IVG dans la Constitution : "Nous avons une dette morale" envers toutes les femmes qui "ont souffert dans leur chair", déclare Gabriel Attal devant le Congrès à Versailles

  • il y a 6 mois
Le Premier ministre prend la parole, et rend hommage au combat de Gisèle Halimi qui plaida, en 1972, pour la liberté de chaque femme de recourir à l'IVG. La famille de l'avocate est présente dans l'hémicycle.

"L'homme que je suis ne peut imaginer vraiment la détresse qu'ont pu connaître ces femmes privées de la liberté de disposer de leur corps des décennies durant. L'homme que je suis ne peut imaginer vraiment la souffrance physique d'alors, quand l'avortement était synonyme de clandestinité honteuse, de douleur innommable et de risque fatal."

"Nous sommes hantés par la souffrance et la mémoire de tant et tant de femmes qui ont souffert pendant des décennies (...). Aujourd'hui, nous pouvons changer le cours de l'histoire."

"Ce vote c'est d'abord un aboutissement, celui d'un long combat"

Aujourd'hui, le présent doit répondre à l'histoire", assure Gabriel Attal qui fait applaudir Simone Veil et son combat pour la légalisation de l'avortement. "Nous avons une dette morale" envers toutes les femmes qui "ont souffert dans leur chair", dit le Premier ministre.

"La marche du progrès a fait son office. Je veux rendre hommage à toutes les associations qui œuvrent pour le droit des femmes"

"Sous l'autorité du président de la République, nous œuvrons pour faire rimer égalité avec réalité (...). Sur ce chemin depuis sept ans, nous avons avancé ", affirme Gabriel Attal, vantant le bilan du chef de l'Etat en la matière. "Nous sommes encore loin d'être au bout du chemin mais pas à pas l'égalité se rapproche", ajoute-t-il. "Nous donnons une deuxième victoire à Simone Veil", avec cette constitutionnalisation, dit-il.

"Combien de Congrès du Parlement firent naître une telle unité ? Combien de Congrès du Parlement firent naître une telle émotion ? (...) Beaucoup semblent dire que l'IVG ne serait pas menacée (...) comme si ce qui était acquis l'était pour toujours, je le réfute. Oui, la liberté d'avorter reste menacée, nos libertés sont par essence menacées."

"Gouverner, c'est faire obstacle au tragique de l'histoire (...). La politique, c'est faire obstacle à la folie des hommes (...). Ce texte est un rempart aux faiseurs de malheur".

"Aujourd'hui, la France est pionnière. Vous dire au monde que la France est fidèle à son héritage (...). Ce n'est pas seulement les femmes que vous honorez, c'est la France."

Le Premier ministre rappelle que cela fait 16 ans que la Constitution, "notre loi fondamentale", n'a pas été modifiée. "Aujourd'hui, l'ère d'un monde d'espoir commence", conclut Gabriel Attal.

