Aude Bernheim, chercheuse en microbiologie et génétique, responsable d’un groupe de recherche “Diversité moléculaire des microbes” à l’Institut Pasteur et Alexandra Palt, directrice générale de la Fondation L’Oréal sont les invitées du grand entretien de la matinale. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-week-end-du-dimanche-11-fevrier-2024-2945162
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Et ce dimanche, journée internationale des femmes et des filles de science, l'UNESCO
00:05 lance un appel pour combler l'écart entre les genres et la science avec des obstacles,
00:11 des avancées, avec ce qui doit encore changer et dont on va parler ce matin avec nos invités.
00:17 Chers auditeurs, n'hésitez pas à nous appeler au 01 45 24 7000 ou à intervenir sur l'application
00:25 France Inter.
00:26 Avec Marion Lourdes, nous recevons Aude Bernheim et Alexandra Palt.
00:31 Bonjour à tous les deux.
00:32 A toutes les deux.
00:33 Aude Bernheim, vous êtes chercheuse en microbiologie et génétique, vous êtes responsable d'un
00:38 groupe de recherche « Diversité moléculaire des microbes » à l'Institut Pasteur, co-auteur
00:44 de « L'intelligence artificielle, pas sans elle ! ». Et vous avez été nommée
00:50 en décembre dernier au Conseil présidentiel de la science, mise en place par Emmanuel
00:55 Macron.
00:56 Alexandra Palt, vous êtes directrice générale de la fondation L'Oréal et c'est un programme
01:00 important que vous menez, L'Oréal UNESCO pour les femmes et la science.
01:05 C'est un programme qui s'engage pour réduire les inégalités et qui remet chaque année
01:10 un prix Jeune Talent qui récompense des doctorantes, des post-doctorantes.
01:16 On va partir de l'état des lieux, peut-être tout simplement.
01:19 On est surpris lorsqu'on parle de la science de s'apercevoir à quel point les problèmes
01:25 de genre s'y posent, à quel point la domination masculine peut s'y exercer.
01:30 Alexandra Palt, haut de Berna, et méta des lieux pour commencer, 33% des emplois dans
01:35 le domaine scientifique sont occupés par des femmes à l'échelle internationale.
01:39 Ce sont les chiffres d'une étude que vous avez commandée à la fondation L'Oréal.
01:43 De quel métier est-ce qu'on parle quand on parle d'écart de genre en science ?
01:47 Nous, nous parlons beaucoup du métier de chercheuse parce que c'est une fondation
01:54 qui se consacre à promouvoir la place des femmes dans la recherche.
01:56 Donc en effet, il y a 33% de femmes chercheurs.
02:01 L'information la plus inquiétante, c'est le plus on monte dans l'échelle hiérarchique,
02:06 le moins il y a de femmes.
02:07 Parce qu'en effet, le chiffre progresse sur la part des femmes dans la recherche.
02:12 C'était 27% dans les années 90.
02:15 Aujourd'hui, on est à 33%.
02:16 Ce sont des chiffres UNESCO aussi, il faut dire, donc à étudier dans le monde entier.
02:22 Le problème, c'est que le plus on monte, en Europe, 18% de femmes imposent des responsabilités
02:28 dans la recherche.
02:29 18% seulement.
02:30 Voilà, donc ça c'est un chiffre très inquiétant.
02:33 Le plus on monte, le moins de femmes.
02:35 Et en Europe, d'autant qu'il y a l'Europe du Nord où on imagine que l'égalité
02:40 homme-femme qui est plus présente peut-être que dans d'autres pays se retrouverait dans
02:45 la recherche et dans la science, ça n'est pas le cas ?
02:48 Non, ça n'est pas le cas.
02:49 On appelle ça le paradoxe de l'égalité.
02:50 Parce qu'en effet, on se dit que dans des pays plus égalitaires, on aurait plus de
02:55 femmes dans la science et dans la recherche scientifique.
02:58 Ce n'est pas le cas.
02:59 Aujourd'hui, là, on a de plus de femmes qui font des études scientifiques.
03:03 C'est dans les pays arabes.
03:04 Donc, on a dans les Émirats, par exemple, plus de 50% des étudiants qui sont femmes.
