DB - 02-03-2024
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00:00 [Musique]
00:14 Nous avons vu avec quel soin méticuleux Raymond Scandiano avait préparé le meurtre de sa femme
00:22 et les précautions infinies dont il s'était entouré pour ne pas être soupçonné.
00:27 Mais tout cela n'avait servi à rien.
00:30 A peine s'était-il trouvé en face du commissaire chargé de l'enquête
00:34 que celui-ci l'avait formellement accusé.
00:37 Mais qui ? Qui a pu faire cela ?
00:42 Vous, Raymond Scandiano.
00:45 Vous avez trop parlé, un mot de trop.
00:48 J'étais présent quand le docteur Orbet vous a appelé au téléphone.
00:51 Je me souviens exactement de tout ce qu'il vous a dit.
00:54 Il s'était simplement souvenu des paroles du médecin
00:57 lorsque celui-ci avait téléphoné à Raymond Scandiano.
01:01 Allô ? Ici Raymond Scandiano, j'écoute.
01:04 Ici le docteur Orbet. Je vous appelle au sujet de votre femme.
01:09 Et quand Raymond avait demandé ce qui se passait,
01:12 le médecin avait répondu "Je préfère vous en parler de vive voix.
01:17 Pouvez-vous venir à l'hôpital ?"
01:19 C'est tout. Il n'avait pas été question de meurtre.
01:24 Mais Raymond Scandiano avait cru bon d'ajouter.
01:28 Qui ? Qui a pu faire cela ?
01:31 Comment pouviez-vous savoir que quelqu'un avait tué votre femme, un Scandiano ?
01:35 Je vous le demande.
01:37 Raymond Scandiano avait voulu en faire trop
01:44 et cela le conduisit devant la cour d'assises.
01:48 Il vit maintenant dans un hôpital psychiatrique de province.
01:53 Aujourd'hui, j'ai choisi dans mes dossiers une histoire de pêcheur.
02:04 Les histoires de pêcheurs sont souvent de joyeuses galéjades.
02:08 On oublie trop qu'elles sont aussi parfois de sombres drames.
02:12 Le pêcheur hante les rivières, les lacs et les étangs,
02:17 dont les bords solitaires sont des lieux inquiétants,
02:20 des lieux propices aux crimes.
02:24 Les eaux des grands fleuves savent garder leurs secrets.
02:27 Combien de cadavres ont roulé dans les flots du Rhône ?
02:31 Combien se sont enfouis dans le limon de la Seine ?
02:35 Et si le pêcheur a été un peu trop fort,
02:38 combien de cadavres se sont enfouis dans le limon de la Seine ?
02:43 Et si l'on savait tous les mystères qui sont enlisés pour toujours
02:47 dans les sables de la Loire ?
02:51 C'est précisément sur la Loire que s'est déroulé le drame
02:56 que je vais vous raconter.
02:59 En aval d'Orléans, à partir de main, la Loire fait des méandres,
03:05 si elle hésitait avant d'ouvrir les portes de la Touraine.
03:09 Au milieu du fleuve, des îles couvertes d'une végétation touffue,
03:14 paradis des moustiques et providence des oiseaux.
03:18 Des pêcheurs abordent quelquefois sur leurs plages,
03:21 et aussi des amoureux, en quête de solitude.
03:26 Dans ce décor d'eau et de lumière,
03:29 l'affaire s'est passée un beau matin de juin.
03:33 C'était un dimanche.
03:35 Mais suivons l'ordre des évènements.
03:40 - Bon, dis, Emile. - Oh ?
03:44 - Regarde un peu. Qu'est-ce que c'est que ça ?
03:46 - Ben quoi ? T'as jamais vu un bateau ?
03:49 - Ah non, mais un bateau, d'accord, mais un bateau comme ça,
03:51 c'est pas ordinaire, non ? T'as idée à qui il est, toi ?
03:54 - Qu'est-ce que ça peut te faire, laisse donc ?
03:56 Si t'as le malheur d'y toucher, on dira que c'est toi qui l'as volé.
04:01 - Il était environ 10h30.
04:05 - Tu as vu le type là-bas ? On dirait qu'il nous fait bonjour.
04:13 - Oh ! Oh ! Oh !
04:17 - Oh, dis, Emile, tu sais l'heure qu'il est ?
04:28 - Oh, déjà midi passé. - Ah ben.
04:31 Il serait rivi qu'on fera rien ce matin, hein ?
04:33 - Qu'est-ce que tu veux avec cette chaleur ? C'est pas étonnant, hein ?
04:37 Poisson, il est comme nous. Il boit, il boit, et il mange pas.
04:43 - Oui, ben moi j'ai compris.