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00:00 Madame la Présidente de l'Assemblée nationale, Monsieur le Président du Sénat,
00:06 Monsieur le Garde des Sceaux, Mesdames et Messieurs les Ministres,
00:10 Mesdames et Messieurs les membres du Congrès, l'acte de procréation est l'acte
00:16 de liberté par excellence, la liberté entre toutes les libertés la plus
00:22 fondamentale, la plus intime de nos libertés.
00:25 Nous sommes en 1972 dans un prétoire de Bobigny et Gisèle Halimi prononce ces
00:33 mots. Nous sommes en 1972 et sur le banc des accusés se trouve la mère d'une
00:40 jeune fille de 16 ans dont le crime est d'avoir aidé sa fille à avorter après
00:45 avoir été violée. Gisèle Halimi se tient face à une
00:49 justice d'hommes, face à une loi écrite par des hommes et défend la liberté de
00:54 chaque femme. Nous sommes en 1972 et elle se sent encore bien seule,
01:00 Gisèle Halimi, dans ce prétoire lorsqu'elle plaide pour la liberté et
01:04 pour le droit. Nous sommes aujourd'hui le 4 mars 2024 et Gisèle Halimi n'est plus
01:10 seule. Un an après l'engagement du Président de la République, le Parlement
01:15 et avec lui la Nation s'est rangé à ses côtés et s'apprête, je l'espère, à
01:20 inscrire dans notre Constitution la liberté de chaque femme à recourir à
01:24 l'interruption volontaire de grossesse. Nous sommes en 2024 et Gisèle Halimi
01:29 n'est plus. Mais je salue sa famille présente dans cette salle du Congrès en
01:34 ce jour historique. Mesdames et Messieurs les parlementaires, 1972-2024,
01:41 il est long le chemin de la liberté et alors que nous vous proposons de
01:47 l'emprunter un peu plus, c'est avec la plus grande humilité que je m'adresse à
01:52 vous. Humilité. Car oui mesdames, et je dis bien mesdames, l'homme que je suis ne peut
01:58 imaginer vraiment la détresse qu'ont pu connaître ces femmes, privées de la
02:03 liberté de disposer de leur corps des décennies durant. L'homme que je suis
02:07 ne peut imaginer vraiment la souffrance physique d'alors, quand l'avortement était
02:11 synonyme de clandestinité honteuse, de douleurs innommables et de risques
02:15 fatales. L'homme que je suis ne peut imaginer
02:18 vraiment la souffrance morale face au poids d'une société qui préférait
02:23 taire et condamner. Mais le frère que je suis, le fils que je suis, l'ami que je
02:29 suis, le premier ministre que je suis retiendra toute sa vie la fierté d'avoir
02:34 été à cette tribune en ce jour. Ce jour où sera, je l'espère, consacré le combat
02:39 de femmes et d'hommes de tous bords confondus, de toute sensibilité
02:43 confondue, qui font honneur à la nation des droits qu'est la France en ayant
02:47 rendu possible cet instant. Ce jour où nous pouvons ensemble, unis, plein
02:52 d'émotion, changer notre droit fondamental, notre loi fondamentale pour
02:57 y inscrire la liberté des femmes, enfin. Car nous avons une dette morale envers
03:03 toutes ces femmes. Ces femmes qui ont souffert dans leur chair, comme dans leur
03:07 esprit, parfois jusqu'à y perdre la vie. Oui, ces femmes mortes pour avoir voulu
03:12 être libres nous hantent. Oui, les aiguilles des feuseuses d'anges nous hantent. Oui, ces
03:17 échappées clandestines pour avorter à l'étranger la peur au ventre nous hantent.
03:22 Oui, nous sommes hantés par la souffrance et par la mémoire de tant et
03:27 tant de femmes qui, des décennies durant, ont souffert de ne pas pouvoir être
03:32 libres, allant jusqu'à parfois payer du prix de leur vie l'injustice que le
03:36 législateur, exclusivement masculin, voulait maintenir sur elle.
03:40 Aujourd'hui, nous pouvons changer le cours de l'histoire.
03:44 Il est de notre devoir que les consciences qui s'éveillent à présent et celles qui
03:49 écloreront demain ne soient plus hantées par ces souvenirs macabres, mais qu'elles
03:53 soient plutôt habitées par la fierté que nous leur aurons ainsi léguée, celle
03:58 d'appartenir à un peuple éminemment libre, conscient que le progrès est un