03:11 Et ça monte encore plus dans la recherche informatique.
03:15 Et ça, c'est intéressant parce que ça s'explique.
03:17 En France, à l'entrée en CP, les filles sont aussi fortes que les garçons en maths.
03:22 Et pourtant, à l'université, elles ne sont plus que 22% à avoir choisi une filière
03:28 mathématique.
03:29 C'est à l'école que tout se joue.
03:30 Les sciences sont particulièrement exposées à cet écart de genre ?
03:33 Absolument.
03:34 Il faut comprendre qu'il y a beaucoup de stéréotypes sur ce que sont les sciences
03:39 et ce que ça veut dire de faire des sciences.
03:41 Et du coup, il faut savoir qu'il y a ce qu'on appelle très rapidement la menace
03:45 du stéréotype ou même l'autocensure qui va arriver.
03:49 Juste un chiffre, quand on regarde si des étudiantes ont plus de 14 dans des moyennes
03:54 scientifiques, il n'y en a que 48% qui vont penser qu'elles seraient assez bonnes pour
03:58 des carrières scientifiques contre 78% pour les hommes.
04:02 Et ça, on voit vraiment que dès l'école, dès ce moment-là, il y a des différences.
04:07 Même si elles sont totalement compétentes, elles ne s'imaginent pas dans ces métiers.
04:11 Mais Haute-Bernaheme, vous personnellement qui êtes une grande chercheuse, vous avez
04:15 rencontré ce genre de problématiques ? Ça s'est passé comment ?
04:17 Alors moi personnellement, à 20 ans, je ne pensais pas du tout être capable de faire
04:25 de la recherche.
04:26 Vraiment, je me disais que je ne serais jamais assez bonne pour ça.
04:28 C'est le discours de vos professeurs, de vos parents ? Qu'est-ce que c'est ?
04:31 Je ne peux pas dire.
04:33 Je pense que c'est de façon générale un ressenti.
04:36 C'est aussi un manque de rôle modèle.
04:38 On grandit, on ne voit que des hommes chercheurs.
04:41 Et aussi un seul modèle.
04:42 J'ai envie de vous dire, est-ce que vous connaissez d'autres femmes scientifiques
04:45 à part Marie Curie ?
04:46 A lui, oui.
04:47 Mais parce que nous l'avons interviewée en début d'année.
04:51 Beaucoup, quand on dit ça, il n'y a pas tout le monde qui peut s'identifier à
04:54 devenir Marie Curie.
04:55 On n'est pas toutes des Marie Curie en puissance.
04:57 Et je pense que du coup, il y a toute une sorte de chose dans la société qui fait
05:00 que moi, vraiment…
05:01 Mais vous, vous vous êtes dit à un moment « ça n'est pas fait pour moi ».
05:05 Mais encore aujourd'hui, je me dis ça.
05:07 Je pense qu'on a tout le temps, c'est ce qu'on appelle le syndrome de l'imposteur,
05:12 l'impression qu'on n'a pas notre place.
05:14 Et donc, petit à petit, on l'apprend et on essaye de l'apprendre.
05:17 Et il y a plein de façons.
05:18 Maintenant, c'est beaucoup plus facile.
05:20 Mais vraiment, toute, toute, toute ma carrière et mes études, je me suis dit ça.
05:24 Mais si vous vous dites ça encore aujourd'hui, est-ce que c'est parce qu'il y a aussi
05:27 peut-être un problème de financement aujourd'hui ?
05:28 Est-ce qu'on finance plus difficilement une chercheuse femme qu'un chercheur homme ?
05:32 Alors, j'ai bon espoir que les choses sont en train de changer.
05:36 Mais je pense que la façon dont l'excellence scientifique a été déterminée pendant
05:40 des décennies, voire des siècles, était d'une façon extrêmement spécifique.
05:44 Et derrière le choix de financer l'excellence scientifique, en fait, on finançait des hommes.
05:49 Et tout un tas de choses comme ça.
05:51 Et d'ailleurs, je pense que ça se voit encore dans quelque chose qui est peut-être
05:53 moins dit, mais parce que la situation dans le secteur privé est encore pire.
