• l’année dernière
Mardi 27 juin 2023, BE SMART reçoit Emmanuelle Barbara (avocate associée en droit du travail) et Bertrand Martinot (Économiste - Directeur du conseil en formation et développement des compétences, Siaci Saint-Honoré)

Category

🗞
News
Transcription
00:00 On repart, question subsidiaire avant le malaise ou la souffrance au travail.
00:08 Question autant d'ailleurs à l'avocat qu'à l'expert.
00:13 Emmanuel, c'est là qu'on avait fait connaissance d'ailleurs.
00:16 Est-ce que c'est les ordonnances Pénicaud, 2017, Prud'homme, Patin-Couffin et même
00:22 avant le Barnum El Khomri qui expliquent ces records de recrutement d'emploi en partie?
00:32 Je ne sais pas si on peut faire une véritable corrélation.
00:36 Oui, sur la confiance.
00:38 Il y a des statistiques là-dessus sur le fait d'être plus allant pour embaucher.
00:45 C'était le but du jeu au départ.
00:47 Tu me parlais de l'ensemble des ordonnances et il y a dedans un volet très important
00:52 qui est le fameux Barème Macron s'agissant des évictions.
00:54 Je l'oubliais dans la question.
00:57 Si on parle de l'impact de ce Barème Macron, il est probable qu'il ait eu une incidence
01:02 favorable sur le taux de recrutement dans les entreprises dont les épaules sont plus
01:07 étroites que d'autres.
01:08 Bertrand ?
01:09 On confirme dans les enquêtes de conjoncture de l'INSEE, on pose une question sur les obstacles
01:13 au recrutement.
01:14 Traditionnellement, les problèmes réglementaires faisaient partie des sujets qui étaient évoqués
01:20 en même temps que le coût du travail.
01:22 Et il a considérablement, ce facteur a considérablement reculé depuis 2019.
01:26 Il faut savoir qu'aujourd'hui, le coût du licenciement en France est particulièrement
01:31 faible, y compris en comparaison internationale.
01:34 Et on a un droit qui est maintenant très souple, donc rupture individuelle, mais il
01:42 y a aussi, il ne faut pas oublier la rupture conventionnelle individuelle, qui a quand
01:45 même été une réforme majeure et qui fait que quand même maintenant, ça a dépassé
01:50 largement le nombre de licenciements.
01:51 Et puis il y a les ruptures conventionnelles collectives qui commencent à mordre aussi
01:56 et qui font que le PSE, le plan de garde de l'emploi est devenu quelque chose de totalement
02:00 résiduel.
02:01 On est à un plancher absolu en matière, on est à 300 PSE par an à peu près, alors
02:06 qu'en régime de croisière, il y a encore quelques années, on était à 800.
02:09 Et en période de crise, on tutoyait les 2000.
02:12 Oui, mais alors ça veut dire que ça nous coûte une fortune cette histoire ?
02:14 Parce que la rupture conventionnelle…
02:16 Alors ça coûte à l'assurance chômage.
02:18 Ah bah oui !
02:19 Ça coûte à l'assurance chômage.
02:20 Bon, alors visiblement, elle repart en excédent, grevée de dettes.
02:24 Il y a tellement de création d'emploi que malgré ça, effectivement…
02:26 Donc ça veut dire qu'on a acheté quelque part cette souplesse ?
02:29 Oui, alors je ne connais pas de bilan économique sur l'assurance chômage de la rupture conventionnelle
02:34 individuelle parce que d'un côté, évidemment, c'est toujours pareil, d'un côté elle
02:39 coûte cher parce que des gens se retrouvent temporairement au chômage entre deux jobs.
02:44 Des fois même, ils montent des entreprises.
02:46 Si on croit, et c'est quand même assez probable qu'elle a suscité des embauches
02:51 et facilité l'embauche, elle accroît aussi les recettes de l'Unedic.
02:53 Donc l'un dans l'autre, je ne suis pas sûr que l'Unedic…
02:56 L'Unedic est structurellement en excédent.
03:00 Elle s'est plantée en 2020.
03:02 Écoute, je l'ai beaucoup raconté ici, nous sommes deux cofondateurs à avoir bénéficié
03:07 effectivement de ruptures conventionnelles et derrière de l'aide à la création d'entreprises.