04:02 but, que les droits sont son moyen et que le corps des femmes n'est rien d'autre
04:07 que l'empire de leur liberté et de leur libre arbitre, et non pas, mesdames et
04:11 messieurs, l'outil d'un projet qui ne serait pas le leur.
04:15 Alors, mesdames et messieurs les parlementaires, oui, c'est avec à
04:20 l'esprit le poids de ces siècles de souffrance et d'injustice que je prends
04:24 la parole devant vous aujourd'hui, que je prends la parole après des mois d'un
04:29 travail parlementaire transpartisan qui a commencé bien avant ma nomination, et un
04:33 an pratiquement jour pour jour après l'engagement historique du président de
04:37 la république d'inscrire la liberté des femmes à disposer de leur corps dans
04:41 notre constitution. Mesdames et messieurs les parlementaires, ce vote c'est donc
04:47 d'abord un aboutissement, celui d'un long combat. Le premier combat fut celui du
04:52 droit de vote et de la citoyenneté, un combat entamé pendant la révolution
04:56 incarnée par Olympe de Gouges, un combat poursuivi par tant de femmes que le
05:00 silence étouffait, par Louise Weiss qui réinvente la lutte et pense la femme
05:04 nouvelle, par Cécile Brunsvig, militante infatigable du droit de vote et première
05:09 femme à entrer au gouvernement avec Irène Joliot-Curie et Suzanne Lacoste en
05:13 1936 à la faveur du Front Populaire. Un combat qui ne trouva son issue qu'avec
05:18 la libération. Pendant près d'un siècle, Marianne était une femme mais elle n'avait
05:22 pas le droit de voter. Il fallut attendre, 1944, il y a 80 ans, pour que l'injustice
05:30 soit enfin réparée. Nous sommes au lendemain de la seconde
05:33 guerre mondiale et enfin les femmes sont vraiment citoyennes, enfin elles ont le
05:37 droit d'être élues et de voter. Ce pas de géant pour l'égalité, nous le devons à
05:41 l'alliance des gaullistes, des communistes, des chrétiens démocrates et des
05:44 socialistes, rassemblés autour de l'égalité. C'est la démonstration que les
05:49 plus grands progrès sont le fruit de l'unité, une démonstration que nous
05:53 sommes à nouveau en mesure de faire aujourd'hui. Mais contrairement à
05:57 l'espoir des réactionnaires, le combat était loin d'être fini car les femmes
06:02 avaient le droit de vote mais toujours pas la liberté de disposer de leur corps.
06:06 Alors il a fallu de la conviction, des combats et du temps, trop de temps.
06:11 Les 30 glorieuses sont des années d'accélération, la France se reconstruit,
06:15 se renouvelle, se modernise, elle aussi entre insouciance et abondance et
06:20 pourtant les droits des femmes, eux, n'avancent que lentement. Le corps des
06:23 femmes reste un tabou et la loi scélérate de 1920 qui fait de
06:28 l'avortement un crime passible de la cour d'assise plane au dessus d'elle.
06:32 Mais les voix se lèvent de plus en plus nombreuses.
06:35 Nous sommes en 1967 et la loi Neuwirth vient régaliser la pilule contraceptive.
06:40 Le mouvement s'accélère, inarrêtable. Nous sommes en 1971 et 343 femmes brisent
06:47 le tabou du silence, célèbres ou anonymes, toutes ont en commun une histoire,
06:52 celle de l'avortement. Nous sommes en 1972, les procès de Bobigny divisent
06:58 l'opinion. Gisèle Halimi défend les accusés mais
07:01 prend en réalité la parole pour toutes les femmes. Avocate des prévenus mais
07:06 procureure contre un système qui prétend décider à la place des femmes.
07:10 Le scandale est immense, à la hauteur de la chape de plomb qui pèse encore sur le
07:15 corps des femmes. Mais rien, plus rien ne peut arrêter la marche du progrès.
07:19 Nous sommes le 26 novembre 1974, il y a 50 ans. Après l'engagement de Valérie
07:25 Giscard d'Estaing, Simone Veil monte à la tribune de l'Assemblée nationale.
07:29 Souvenons-nous des mots qui résonnent et des insultes qui fusent alors dans
07:34 l'hémicycle à son endroit. Barbarie, nazisme, génocide, four crématoire et tant
07:40 d'autres. Malgré les injures, Simone Veil ne cède pas. Malgré les insultes et les