05:57 C'est encore pire.
05:58 Le nombre de chercheuses dans le secteur privé est pire.
06:01 Et un chiffre, c'est que dans les start-up, le nombre de CEO ou CTO, donc c'est les
06:06 Chief Technology Officers, c'est 5% et 3% dans la tech en France, dans les French Tech 120.
06:13 5% ?
06:14 5% de CEO et CTO, donc vraiment les chefs scientifiques, 3%.
06:19 Voilà.
06:20 Donc on en est là.
06:21 Et les femmes dans le privé, par exemple, pour le V, et que 10% des inventeurs de brevets
06:25 qui sont des femmes.
06:26 Donc on voit que c'est dramatique et ce n'est pas du tout mieux dans le privé.
06:29 Donc je pense qu'il y a encore beaucoup de stéréotypes.
06:31 Alexandra Palt, sur la question du financement, est-ce que c'est avéré, c'est prouvé
06:36 par les chiffres ?
06:37 Oui, il y a des chiffres qui le prouvent.
06:38 Mais je pense qu'il est important quand même de dire que oui, c'est une question de stéréotypes
06:42 et d'autocensure.
06:43 Mais ne faisons pas en plus porter l'intégralité de la responsabilité aux femmes.
06:48 C'est-à-dire, on s'autocensure, on n'y va pas.
06:51 Il y a quand même aussi un environnement, une volonté politique qui est privée et
06:55 publique qui n'est pas suffisante.
06:57 Donc moi je pense qu'il faut quand même remettre les choses à leur place.
07:00 Oui, on intègre tous ces mécanismes et stéréotypes.
07:07 Mais il y a aussi, nous par exemple, l'année dernière on a fait une étude, une femme sur
07:10 deux a rencontré du harcèlement sexuel dans le milieu de la recherche.
07:14 Donc ce n'est pas des chiffres qui font que les femmes ont hyper envie de se dire
07:18 "ah oui, c'est là où je vais, je vais être bien".
07:20 Donc il y a quand même un mouvement dans les deux côtés.
07:23 Bien sûr, il faut sensibiliser au possible et nous on fait ça aussi beaucoup avec nos
07:29 programmes "For Girls in Science".
07:30 Mais il y a aussi un mouvement de la société, de volonté politique nécessaire pour donner
07:35 aux meilleurs talents la possibilité de nous faire profiter de leurs talents.
07:40 Parce que c'est quand même ça l'enjeu aussi.
07:41 Il y a des biais.
07:42 Des biais qui font que quand les femmes font de la science, elles s'intéressent à certains
07:47 sujets plutôt qu'à d'autres.
07:48 Ou la science est genrée aussi parce qu'elle témoigne de l'emprise masculine sur les
07:56 découvertes, les recherches qu'on mène.
07:58 Il y a plusieurs questions.
08:01 Pourquoi les femmes s'orientent vers un certain sujet dans certaines cultures ? Parce qu'il
08:06 faut quand même dire, justement comme j'ai dit tout à l'heure, dans les pays arabes
08:10 80% de l'informatique, ça veut dire que ce n'est pas naturel que les femmes s'intéressent
08:14 plus ou moins à l'informatique.
08:15 En revanche, le grand risque qui est avec cette science qui est encore décidée par
08:20 les hommes, c'est qu'elle ne sert pas tout le monde et que ce n'est pas la meilleure
08:25 science possible.
08:26 Regardez les recherches sur les maladies cardiovasculaires, mais je vous laisserai plus parler, mais aussi
08:31 la reconnaissance faciale.
08:32 La reconnaissance faciale marche très bien pour les hommes blancs.
08:38 Quand il faut reconnaître le visage d'une femme noire, la certitude tombe à 35%.
08:44 Donc il y a quand même des conséquences sur notre société d'une recherche qui
08:48 est trop genrée qui sont très inquiétantes.
08:51 Oui, je pense qu'on a besoin de la meilleure science possible.
08:55 Et ça, ça veut dire quoi ? En fait, ça veut dire d'une science qui sert toute la
08:59 société.
09:00 Et pour le moment, la science ne servait pas toute la société.
