Fin du droit du sol à Mayotte – faut-il l’appliquer aussi en métropole ?

  • il y a 6 mois

Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd’hui, la situation à Mayotte avec les bocages des rues par les Mahorais, l'annonce de Gérald Darmanin sur la fin du droit du sol et la question de s'il faut l'appliquer à l'ensemble des départements français.

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Transcript
00:00 - Europain, 11h, 13h, Pascal Praud et vous.
00:07 - Et pour réagir de 11h à 13h avec Pascal Praud sur Europain, seul numéro, le 080 20 39 21.
00:12 - Je salue Gérard Hidamon, bien sûr, je salue Fabrice Laffitte bien évidemment,
00:16 et je salue notre ami Olivier Guédenec, originalement.
00:21 Bonjour cher ami. - Bonjour à tous.
00:23 - Bon, on va être avec Kala qui est un auditeur dans une seconde et qui nous appelle je pense de Mayotte.
00:27 - De Mayotte, c'est une femme Kala, une femme.
00:29 - Exactement, c'est une auditrice qui nous appelle de Mayotte.
00:33 Simplement, je voudrais peut-être qu'on écoute avant deux ou trois interventions.
00:37 Celle de Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, c'était samedi à Mayotte.
00:40 - Nous allons prendre une décision radicale qui est l'inscription de la fin du droit du sol à Mayotte,
00:44 dans une révision constitutionnelle que choisira le président de la République.
00:48 Deuxièmement, nous allons diviser par cinq, sans doute, le nombre d'engouement familial, nous nous en réjouissons,
00:54 et la loi est d'application immédiate, c'est ce que je suis venu dire au service de l'Etat, sous l'autorité de M. le Préfet.
00:59 Je vous remercie pour son travail.
01:01 - Bon, ça c'est le principe de réalité qui arrive, c'est-à-dire qu'on fait en 24 heures ce qu'on n'a jamais voulu faire en 50 ans.
01:09 Estelle Youssoufa qui est députée, Liberté, Indépendant, Outre-mer et Territoire.
01:14 Ce sont les députés Lillotte.
01:17 Elle était invitée de Dimitri Pavlenko ce matin, 7h10, sur Europe 1.
01:20 Écoutez-la.
01:21 - La situation sur le terrain, elle est très grave, puisque l'île est paralysée depuis trois semaines.
01:25 Il y a des barrages, on ne peut plus circuler, il y a des pénuries dans les magasins,
01:30 les forces de l'ordre sont mobilisées pour laisser passer les ambulances, les ravitaillements pour les pharmacies, le gaz, le pétrole.
01:38 Il n'y a plus de barge, de bateau entre les deux îles.
01:42 Et de ce mouvement social qui est légitime, parce que c'est l'aspiration des Mahoraises et des Mahorais à vivre enfin en paix et en sécurité,
01:49 ce mouvement social sert de prétexte pour que les gangs sèment la terreur.
01:54 Donc on a une vague de violence qui va crescendo et qui a repris depuis le mois de novembre.
02:00 Donc c'est un contexte qui est insurrectionnel, moi je n'ai pas peur de le dire.
02:04 - Contexte insurrectionnel, on est avec Kala. Bonjour Kala.
02:07 - Bonjour.
02:09 - Et merci beaucoup, vous faites partie du collectif Force vive à Mayotte.
02:13 - Oui, c'est bien ça.
02:15 - D'abord comment allez-vous Kala, parce que j'imagine la situation sur place est particulière.
02:21 - Aujourd'hui on est fatigué, très fatigué.
02:27 Ça fait quand même trois semaines qu'on est défendu sur les routes, qu'on bloque les routes.
02:34 Il faut savoir que si nous, Force vive, on a décidé de bloquer les routes à Mayotte aujourd'hui,
02:40 c'est pas seulement pour embêter les Mahorais, c'est pas pour embêter tout le monde,
02:47 mais c'est un cri de ras-le-bol, on en a marre, on est fatigué d'être agressé tous les jours,
02:54 on est fatigué d'être bloqué tous les jours,
02:57 on est fatigué de cette délinquance qui est en train de gangréner Mayotte au quotidien.
03:04 Il faut savoir que nous à Mayotte aujourd'hui, la vie se résume à faire une météo de route.
03:11 C'est-à-dire que tous les matins, quand on se lève pour aller travailler,
03:15 il faut qu'on fasse la météo route avant de partir de chez nous.
03:19 Tous les matins quand on part de chez nous pour aller travailler,
03:22 il faut qu'on s'assure et il faut qu'on parte inquiet pour aller au travail,
03:27 de savoir si nos enfants vont aller à l'école sans essor
03:32 et qu'ils rentreront à la maison sans essor.