07:46 menaces, Simone Veil ne plie pas. Aujourd'hui, le présent doit répondre à
07:52 l'histoire. Alors mesdames et messieurs les parlementaires, 50 ans plus tard, sous
07:57 le regard de la famille de Simone Veil, que la force de vos applaudissements pour
08:01 son combat et pour sa cause tonne plus fort encore que ces insultes et fasse
08:04 définitivement justice à Simone Veil.
08:08 (Applaudissements) (...)
08:37 (...)
09:04 Car si peu après sa mort, on fleurit dans les rues des affiches, des portraits
09:08 avec ses mots "Merci Simone", cela n'a rien d'un hasard. Le lec de Simone Veil
09:13 est universel. Son courage est un modèle et il nous inspire encore aujourd'hui
09:19 collectivement. La loi Veil marque un tournant, elle ouvre la voie enfin. Mais
09:24 il restait bien des batailles à emporter. Nous sommes en 1982 et Yvette
09:30 Roudy ouvre le remboursement de l'interruption volontaire de
09:33 grossesse par la sécurité sociale. C'est la fin des inégalités sociales pour la
09:37 liberté du corps. Toutes les femmes peuvent être protégées.
09:40 Nous sommes en 2001 et avec Martine Aubry, il est désormais possible de
09:44 recourir à l'interruption volontaire de grossesse jusqu'à 12 semaines.
09:48 Nous sommes en 2013 et Marisol Touraine permet le remboursement total de l'IVG
09:53 et renforce son accès partout sur le territoire.
09:56 Nous sommes en 2014 et Najat Vallaud-Belkacem abolit la notion de
10:00 détresse pour recourir à l'IVG. Nous sommes en 2016 et Laurence Rossignol
10:05 étend le délit d'entrave à l'IVG au site internet militant qui diffuse de
10:09 fausses informations sur l'avortement. Nous sommes en 2022 et avec le soutien du
10:15 président de la République et du gouvernement grâce au travail de
10:17 parlementaires de divers bords politiques, le délai pour recourir à
10:21 l'IVG est allongé. Certaines des entraves qui demeuraient sont enfin levées.
10:25 Nous sommes en 2024 et grâce aux médecins, aux associations féministes,
10:30 au planning familial, aux éveilleurs de conscience, aux élus, aux parlementaires,
10:34 aux héritières et héritiers de ces combats passés mais jamais achevés, la
10:38 marche du progrès a fait son office. Je veux rendre ici hommage à toutes les
10:43 associations qui ont oeuvré et oeuvrent encore pour les droits des femmes et en
10:46 premier lieu pour leur droit à disposer de leur corps. Elles sont les héritières
10:49 de la voie des femmes, de choisir et bien sûr du MLF.
10:54 Elles portent un combat juste...
11:19 Elles portent un combat juste et font rayonner chaque jour notre devise
11:24 républicaine. Grâce à elles, les mentalités ont changé. Les françaises et les
11:28 français soutiennent sans équivoque la liberté des femmes à disposer de leur
11:32 corps. Car je veux le dire, le combat des femmes a ses héroïnes mais il a aussi
11:37 ses alliés. Au manifeste des 343 ont répondu quelques mois plus tard 331
11:43 médecins pour la plupart des hommes qui revendiquaient avoir pratiqué l'IVG et
11:47 en demandaient la légalisation. La lutte pour l'égalité entre les femmes et les
11:52 hommes ne peut pas être la guerre des sexes, elle ne doit jamais le devenir.
11:55 C'est un combat pour toute notre société, un combat universel, un combat pour
12:00 l'unité républicaine et ce combat nous le mènerons ensemble, nous le gagnerons
12:04 ensemble, femmes et hommes, hommes et femmes, côte à côte et rassemblés. Et je
12:08 le dis depuis ce congrès présidé par une femme, la première de notre histoire
12:13 chère Yael Braun-Pivet, je le dis face à un congrès rassemblant plus de femmes
12:17 que jamais dans notre histoire, je le dis depuis ce congrès comme chef d'un
12:21 gouvernement paritaire, je le dis comme chef d'un gouvernement déterminé à agir
12:26 pour la cause de l'égalité. Sous l'autorité du président de la
12:30 République qui a décidé de s'engager sur ce chemin, nous oeuvrons pour faire rimer
12:35 égalité avec réalité. Car cette révision s'inscrit dans cette année