09:02 On peut penser à aujourd'hui l'état de nos connaissances sur par exemple les processus
09:08 de menstruation.
09:09 On n'y connaît pas grand-chose.
09:11 Et on voit qu'il y a des conséquences très graves en termes de santé sur des sujets
09:15 comme l'endométriose.
09:16 Mais ce qui est génial, c'est qu'on voit aujourd'hui qu'il y a des travaux
09:19 qui émergent parce qu'il y a des scientifiques fantastiques en France, par exemple Camille
09:23 Bertelot ou Marina Kvartsov, qui font des recherches là-dessus et qui mènent des travaux
09:28 absolument fascinants.
09:29 Et qui ne sont pas fascinants juste parce qu'ils s'intéressent aux femmes, mais
09:32 parce qu'ils posent des nouvelles questions biologiques.
09:34 Et c'est pareil pour d'autres travaux autour de la diversité de nos réactions
09:38 en termes d'immunité.
09:39 Pourquoi le Covid va impacter les gens différemment ?
09:43 Et donc il y a des travaux fabuleux par exemple menés par Louise Quintana-Murcy sur comment
09:47 on utilise toute notre compréhension de la diversité des humains pour en fait comprendre
09:53 aussi ce qui se passe, même de façon générale.
09:55 Et sur les maladies cardiovasculaires, vous aviez…
09:58 Vous savez qu'il y a longtemps, on pensait qu'une femme c'est un petit exemplaire
10:04 d'un homme.
10:05 Et c'est comme ça qu'on a mis la recherche.
10:06 C'est un homme en plus petit !
10:07 Un homme en plus petit !
10:08 C'est comme ça ! Vous savez, aux États-Unis, on a dû retirer du marché des milliers
10:13 de médicaments parce qu'on les a testés que sur des hommes.
10:15 Et ça avait une autre conséquence sur les femmes.
10:17 Les maladies cardiovasculaires, on les a utilisées sur les hommes qui ont des symptômes différents
10:21 de femmes.
10:22 Et donc il y a malheureusement certainement des femmes qui sont mortes et qui n'ont
10:25 pas été traitées comme il faut parce qu'on ne l'a pas vue.
10:29 Absolument ! Si on imagine aujourd'hui comment on imagine une crise cardiaque, c'est quelqu'un
10:33 qui va se tenir le haut.
10:34 C'est des symptômes masculins.
10:36 Chez les femmes, en fait, ça a une forme très différente.
10:39 Et c'est tout un concept de pensée.
10:41 Par exemple, ça peut être des fatigues intenses qui ne vont pas être repérées comme étant
10:45 un problème cardiaque.
10:46 On va juste leur dire "reposez-vous" ou "arrêtez de vous occuper de vos enfants".
10:50 Ce n'est pas une blague, c'est vraiment ces problèmes-là auxquels les gens peuvent
10:53 faire face.
10:54 Et ce qui pour moi est important à souligner, c'est qu'aujourd'hui, la recherche fondamentale
11:00 est encore victime de certains de ces biais.
11:02 Les modèles des maladies qu'on étudie aujourd'hui peuvent n'être étudiés que sur des modèles
11:07 femelles ou mâles, en fonction des maladies.
11:10 Et c'est quand même extrêmement dommage parce que ça veut dire que dans 30 ans, on
11:13 souffrira encore de ces biais-là.
11:15 On va bientôt aller au standard où de nombreuses questions seront posées par les auditeurs
11:21 qui découvrent en fait l'ampleur de ce sujet grâce à vous.
11:26 L'effet Matilda, qu'est-ce que c'est ?
11:28 L'effet Matilda, c'est se faire voler une découverte.
11:32 Des découvertes oubliées des femmes scientifiques.
11:35 Soit oubliées ou soit aussi.
11:38 Aujourd'hui, il y a la question sur Milleva Einstein, il y a bien sûr l'oubli d'Adela
11:44 Luftkraft.
11:45 On a de nombreuses femmes malheureusement qui ont été oubliées par l'histoire.
11:50 Ça remonte à l'Antiquité jusqu'à aujourd'hui.