03:35 Il faut savoir que le trajet entre les domiciles des enfants et les lycées et les collèges
03:43 c'est voué au caillassage tous les jours, c'est voué aux agressions tous les jours.
03:48 Il y a même des jeunes qui meurent devant les établissements scolaires
03:52 parce qu'ils se font agresser par ces petits délinquants.
03:55 Aujourd'hui on a décidé de descendre dans les roues parce qu'on est tout simplement fatigué
04:01 et on veut que ça cesse.
04:03 - Merci Kala, on va se retrouver dans une seconde,
04:06 mais votre témoignage est évidemment très éprouvant, bien sûr,
04:10 et on pourra écouter des réactions aussi à l'intérieur du pays,
04:13 je pense notamment à des réactions politiques qui ont été données,
04:19 qui se sont faites, je pense à Nicolas Dupont-Aignan.
04:22 Il est 11h10, on marque une pause, on revient tout de suite.
04:24 Merci avec... Vous restez avec nous, pardonnez-moi, vous restez avec nous Kala.
04:27 - Votre matinée se poursuit entre 11h et 13h avec Pascal Foy,
04:30 pour réagir sur Europe 1 vous composez ce numéro.
04:33 - De 11h à 13h sur Europe 1, vous écoutez Pascal Foy et vous,
04:41 et nous retrouvons Kala qui fait partie du collectif Force Vivre à Kumbhani, à Mayotte.
04:46 - Kala qui nous raconte la vie quotidienne à Mayotte aujourd'hui,
04:50 vous avez peut-être des enfants d'ailleurs Kala ?
04:52 - Je suis maman de 4 enfants, dont le premier a 16 ans,
05:00 et le petit, la toute petite, elle vient tout juste d'avoir 2 ans.
05:04 - Et celui de 16 ans par exemple il va à l'école, j'imagine, il va au lycée,
05:08 vous êtes inquiète à chaque fois qu'il va au lycée,
05:10 parce que sur la route il peut se faire agresser,
05:12 alors par qui ? Par des jeunes gens qui viennent des Comores ?
05:16 - Je ne peux pas forcément dire que ce sont des jeunes gens qui viennent des Comores.
05:21 Si je dis jeunes gens qui viennent des Comores, je stigmatise un peu les gens.
05:25 Donc quand je dis qu'ils risquent de se faire agresser,
05:29 ils risquent de se faire agresser par les jeunes délinquants,
05:31 oui ce sont des jeunes, mais ce sont des jeunes qui souvent sont sans encadrement,
05:37 qui n'ont rien à faire, parce qu'ils sont livrés à eux-mêmes, ils ne sont pas encadrés.
05:41 Donc il peut très bien y avoir des petits maorais dedans,
05:45 certes il n'y en a pas beaucoup, mais il y en a, on ne peut pas écarter ce fait-là.
05:50 Mais c'est vrai que le matin quand je pars travailler, je pars avant mon fils,
05:55 je quitte la maison avant mon fils, parce que je travaille un peu loin,
05:58 je le laisse à la maison, il prend le bus,
06:00 et tous les jours quand il prend le bus pour se rendre à son établissement scolaire,
06:04 je m'inquiète, je m'inquiète, parce que je ne sais pas s'il va rentrer à la maison,
06:09 et je m'inquiète qu'on m'appelle pour me dire que mon fils s'est fait agresser,
06:13 ou que le bus où il était s'est fait caillasser.
06:16 C'est une peur quotidienne qu'on vit nous ici à Mayotte.
06:19 Je vous comprends, il doit être 13h16 d'ailleurs à Mayotte, il y a deux heures de décalage,
06:24 je ne sais pas si vous connaissez cette île de l'océan Indien,
06:27 qui pourrait être un paradis et qui malheureusement aujourd'hui souffre autant.
06:32 Je vous propose d'écouter de nouveau Estelle Youssoupha,
06:34 je rappelle qu'elle est députée Liberté Indépendante Outre-mer et Territoire.
06:38 Vous savez qu'on la connaît bien Estelle Youssoupha,
06:40 parce qu'elle a été une de nos consoeurs longtemps,
06:42 moi je l'ai connue lorsqu'elle travaillait à LCI,
06:44 et puis c'est vrai que sa voix porte, écoutons-la.
06:47 Assituation radicale, solution radicale.
06:50 Sinon on perd le département, moi vous savez,
06:53 je sais qu'on ne touche pas à la constitution sans une main tremblante,
06:57 sauf que Mayotte c'est un volcan.
