Plateforme logistique

  • il y a 7 mois

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00:00 tonnel et un petit déjeuner.
00:02 Dans le top 3 d'organisation des luttes contre les entrepôts logistiques,
00:06 vous y figurez déjà, je peux vous dire que j'en ai fait.
00:08 Parce que c'est ce que j'explique depuis tout à l'heure,
00:10 ce matin j'ai fait la matinale sur France Bleu Berry,
00:14 et puis il me pose les questions, alors évidemment j'ai pas encore fait le déplacement,
00:17 puisque je viens, et donc il te pose des questions,
00:19 et après la personne me disait "mais en fait on a l'impression que vous connaissez déjà un peu le truc".
00:23 Et j'ai dit "bah oui parce que figurez-vous que ce film,
00:25 je l'ai déjà vu malheureusement des dizaines de fois,
00:28 quand vous êtes secrétaire nationale d'Europe Ecologie Les Verts
00:31 et militante de longue date, vous avez sillonné le territoire
00:35 en allant voir deux types de choses, des choses super bien qu'on soutient,
00:39 tout à l'heure on va aller voir un projet éolien,
00:41 on va aller voir un pôle alimentation,
00:43 et c'est les moments qui font plaisir, qui donnent de l'espoir,
00:46 et d'aller apporter ce soutien aux gens qui défrigent, qui expérimentent,
00:50 et dont on devra essaimer demain les réalisations, ça c'est super.
00:53 Mais on est aussi amenés malheureusement à faire le tour de France des conneries,
00:57 et il y en a beaucoup, et souvent elles se ressemblent.
01:02 Et donc je ne vais pas vous dire toutes les conneries que j'ai vues
01:04 depuis que je fais de la politique, mais les entrepôts logistiques de ce genre,
01:08 malheureusement j'en ai déjà vu des tonnes,
01:10 à un moment c'était que des entrepôts Amazon,
01:12 quand je disais à des copains "je peux venir dans ton coin le mois prochain,
01:16 qu'est-ce que tu veux faire ?"
01:17 "On a le plus gros projet d'entrepôt Amazon de France"
01:19 et j'entendais ce truc à longueur de semaine,
01:21 j'ai même pas envie de vous mettre d'accord,
01:23 ça a l'air d'être un concours, vous avez tous gagné.
01:25 Mais voilà. Il se trouve par ailleurs que moi je suis petite fille adagriculteure
01:28 et que je viens d'un territoire, donc dans le Pas-de-Calais, à Hénin-Beaumont,
01:32 avec l'autre marine, vous avez compris, sauf que moi je suis vraiment née là-bas.
01:35 Et que c'est le moment où j'ai l'air d'être une vieille conne quand je dis ça,
01:39 mais j'ai 37 ans, et quand j'étais petite,
01:42 moi j'allais en vélo chez mes grands-parents à la ferme,
01:44 du centre-ville d'Hénin-Beaumont à la ferme, c'était que des champs.
01:47 Et 10 ans plus tard, 20 ans plus tard, 30 ans plus tard,
01:51 au fur et à mesure les champs ont disparu.
01:54 Il y a eu le plus grand au champ du monde,
01:56 le plus grand IKEA du nord de Paris,
01:59 vous voyez on est au croisement de l'autoroute A1,
02:01 celle qui fait Paris-Bruxelles,
02:03 et de l'A21, ce qu'on appelle la rocade minière, qui fait tout le bassin minier.
02:06 Et donc c'est l'entrepôt idéal pour positionner des entrepôts logistiques.
02:10 Puis je trouve que j'avais un maire qui a fini en prison pour 18 fois d'inculpation,
02:13 et donc il vendait beaucoup de terrain agricole très très cher,
02:16 qu'il rachetait à ses copains, qu'il revendait, on comprenait rien.
02:18 Mais toujours est-il qu'il y a eu Parcologue 1, l'entrepôt logistique,
02:21 Parcologue 2, Parcologue 3, et que là on est en train de se battre contre Parcologue 4.
02:25 Et c'est un moment assez émouvant de ma vie,
02:27 parce que j'étais, comme toi, j'étais la seule élue écolo de l'agglo.
02:30 J'étais très jeune, et j'arrivais, donc moi je faisais mon petit brévière de la militante écolo,
02:34 je leur parlais d'artificialisation des sols,
02:36 ils me regardaient avec des yeux comme des ronds de flanc,
02:38 je leur expliquais que quand il pleut, le sol c'est une éponge,
02:40 mais que si on met du béton c'est une toile cirée,
02:42 et que ça fait des inondations, ils disaient "ah bon, ah bah oui c'est vrai", enfin bref.
02:45 Et je leur disais "vous voulez faire des circuits courts, mais quand vous faites, si vous n'avez plus de champs,
02:49 ah oui, non mais là, bon, l'emploi, l'emploi, l'emploi".