11:52 Et il y en a aussi beaucoup qui se sont fait voler.
11:56 Voler ?
11:57 Absolument, ça a été extrêmement vu.
12:00 Et aussi, il faut penser que la science, il y a toujours eu des femmes.
12:03 Toujours.
12:04 Mais c'est juste que jamais on leur a attribué les découvertes.
12:06 Un labo, c'était une affaire familiale où il y avait en fait la femme, les filles
12:10 qui travaillaient et qui est-ce qui récupérait tout le crédit et dont on se souvient, c'étaient
12:14 les hommes.
12:15 Et ça, ça veut dire qu'on n'a pas de rôle-modèle ?
12:16 Entre autres, ça veut dire qu'on manque de rôle-modèle, qu'on manque aussi de
12:20 se souvenir de la place qu'elles ont toujours eue et que du coup, on arrive à ces raccourcis
12:25 qui sont… On les a pas vus.
12:27 Elles n'ont pas été capables de faire des grandes découvertes.
12:29 Elles n'en sont pas capables.
12:30 Les femmes, naturellement, ne sont pas faites pour les sciences.
12:33 Et l'effet Mathilda, c'est en hommage à la militante féministe qui avait remarqué
12:38 justement que dès le XIe siècle, une femme qui avait travaillé pourtant sur les soins
12:45 des maladies propres aux femmes ne pouvait pas être envisagée comme une chercheuse
12:51 ou une scientifique sérieuse.
12:53 On va aller au standard.
12:54 Bonjour Etienne !
12:55 Bonjour, oui, j'appelle à propos de ma fille qui a fait des études de virologie.
13:02 Donc, elle est passée même par Paris à Pasteur et elle s'est retrouvée sans déboucher
13:09 après son doctorat et elle ne souhaitait pas partir aux États-Unis puisqu'il y a
13:15 des gens qui reviennent bien déçus et elle a dû prendre un travail d'attaché de recherche
13:23 clinique qui est nettement en dessous et qui est un travail plus ou moins un peu administratif
13:28 et elle voyage partout en France.
13:30 Voilà.
13:31 Ça n'a pas l'air de vous surprendre.
13:32 Merci Etienne pour votre témoignage.
13:34 Aude ?
13:35 Malheureusement, aujourd'hui, on voit qu'on est au courant qu'il y a des problèmes
13:39 de débouchés potentiellement de temps en temps autour des carrières scientifiques.
13:44 Et ça, c'est tout un travail qui est mené sur comment justement on intègre ces chercheurs.
13:49 Moi, je dirais si on n'avait pas 22, mais 50% de chercheuses par exemple dans le privé
13:53 et pas simplement, je pense qu'il y a plein de choses à faire et il y a plein d'endroits
13:57 où faire de la science.
13:58 Justement sur les solutions, puisqu'on a beaucoup parlé du constat, mais il y a des
14:03 solutions sans doute.
14:04 Est-ce que ça se joue par exemple à l'école ? Je ne sais pas Alexandra Palt, mais il y
14:10 a eu un problème avec le bac.
14:11 Le bac a été modifié.
14:12 Il y avait des matières scientifiques dans le tronc commun.
14:15 Maintenant, il n'y en a plus et ça veut dire qu'on avait beaucoup progressé sur
14:18 la proportion de filles présentes dans les matières scientifiques et maintenant, il
14:21 y en a beaucoup moins.
14:22 Est-ce que ça, c'est en voie d'être revu ? Est-ce qu'il faut réformer cette réforme
14:26 du bac ? Qu'est-ce qu'on peut faire au niveau éducatif ?
14:28 Il y a beaucoup de choses à faire au niveau éducatif.
14:32 Bien sûr, on sait maintenant que c'est allé dans la mauvaise direction, que ça a
14:36 entraîné une chute massive de filles pour la science.
14:41 Nous, on mène un programme qui est très qualitatif.
14:44 On accompagne vraiment de jeunes filles en lycée qui veulent aller ou qui pourraient
14:48 aller vers des études scientifiques.
14:50 Et on s'est rendu compte qu'il y a plusieurs problématiques.
