, donc on avait connu quelques difficultés
01:13qui même, certains disaient que le magasin physique était remis en cause.
01:17Or, on s'aperçoit depuis un an ou deux, depuis la fin du Covid, que les gens ont du
01:21plaisir à retourner en magasin.
01:23Et nous, on considère que le commerce de mode, et on considère avec des chiffres,
01:26que le commerce de mode relève la tête.
01:28Ainsi, en 2024, on a réussi à faire des chiffres d'affaires équivalents aux années
01:32précédentes, ce qui est dans un contexte, on peut le constater, assez contraint et assez
01:37difficile de pouvoir d'achat.
01:38Donc, c'est-à-dire que les Français continuent à aller dans les magasins et que vous vendez
01:42en gros le même volume de vêtements et de chaussures ?
01:44C'est plus qu'ils continuent, ils adorent revenir dans les magasins.
01:46Ils ont arrêté pendant le Covid et ils sont revenus ?
01:48Voilà, et ils sont revenus et ils aiment ça.
01:49Ils aiment ça parce que… Et malgré l'inflation aussi, qu'il y a eu ces dernières années.
01:52Et malgré l'inflation, effectivement.
01:53Donc, ils ont beaucoup de plaisir à avoir cet échange, à avoir ce lien qui fait partie
01:57aussi de ce que recherchent les gens.
01:59Le commerce du mode, ça fait du bien.
02:01Donc, ça veut dire que vous n'avez pas un chiffre d'affaires qui s'est effondré.
02:03Mais tout de même, on voit donc des magasins, et pas les plus petits, pas les moins connus
02:07qui ferment dans des grandes villes.
02:09On voit d'ailleurs… On n'a qu'à traverser Paris pour voir des magasins qui ferment.
02:14Donc, c'est quand même une réalité ça, Bernard Charquin, vous ne pouvez pas le nier.
02:17Alors, effectivement, quand on dirige un groupe, on doit faire à certains moments des ajustements
02:21justement pour pouvoir avancer.
02:23Donc, il peut y avoir des fermetures, mais il y a des ouvertures.
02:26Je vais vous donner un exemple qui est intéressant, c'est la chaîne Camailleux, peut-être que
02:29nos auditeurs connaissent.
02:30C'est une ancienne qui a fermé ses magasins il y a à peu près deux ans, je crois.
02:34Et bien, cette enseigne, le nom a été racheté par une autre enseigne qui s'appelle Célio
02:38en l'occurrence.
02:39Et des magasins Camailleux sont en train d'être réouverts.
02:41Donc, en fait, ce qu'on dit, c'est que… Je peux vous citer également le cas de Lahal
02:45qui a connu exactement la même chose.
02:47C'est qu'aujourd'hui, il y a une réappétence vers les magasins physiques.
02:51Et il ne s'agit pas de dire que tout va très bien.
02:53On a nos contraintes, on a nos enjeux qui sont importants, qui arrivent dans les prochaines
02:56années.
02:57Mais le commerce de mode relève la tête.
03:00Parce qu'effectivement, il y a un certain nombre d'enseignes qui ont disparu.
03:04Et ce que vous dites, c'est que finalement, quand on a regardé quelques années plus
03:07tard, elles ont réapparu.
03:11Effectivement, il y a eu la vente d'André, de NafNaf, de San Marina, de Carole.
03:15Tout ça, c'était le groupe Vivarté.
03:16Vous avez cité également Camagneux.
03:18Donc en gros, ce que vous dites, c'est que le secteur, il est en résilience.
03:22Il est en résilience parce qu'on a su s'adapter.
03:24On a fait du digital pour le coup.
03:26On a beaucoup travaillé la relation avec nos clients.
03:29On a adapté nos offres.
03:30On s'est réinventé, on s'est remis en cause.
03:33Et aujourd'hui, on considère que ce commerce a vraiment de beaux jours devant lui parce
03:37que les gens aiment encore une fois ce contact, aiment l'expérience.
03:41On a du plaisir aussi à acheter des vêtements.
03:44Ce n'est pas juste un usage.
03:45C'est aussi un plaisir.
03:46L'estime de soi.
03:47On s'aperçoit quand on pose la question à des gens.
03:48On a plus de 60% des Français qui nous disent qu'ils vont en magasin de mode parce que
03:53ça leur fait plaisir.
03:54Sauf que Bernard Cherki, le secteur a quand même perdu énormément d'emplois ces dernières
04:00années.
04:01Ce sont vos chiffres.
04:02Trente à quarante mille emplois ont été perdus en cinq ans.
04:04C'est énorme.
04:05Il en reste cent cinquante mille.