04:46 J'essaie encore un petit coup par là, là, pour pas dire que j'essaie pas, et puis allez.
04:50 Fini pour aujourd'hui, je rentre à la maison.
04:52 Et toi, Emile ? - Ben, fois.
04:54 - Allez.
04:56 - Allez.
04:58 - Oh, dis, Emile, regarde un peu le type là-bas.
05:05 - Qu'est-ce qu'il peut bien faire, à ton avis ?
05:08 - On dirait qu'il appelle au secours.
05:11 - Sûrement, il veut qu'on aille le tirer de là.
05:15 - Ohé ! Ohé ! Ohé !
05:21 On vient !
05:24 On vient ! On vient !
05:26 Attends là de bonne, toi, Emile.
05:28 Et comment qu'on ira ?
05:31 - Faudrait un bateau. Il faudrait quelqu'un qui ait un bateau.
05:35 - Non, mais j'ai compris.
05:37 - T'as compris quoi ? La barque échouée de tout à l'heure.
05:40 Je te parie que c'était la sienne. Il aura chaviré, et puis voilà.
05:44 - Tiens, là. - En voilà un de bateau.
05:48 T'es pas un peu malade, non ?
05:51 - Tu nous vois en train de remonter le courant, tu es là.
05:54 Et puis d'abord, t'as des rames.
05:56 - Ah. Alors ?
05:58 - Bah alors, qu'est-ce qu'on fait ?
06:01 - On va prévenir. Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse d'autre ?
06:04 - En attendant, le pauvre type, il doit croire qu'on se fout de lui.
06:07 - T'en fais pas pour lui. Il est au sec.
06:10 Il attendra bien cinq minutes.
06:12 - Ohé !
06:16 Ohé !
06:20 - Qu'est-ce qui se passe ?
06:22 - Oh, c'est rien, monsieur le curé.
06:24 C'est un type là-bas qui a perdu son bateau, alors il peut pas revenir.
06:27 - Bah, il faut le secourir. - C'est ce qu'on allait faire, figurez-vous.
06:30 En attendant, il est pas malheureux.
06:32 Avec cette chaleur, il risque pas d'attraper froid.
06:35 - Qui vous dit qu'il est tout seul ?
06:37 Qui vous dit qu'il y a pas avec lui une autre personne qui a besoin d'aide ?
06:39 - Ça, c'est vrai ? - Allez, restez ici. Moi, je vais chercher du secours.
06:43 - Ohé !
06:45 Ohé !
06:48 On arrive !
06:51 On arrive !
06:54 - Ohé !
07:01 Ohé !
07:04 Ohé !
07:07 Ohé !
07:11 Ohé !
07:14 Ohé !
07:16 Ohé !
07:19 Ohé !
07:22 Ohé !
07:25 Ohé !
07:28 Ohé !
07:31 Ohé !
07:34 Ohé !
07:37 Ohé !
07:41 Ohé !
07:43 Ohé !
07:46 Ohé !
07:49 Ohé !
07:52 Ohé !
07:55 Ohé !
07:58 Ohé !
08:01 Ohé !
08:04 Ohé !
08:09 Ohé !
08:11 Ohé !
08:14 Ohé !
08:16 Ohé !
08:19 Ohé !
08:22 Ohé !
08:25 Ohé !
08:28 Ohé !
08:31 Ohé !
08:34 Ohé !
08:37 Ohé !
08:41 - Eh bah dis donc, tu peux dire que t'as de l'avène toi.
08:49 - Dis donc, vous n'avez rien laissé là-bas?
08:51 - Ouais, ben qu'est-ce qu'il a?
08:54 - Eh, taisez-vous donc.
08:55 Laissez-le tranquille, vous ne voyez pas qu'il pleure.
08:59 - J'ai tout fait, je vous jure que j'ai tout fait pour le rattraper.
09:11 Mais c'était trop tard, le courant l'avait déjà emporté.
09:16 - Il ne savait pas nager?
09:18 - Si, mais vous savez, avec un ciré et des cuisses d'arbre...
09:23 - Et vous, vous saviez nager?
09:25 - Un peu, pas bien.
09:29 Mais qu'est-ce que vous auriez fait à ma place?
09:33 La barque s'est mise en travers du courant, elle a buté sur une souche et elle s'est
09:38 retournée d'un seul coup.
09:39 J'ai vu Roger partir en avant, il avait perdu l'équilibre, il était empêtré avec
09:46 sa canne à lancer.
09:47 Il n'a pas pu se retenir.
09:49 Et moi, qu'est-ce que je pouvais faire?
09:52 Je suis resté agrippé à la barque pendant je ne sais combien de temps pour garder la
09:57 tête hors de l'eau.