06:59 En fait, soit on accepte de dire ce territoire on l'abandonne,
07:03 on ampute la République d'un département de l'océan Indien,
07:06 parce qu'on aura souhaité ne rien faire face à cet afflux migratoire
07:11 qui instrumentalise nos propres lois contre nous.
07:15 Il faut comprendre que la situation à Mayotte,
07:18 c'est 12 000 naissances par an,
07:21 c'est la plus grosse maternité d'Europe,
07:24 90% des naissances ce sont des étrangers,
07:27 qui viennent pour le droit du sol,
07:29 plus de 3000 visas et permis de séjour
07:33 qui sont délivrés chaque mois sur des motifs familiaux.
07:36 Donc en fait il va falloir arrêter.
07:38 L'appel d'air c'est le droit actuellement à Mayotte.
07:41 - Le droit du sol qui avait évidemment été dévoyé.
07:44 Je vous propose d'écouter Eric Zemmour,
07:46 il était ce matin sur France 2.
07:48 - Mayotte c'est le miroir grossissant et en accéléré
07:52 de la France métropolitaine.
07:54 Ce qui arrive à Mayotte,
07:55 tous les français devraient regarder ce qui arrive à Mayotte,
07:57 c'est ce qui va arriver en France.
07:59 C'est ce qui arrive déjà d'ailleurs dans certains quartiers,
08:01 en Seine-Saint-Denis, à Marseille, etc.
08:04 Ça va être ça Mayotte, la France ça va être Mayotte.
08:07 Quand vous avez la moitié de la population qui est étrangère,
08:09 on peut parler d'invasion.
08:10 On n'est plus dans une immigration classique et normale.
08:14 - Alors Kala va rester avec nous.
08:16 Je rappelle que Kala nous appelle de Mayotte
08:18 et elle a exprimé ses difficultés au quotidien à vivre
08:21 et pourquoi les Mahorais sont descendus dans la rue.
08:24 Mais Patrick Stefanini est avec nous aussi,
08:26 ancien secrétaire général du ministère de l'immigration.
08:29 Bonjour monsieur Stefanini.
08:31 - Bonjour Pascal Praud.
08:33 - Vous êtes un expert, si j'ose dire, de l'immigration
08:36 et ce que dit Eric Zemmour,
08:38 évidemment peut avoir un certain poids dans l'opinion publique.
08:41 Est-ce que vous partagez son analyse ou ses craintes ?
08:44 - Alors je pense qu'on a un problème spécifique à Mayotte
08:49 et en Guyane, parce que beaucoup d'étrangers
08:53 arrivent dans ces deux départements.
08:57 Beaucoup de femmes étrangères arrivent dans ces deux départements
09:01 pour y accoucher.
09:03 Et notre droit fait que leur enfant deviendra automatiquement français
09:11 à l'âge de sa majorité
09:13 et même qu'il pourra demander l'acquisition
09:17 d'une nationalité française à partir de l'âge de 13 ans ou de 16 ans.
09:22 Et ces dispositions produisent un effet dévastateur à Mayotte
09:28 et dans une moindre mesure en Guyane.
09:30 Je rappelle que la Guyane a une frontière terrestre importante
09:33 avec le Brésil et avec le Suriname
09:36 et que par voie de conséquence,
09:39 il faut s'intéresser aussi au cas de la Guyane.
09:42 Alors ensuite, est-ce que c'est transposable
09:44 à l'ensemble du territoire hexagonal ?
09:46 Ça c'est une autre question.
09:48 En tout cas, on a besoin d'une révision constitutionnelle
09:51 pour abroger le droit du sol à Mayotte et probablement en Guyane.
09:56 - Patrick Stescanini qui est avec nous en direct sur Europe 1.
10:01 Vous avez sans doute vu cette interview
10:03 ou plus exactement cet échange entre Gérald Darmanin et Jean-Marie Le Pen
10:06 qui tournait sur les réseaux sociaux et qui date de 2018
10:09 où Jean-Marie Le Pen expliquait à Gérald Darmanin
10:12 qui à l'époque n'était pas ministre de l'Intérieur
10:15 que Mayotte, le gouvernement n'y arriverait pas,
10:18 qu'il fallait revenir sur le droit du sol, etc.
10:20 Et c'est vrai que la parole politique, elle est abîmée
10:24 lorsque l'on entend il y a 6 ans Jean-Marie Le Pen
10:28 faire le constat qui est le même qu'aujourd'hui
10:32 et que rien n'a été fait, M. Stescanini.
10:35 Alors c'est toujours la même question,
10:37 c'est pas parce que c'est Jean-Marie Le Pen qui le dit
10:39 ou parce que c'est le Front National qui le dit
10:41 qu'il ne faut pas les écouter.