04:06Donc ça reste conséquent.
04:08Mais comme je vous le disais, on a connu une crise.
04:11Mais elle est terminée.
04:12Pour l'instant, elle est terminée.
04:15Aujourd'hui, on s'aperçoit qu'on stabilise.
04:17Par exemple, vous posez la question de l'emploi.
04:18Entre 2024 et 2023, il n'y a pas eu de baisse significative d'emplois.
04:23Donc aujourd'hui, ça se stabilise.
04:25Et donc, il reste un marché en France avec des Français qui aiment aller dans les magasins.
04:29Le danger, il vient d'où ? Il vient des grandes plateformes chinoises ? Témou ? Chine ?
04:35C'est très important d'en parler.
04:37Il me faut quinze secondes pour vous expliquer le problème.
04:39L'arrivée de ces plateformes, ce n'est pas juste l'arrivée d'un nouveau concurrent qui
04:43va nous faire fermer un magasin ici ou là.
04:46L'arrivée de ces plateformes, c'est vraiment un risque systémique sur la fin du commerce
04:50classique en France, du commerce physique en France.
04:53Alors pourquoi ? Quel est le problème ?
04:55Le problème, c'est qu'aujourd'hui, ces plateformes bénéficient d'avantages énormes par rapport à nous.
05:00Concurrentielles.
05:01Concurrentielles.
05:02C'est des distorsions de concurrence qui sont absolument énormes.
05:05Et aujourd'hui, on ne peut pas se battre contre eux.
05:07Justement, une seule mesure concrète, s'il en fallait une, Bernard Cherki, puisque le temps passe vite.
05:11Un exemple.
05:12Les droits de douane.
05:13On sait que les colis qui font moins de 150 euros n'ont pas de droits de douane à payer.
05:18Or, ces colis en question, je rappelle qu'il y en a eu 4 milliards qui ont été quand même
05:23envoyés en Europe l'année dernière, ces colis sont exonérés de droits de douane.
05:27Donc, c'est une distorsion qui est énorme.
05:28J'ai juste une petite anecdote à vous dire.
05:30Non, mais du coup, en fait, ce qu'il faudrait, c'est qu'il y ait des droits de douane sur
05:32les produits chinois et notamment sur ces produits Chine et Témou qui viennent sur le marché français.
05:38J'ai une dernière question, quand même.
05:40Si on veut maintenir le commerce physique en France, c'est pour vendre des produits
05:44qui ne sont pas fabriqués en France.
05:46On est allé tout à l'heure visiter la nouvelle usine du slip français qui disait que c'était
05:51extrêmement difficile et qu'aujourd'hui, sur 3 milliards de produits qui étaient vendus
05:55chaque année en France, il y en avait seulement 3% qui étaient fabriqués en France.
05:58Donc, c'est un renoncement, Bernard Cherki, il est réel et il est nécessaire et ce sera
06:03ma dernière question.
06:04Alors, effectivement, on part de très loin puisqu'on part d'une économie totalement
06:09libérale de ce point de vue-là et aujourd'hui, on voit qu'il y a quand même un retour.
06:12On a parmi les grandes enseignes que vous avez citées, on en a certaines qui remettent
06:16des usines en France.
06:17Donc, il y a un mouvement.
06:18Mais on part de très loin et effectivement, il y a beaucoup de travail à faire dans ce
06:23sens-là.
06:24Mais croyez-moi que les enseignes dont je vous ai parlé sont mobilisées autour de cette
06:27question.
06:28Et donc, vous pensez que demain, il pourra y avoir un pourcentage qui soit plus élevé
06:31du Made in France ?
06:32On va avoir un pourcentage plus élevé, c'est certain, c'est le sens de l'histoire.
06:35Donc, avec des droits d'oie, comme vous avez parlé.
06:37Bien sûr, mais ne nous trompons pas, ça mettra beaucoup de temps.
06:40Parce que ce n'est pas qu'un problème de magasins qui ne veulent pas acheter en France,
06:43c'est un problème de tissus industriels qu'il faut recréer.
06:46Et aujourd'hui, ils n'existent pas, ou ils existent peu.
06:48Vous avez cité le site français, mais ce sont des exceptions aujourd'hui.
06:51Donc, effectivement, il faut que c'est un problème de politique industrielle générale
06:54où il faut qu'il y ait beaucoup plus d'usines en France qui nous permettent d'avoir des
06:57produits compétitifs.
06:58Merci beaucoup, Bernard Cherki, directeur général de Mondial Tissus, président de
07:03l'Alliance du commerce.
07:04Vous étiez l'invité éco de France Info ce soir.