02:51 Et donc, il y a un moment qui m'a beaucoup émue, c'est au municipal de 2020,
02:55 où j'étais tête de liste, et puis il y a trois agriculteurs,
02:58 des voisins de l'exploitation de mon grand-père,
03:01 qui disent "Marine, on veut te voir".
03:03 Et moi je leur dis en rigolant "vous allez encore m'attacher à un radiateur, me séquestrer,
03:07 j'ai très peur, qu'est-ce que vous voulez me faire ?".
03:09 C'est avec votre casquette chasseur, votre casquette agriculteur,
03:11 donc bref, ils rigolent, ils disent "non, non, on ne veut rien faire, tu vas comprendre".
03:14 Et donc je les retrouve dans le PMU, là, d'Enan,
03:17 et puis ils me disent "tu sais le truc que tu dis tout le temps sur les sols,
03:20 bah là, ils veulent nous le faire à nous".
03:22 Alors je dis "mais de quoi vous me parlez ? D'artificialisation ?".
03:24 "Oui, c'est ça, ils vont nous le faire à nous, à nos champs".
03:26 Et donc c'était le projet Parcologue 4,
03:28 et donc je me suis retrouvée alliée, et même plutôt,
03:32 ils me disaient "on vient te chercher toi parce que t'es chiante,
03:34 et donc on s'est dit que si tu faisais le truc avec nous, on allait gagner".
03:37 Et donc ils sont venus nous chercher, alors que sur certains sujets,
03:40 on n'était pas meilleure amie, mais ils disaient "nos alliés sur ce truc-là, c'est vous".
03:45 Et donc ils venaient nous voir pour savoir comment on faisait un recours,
03:48 ils disaient "il n'y a pas des gens France Nature, l'environnement,
03:51 qui peuvent nous aider, des avocats, des..."
03:53 Et donc c'était intéressant parce que sur certains dossiers, on n'était pas très d'accord,
03:56 et là ils disaient "nous on veut, maintenant c'est à vous de jouer,
03:59 on vous soutient sur tout, on a été faire des manifs au rond-point des vaches,
04:02 parce que oui, chez nous, on a un rond-point avec des fausses vaches en plastique,
04:04 on a tout fait, et ce projet n'a toujours pas vu le jour".
04:09 Quand je vous dis qu'on a vu ce film déjà une cinquantaine de fois,
04:13 c'est toujours la même histoire.
04:14 C'est des enquêtes publiques où les impacts environnementaux du projet sont complètement minimisés.
04:20 Nous, ils avaient sorti des chiffres de circulation d'il y a 10 ans,
04:23 et ils avaient mesuré un jeudi matin.
04:26 Et donc vous voyez bien qu'entre temps, à ce rond-point,
04:30 avait été ouverte la grande zone Ikea, la plus grande...
04:33 Évidemment il n'y avait plus le même nombre de voitures,
04:35 et que les week-ends de solde ou avant Noël,
04:37 c'est pas exactement le même sketch qu'en jeudi matin.
04:40 Et puis, par contre, les conséquences économiques sont toujours complètement gonflées.
04:46 On nous parle tout le temps du nombre d'emplois.
04:48 Évidemment, à la fin ils se raccrochent à ça,
04:50 parce que c'est leur seul argument qui peut faire mouche un peu chez les gens.
04:53 Pour que ce projet soit acceptable socialement,
04:55 le seul argument qui peut marcher à la fin, c'est l'emploi.
04:58 Et donc ils nous servent des emplois, des emplois, des emplois.
05:00 Le copain a très bien raconté quels emplois, pour qui, tout ça,
05:03 et je souscris à tout ce que tu as dit.
05:05 Mais ce dont on parle assez rarement,
05:07 c'est les emplois que ce genre d'entrepôt fait supprimer.
05:10 Vous voyez, il y a des endroits où ça fait fermer, disparaître des exploitations agricoles,
05:15 et puis surtout, on voit tous nos centres-villes crever.
05:18 Alors c'est pas directement parce qu'il y a un entrepôt,
05:21 mais c'est le système qu'il y a derrière l'entrepôt.
05:23 Évidemment, le commerce en ligne,
05:25 je pense qu'on l'a tous fait ici un jour, acheter un truc en ligne,
05:27 parce que c'est plus simple, qu'on n'a pas le temps,
05:29 qu'il n'y a pas dans le magasin local.
05:31 Et de toute façon, moins il y aura de magasins dans les centres-villes,
05:33 plus on sera amenés à consommer en ligne,
05:35 parce qu'on ne trouve plus... Vous habitez à Vierzon,
05:37 moi, il y a un Beaumont, bon ben, on n'a pas tous les commerces qu'on veut non plus.
05:40 Et donc c'est un vrai cercle vicieux.
05:42 Et donc ces emplois-là, ils disparaissent.