03:12 Et c'est vrai qu'à l'arrivée, il y a 25 emplois et 50 équivalents temps pleins.
03:18 On a jamais réussi à…
03:19 Oui, c'est un bon calcul, mais on est combien à avoir fait ça Emmanuel ?
03:22 Je ne sais pas si pour les 300 000 ou 400 000 ruptures conventionnelles chaque année…
03:26 Encore une fois, je ne connais pas d'études sur l'impact sur l'Unedic de la rupture
03:29 conventionnelle individuelle.
03:31 Mais ce que je sais, c'est que l'Unedic est structurellement à l'équilibre.
03:35 S'il n'y a pas de catastrophe macroéconomique comme en 2020, l'Unedic est à l'équilibre.
03:40 Non mais ça a aidé sur la conflictualité.
03:42 C'est un bôme utile, véritablement utile, d'autant que des motifs de conflit, il y
03:49 en a encore, c'est formidable.
03:50 On en tue un, on en trouve un autre.
03:52 Donc voilà.
03:53 Alors cela dit, il y a aussi le fait qu'on a une réglementation maintenant qui rend
03:57 le coût du licenciement, le coût de la séparation, parce que ce n'est pas forcément une séparation,
04:02 le coût de la séparation faible.
04:04 Et pour autant, à ma connaissance, on n'est pas ou pas encore dans la judiciarisation
04:10 extraordinaire qu'on constate dans les pays anglo-saxons.
04:13 Parce que dans les pays anglo-saxons, la réglementation est encore plus souple.
04:21 Il y a moins de délais de préavis, des choses comme ça.
04:24 Mais il y a une judiciarisation qui peut mettre les entreprises en incertitude avec un juge,
04:30 un droit extrêmement jurisprudentiel.
04:32 On dit toujours qu'il n'y a pas de code du travail en Angleterre.
04:35 Mais si on prend les manuels de droit du travail anglais qui se tapent la jurisprudence,
04:39 en fait, il est aussi épais que le code français.
04:41 On ne le dit jamais ça, Bertrand ?
04:43 Tu m'apprends un truc là.
04:45 L'anglo-saxon est jurisprudentiel ?
04:46 Que les chefs d'entreprise qui réfléchissent à ça comme j'ai pu le faire, devraient
04:53 y réfléchir à deux fois avant de souhaiter une solution à l'américaine.
04:58 Je vous recommande la Californie pour les recours derrière.
05:05 La Californie, on n'a rien à nous envier en termes de sévérité.
05:11 Ce n'est pas un havre de paix pour le juge.
05:15 Le juge peut être pire qu'un règlement.
05:18 Et si en plus le règlement n'est pas mauvais, il vaut mieux un règlement.
05:22 Il n'y a aucun doute, sur tous les sujets, discrimination, harcèlement.
05:27 C'est vrai que ça a été un combat avec la Cour de cassation.
05:30 Mais le fait que la Cour de cassation ait validé et appliqué l'esprit de la loi,
05:37 l'ordonnance qui plafonne les indépendants de licenciement, alors qu'en théorie pure,
05:43 la question pouvait se poser.
05:44 Parce que plafonner un dommage et intérêt, finalement, ça peut poser le sujet.
05:49 Il y a de nombreux juristes, je m'en rappelle, parce qu'à l'époque de Sarkozy, on avait
05:55 réfléchi à la question.
05:56 Il y a des juristes que je ne nommerai pas qui nous avaient dit que ce serait probablement
06:00 un constitutionnel.
06:01 Et ça pouvait s'entendre, l'idée de plafonner un dommage.
06:03 Imaginez, dans certains cas, le licenciement se fait dans des conditions telles et de manière
06:09 tellement déloyale de l'employeur.
06:12 J'ai quitté, j'ai déménagé, j'ai quitté mon épouse, je me retrouve dans une situation
06:17 abominable.
06:18 Le dommage est énorme et pourtant la loi me le plafonne.
06:21 Donc, ce plafonnement, il n'existe pas, à ma connaissance, dans la plupart des pays
06:27 anglo-saxons.
06:28 Et la Cour de cassation l'applique, toute la jurisprudence l'applique.