14:53 Il y a une problématique, comme on a dit tout à l'heure, il faut aussi qu'elles
14:57 puissent s'imaginer scientifiques et son entourage.
15:01 Donc, on intègre aussi les parents dans ce programme.
15:03 Après, il y a un problème d'orientation.
15:06 Quels sont les métiers ? Parce que souvent, il y a une image de métier scientifique,
15:12 l'image qu'on a donnée de la scientifique, elle est un peu déconnectée du monde, pas
15:16 très jolie, toute seule avec son chat, etc.
15:19 Donc, du coup, il y a cette question-là d'orientation.
15:26 Quelles sont les possibilités ? Après, il y a autre chose qui est intéressante,
15:29 si on enseignait les sciences un peu différemment, donc pas par une approche aussi top-down,
15:34 mais autour de projets, très scolaires, très magistrales.
15:42 Juste le savoir, mais on les fait travailler autour de projets pour qu'elles voient ce
15:47 que ça peut donner concrètement, parce qu'elles aiment bien impacter la vie de gens.
15:51 Donc, tout ça change.
15:52 Donc, il faut qu'on réinvente la manière d'enseigner la science pour tout le monde.
15:58 - Haute-Bernal, vous avez fondé une association Wax Science.
16:01 Alors, ce n'est pas de la cire, même si ça fait penser au mot anglais, c'est l'acronyme
16:06 de… - What about experiencing science ?
16:09 - L'objectif, c'est de faire comprendre que la science, elle est accessible à tous.
16:13 C'est ce qu'on peut lire sur le site.
16:15 Alors, par quoi est-ce que ça passe ? - Ça passe par essayer de penser des nouvelles
16:20 façons de transmettre la science.
16:22 Transmettre, ça veut dire transmettre la passion qu'on a, parce que pour toute personne
16:26 qui a la chance de sentir et de vivre ce que c'est, en fait, on comprend.
16:30 Moi, je n'ai jamais été minutieuse ou très sérieuse et donc la science, ça me barbait
16:35 enseigner à l'école.
16:36 Et le jour où on m'a montré que c'était créatif et que c'était en équipe, en fait,
16:41 j'ai complètement redécouvert ce que c'était.
16:44 Et donc, c'est ça qu'on essaye de transmettre.
16:45 - Sur l'appli de France Inter, Laura vous dit « Oui, on peut être femme et chercheuse
16:50 et heureuse ». Dominique, vous continuez à vous battre pour nos filles au standard.
16:55 Bonjour Maurice ! - Oui, bonjour !
16:57 - Vous avez un témoignage pour nos invités.
17:00 - Voilà, donc moi, j'étais enseignant à l'université et comme j'étais enseignant,
17:05 je m'intéressais non seulement à mes étudiants, mais aussi aux enfants de mes amis.
17:09 Et parmi eux, il y avait beaucoup de jeunes filles extrêmement brillantes en science.
17:14 Et j'ai constaté que pour beaucoup d'entre elles, c'est les enseignants de mathématiques
17:19 ou de physique qui les dit suadaires de poursuivre des études supérieures dans ce domaine.
17:24 Donc il y a une grosse action à faire de ce côté-là.
17:27 - Merci pour votre témoignage, Alexandra Palt.
17:31 - Oui, bien sûr, mais je pense aussi qu'il y a une autre solution complémentaire qu'on
17:38 doit mettre en place qui revient au rôle modèle et à rendre les femmes scientifiques
17:44 visibles.
17:45 C'est un peu l'idée de l'action de la Fondation depuis 25 ans.
17:48 On essaie de valoriser et de montrer les femmes scientifiques et leur excellence.
17:55 Et c'est vrai qu'on regarde quand même encore maintenant que pendant la COVID, on
18:00 a bien vu qui étaient aussi les personnes invitées pour parler COVID, qui étaient
18:06 dans les conseils.
18:07 - On a découvert que les chefs de clinique, les professeurs de médecine étaient très
18:11 souvent des hommes.
18:12 - Oui, mais il y avait aussi des chercheuses qui n'étaient pas invitées, qui n'étaient
18:16 pas rendues visibles, qui ne faisaient pas "il faut une part de voix" et il faut cette
18:22 capacité à montrer et à rendre les femmes visibles.