12:39 d'action continue et résolue pour les droits des femmes, un combat que le
12:42 président de la République a porté dès 2017 alors que ça n'était pas encore une
12:46 évidence dans le débat politique, un combat qu'il a déployé dans tous les
12:50 champs de la vie de la cité, politique, économique, sociale et sociétale, un
12:55 combat dont il n'a rien cédé et qui est par deux fois la grande cause de ces
12:59 quinquennats, parce que le féminisme est universalisme. Et sur ce chemin depuis
13:04 sept ans aidé par beaucoup d'entre vous, nous avons avancé pour offrir des droits
13:08 nouveaux, notamment au maire seul par exemple avec le versement automatique
13:11 des pensions, pour la santé des femmes en brisant certains tabous comme
13:16 l'endométriose ou l'infertilité, pour l'égalité au travail dans les carrières
13:20 professionnelles, dans les salaires alors qu'à fonction égale une femme gagne
13:23 encore seulement les trois quarts de ce que gagne un homme.
13:26 C'est pourquoi nous continuerons à agir pour responsabiliser les entreprises, pour
13:30 que les femmes puissent obtenir les mêmes responsabilités que les hommes et
13:33 bientôt pour la mise en place du congé de naissance.
13:36 Nous agissons contre toutes les formes de violence et pour que la parole se
13:40 libère en renforçant notre droit, en formant les forces de l'ordre et en
13:43 protégeant davantage les victimes. Nous sommes encore loin d'être au bout du
13:47 chemin mais pas à pas l'égalité se rapproche. Depuis ce congrès je le dis
13:52 aujourd'hui c'est une étape fondamentale que nous pouvons franchir,
13:56 une étape qui restera dans l'histoire, une étape qui doit tout aux précédentes.
14:01 En garantissant la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse
14:05 dans notre constitution, nous donnons une deuxième victoire à Simone Veil et à
14:09 toutes celles qui ont ouvert la voie. Nous adressons surtout un message à
14:13 toutes les femmes. Votre corps vous appartient et personne n'a le droit
14:17 d'en disposer à votre place. Mesdames et messieurs les parlementaires,
14:21 le progrès est collectif, je l'ai dit, car quand elle se met au service du
14:25 progrès, rien ne peut vaincre l'unité. Le texte que nous examinons aujourd'hui
14:30 en est la preuve. C'est bien du Parlement qu'est venue
14:33 l'initiative du changement porté par des députés et des sénateurs, de la
14:37 majorité comme des oppositions. Et puis il y eut l'engagement du président de la
14:41 République, voilà un an, de rendre cela possible.
14:43 Le travail a été long, minutieux. Il a fait l'objet de débats importants à
14:48 l'Assemblée nationale comme au Sénat. Je veux saluer ma prédécesseure Elisabeth
14:52 Borne pour son engagement. Je veux saluer l'action déterminante menée par
14:56 les membres de mon gouvernement, je pense aux gardes des sceaux, Eric Dupond-Moretti,
15:00 infatigable artisan du compromis qui, guidé par la force de ses valeurs, n'a
15:05 compté ni son temps, ni ses heures pour convaincre, pour débattre, pour répondre
15:09 et pour apaiser, mais aussi à Aurore Berger. Je sais quel aboutissement
15:12 représente la réunion de ce congrès pour elle.
15:15 Je veux remercier ici tous les parlementaires de la majorité comme des
15:18 oppositions qui ont participé à ce travail. Il est des moments dans la vie
15:22 d'un pays où l'union, où le collectif, où l'intérêt général doivent s'extraire
15:28 des querelles quotidiennes. Je voudrais, mesdames et messieurs, que nous songeons
15:33 un instant au moment que nous vivons. Combien de congrès du Parlement firent
15:37 naître une telle unité ? Combien de congrès du Parlement firent naître une
15:41 telle émotion ? Combien de congrès du Parlement permirent l'inscription d'un
15:45 droit essentiel pour les femmes ? Combien de congrès furent le théâtre, non de
15:49 joutes politiques-politiciennes, mais d'unité, de gratitude et de l'écriture
15:53 d'un destin commun ? Alors oui, mesdames et messieurs les