10:43 - Oui, mais M. Proulx, je voudrais rebondir
10:45 sur ce qui a été dit ce matin dans votre émission
10:47 C'est sur C News par M. Fenech.
10:49 Si on veut modifier la législation française
10:52 sur l'acquisition de la nationalité
10:54 et si on veut par exemple supprimer
10:56 pour l'ensemble du territoire français le droit du sol,
10:58 on n'a pas besoin d'une révision constitutionnelle.
11:01 Ça dépend de la loi, ça dépend du code civil,
11:04 le Parlement peut le faire à tout point.
11:07 - Mais ce que je souligne, c'est que la parole politique
11:10 est dévoyée parce qu'on a le sentiment
11:13 que les solutions, elles existent depuis de nombreuses années
11:16 et pour des raisons X ou Y,
11:18 elles n'ont pas été prises, M. Stescanini.
11:21 - Oui, c'est exact. Je pourrais vous rappeler
11:23 qu'en 2007, François Baroin,
11:27 qui avait été brièvement ministre de l'Intérieur,
11:30 avait proposé cette réforme consistant
11:33 à supprimer le droit du sol à Mayotte
11:36 et en effet...
11:38 - Et Charles Pascual l'avait proposée en 1986.
11:40 Donc c'est dire si ce n'est pas une idée nouvelle.
11:42 Alors comme Cala est avec nous et que Cala est maorais,
11:45 je me suis dit que peut-être Cala avait une question
11:49 à poser ou une analyse à produire à M. Stescanini
11:52 qui a été aux affaires, bien sûr, en tout cas,
11:54 qui est ancien secrétaire général du ministère de l'Immigration
11:56 et puis vous avez été très influent comme conseil,
11:59 bien sûr, sur ces sujets-là et puis très proche aussi
12:02 de François Fillon à l'époque et de sa candidature à avorter en 2017.
12:07 Cala, vous avez peut-être une question à poser.
12:10 - Oui, j'ai une question à poser.
12:12 Bonjour, M., j'ai une question, oui, à poser.
12:15 Moi, la question que je me pose, c'est que
12:17 cette histoire de droit du sol, ça fait quand même plus de 38 ans
12:21 que cette question est posée.
12:23 Depuis 38 ans, ils n'ont toujours pas trouvé de solution sur Mayotte.
12:27 Toujours pas.
12:29 - C'est la question la plus simple du monde d'ailleurs, M. Stescanini.
12:32 Et moi, je comprends Cala.
12:33 Si j'étais maorais, je me dirais
12:35 le politique ne répond pas à mon souci.
12:38 Il ne m'entend pas.
12:40 Et ça explose aujourd'hui, M. Stescanini.
12:43 - Exactement.
12:44 - C'est vrai que la réforme de 2018 a été une sorte de demi-mesure.
12:50 Et qu'on a vu qu'elle ne produisait pas d'effet suffisant.
12:55 - C'est ennuyé quand même.
12:57 - Ce qui justifie...
12:58 Oui, mais vous savez, les questions d'acquisition de la nationalité française
13:02 sont des questions qui sont politiquement très sensibles.
13:05 Mais en effet, on peut regretter.
13:07 Moi-même, j'avais dans un livre que j'ai publié en 2021,
13:12 j'avais pointé du doigt ce problème.
13:16 Et j'avais dit que nous avions besoin de faire évoluer le droit de la nationalité à Mayotte.
13:21 - C'est entendu, mais c'est pour ça, après,
13:23 les gens se tournent vers ceux qui n'ont jamais été au pouvoir
13:26 parce qu'ils se disent à temps ou à raison.
13:28 Peut-être que ceux-là vont nous aider.
13:31 Je crois d'ailleurs qu'à Mayotte,
13:33 c'est là que Marine Le Pen fait ses meilleurs scores, Cala.
13:36 - Nous, aujourd'hui, à Mayotte, on se retrouve complètement abandonnés.
13:42 C'est le sentiment que nous, Mahorais, on a aujourd'hui.
13:45 L'État nous a abandonnés.
13:47 Il faut dire les choses telles qu'elles sont.
13:49 C'est inadmissible que depuis autant d'années,
13:52 l'État n'arrive toujours pas à trouver des solutions pour Mayotte.
13:56 Nous ne comprenons pas...
13:58 - J'entends ce que vous dites, Cala.
14:00 - ... est-ce que Mayotte est un État français ou nous sommes des sous-français ?
14:03 - J'entends ce que...
14:04 - C'est terrible, M. Stefanini, parce qu'on ne peut pas donner tort à Cala.
14:07 C'est ça qui est le plus terrible dans ce qu'elle dit.
