• il y a 8 mois

Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités débattent de la légitimité des contrôleurs SNCF à faire grève à partir de vendredi 16 février, et parlent de la pénibilité au travail.
Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline

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Transcription
00:00 J'aimerais évoquer la crise, la grève plutôt à la SNCF. On voit des crises partout à force.
00:04 La grève à la SNCF avec un TGV sur deux ce week-end, grève des contrôleurs.
00:09 Gabriel Attal était sur le terrain pour parler d'agriculture, mais il a quand même parlé de ce qu'il a dit hier.
00:14 Les mots étaient importants, il dit évidemment que la grève est un droit, mais travailler est un devoir.
00:19 Il s'est expliqué aujourd'hui sur cette phrase. Écoutez ce qu'il a dit.
00:22 Il y a toujours des réactions et on est dans une démocratie, un débat démocratique.
00:27 Hier, j'ai rappelé la Constitution. J'ai dit que le droit de grève est dans la Constitution.
00:34 Dans la Constitution, il y a un préambule qui parle aussi du devoir de travailler.
00:38 C'est le préambule de 45, c'est le Conseil national de la résistance.
00:42 Je rappelle des socialistes, des communistes, des chrétiens démocrates qui s'accordent autour de ce texte qui parle lui-même de devoir de travailler.
00:48 La réalité, c'est que vous avez certains responsables politiques qui semblent choqués dès qu'on parle de travail.
00:55 Est-ce qu'il fait du mauvais esprit, Éric Nolot ?
00:59 J'arrive pas tellement à comprendre ce qu'il veut faire passer comme message.
01:03 Moi, ce que je vois dans cette grève, c'est qu'elle est légale, mais pour moi, elle n'est pas légitime.
01:07 Tout simplement parce que les contrôleurs, c'est eux qui sont en grève, ont obtenu satisfaction à propos de la plupart de leurs revendications.
01:15 La plupart des syndicats s'estimaient satisfaits et qu'ils ont été débordés par la base.
01:19 C'est certainement pas la profession la plus à plaindre dans les métiers de la SCF.
01:23 Mais il est scandaleux de dire que c'est un devoir, le travail.
01:27 C'est ça, la question, au fond.
01:29 Moi, il me semble que c'est pas comme ça qu'il faut poser, parce que ça braque un peu les gens.
01:33 Simplement de dire qu'il y a un moment où une grève est justifiée et il y a des moments où une grève n'est pas justifiée.
01:38 Je pense que cette grève n'est pas justifiée.
01:40 Maintenant, ils ont le droit de se mettre à grève. On est dans cette tension démocratique dont on ne peut pas...
01:45 Permanente. Nathan Devers, le philosophe ?
01:47 Moi, je pense que ça ne veut absolument rien dire.
01:49 Je me trompe peut-être en disant qu'autour du plateau, on est tous heureux de notre travail.
01:53 Et qu'on ne peut pas penser le travail comme si c'était un concept unitaire.
01:57 Il y a un nombre important de Français qui vivent leur travail comme un fardeau.
02:02 C'est l'étymologie du mot.
02:03 Nietzsche a énormément écrit sur le fait que la modernité allait imposer comme ça un travail aliénant, asservissant.
02:09 Et parler de valeur-travail comme si c'était quelque chose d'unitaire,
02:13 qui pouvait réunir à la fois la situation de quelqu'un qui se réveille tous les matins
02:17 en sautant de joie hors de son lit parce qu'il va au travail et que c'est le sens de sa vie,
02:21 et quelqu'un qui vit ça comme un fardeau jusqu'au terme de son existence.
02:24 On ne peut pas tout mettre sous le même rang.
02:26 Et j'irais juste une chose sur le métier de contrôleur.
02:28 Moi, je pense qu'il y a une vraie réflexion à avoir sur ce métier.
02:31 Parce qu'aujourd'hui, ce métier-là, vous savez, dans la plupart des trains,
02:34 les machines ont remplacé les contrôleurs.
02:36 Donc si vous voulez, vous ne pouvez même pas avoir accès à un train si vous n'avez pas de billet.
02:40 Le fait que ce métier-là conserve des mécanismes et une logique qui était celle des trains d'avance...
02:46 Voilà, bien sûr, je pense que c'est un sujet et qu'on peut le rendre à des tâches beaucoup plus humaines
02:51 de service, d'accueil des passagers, etc.
02:53 Mais c'est la différence entre le travail et le loisir aussi.
02:56 C'est là où je serais peut-être pas d'accord avec vous.
02:58 C'est qu'un travail, vous ne cherchez pas les mêmes fruits et les mêmes motifs de satisfaction que dans un loisir.
03:05 Ça ne veut pas dire que ce travail est pénible pour beaucoup de gens.
03:09 Et il y a sans doute des activités qui sont plus agréables.
03:11 Mais pour moi, le sujet n'est pas là.
03:13 On n'est pas en train de savoir si on est dans le bonheur ou dans le malheur au travail.
03:15 La question, c'est que ce sont quand même globalement...