15:56 parlementaires, réformer la Constitution est une décision qui ne se prend pas à
16:00 la légère. La dernière réunion de ce congrès pour
16:03 réviser la Constitution date de 16 ans et il faut toujours avoir la main qui
16:08 tremble dès lors que nous touchons à notre norme suprême.
16:11 Mais mesdames et messieurs les parlementaires, nos libertés fondamentales
16:15 sont inscrites dans notre Constitution. Vous déciderez par votre vote d'adopter
16:19 une disposition qui consacrera comme inaliénable et fondamentale la liberté
16:24 des femmes à disposer de leur corps. C'est le sens même du texte que nous
16:29 vous proposons aujourd'hui d'adopter. C'est le sens même de cette alinéa que
16:33 nous vous proposons d'ajouter à l'article 34 de notre Constitution.
16:36 La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie
16:41 à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse.
16:44 Je le sais, les débats parlementaires ont soulevé plusieurs interrogations.
16:49 Ils ont soulevé aussi des débats auxquels je veux répondre à nouveau.
16:54 Beaucoup semblent dire que l'IVG ne serait pas menacée, comme si au fond le sens de
17:01 l'histoire était inévitable, comme si le politique n'avait plus son mot à dire,
17:06 comme si ce qui était acquis l'était pour toujours.
17:09 Je le réfute, clairement et formellement. Et ce faisant, j'ose le dire, oui la
17:16 liberté d'aborter reste en danger, consubstantiellement menacée, car tout
17:22 dans notre histoire le prouve. Nos libertés sont par essence menacées, par
17:26 essence fragiles, par essence à la merci de ceux qui en décident. Et lorsqu'on
17:31 veut s'en prendre aux libertés d'un peuple, c'est toujours par celle des
17:34 femmes qu'on commence. Simone de Beauvoir, encore une fois, avait raison. En une
17:38 génération, en une année, en une semaine, on peut passer du tout au tout, de
17:44 l'évidence à la lutte. Parlez-en aux américaines qui doivent se battre pour
17:48 le droit à l'IVG. De l'insouciance à l'angoisse, parlez-en aux européennes,
17:53 hongroises et polonaises, pour qui l'interruption volontaire de grossesse
17:56 n'est plus une liberté consacrée. De la liberté à l'oppression. En une
18:01 génération, on a vu les iraniennes passer du port de la jupe à celui du voile
18:05 obligatoire. On a vu les afghanes passer de la liberté d'aller à l'école à
18:08 l'interdiction de s'instruire. On a vu tant et tant de femmes libres devenir des
18:13 femmes tuées, oui tuées, parce qu'elles refusent de se soumettre.
18:16 N'oublions jamais. Depuis ces pays...
18:21 Depuis ces pays, les femmes nous adressent un message. Ne jamais s'endormir,
18:36 ne jamais baisser la garde, ne jamais subir. Alors mesdames et messieurs les
18:40 parlementaires, gouverner, c'est faire obstacle aux tragiques de l'histoire.
18:45 C'est se dresser face au malheur du temps présent, bien sûr, mais aussi faire
18:49 obstacle de toutes nos forces aux tragiques du temps à venir. Et la
18:54 politique, c'est faire obstacle à la folie des hommes. C'est faire obstacle à
18:58 ceux dont on dit jamais ils ne gouverneront, jamais ils n'oseront
19:01 s'en prendre aux femmes, à nos mères, à nos filles, à nos sœurs, mais qui par le
19:05 jeu de l'histoire peuvent se retrouver à s'exprimer depuis cette tribune sans que
19:10 personne n'ait jamais cru cela possible. Alors oui, ce texte est un rempart où
19:15 faiseurs de malheur, à ceux pour qui tout était mieux avant, à ceux qui
19:19 oublient de dire que dans cet avant la femme n'était pas libre, à ceux qui
19:22 sont nostalgiques d'un temps où la femme ne pouvait pas travailler sans
19:25 autorisation d'un homme, d'un temps où la femme ne pouvait pas ouvrir un compte en
19:29 banque sans l'autorisation d'un homme, d'un temps où la femme ne pouvait pas
19:32 dépenser son argent comme elle l'entendait, d'un temps enfin où les
19:35 femmes ne pouvaient pas avorter. Alors mesdames et messieurs, inscrire ce droit
19:41 dans notre constitution, c'est fermer la porte aux tragiques du passé et à son