14:09 - Non, mais M. Proulx, l'erreur qui a été faite,
14:12 elle est beaucoup plus ancienne, elle est beaucoup plus grave.
14:14 On a voulu transformer à marche forcée Mayotte,
14:19 qui avait un statut de collectivité particulière
14:23 au sein de l'ensemble institutionnel français.
14:25 On a voulu, en 2001, c'est Léonard Jospin qui a pris cette initiative,
14:29 on a voulu transformer Mayotte, en l'espace de 10 ans,
14:32 en un département.
14:34 Eh bien, cette décision n'était pas raisonnable.
14:37 Le département, dans l'architecture...
14:39 - Je ne vois pas ce que ça change, je ne sais pas si c'est ça le problème.
14:43 Il faut que vous m'expliquiez, parce que pourquoi le fait de changer de département,
14:46 ça a changé quelque chose ?
14:48 - Non, pas de changer de département.
14:49 Le département, c'est la collectivité.
14:51 - Le fait de changer de statut, pour nous, maorais,
14:56 le fait de changer de statut n'équivaut pas à l'illégalité.
15:01 Parce que nous avons... Qu'est-ce qui s'est passé à Mayotte ?
15:03 On était un territoire français.
15:06 On vivait bien.
15:08 On nous a changé de statut.
15:10 Est-ce que ça veut dire que changer de statut,
15:13 veut dire vivre mal ?
15:15 Parce qu'autant dire, à Mayotte, aujourd'hui, on vit mal.
15:18 On vit mal.
15:19 - Non, mais, madame...
15:20 - On est pas en sécurité.
15:21 Et tout ce qui s'est... Pourquoi ?
15:23 Aujourd'hui, nous, maorais, on ne comprend pas pourquoi, à Mayotte,
15:26 toutes les lois qui sont votées au niveau national,
15:30 elles sont appliquées pour les autres départements,
15:32 et à chaque fois, on nous dit "sauf Mayotte".
15:35 Pourquoi à chaque fois, il y a ce...
15:37 - Par exemple, quelle loi ne s'applique pas à Mayotte ?
15:41 - Mais, monsieur, à Mayotte, on travaille bien à 35 heures.
15:45 En métropole, on travaille à 35 heures.
15:48 À La Réunion, département d'à côté, c'est pareil.
15:51 Pourquoi, à Mayotte, on n'est pas aligné au SMIC ?
15:54 Pourquoi ?
15:56 On n'est pas aligné au SMIC ?
15:58 - Si il s'agit de payer les impôts à Mayotte,
16:00 on paie les impôts au même titre que la métropole.
16:03 - C'est-à-dire qu'il n'y a pas de salaire minimum à Mayotte, Carla ?
16:07 - Le salaire minimum à Mayotte n'est pas aligné à l'Hexagone.
16:12 Il n'est pas du tout aligné à l'Hexagone.
16:14 - Et c'est combien, le salaire minimum ?
16:16 - Le salaire minimum à Mayotte, il est de 1 002.
16:19 - Alors que dans l'Hexagone, il est de 1 003, non 1 005 exactement, le SMIC ?
16:24 Bon, je ne sais pas si vous avez une réponse précise, Patrick Stefanini.
16:27 Ce que je vous propose, c'est qu'on marque une nouvelle pause.
16:30 Parce que je trouve intéressant d'échanger entre un homme politique de niveau intéressant,
16:35 ce qui est monsieur Stefanini, qui effectivement connaît très bien ces soucis-là.
16:39 Puis lui-même, je pense qu'il peut entendre et sans doute même partager l'analyse de Carla.
16:45 Mais cette machine qu'est la France, qu'est l'État,
16:49 et cette incapacité à résoudre les problèmes, et notamment Mayotte en est une illustration.
16:54 On va marquer une pause.
16:56 - Europain, Pascal Praud.
16:58 - De 11h à 13h, vous écoutez Pascal Praud et vous serez Europain.
17:01 - C'est un échange assez intéressant que nous avons avec Patrick Stefanini,
17:05 ancien secrétaire général du ministère de l'Immigration.
17:08 Et puis Carla, qui est une Mahorais, qui est comptable et qui exprime les difficultés.
17:14 Vous êtes née, j'imagine, à Mayotte, Carla ?
17:17 - Bien sûr, je suis née à Mayotte.
17:20 Je n'ai pas forcément grandi à Mayotte.
17:22 Mais je suis née à Mayotte, j'ai grandi hors Mayotte.
17:26 Mais je suis revenue depuis pas mal d'années.
17:30 Ça fait 10 ans que je suis de retour à l'île Nantal.
17:33 Et ça fait 10 ans que je subis le quotidien des Mahorais.