06:33 Et ça a été une révolution quand même sur le contentieux.
06:36 C'est-à-dire que quand il y a un contentieux, les deux parties savent déjà quel sera le
06:41 résultat du contentieux.
06:42 On avait fait un tour de France ensemble, Emmanuel.
06:44 On avait fait un tour de France des juridictions.
06:47 Tu venais nous voir à peu près toutes les trois semaines.
06:50 Ah bah tiens, eux, ils ont dit non.
06:51 Ah bah tiens, eux, ils ont dit oui.
06:52 C'est réglé toutefois.
06:53 Pardon, juste un tout petit peu.
06:54 Je t'en prie, vas-y.
06:55 La raison pour laquelle ce texte a franchi avec succès le Conseil d'État, le Conseil
07:02 constitutionnel, etc. et l'applicabilité par la Cour de cassation, c'est parce que
07:05 ce barème réserve les cas d'atteinte aux droits fondamentaux.
07:11 Oui.
07:12 Donc, c'est véritablement la respiration qui fait que l'abomination du sujet ainsi
07:17 décrit du cas de figure qui peut exister, on doit pouvoir regarder qu'il ne rentre
07:23 pas bien dans le...
07:24 Enfin, on doit pouvoir voir de faits.
07:25 Ça sort du champ du plafonnement s'il y a harcèlement.
07:27 Absolument.
07:28 Voilà.
07:29 Donc, toutes ces horreurs, qui sont des horreurs, ne rentrent pas dans le tarif, si je puis dire.
07:32 Mais je me souviens très bien, Emmanuel.
07:34 Oui, j'avais tout fait.
07:35 Et puis, tu t'étais énervé une fois.
07:37 C'était un cas très précis que tu nous avais apporté où tu disais mais le patron
07:41 s'est comporté comme un voyou.
07:43 Ce n'est pas possible.
07:44 C'est bien, je me souviens très bien de ce moment.
07:45 Et donc, il doit être lourdement condamné.
07:47 J'ai aucun doute.
07:48 Parce qu'il fait du mal à la collectivité des employeurs de bonne foi.
07:50 Et ça, il faut les défendre.
07:52 Ok.
07:53 Donc, voilà pour les réformes.
07:58 Non, parce que je pensais à la phrase d'Emmanuel Macron qui doit être de 2017, "Traversez
08:02 la rue, là, je vais vous trouver du travail", donc qui avait scandalisé.
08:05 Je crois qu'il l'a refait à Marseille.
08:07 Il l'a refait à Marseille.
08:09 C'est 10 emplois maintenant.
08:10 Mais justement, on va voir.
08:12 C'est ça qui est intéressant.
08:13 Le scandale, sans doute, ne sera pas à la même hauteur.
08:17 Malaise ou souffrance au travail ?
08:18 Alors Bertrand, c'était quoi en février que tu nous avais apporté ton étude ?
08:22 Donc, étude de l'Institut Montaigne.
08:26 On va en revoir notamment celle sur le bonheur au travail.
08:31 Je résume, mais tu vas m'en dire un peu plus.
08:34 Les Français sont heureux au travail dans leur grande majorité.
08:35 Et l'épidémie de Covid-19.
08:40 77%, donc plus de trois quarts des 5000 actifs interrogés se disent satisfaits de leur
08:47 travail.
08:48 Degré de satisfaction supérieur ou égal à 6/10.
08:49 Et c'est la partie, à la limite, la moins innovante de l'étude, puisqu'elle ne fait
08:55 que confirmer ce que toutes les études qui posent la même question aboutissent, c'est-à-dire
09:03 que entre 75 et 80% des actifs au travail se disent satisfaits ou assez satisfaits,
09:10 plutôt satisfaits, de leur emploi.
09:12 D'ailleurs, c'est à peu près le même taux quand on interroge quelqu'un dans la
09:17 rue et qu'on lui demande s'il est heureux.
09:19 À 80%, il va répondre oui.
09:20 C'est vrai ?
09:21 Oui, c'est une constante.
09:22 C'est un peu en contradiction avec ce que tu semblais dire.
09:30 Oui, mais non, ce n'est pas contradictoire.
09:34 La différence, c'est que si tu me poses la question si je suis heureuse au travail,
09:38 quand je dis je, ce n'est pas moi, mais je, je suis heureuse.
