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Philippe Camburet, président de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB)répond aux questions d’Alexandre Le Mer.
Retrouvez "L'invité éco" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-eco

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Transcription
00:00 L'invité éco avec Banque Populaire, engagé aux côtés de ceux qui entreprennent.
00:04 Il est 6h41 sur Europe 1. La crise agricole, je vous disais, elle couvre toujours, rien n'est réglé.
00:11 Les agriculteurs attendent toujours des actes, ils font peser des menaces sur la bonne tenue du salon de l'agriculture qui s'ouvre maintenant dans cinq jours.
00:20 On s'intéresse ce matin sur Europe 1 à la filière bio avec mon invité. Bonjour Philippe Camburet.
00:25 Bonjour.
00:27 En tant que président de la Fédération Nationale de l'Agriculture Biologique, vous représentez près de 10 000 fermes bio.
00:33 Est-ce que vous avez l'impression que votre filière est convenablement traitée par les annonces gouvernementales pour le monde agricole ?
00:41 Philippe Camburet.
00:43 Alors en tout cas, on nous laisse depuis pas mal de temps dans une attente insupportable.
00:49 Ça fait un an et demi maintenant qu'on alerte le gouvernement sur les difficultés de la filière et malheureusement les réponses ne sont pas au rendez-vous, loin de là.
00:57 Et cette crise s'installe malheureusement durablement alors que les objectifs pour la filière étaient normalement de doubler les surfaces d'ici 2030.
01:05 Et 2024 sera probablement l'année justement du recul de l'agriculture biologique en France.
01:11 Donc tout ça c'est très mal parti.
01:13 Quelles sont les réponses justement que vous attendez de la part du gouvernement ?
01:17 Alors les réponses à très court terme pour sauver la trésorerie des fermes qui aujourd'hui se posent la question de rester en bio,
01:25 mais pour beaucoup d'autres aussi la question de rester des fermes et peut-être de passer à un autre métier pour toutes mes collègues et mes collègues qui sont aujourd'hui agriculteurs bio.
01:35 Au minimum 100 millions d'euros immédiatement pour venir en aide à ce besoin de trésorerie qu'on a sur le terrain.
01:43 Et puis se préparer à davantage parce qu'à moyen terme et à long terme malheureusement on va avoir besoin de dynamiser la filière en redisant ce que c'est qu'un produit bio,
01:54 en faisant le lien entre l'alimentation et la pollution des sols.
01:57 Parce qu'on a oublié ce qu'est un produit bio, c'est ce que vous voulez dire ?
02:00 Exactement, on a oublié aujourd'hui à quel point notre alimentation peut avoir un effet sur notre santé,
02:06 mais sur la santé de l'eau, sur la santé des écosystèmes, les épidémies de cancer, les épidémies d'obésité, de diabète, tout ça c'est lié à notre alimentation.
02:15 Et si on n'y prend pas garde justement on va continuer dans cette dérive.
02:19 Donc aujourd'hui il faut absolument redire ce que c'est qu'un produit bio et pour ça on a besoin de moyens.
02:23 Alors un chiffre qui illustre vos difficultés, les ventes de produits bio effectivement décrochent,
02:28 vous chiffrez vos pertes à plus de 270 millions d'euros rien que pendant l'année dernière.
02:32 Donc en face effectivement quand le gouvernement propose une aide de 50 millions d'euros pour la filière,
02:38 vous dites ça on n'est pas du tout à la hauteur des enjeux là ?
02:42 Le gouvernement semble être très généreux avec d'autres filières et moi je suis content pour mes collègues, il n'y a pas de problème.
02:50 Sauf qu'il faudrait essayer d'être un peu équitable dans tout ça.
02:54 Et les enjeux aujourd'hui c'est bien de sauver une filière qui correspond à des objectifs que l'État s'est lui-même fixé.
03:01 Aujourd'hui on n'a pas mis en place les systèmes de régulation de marché qu'on peut mettre en place pour les autres filières.
03:10 C'est-à-dire favoriser le stockage quand on a trop de marchandises à mettre sur le marché, favoriser la transformation.
03:17 Tout ça c'est pas mis en oeuvre, on nous dit que c'est pas possible en bio alors que malheureusement c'est ce dont on aurait besoin absolument maintenant.
03:24 L'inflation naturellement a détourné beaucoup de consommateurs de produits "premium" et en particulier du bio.
03:32 6 Français sur 10 jugent qu'ils sont trop chers les produits bio.
03:36 C'est ça le problème et d'ailleurs hors inflation c'est le surcoût pour se payer des produits bio, des fruits et légumes bio.