17:38 - Vous avez 4 enfants, disiez-vous.
17:39 Est-ce que vous pouvez me dire votre vie quotidienne en matière d'alimentation ?
17:43 Je pense à l'eau, je pense à la nourriture, par exemple.
17:46 Qu'est-ce que vous avez fait ces dernières heures ?
17:48 - La chèreté de la vie à Mayotte nous dit ce qu'il en est.
17:53 Le quotidien se résume à ça.
17:57 Aujourd'hui à Mayotte, on est même en manque d'eau.
18:00 Pour dire, il n'y a pas d'eau.
18:03 En métropole, pour faire juste une petite parenthèse,
18:09 en métropole, le pack d'eau, il est la cristalline.
18:13 Je prends typique l'exemple de la cristalline.
18:15 Elle est à 1 euro le pack, on va dire.
18:18 Et à Mayotte, elle coûte 5 fois plus cher.
18:22 - Ça ne doit pas être 1 euro le pack quand même.
18:24 Parce que je pense que ça doit être un peu plus cher le pack de 6 bouteilles de cristalline.
18:28 - 1,45 euros.
18:29 - 1,45 euros ?
18:30 - Non, c'est une des moins chères, la cristalline.
18:32 - Et là, ça coûte 5 euros.
18:33 - C'est une des moins chères.
18:34 Et à Mayotte, elle est à 5, presque 6 euros le pack.
18:38 - Bon, et ça c'est une question toute simple d'ailleurs.
18:41 C'est une question qui intéresse évidemment les habitants.
18:44 Et je la pose à Patrick Stefanini.
18:46 On a vérifié, le smic brut à Mayotte, par exemple, il est de 1.334 euros.
18:50 Le smic brut en métropole, il est de 1.766 euros, M. Stefanini.
18:55 Et le paradoxe, c'est que la vie est plus chère à Mayotte.
18:57 Donc, je comprends les Mahorais.
19:00 - Vous avez raison.
19:02 Mais il faut en revenir aux fondamentaux.
19:05 La question qui se pose à Mayotte, et qui se pose dans d'autres parties du territoire français,
19:09 c'est de savoir si la France est capable de faire respecter sa frontière.
19:13 On parle beaucoup aujourd'hui de souveraineté, de souveraineté alimentaire,
19:17 de souveraineté énergétique, etc.
19:19 - La réponse est non à cette question, manifestement.
19:22 - La réponse est non, mais il faut se donner les moyens de contrôler notre frontière à Mayotte.
19:28 - Il faut envoyer des militaires ?
19:30 - Oui, mais il y a déjà des militaires qui sont présents à Mayotte.
19:35 J'ai entendu une ministre de l'Intérieur faire hier une proposition,
19:38 je ne sais pas si vous l'avez entendue comme moi,
19:40 consistant à mettre en place une sorte de rideau de fer sur la voie maritime,
19:45 puisque Mayotte, on y accède par la voie maritime.
19:47 Donc, en clair, il faut à la fois multiplier les patrouilles en mer,
19:52 pour éviter que les petits bateaux, les "quoissa-quoissa"
19:55 qui amènent les Comoriens sur le territoire de Mayotte,
19:58 ne parviennent jusqu'à Mayotte.
20:00 Il faut contrôler nos eaux territoriales.
20:03 - J'entends bien, mais ça fait des années que ça ne change pas.
20:06 Je vous disais, le son que nous avons passé, c'est ça qui est terrible.
20:09 On entend Jean-Marie Le Pen, en 2018, décrire la situation qui n'a pas bougé depuis.
20:14 Et peut-être que dans 5 ans, Kala sera encore sur cette ligne et dira "Rien n'a changé".
20:19 - Monsieur Proulx, je vous entends sur le fait que nous avons perdu du temps
20:29 ou que nous avons tardé à réagir.
20:31 - Mais c'est plus que ça, vous vous rendez compte ?
20:34 C'est plus que ça.
20:35 Ou c'est de l'incompétence ou on ne peut pas le faire.
20:39 - La question que se posent aujourd'hui les Mahorais, c'est de savoir
20:43 est-ce qu'on peut changer cette situation ?
20:45 - Et vous vous dites oui.
20:46 - Et moi je dis que oui, on peut changer cette situation en agissant à la fois
20:50 sur le plan juridique, donc en modifiant la Constitution
20:54 pour supprimer le droit du sol à Mayotte,
20:56 et j'ajoute en ce qui me concerne qu'il faudrait prendre la même mesure en Guyane,
20:59 et deuxièmement en renforçant de manière considérable les moyens policiers
21:05 de gendarmerie et si nécessaire les moyens militaires
21:09 qui permettront de contrôler notre frontière maritime à Mayotte.