09:58 Finalement, j'ai réussi à dégager la barque, mais elle m'a échappé des mains et le courant
10:06 l'a emporté.
10:07 Je ne sais pas comment j'ai pu être emporté moi aussi.
10:09 J'ai dû me raccrocher à des branches.
10:12 Je me suis tiré comme j'ai pu.
10:15 Malheureusement, pauvre Roger, lui, il y est passé.
10:20 C'est pas juste.
10:23 Vous le connaissiez bien.
10:26 C'était un ami, un vrai.
10:29 Comprenez-moi bien, monsieur le curé, quand je dis un ami, c'est un frère que je devrais
10:34 dire.
10:35 Roger et moi, on se connaît depuis 20 ans.
10:37 On avait le même boulot.
10:39 On travaillait tous les deux au PTT Orléans, au service du tri.
10:44 On faisait l'abricane ensemble.
10:46 On s'entendait bien.
10:47 Moi, je faisais la nuit, lui, il faisait le jour.
10:51 Des fois, c'était le contraire.
10:52 Avec le dimanche, on était de repos en même temps.
10:56 Comme aujourd'hui, par exemple.
10:58 Il se faisait une telle fête qu'il y avait le canal en C.
11:02 Et ça s'est passé à quelle heure au juste ?
11:04 Peut-être 5 heures ou 5 heures et un quart.
11:08 Il faisait déjà grand jour, mais j'aime mieux vous dire que l'eau était plutôt
11:12 froide.
11:13 Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est comment il se fait que personne ne vous ait
11:17 aperçu plus tôt ?
11:18 Parce que ça s'est passé au milieu des îles et que personne ne pouvait le voir de
11:22 ce côté-ci.
11:23 De l'autre côté, j'ai guetté longtemps, mais c'est tout boisé.
11:27 Il y a des sables mouvants.
11:28 Il ne proche jamais personne.
11:29 Alors, je me suis posté à l'autre bout.
11:32 Cette fois, j'ai vu des tas de gens passer sur la route, mais il y avait de quoi enrager.
11:38 Personne ne faisait attention à moi.
11:39 J'avais beau crier, agiter les bras.
11:41 À un moment, j'ai eu de l'espoir.
11:44 Des types en vélo m'avaient repéré.
11:46 Mais ils en avaient pour un farceur.
11:50 Ils m'ont fait bonjour et puis ils sont partis.
11:52 Enfin, vous, vous m'avez fait.
11:57 Bon, ben, il faudrait peut-être prévenir la gendarmerie.
12:02 C'est déjà fait, monsieur le curé.
12:04 Ah oui, les gendarmes.
12:06 Il faut bien leur signaler la disparition.
12:09 Ils feront un rapport.
12:10 Peut-être même qu'ils vont draguer la rivière, ça se trouve, pour chercher le corps.
12:14 Vous connaissez sa famille?
12:16 Il était célibataire.
12:18 Il n'avait plus que sa mère.
12:20 Le plus dur, ce sera de la prévenir.
12:22 Ah oui.
12:23 Qu'est-ce qu'il a?
12:24 Un malaise.
12:26 Non, non, c'est rien.
12:29 C'est la fatigue.
12:30 Tiens, prends une cigarette, mon vieux.
12:32 Ça te remettra.
12:33 Je veux bien.
12:35 Merci.
12:36 Votre conscience est en paix.
12:45 Vous n'avez rien à vous reprocher.
12:48 Si.
12:49 Je me reprocherai toute ma vie de l'avoir emmené à la pêche.
12:54 Ce n'est pas ce que je voulais dire.
12:55 Venez un moment avec moi.
13:02 Vous connaissez le huitième commandement de Dieu?
13:07 Non.
13:08 Et le cinquième commandement non plus, je pense.
13:10 Qu'est-ce que ça veut dire?
13:14 Le huitième commandement, faux témoignage ne dira ni mentira aucunement.
13:19 Quoi?
13:21 Et le cinquième commandement, homicide point ne fera sans droit ni volontairement.
13:29 Non, mais vous m'accusez.
13:35 J'en ai bien peur.
13:39 Le prêtre avait noté dans le récit du pécheur une contradiction flagrante qui lui permettait
13:47 d'affirmer que celui-ci avait menti.
13:49 Et de là à le soupçonner d'avoir volontairement noyé son camarade, il n'y avait quand même
13:55 pas malheureusement facile à franchir.
13:57 Et vous, avez-vous remarqué ce détail?
14:03 Un détail qui trahissait le faux témoignage et peut-être le crime.
14:07 Non?
14:08 En tout cas, demain, je vous le révélerai.
14:11 Au revoir.
14:13 Au revoir.
14:27 [son de clavier]
14:29 Merci.
14:30 [SILENCE]