IVG dans la Constitution: « L’IVG ne confort n’existe pas », rappelle Xavier Iacovelli
discours de la du sénateur Renaissance, Xavier Iacovelli, lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle visant à inscrire l'IVG dans la Constitution
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00:00 Monsieur le garde des Sceaux, Monsieur le Président de la Commission des Lois,
00:03 Madame la rapporteure, mes chers collègues. "Le passé ne meurt jamais, il ne faut
00:09 même pas le croire passer", écrivait William Faulkner.
00:11 Ces mots résonnent avec une acuité particulière aujourd'hui, alors que nous
00:16 sommes témoins à l'échelle mondiale de remises en question des droits des femmes,
00:20 notamment du droit à l'interruption volontaire de grossesse.
00:23 La menace constante de voir le passé ressurgir et remettre en question nos
00:28 droits fondamentaux souligne l'importance d'inscrire le droit à l'IVG
00:32 dans le texte suprême de notre République, la Constitution. Graver dans
00:37 le marbre une loi fondamentale et protectrice pour toutes les femmes,
00:41 quel que soit leur milieu, garantira qu'elle résiste à l'épreuve du temps et
00:45 aux vagues populistes qui pourraient frapper notre pays.
00:48 Chers collègues, je vous le dis avec force, arrêtons de croire naïvement que
00:53 ce qui se passe chez nos voisins ne pourrait se reproduire dans notre pays.
00:57 C'est une hérésie, car les attaques envers les droits des femmes à disposer de
01:01 leur corps, notamment chez nos voisins, nous obligent à faire preuve d'une
01:04 extrême vigilance. Aux États-Unis, nous avons été témoins de restrictions
01:09 sévères et l'interdiction de l'IVG dans 14 États, marquant un recul dramatique
01:14 pour les droits des femmes. Et pourtant, qui aurait pu penser que la plus grande
01:17 démocratie du monde puisse devenir et revenir sur ce droit fondamental ?
01:22 65 000, c'est le nombre de femmes en 2023 n'ayant eu aucun recours ou aucun choix
01:28 possible, obligées donc de garder l'enfant conçu à la suite d'un viol aux États-Unis.
01:33 La Pologne, sous la dernière majorité gouvernementale, restreignait le droit à
01:39 l'interruption volontaire de grossesse, ne la rendant légale qu'en cas de viol,
01:42 d'inceste ou lorsque la vie de la mère était menacée.
01:45 L'Italie, avec Mélogne, qui souhaite octroyer une allocation aux femmes pour
01:50 éviter d'avorter, comme si l'argent était la première cause de l'avortement.
01:55 Ou encore en Hongrie, ça a été rappelé, où les femmes ont l'obligation par
01:59 décret d'écouter le battement du cœur du fœtus avant de réaliser l'avortement,
02:03 comme un ultime acte de torture pour les femmes.
02:07 Ces exemples internationaux nous rappellent la fragilité de nos libertés
02:11 et la nécessité de les protéger de manière inébranlable.
02:15 Je porte également une attention aux territoires d'outre-mer et aux zones
02:20 rurales. Confronté à un taux d'IVG particulièrement élevé dans certains
02:24 territoires d'outre-mer, il est de notre devoir de protéger avec fermeté cette
02:28 loi. Car envisager de laisser la place à un quelconque recul sur ce droit
02:33 équivaut à accepter de mettre en danger des milliers de femmes dans ces régions
02:37 dans un futur incertain. Face à ces réalités, nous, la France, en tant que
02:42 nation de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens, devons être à
02:45 l'avant-garde. Inscrire l'IVG dans notre constitution n'est pas seulement un acte
02:49 de protection, il l'est bien sûr, mais c'est aussi, et nous devons l'assumer, un acte
02:54 symbolique, un message fort envoyé aux femmes du monde entier, affirmant nos
02:58 valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité. Et c'est en cela que notre
03:03 pays restera, comme il a toujours été au travers des siècles, ce phare de
03:08 liberté. Ce phare en faveur des droits des femmes. Ce phare en faveur des droits
03:13 humains. Simone Veil elle-même a supporté le choix des femmes avec force et
03:19 opiniâtreté face à l'adversité et au scepticisme.