05:45 C'est aussi notre rôle de consommateur que d'alerter
05:48 sur le fait que tout ce système de commerce en ligne,
05:50 d'entrepôt logistique, de surconsommation,
05:52 ça a des conséquences sur nos poumons, sur les camions, tout ça,
05:55 ça vous l'avez dit. Mais c'est aussi, derrière,
05:58 la surconsommation, ce n'est pas juste des gens qui sont complètement addicts,
06:02 il y a de ça aussi, je pense qu'on le sait tous un peu,
06:04 qu'on sait que c'est un truc auquel il faut qu'on travaille collectivement,
06:07 mais c'est aussi toute une filière industrielle
06:09 qui fait l'obsolescence programmée.
06:11 C'est-à-dire que ça nous est tous arrivé d'avoir une imprimante,
06:13 une lave-vaisselle, une machine à laver,
06:15 il y a une demi-pièce ou une touche qui ne marche plus,
06:17 et on vous explique que la pièce n'existe plus,
06:20 que ce n'est pas remplaçable, que ce n'est pas réparable.
06:22 Et en fait, on a des industriels qui produisent des choses
06:25 pour qu'elles tombent en panne le plus rapidement possible,
06:27 et comme on est dépendant de cet énergie, on est obligé d'en racheter.
06:31 Et c'est un truc qui est quasiment de la fraude,
06:34 c'est de la manipulation, qui nous met aussi dans le rôle
06:36 de devoir toujours racheter les mêmes choses,
06:38 qui sont produites toujours plus loin,
06:39 ramenées dans des cargos toujours plus gros,
06:41 tu cherches le mot tout à l'heure, des super tankers,
06:43 c'est un truc complètement absurde.
06:45 Et je ne sais pas à quel moment on a accepté tout ça.
06:47 La réalité, c'est qu'on ne l'a jamais vraiment accepté.
06:50 On n'a pas consenti à un moment,
06:52 on parle beaucoup de consentement dans la société actuelle,
06:54 on n'a pas consenti à ce système.
06:56 C'est petit à petit, ça s'est retrouvé tout autour de nous,
06:58 et on regarde, ça n'a pas de sens, mais c'est comme ça.
07:00 Et donc je pense qu'il y a une phrase que je cite souvent
07:03 du Léviathan de Hobbes qui est "ils ne sont debout
07:06 que parce que nous sommes à genoux".
07:08 C'est-à-dire qu'il n'y a pas un moment où on a dit
07:09 "ouais, ça c'est super, on va tous faire comme ça",
07:11 c'est que on est un peu là, et puis ça s'organise,
07:14 ils sont puissants, ils ont plus de l'argent,
07:16 ils font leurs trucs, etc.
07:17 Et donc je pense que moi, quand je vois ce genre de mobilisation,
07:19 ce qui me touche toujours beaucoup, c'est que je me dis
07:21 "bon ben, ils sont debout parce que nous sommes à genoux,
07:23 mais on est quand même en train de se relever à quelques-uns,
07:26 et qui dans les faits, en réalité sont amenés normalement
07:30 à être de plus en plus nombreux, et donc c'est ça,
07:32 c'est toujours plus dur d'être les premiers à se lever.
07:35 Je sais qu'on passe pour des pénis, pour des relous,
07:37 surtout que j'en vois, là, dans ceux qui ont parlé,
07:39 qui ont l'air de faire ça depuis un certain temps,
07:41 soit avec leur casquette politique, soit avec leur casquette associative,
07:44 et je sais à quel point cet engagement,
07:46 c'est du temps de famille en moins,
07:48 c'est des heures qu'on passe au lieu de faire autre chose,
07:50 c'est des coups qu'on prend,
07:52 mais c'est aussi beaucoup de détermination, beaucoup de passion,
07:54 et en fait on sait pourquoi on le fait,
07:56 et protéger le vivant à la fin,
07:58 c'est l'un des plus beaux combats qu'on puisse mener,
08:00 et ça nous donne beaucoup de force,
08:02 donc je voulais vous remercier pour ça,
08:04 vous dire que votre combat est juste, mais ça vous le saviez déjà,
08:06 vous dire qu'à chaque fois que je pourrais venir ici ou ailleurs
08:09 donner de la force à ces mobilisations,
08:12 et de la visibilité, je le ferai,
08:13 donc n'hésitez pas, vous avez bien fait de m'inviter
08:15 depuis quelques mois pour qu'on arrive à faire ça,
08:17 et puis voilà, c'est ce projet,
08:19 c'est les projets de fermes tout à l'heure qu'on va aller voir,
08:21 c'est le pôle alimentation, c'est les éoliennes,
08:23 enfin, il y a tellement de choses à visibiliser,
08:25 à porter dans ce pays,
08:27 et même si c'est dur, je sais que des fois
08:29 on a du mal à avoir de l'espoir,
08:30 parce qu'on vit quand même dans une période qui est très troublée
08:32 sur le plan national, international,
08:34 et que des fois on se dit, mais qu'est-ce qui nous fait tenir ?
08:36 Et bien ce qui nous fait tenir, c'est les moments qu'on vit là comme maintenant,
08:39 c'est les gens qu'on rencontre, c'est les combats qu'on porte,
08:41 Donc merci pour tout ça et puis on continue !
08:43 (Applaudissements)