03:17 En début d'émission, on parlait de la crise des agriculteurs.
03:19 On n'a pas évoqué leurs revenus, mais en préparant l'émission, je regardais quand même.
03:23 Les cheminots, ils ont été augmentés de 17% en deux ans.
03:26 Les contrôleurs ont obtenu quand même une augmentation des primes de 500 euros brut par mois.
03:33 Entre 2000 et 3000 en fin de carrière en plus.
03:36 Et au total, c'est 1,5 milliard d'euros de masse salariale en plus.
03:40 Aujourd'hui, combien de gens font des métiers pénibles, n'ont jamais le droit à la parole
03:46 et sont payés beaucoup moins cher que les contrôleurs et les agents de la SNCF ?
03:51 Je ne comprends pas trop la référence de Gabriel Attal dans ce contexte-là.
03:54 Il me semble qu'il y a d'autres choses qui sont dans la Constitution
03:56 qui pourraient être plus intéressantes, comme la continuité du service public,
03:59 puisque de facto, la SNCF, avec le nombre de subventions qu'on lui accorde chaque année,
04:04 ou le fait qu'il y ait des principes qui s'opposent et qu'il faille trouver un équilibre,
04:08 la liberté, le droit de circuler, le droit d'avoir une vie de famille, etc.
04:12 Tout ça, ça existe.
04:13 Mais il aurait mieux fait de se poser la question sur la crise de sens qu'il y a derrière ce conflit-là.
04:16 Parce qu'on peut citer les chiffres à l'infini.
04:18 Ce qui se passe avec le conflit autour des contrôleurs, c'est le changement de statut au sein de la SNCF.
04:23 Mais ça, c'est un deuxième effet qui se coule.
04:25 Parce que quand vous faites coexister des gens qui ont l'ancien statut,
04:28 les droits attachés à l'ancien statut, et des nouveaux que vous faites venir
04:31 qui n'ont plus les mêmes droits et qui, de facto, restent assez peu de temps,
04:34 donc ça veut dire que les anciens, on les remet dans la situation débutante.
04:36 Bref, il y a toute une crise du management et du sens du travail qui est posée.
04:41 C'est aussi parce que le gouvernement, probablement, en faisant coexister ces deux statuts,
04:46 ne s'est pas suffisamment posé la question et que la direction de la SNCF,
04:49 en termes de management, n'a pas su gérer ça.
04:51 Parce que sinon, on pourra citer les chiffres autant qu'on veut, on ne résoudra pas cette question-là.
04:55 En fait, il est dans un environnement, il fait référence à quoi ?
04:59 Au CNR. C'est quoi le CNR pour la gauche ?
05:02 C'est le Graal.
05:03 Donc, il sait très bien que son discours sur le travail est un devoir.
05:07 Le CNR de la Région nationale de la Région.
05:10 Donc, il l'inscrit dans les grandes conquêtes sociales après-guerre.
05:15 Et parmi ces conquêtes sociales, il y a la sécurité sociale,
05:18 il y a notamment toutes les questions du droit de grève.
05:20 Donc, il équilibre les choses.
05:22 Il tente de passer à travers les gouttes. Ça ne marche pas.
05:25 Mais pourquoi il dit "travailler est un devoir" ?
05:27 Parce que dans le cadre du loisir, vous êtes sur quelque chose de personnel.
05:30 Le travail est collectif. Dans une communauté,
05:33 surtout dans des communautés qui affrontent des difficultés,
05:37 c'est le travail des uns et des autres qui va faire que la communauté se sauvera ou pas.
05:41 Donc, travailler est un devoir. Dès que vous êtes dans le cadre du devoir,
05:44 vous êtes dans un cadre social et collectif.
05:46 Si vous avez une minute d'attente de la fin, je prends votre intervention.
05:49 Juste une toute petite remarque, c'est que globalement,
05:51 et c'est évidemment ce que fait Gabriel Attal, avant lui Emmanuel Macron,
05:53 avant lui Nicolas Sarkozy, glorifier la valeur travail.
05:56 Je fais juste remarquer que dans le débat public,
05:58 les gens qui font l'apologie de cette valeur sont,
06:00 globalement, sans rentrer dans leur tête, des gens qui sont très heureux de leur métier.
06:03 Vous n'entendrez jamais quelqu'un qui vit la pénibilité au travail.
06:06 Quand je parle de pénibilité, ce n'est pas que physique.
06:08 C'est la pénibilité psychologique de se dire "je ne sais pas quel est le sens de mon travail".
06:11 Il y a beaucoup de Français qui vivent ça. Jamais vous les entendrez, ces gens-là.
06:14 Ils ont un métier très pénible, mais ils disent qu'ils aiment leur travail.
06:16 Parce qu'ils y trouvent du sens.
06:18 C'est pour ça que ce qu'on fait là serait vraiment en baguant la crise de sens.
06:21 C'est ce qu'on appelle de manière un peu vulgaire les "bullshit jobs".
06:23 Il y a plein de gens qui ne savent pas quel est le sens de leur métier.
06:26 Vous ne les entendrez pas dire que la valeur du travail c'est formidable.
06:29 Ils sont contents de faire ce métier.

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