Le pouvoir despotique ne rend pas de comptes. Mais il ne peut pas tout dissimuler. Ainsi, malgré ses efforts de propagande pour persuader les Russes de sa popularité, pour nous en persuader, pour s’en persuader lui-même, Poutine ne parvient pas à cacher qu’il n’est pas sûr de son peuple.
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/dominique-reynie-en-toute-subjectivite
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00:00 7h20 en toute subjectivité ce matin avec le directeur de la Fondation pour l'innovation politique.
00:06 Dominique Reynier, bonjour.
00:08 Bonjour Nicolas Demorand.
00:09 Ce matin, Dominique, vous nous parlez de l'élection présidentielle russe.
00:13 Le pouvoir despotique, Nicolas, ne rend pas de compte.
00:16 Mais il ne peut pas tout dissimuler.
00:18 Ainsi, Poutine, dans les efforts de propagande pour persuader les Russes de sa popularité,
00:23 pour nous en persuader, pour s'en persuader lui-même, nous dit assez qu'il n'est pas sûr de son peuple.
00:28 C'est aussi ce qu'il faut déduire des 20 années qui viennent de s'écouler.
00:31 Elles ont été marquées par une incessante surenchère autoritaire.
00:35 La raison d'être de Poutine, si je puis dire, était de contenir le processus de démocratisation
00:40 qui, après avoir gagné l'Ukraine, atteignait la Russie.
00:43 Et cette évolution ne continue pas en Russie.
00:45 Elle se poursuit malgré tout, je crois, comme le montrent les hommages rendus à la mémoire de Navalny,
00:50 en dépit des risques encourus, comme le montrait déjà la journaliste Anna Plutovskaya,
00:54 assassinée en 2006 pour avoir critiqué le régime, notamment sa corruption systématique.
01:00 L'élimination des opposants, mais aussi de journalistes, d'avocats, de militants des droits de l'homme,
01:05 dénonçant la guerre en Tchétchénie, la répression et maintenant la guerre contre l'Ukraine,
01:08 démontrent qu'en réalité, ce pouvoir échoue à contenir la démocratisation.
01:13 Il est certes difficile de connaître l'opinion que les Russes ont de Poutine,
01:17 mais il est clair qu'une part importante le rejette.
01:20 On témoigne les départs massifs après l'invasion de l'Ukraine.
01:23 Un million de Russes, selon le chercheur Vladislav Inozemtsev de l'Ifri.
01:27 Poutine ne peut dissimuler qu'une partie de la jeunesse a préféré le fuir,
01:31 échapper à son ordre de mobilisation.
01:34 On imagine le soulagement des familles et des proches de ce million de jeunes,
01:38 et leur colère contre Poutine.
01:39 Mais la question, Dominique, se pose de savoir si ce mouvement est significatif.
01:44 Imaginons les parents, les grands-parents, les frères, les sœurs, les épouses, les fiancés,
01:48 les beaux-parents, les proches, les amis, les voisins, etc.
01:51 Ce n'est plus un million, mais plusieurs millions.
01:53 Et il faudrait ajouter ceux, certainement plus défavorisés,
01:56 qui n'ont pas su ou pas pu se mettre à l'abri, qui sont contraints d'aller au front.
02:00 Imaginons ce que pensent de Poutine et de sa guerre contre l'Ukraine,
02:03 les familles et les proches des 350 000 soldats tués dans les tranchées depuis deux ans.
02:07 Les familles et les proches des nombreux blessés, mutilés, traumatisés.
02:11 C'est au moins 15 millions de Russes que cette guerre a rendu hostile à Poutine,
02:14 peut-être davantage.
02:16 Et c'est pourquoi, il s'impose une curieuse élection présidentielle le 17 mars.
02:20 Chacun sait que Poutine restera président, que l'élection est truquée.
02:23 Car s'il ne craignait pas de perdre, il aurait préféré une élection libre.
02:27 Voilà pourquoi Poutine contraint de s'engager dans une élection pour ne pas être réélu,
02:32 mais sans concurrent pour ne pas risquer d'être battu.
02:35 - Dominique Régnier, merci et à mardi prochain.