03:22 Sa lutte, qui nous rassemble, celle pour le droit des femmes à disposer de leur
03:28 corps, résonne comme l'aboutissement de près de deux siècles de combat en écho
03:32 aux aspirations de l'Abbe de Gouges pour l'égalité dans la Déclaration des
03:35 droits de la femme et de la citoyen en 1791.
03:37 Je la cite puisqu'elle disait "si une femme a le droit de monter à l'échafaud,
03:41 elle a le droit de monter à la tribune". L'histoire par ces femmes inspirantes
03:45 nous enseigne donc que les droits acquis ne sont jamais acquis pour toujours.
03:49 Chers collègues, l'histoire récente à travers le monde nous montre que la
03:54 montée des gouvernements populistes et nationalistes a fréquemment entraîné un
03:59 resserrement des libertés, affectant particulièrement les droits des
04:03 minorités et le droit des femmes, les premiers impactés par ces virages
04:07 idéologiques. À ces populistes et nationalistes de notre pays qui
04:12 s'imaginent que débattre de l'IVG serait une perte de temps, que le
04:15 Parlement et le gouvernement devraient se pencher sur des sujets plus importants,
04:19 je veux leur répondre que rien n'est plus important que les droits des hommes et
04:23 le droit des femmes. C'est l'essence même de notre République qu'ils méprisent tant.
04:27 À ces populistes et nationalistes dans notre pays, je leur rappelle que les
04:31 événements récents dans nos rues, des documents et courriers que nous
04:33 recevons ou encore les chaînes d'information en continu qui diffusent
04:37 des contre-vérités, témoignent des menaces persistantes et des attaques
04:41 régulières contre ce droit fondamental. Nous vivons à une époque où les réseaux
04:47 sociaux façonnent des nouvelles croyances, où près d'un jeune sur dix
04:50 croit à des théories aussi dépassées que la terre est plate. En pensant à mes
04:55 soeurs, en pensant aux femmes, aux petites filles de ce pays,
04:58 je refuse de les imaginer vivre dans la peur, dans un monde où leur corps ne
05:02 leur appartient pas, où une grossesse non désirée pourrait bouleverser leur
05:05 destin. Parce qu'aucune femme au monde et en France ne se réveille un matin en
05:11 pensant que c'est le jour idéal pour prendre la décision déchirante d'avorter.
05:14 Parce qu'aucune femme au monde et en France ne considère l'IVG comme une
05:18 option de contraception parmi d'autres. Parce qu'aucune femme en France et dans
05:23 le monde ne recourt à l'IVG avec légèreté et insouciance. Parce qu'aucune
05:27 femme au monde et en France ne se tient devant cette porte sans se demander si
05:31 elle pourra la franchir, si elle aura la force de poursuivre. Parce qu'aucune femme
05:36 au monde et en France ne doit être réduite à un rôle qu'elle n'aurait pas
05:40 choisie par peur ou par manque de choix. Non chers collègues, l'IVG de confort
05:45 n'existe pas. Dire cela est non seulement réducteur mais aussi et surtout
05:49 insultant pour les femmes. La liberté de choisir à laquelle nous
05:53 sommes tous attachés dans cet hémicycle est au fond une des libertés sociales
05:56 les plus fondamentales. Refuser d'entendre cela, c'est réduire la femme
06:01 à un simple utérus ou un rôle reproducteur. Pour toutes ces raisons
06:05 chers collègues, par devoir et pour l'histoire, pour Simone Veil et pour
06:09 toutes les femmes qui se sont battues et se battent encore à travers le monde,
06:12 gravons dans le marbre de notre constitution la liberté de recourir à
06:17 l'interruption volontaire de grossesse en France.
06:19 Je vous remercie.