18:25 - Il y a aussi la question de la maternité qui a été évoquée dans le sujet qu'on
18:27 a diffusé de notre spécialiste science Sophie Becherel dans le journal de 8 heures, qui
18:32 par exemple semble être un problème en France et pas forcément en Suède pour les femmes
18:36 scientifiques.
18:37 - Oui, il faut quand même dire que la France en termes de maternité se situe mieux que
18:45 beaucoup d'autres pays, mais en revanche, en général, bien sûr, la science malheureusement
18:52 c'est un endroit ultra compétitif.
18:54 On dit ça en anglais "publish or perish", publier ou appairir.
18:59 On a vu pendant la crise du COVID que les femmes ont beaucoup moins publié parce qu'elles
19:05 se sont occupées des enfants.
19:06 Maintenant la question ce n'est pas la maternité le problème, le problème c'est comment on
19:11 organise un équilibre entre vie privée et professionnelle pour tous les chercheurs.
19:15 Parce qu'on a quand même aussi heureusement de plus en plus de jeunes pères qui veulent
19:18 s'occuper de leurs enfants.
19:19 Donc là c'est de nouveau un problème de société et pas un problème de femmes.
19:23 Et donc je pense que c'est vraiment important de le souligner.
19:25 - Aude Bernheim, vous la sentez vous cette pression ou ce regard porté sur la maternité
19:29 ?
19:30 - Je suis 100% d'accord avec ce qui vient d'être dit, c'est-à-dire que le problème
19:33 n'est pas le fait d'avoir des enfants, le problème c'est comment c'est organisé et
19:36 géré.
19:37 Et ça amène le concept que penser ces questions d'égalité ça nous fait penser à comment
19:43 on organise la science.
19:45 Comment on fait des possibilités de pouvoir avoir des équipes qui sont remplies de gens
19:50 différents.
19:51 Et aujourd'hui si on n'a que la même façon d'organiser nos laboratoires, on ne va pas
19:55 y arriver à avoir des gens différents parce qu'en fait c'est excluant.
19:59 Et c'est ça qu'il faut repenser.
20:00 Donc c'est une opportunité d'utiliser ces questions d'égalité pour repenser complètement
20:05 l'organisation de nos systèmes scientifiques.
20:07 - Il faut des fondations adossées à des multinationales comme L'Oréal pour agir
20:13 concrètement.
20:14 Sept de vos lauréates depuis 25 éditions ont reçu un prix Nobel.
20:19 C'est un quart des Nobels attribués aux femmes en science.
20:22 C'est un travail considérable que vous faites dans la fondation.
20:25 Aude Bernheim, vous êtes membre du conseil présidentiel de la science qui a été lancé
20:29 par Emmanuel Macron début décembre, aux côtés de onze autres de vos collègues.
20:34 Vous êtes déjà réunie ?
20:35 - On s'est déjà réunie, oui.
20:37 - Et qu'est-ce que vous y faites dans ce conseil présidentiel ? On a le sentiment
20:41 que la question est politique, éminemment politique.
20:43 - L'idée derrière ce conseil, c'est vraiment cette idée que la science est au cœur des
20:50 très grands enjeux d'aujourd'hui.
20:51 Réchauffement climatique, intelligence artificielle et bien d'autres.
20:55 Et souvent les découvertes qui sont très très rapides en science, ça met du temps
21:00 de pouvoir ensuite arriver aux oreilles de nos élus.
21:04 Et là l'idée c'est de réduire ce temps-là et de pouvoir aussi pousser à ce que nos
21:10 élus et nos représentants au plus haut niveau de l'État aient une culture scientifique.
21:14 Et ça c'est très important pour qu'ils soient capables de prendre des décisions,
21:18 parce que les enjeux complexes liés à la science sont en fait au cœur de beaucoup
21:23 beaucoup de choses aujourd'hui.
21:24 - Et on a pu le mesurer grâce à vous deux.
21:26 Merci infiniment d'avoir été les invités de France Inter.
21:29 C'est donc la journée internationale des femmes et des filles de science.
21:33 Et c'était absolument passionnant !