19:45 long cortège de souffrance et de douleur. C'est empêcher davantage encore les
19:49 réactionnaires de s'en prendre aux femmes. Mais légiférer c'est aussi préparer
19:53 l'avenir. Cet avenir que l'on aborde bien souvent comme une marche en avant pétrie
19:58 de certitude et notamment de celle que le progrès serait un aller sans retour et
20:02 que demain donc jamais, jamais nous ne répéterons les erreurs du passé.
20:06 Mais n'oublions pas que le train de l'oppression peut repasser. En ce jour,
20:11 agissons pour que cela n'advienne pas, que cela n'advienne jamais. Ce jour, c'est un
20:16 pas dans la longue marche du progrès que nous avons entamé, que la France a
20:20 entamé dès 1789 lorsqu'elle cria à l'Europe et au monde
20:23 "nous laissons libres et égaux en droit". Mesdames et messieurs les
20:28 parlementaires, aujourd'hui la France est pionnière.
20:31 Aujourd'hui vous direz au monde que oui la France est fidèle à son héritage, à
20:35 son identité de nation à nul autre pareil. Pays phare de l'humanité,
20:39 patrie des droits de l'homme et aussi et surtout des droits de la femme.
20:44 Aujourd'hui à travers votre vote, c'est la nation tout entière qui prend en main
20:48 son destin et qui ose être le premier peuple au monde à graver dans son texte
20:52 suprême la liberté des femmes à recourir à l'interruption volontaire de
20:56 grossesse. Par ce geste, ce n'est pas seulement les femmes que vous honorez,
21:00 c'est la France. Cette France de 2024 plus ouverte qu'elle ne le pense.
21:05 Cette France de 2024 qui ose ce qu'aucun peuple au monde n'a encore envisagé.
21:09 Cette France de 2024 qui sait se réunir, se mobiliser, se lever pour ce qui est à
21:15 la fois un droit, une liberté et un honneur. Cette France de 2024 qui change
21:19 sa constitution et scellera ainsi la consécration d'une liberté fondamentale.
21:23 Cette France de 2024 qui peut dire avec fierté au monde entier oui en ce jour
21:29 la liberté est française. Bien sûr, beaucoup reste à accomplir.
21:34 Mais mesdames et messieurs, si vous le décidez, notre loi fondamentale sera
21:38 modifiée pour la première fois depuis 16 ans. Le président de la République
21:42 présidera alors une cérémonie de scellement de la loi constitutionnelle
21:45 pour y rappeler les racines de cet engagement ainsi consacré.
21:49 Si vous le décidez, un nouveau sceau sera alors à poser sur le livre de notre
21:53 constitution. Ce sceau, il sera fait de larmes et de
21:58 sang. Il sera fait des larmes qui ont coulé sur les joues des femmes qui ont
22:01 souffert pour exercer ce droit ou qui ont souffert de ne pas pouvoir y accéder.
22:05 Il sera fait du sang de ce long cortège de femmes qui ont payé de leurs
22:09 souffrances physiques et parfois de leur vie pour permettre que vous votiez
22:13 aujourd'hui pour la liberté des femmes. Alors mesdames et messieurs les
22:17 parlementaires, voilà 60 ans la jeune Annie Ernaud connaissait son événement.
22:23 Combien de générations en ont connu des événements ?
22:27 L'événement c'était un matin froid, un regard goguenard, une réprimande
22:34 paternaliste, la douleur d'une aiguille, l'argent collecté par tous les moyens,
22:38 les séquelles, la honte, la clandestinité. Le nouvel événement c'est aujourd'hui,
22:45 celui qui doit clore une fois pour toutes le monde d'hier.
22:49 Notre génération, une génération de femmes, de filles, de mères aura dans son
22:53 calendrier intime et politique dans le décompte de ces années une date marquée
22:58 à jamais qui ne sera pas leur événement de douleur mais un événement de fierté.
23:03 Cet événement c'est ce vote du congrès aujourd'hui et je l'espère le
23:07 sceau du 8 mars 2024. L'ère d'un monde fini commence, concluait Gisèle Halimi à
23:13 son procès de Bobigny. Et bien je dis à toutes les femmes au sein de nos
23:17 frontières et au-delà qu'aujourd'hui l'ère d'un monde d'espoir commence.
23:22 Je vous remercie.
23:24 (Applaudissements)

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