03:44 On voit bien la différence quand on va sur des étals de marché par exemple, c'est extrêmement net Philippe Camburet.
03:49 Alors justement aujourd'hui il y a beaucoup de gens qui s'imaginent qu'en achetant des produits bio ils vont se faire assassiner.
03:57 Enfin oui avoir et de ce fait on a besoin de transparence, de transparence à tous les niveaux.
04:04 Et moi je suis quand même surpris de découvrir qu'il faut une révolution agricole dans notre pays pour qu'on commence à faire des contrôles,
04:12 que la répression des fraudes commence à s'intéresser aux pratiques commerciales.
04:15 On est dans une loi Egalim qui va avoir bientôt 5 ans et on n'est encore pas capable d'assurer la traçabilité des pratiques commerciales,
04:24 donc des marges notamment et donc forcément les Français ont l'impression de se faire avoir.
04:29 Et la plupart du temps malheureusement ce n'est pas le cas.
04:31 Quand on achète chez son producteur je peux vous dire que la plupart du temps on trouve des produits bio moins chers que les produits conventionnels dans la grande distribution.
04:41 Donc il faut faire la part des choses mais on a absolument besoin que cette loi Egalim soit respectée.
04:46 Sur ce point là comme sur la restauration collective aussi on devrait être à 20% de produits bio à la cantine.
04:51 On en est très loin.
04:53 Mais on en est à 6, 7, 8% grand maximum aujourd'hui.
04:56 Donc forcément tous les indicateurs ne sont pas au rendez-vous pour nous donner espoir à la veille de ce salon.
05:06 Philippe Camburet, vous qui vous plaignez d'une inégalité de traitement,
05:11 effectivement la FNSEA obtient par exemple la suspension du plan EcoFito sur la réduction de moitié du recours aux pesticides d'ici à 2030.
05:19 Vous qui représentez les producteurs bio, évidemment ça vous fait vivement réagir.
05:23 Oui parce que nous les normes c'est notre quotidien et c'est grâce à ça qu'on a...
05:31 C'est votre planche de salut vous voulez dire ?
05:33 Bah oui et on est droit dans nos bottes parce qu'on a un cahier des charges qui est contrôlé,
05:37 qui est rigoureux, qui est strict et qui nous fait travailler avec la nature et pas contre la nature.
05:43 Donc il n'y a pas de problème. Les normes ne sont pas nos ennemis.
05:47 Au contraire c'est ça qui nous donne notre guide.
05:50 Et c'est ce qui vous distingue du reste du monde agricole puisqu'on a beaucoup entendu de plaintes à propos du poids des normes,
05:56 en particulier européenne, Philippe Camburet.
05:58 Oui mais le sujet c'est pas la norme, c'est la façon dont on peut être récompensé de la respecter.
06:04 Et aujourd'hui on voit bien qu'en bio, même quand on respecte au plus haut niveau les normes,
06:08 malheureusement on n'est pas en mesure d'en vivre.
06:11 On a des fermes qui vont fermer tous les jours, des fermes bio, parce qu'elles sont en bio et parce qu'elles respectent la norme.
06:18 Qui se déconvertissent, qui font marche arrière en fait, qui retournent au conventionnel.
06:22 Quand la France se fixe pour objectif d'atteindre 21% de surface bio d'ici à 2030, ça va arriver très vite, 2030, est-ce que ça vous paraît faisable ?
06:31 Aujourd'hui on n'a pas du tout les indicateurs en faveur de ça.
06:38 On n'a jamais converti plus de 300 000 hectares par an et là il faudrait qu'on convertisse 1 million d'hectares par an pendant 6 ans.
06:45 Donc on n'y sera pas. Moi j'ai simplement peur que cet objectif là s'ajoute à la liste des objectifs non tenus de ce quinquennat.
06:53 C'est ça le problème. Et on sait qu'il y en aura d'autres. On devait abandonner le glyphosate.
06:57 Il y en avait beaucoup d'autres des objectifs qui devaient être tenus. J'ai peur que celui-là malheureusement s'ajoute à la liste.
07:03 Merci Philippe Camburet, président de la Fédération Nationale de l'Agriculture Biologique sur Europe 1.
07:08 Et vous serez au Salon de l'Agriculture je crois bien sûr à partir de samedi, à la fin de la semaine. Merci à vous.
07:15 C'était l'invité Éco avec Banque Populaire. Engagé aux côtés de ceux qui entreprennent.
07:19 Banque Populaire, partenaire premium de Paris 2024.

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