21:13 - Merci d'avoir joué le jeu, monsieur Stefanini,
21:17 parce que je vous pose des questions que les uns et les autres se posent,
21:20 d'ailleurs j'imagine, ceux qui nous écoutent,
21:22 et je vous remercie d'y avoir répondu.
21:24 - Jouer le jeu, monsieur Proulx, je n'en pleurerai pas cette expression
21:27 parce que malheureusement, ce que vivent les habitants à Mayotte aujourd'hui,
21:31 c'est absolument dramatique, et nous leur devons des réponses
21:34 à hauteur du drame de vie quotidienne qui est le leur.
21:37 - Je retire l'expression, et vous avez bien raison,
21:39 mais vous acceptez plus exactement de venir en tant qu'hommes politiques,
21:42 alors que vous savez que les hommes politiques sont responsables de la situation,
21:45 vous acceptez le jeu des questions et réponses.
21:47 Kala, vous vous disiez que vous êtes fatiguée,
21:50 vous nous expliquez la vie chère sur l'île,
21:53 mais en ce moment vous travaillez,
21:55 ou cette situation de barrage qui est sur l'île
21:59 vous oblige à avoir pris du recul avec votre travail ?
22:02 - Écoutez, j'ai pris du recul avec mon travail,
22:06 ça fait déjà trois semaines.
22:08 - Oui, mais alors comment ça se passe ?
22:10 - On entame la quatrième semaine,
22:12 ça fera trois semaines que je ne serai pas payée,
22:15 parce que justement, j'ai pris la décision,
22:18 moi en tant que citoyen lambda,
22:21 citoyen maorais qui souffre,
22:24 de ne pas aller travailler justement,
22:26 pour rejoindre ce mouvement.
22:28 Je ne sais pas si vous me comprenez.
22:30 Je ne serai pas payée pendant trois semaines,
22:33 parce que pendant trois semaines,
22:35 je ne me suis pas rendue à mon lieu de travail.
22:38 Je préfère prendre ce sacrifice, me sacrifier,
22:41 pour avoir un semblant de vie à Mayotte.
22:45 Je rappelle qu'à Mayotte, aujourd'hui,
22:47 on n'a pas de vie, on ne sort pas,
22:49 on ne va plus à la plage,
22:51 on ne peut plus faire d'activités avec nos enfants,
22:54 on est voués, on est confinés.
22:56 À Mayotte, on est sortis du confinement Covid,
22:59 mais on est rentrés dans le confinement délinquant.
23:02 On ne peut plus sortir à Mayotte,
23:04 on ne peut plus vivre, c'est tout simplement pas possible.
23:07 Vous imaginez que je suis obligée de laisser mes gamins,
23:11 les tout-petits, un de quatre ans,
23:13 et la petite de deux ans,
23:15 je suis obligée de les laisser à la maison,
23:17 sans activité, et de chercher comment occuper mes enfants H24,
23:21 parce que je ne peux pas prendre le risque
23:23 d'aller me faire agresser avec mes enfants à l'extérieur,
23:26 parce que je veux les faire sortir,
23:28 c'est tout de même invivable.
23:30 - Témoignage bouleversant de Kala, merci vraiment.
23:33 Comment ils s'appellent, vos enfants, Kala ?
23:36 - J'en ai Kilian, Kiran, Kélis et Kémy.
23:40 - Et alors, tu...
23:42 Donc, visiblement, dans la famille,
23:46 le mot K... - Le K, c'est un abonnement.
23:49 - C'est un abonnement. Et vous, vous aviez des frères et sœurs
23:51 qui avaient un prénom qui commençait par K, également ?
23:54 - Bah, pas du tout, pas du tout. Je suis la seule.
23:57 Je suis née d'une fratrie de neuf frères et sœurs.
24:00 On n'est que deux filles, et donc,
24:03 nous, les filles, on a choisi de...
24:06 Elle, elle a fait les F, et moi, j'ai fait les K.
24:09 - Et les neuf frères et sœurs sont sur l'île ?
24:12 - Non, j'ai trois frères qui ont choisi de faire l'armée.
24:17 C'est des militaires, en métropole.
24:20 - Donc, ils sont disséminés sur le globe ?
24:23 - Voilà, ils sont sur le globe, ils tournent dans le globe.
24:26 Ma grande sœur, elle est soignante.
24:29 Donc, elle vit le calvaire tous les jours.
24:32 Mon grand frère, il est chef de police municipale.
24:37 Donc, on a quand même bien réussi nos vies
24:41 à l'âme de l'âge, mais le quotidien à Mayotte
24:45 nous confine, quoi. On est déconfinés.
