Les Français mangent plus de viande, mais les éleveurs en produisent moins

  • l’année dernière

Patrick Bénézit, vice-président de la FNSEA et président de la Fédération nationale bovine, répond aux questions d’Alexandre Le Mer.
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Transcript
00:00 de matinée, il est 6h43. - Alors je sais, je sais bien que vous êtes à l'heure du petit déjeuner, chers auditeurs, mais allez-vous mettre de la
00:06 viande dans votre assiette à midi ? Le sommet de l'élevage a fermé ses portes dans un climat d'inquiétude.
00:11 Vendredi, à Cournon, près de Clermont-Ferrand,
00:13 la filière française produit de moins en moins de viande de bœuf. - Et pour en parler sur Europe 1, votre invité Alexandre Lemer, c'est Patrick
00:21 Benézy, président de la Fédération nationale bovine, vice-président de la FNSEA, premier syndicat agricole. - Bonjour Patrick Benézy.
00:28 - Bonjour. - La filière bovine française en difficulté, elle reste le premier cheptel en Europe, avec une production qui baisse toutefois en
00:35 presque 10% de moins sur les dernières années.
00:38 Si l'on produit moins de viande en France, de viande de bœuf en tout cas, est-ce que c'est parce que l'on mange moins de viande ?
00:44 - Alors non, contrairement des fois à ce qui est dit,
00:47 on mange autant de viande, on en a même consommé un petit peu plus en 2022.
00:54 Donc les français apprécient et apprécient la viande bovine, et
00:58 aujourd'hui on a des chiffres de consommation qui restent bons et élevés. - Mais c'est ça le paradoxe, pourquoi réduire la production
01:05 de viande de bœuf en France si la consommation ne baisse pas ?
01:09 - Eh bien c'est ce que nous disons, puisque la problématique c'est que
01:14 toute viande qui n'est plus produite sur notre territoire est malheureusement importée,
01:21 et importée de systèmes qui ne sont pas aussi vertueux que les nôtres, bien souvent de l'autre bout de la planète.
01:27 - Alors c'est ce que vous dites, défendre une production française, c'est défendre une production de qualité.
01:32 - Tout à fait, c'est-à-dire qu'on a déjà
01:35 des grandes races dans nos territoires, c'est une production qui est à taille humaine,
01:42 familiale, qui respecte énormément la biodiversité, qui assiste sur les 13 millions d'hectares de prairies,
01:48 les systèmes polyculture et levage qui sont extrêmement résilients,
01:52 et effectivement on a un système qui est assez unique au monde par rapport à ce qui s'est développé ailleurs.
01:57 - Patrick Benézi, vous êtes vous-même dans le Cantal, un éleveur de vaches charolaises,
02:01 ça se passe comment financièrement ? Ça coûte de plus en plus cher de produire un kilo de viande de bœuf aujourd'hui ?
02:06 - Nos coûts de production, enfin comme d'autres productions d'ailleurs, ont augmenté de manière extrêmement forte.
02:11 On a des coûts de production qui ont augmenté de plus de 30% depuis avant le Covid en fait.
02:18 Et donc on a des prix qui ont effectivement augmenté, mais les coûts de production ont tellement augmenté
02:24 que nous n'arrivons toujours pas à couvrir les coûts de production. On est selon les catégories d'animaux
02:30 entre 10 et 20% au-dessous
02:32 des coûts de production que nous avons. - Qu'est-ce qui augmente dans le coût de production ?
02:37 - Alors aujourd'hui c'est effectivement le gasoil, ça a été beaucoup
02:43 l'alimentation du bétail, mais également aussi les services que nous avons dès lors que nous faisons appel à des
02:49 réparateurs de matériel agricole ou autre. Tout ce qui est lié à la main d'oeuvre augmente énormément.
02:54 - Au sommet de l'élevage qui s'est donc tenu en fin de semaine dernière
02:58 près de Clermont-Ferrand, vous avez rencontré Bruno Le Maire, le ministre de l'économie, qui annonce une mesure fiscale très attendue par les éleveurs.
03:05 150 euros par vache, hauteur de 15 000 euros par exploitation pour 100 vaches. C'est un bon coup de pouce de la part de l'État ?
03:12 - Alors c'est un coup de pouce, mais malheureusement la solution elle vient surtout des prix, elle viendra surtout des prix, mais il nous fallait cette mesure
03:20 parce qu'effectivement notre chaptelle a augmenté de valeur. Vous avez beau avoir
03:24 le nombre de vaches que vous avez,
03:27 une vache va produire autant de veau ou autant de lait que l'année précédente, même si elle augmente de valeur, sa production elle va rester la même.
03:34 Donc c'est un coup de pouce fiscal pour éviter de payer
03:39 sur des animaux qui de toute façon ne sont pas réalisés. L'agriculteur ne va pas vendre ses animaux et ses animaux vont produire la même chose.
03:46 Donc c'était une problématique comptable que nous avions
03:49 et qu'il fallait absolument résoudre.
03:52 - Alors coup de pouce fiscal, décidément la filière bovine elle cumule les paradoxes. La production baisse alors que la consommation
03:57 de viande est stable, voire augmente un petit peu. Et là,
04:00 l'État accorde des aides tout de même à une filière grande émettrice de gaz à effet de serre,
04:05 ça cadre pas avec les objectifs de réduction des émissions face à l'urgence climatique ?
04:09 - Alors pour que déjà ça cadre avec les objectifs de réduction, il faudrait encore lever le pied sur les importations.
04:17 La commission européenne aujourd'hui a
04:20 plusieurs fers au feu en matière de négociations internationales. Elle souhaite faire rentrer de la viande de l'Australie, d'Amérique du Sud,
04:27 du Chili, du Mexique.
04:31 Donc il y a beaucoup d'incohérences. Nous ce que nous proposons c'est d'arrêter les importations pour réduire les gaz à effet de serre.
04:37 - Arrêter les importations ça veut dire agir sur la demande, ça veut dire consommer moins de viande finalement. S'il y a des importations c'est qu'elles
04:43 viennent compenser une production en baisse. C'est bien la demande de viande qui compte dans tout ça.
04:48 - Alors ce que nous disons, et ce que nous avons dit à Bruno Le Maire et effectivement à M. Flaineau également, c'est de privilégier
04:55 la viande française dans les assiettes des consommateurs, qui est une viande durable.
04:59 Parce que quand on parle émission de gaz à effet de serre,
05:02 les choses ne sont pas communes entre celles qui viennent de l'autre côté de la planète et celles qui
05:07 dépendent des 13 millions d'hectares de prairies qui, rappelons-le, stockent du carbone tous les jours.
05:13 - Moins de viande, mieux de viande, vous êtes d'accord avec ça ?
05:15 - C'est exactement ça.
05:18 - Merci, merci Patrick Benézy, président de la Fédération Nationale Bovine, vous êtes éleveur vous-même dans le Cantal, et vice-président de la FNSEA,
05:25 Premier Syndicat Agricole, merci à vous.
05:29 Merci, au revoir.

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