24:48 - J'entends bien. Et vos parents sont toujours de ce monde ?
24:50 Votre maman, qui a mis neuf enfants au monde,
24:52 elle est toujours avec vous ?
24:55 - Je peux vous voir, mes parents sont toujours là.
24:58 Ils sont en traitement à La Réunion, tous les deux.
25:01 Mais ils sont encore vivants, ils sont encore de ce monde.
25:04 Retraités, mais ils sont toujours là.
25:06 - Mais votre maman, qui a mis neuf enfants au monde,
25:08 c'est quand même pas rien, neuf enfants au monde.
25:11 Elle va bien ?
25:13 - Elle va très bien. Après, les aléas de la vie
25:17 font qu'elle est un peu malade.
25:19 Mais en vrai, elle en a fait onze, deux n'ont pas survécu.
25:23 Mais les neuf qui sont là, on se porte tous en bonne santé.
25:27 - Quel témoignage !
25:28 - Mes deux parents sont toujours là.
25:30 - Quel témoignage qu'elle a !
25:31 - D'ailleurs, j'aimerais bien que mes parents reviennent
25:34 vivre sur l'île, mais je ne peux pas me permettre
25:39 de les déplacer aujourd'hui pour venir rester là,
25:42 sans sachant que nous-mêmes ici, on a du mal à vivre.
25:46 - La puissance du témoignage, c'est la force de cette émission.
25:50 C'est une France qui existe, c'est notre pays,
25:53 avec des histoires qui sont rares en métropole,
25:56 disons-le, l'histoire de Cala.
25:58 Et c'est une vie par différente, c'est une vie...
26:02 - Effectivement, merci de votre témoignage.
26:04 On rappelle les quatre enfants que vous avez,
26:06 parce que j'ai retenu Kylian, j'ai retenu Kenny, je crois,
26:10 et vous allez rappeler peut-être les quatre,
26:12 parce que ça m'a beaucoup intéressé.
26:13 - Kylian, Kiran, Kélis et Kerim.
26:17 - Kerim, voilà, d'accord.
26:19 Bon, bah écoutez, on va essayer de vous revoir
26:21 et de vous rappeler régulièrement.
26:23 Et on vous embrasse, je ne sais pas si vous recevez
26:25 Europe 1 ou CNews régulièrement à Mayotte ?
26:28 - On est câblés, donc on arrive à avoir un peu
26:33 toutes les chaînes nationales.
26:34 D'ailleurs, au passage, ça fait quatre semaines,
26:37 on entame notre quatrième semaine de grève
26:40 depuis qu'on est sur les rues.
26:41 Et pendant deux semaines et demie,
26:44 pratiquement entre trois semaines,
26:45 on n'a pas été entendu, parce que...
26:47 - Bien sûr.
26:48 - Peut-être que les chaînes locaux n'ont pas relayé
26:51 les formations au niveau national, je ne sais pas.
26:55 Mais l'actualité, elle n'était pas relayée.
26:58 Aujourd'hui, nous vous remercions,
27:01 parce que grâce à vous, on est entendu à l'extérieur,
27:05 on fait du bruit, Mayotte fait du bruit à l'extérieur.
27:09 Donc on est contents, et même si on a cette petite
27:14 réticence des annonces du gouvernement hier,
27:17 on attend d'ailleurs que ça se mette en place
27:20 pour pouvoir peut-être lever les barrages.
27:22 Mais pour l'instant, on maintient les barrages,
27:24 parce que nous estimons que nous ne pouvons pas
27:27 nous fier juste à des paroles.
27:28 - J'entends bien.
27:29 - Nous ne pouvons pas prendre juste ces paroles.
27:31 - Merci beaucoup, Kala, vous êtes partie du collectif...
27:34 - Force vive.
27:35 - Force vive, merci.
27:36 C'est moi qui vous remercie pour la qualité de votre témoignage,
27:39 pour ce qu'on ressent, parce que dans un témoignage,
27:43 on sent tout, bien évidemment, et aussi la bienveillance,
27:45 l'énergie, ce qu'est cette femme.
27:47 C'est absolument formidable d'avoir pris du temps, justement,
27:51 et cette émission permet de prendre du temps,
27:53 même si manifestement, on est très en retard.
27:55 Facebook, un petit point avec vous.
27:57 - Allez, Linn nous écrit, je pense que dans 5 ans,
28:00 on sera dans la même situation ici, en métropole.
28:03 Jean-Pierre nous dit, la fin du droit du sol,
28:06 ça doit être fait dans tous les départements français.
28:08 On finit avec Sandrine,
28:10 les Mahorais vivent un véritable enfer et personne n'agit.

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