09:41 J'ai tendance à dire oui, je suis heureuse.
09:44 En revanche, si on me fait parler du travail, j'ai tendance à projeter toutes les noirceurs.
09:48 J'ai tendance à en parler mal.
09:50 J'ai tendance à dire, entre que je connais ma cousine, mon beau-père, etc.
09:56 On rentre dans ce que j'appelle la représentation schématique du travail qui est pleine de
10:03 noirceurs en quelque sorte.
10:04 C'est ce discours doloriste et anxiogène qui nous façonne.
10:09 En plus, culturellement, je pense qu'on va pouvoir trouver dans la littérature, le
10:12 cinéma, etc. des angles qui permettent de dire si je parle du travail, c'est comme
10:17 ça.
10:18 C'est très important parce que dans cette étude, on ne demande pas aux gens ce qu'ils
10:24 pensent du travail.
10:25 On leur demande de parler de leur travail.
10:27 Donc, si on avait posé la question à ces 77%, si on leur avait posé, parlez-nous
10:32 du monde du travail, probablement qu'ils n'auraient pas été aussi nombreux à dire
10:35 tout le bien qu'ils pensent du travail.
10:37 Donc, en gros, on est dans une situation qui renvoie à ce que certains sociologues expliquent
10:43 depuis longtemps en France, et c'est une caractéristique française, c'est malheur
10:48 public et bonheur privé.
10:49 C'est-à-dire que, que pensez-vous du travail ? C'est monstrueux, c'est horrible, c'est
10:54 une dégradation, c'est absurde, etc.
10:56 Et vous, votre travail ? Moi, ça va, pourquoi ? C'est exactement ça.
11:00 C'est ce que dit l'étude, en fait.
11:02 Est-ce que tu t'en souviens ? Alors, je ne sais pas si on a la slide de ceux qui sont
11:08 malheureux quand même, enfin de ceux qui souffrent au travail.
11:11 Et c'était intéressant parce que, alors là, c'est effectivement des questions,
11:15 on va peut-être la laisser, c'est des questions qui sont des questions pour les RH, pour les
11:20 managers, etc.
11:21 Ce qui vient tout en haut, c'est la rémunération, la reconnaissance.
11:30 Voilà.
11:31 Et ça non plus, ce n'est pas nouveau.
11:33 Ce qui est amusant ensuite, parce que comme dans cette étude, on n'a pas fait un travail
11:38 de sondeur classique avec des triclassiques, on a fait vraiment une analyse statistique
11:42 sur les données individuelles.
11:43 C'est-à-dire qu'on essaie de comprendre quels sont les facteurs objectifs qui causent
11:49 telle ou telle opinion et on s'aperçoit par exemple que la question de la charge psychique
11:54 est liée en particulier à des questions d'autonomie, d'organisation du travail, de management,
11:59 de non reconnaissance et pas du tout au temps de travail.
12:04 C'est-à-dire que ce ne sont pas les gens qui ont le temps de travail le plus élevé
12:06 qui se disent avoir une charge psychique la plus importante.
12:10 C'est assez fascinant.
12:12 Non, je comprends tout à fait.
12:13 Ça veut dire qu'on peut être en burn-out à 35 heures, on peut travailler très bien
12:18 à 44.
12:19 D'ailleurs, c'est très amusant parce que la catégorie de Français qui se déclarent
12:24 le plus heureux au travail dans tous les compartiments du jeu, que ce soit conciliation
12:27 vie familiale, vie professionnelle, autonomie, responsabilité, intérêt du travail, etc.,
12:33 sens du travail, ce sont les indépendants.
12:35 Or, les indépendants, ils travaillent 4-5 heures de plus par semaine.
12:38 C'est assez amusant.
12:39 Donc, il n'y a pas de lien.
12:41 Il n'y a pas de lien.
12:42 On est vraiment dans le…
12:43 Oui, mais Bertrand, l'indép… Enfin, peut-être pas tout juste.
12:46 J'allais dire une énormité, en fait.
12:48 J'allais dire l'indépendant a choisi d'être indépendant.
12:50 Non, pas toujours et pas plus que tel ou tel salarié, sans doute.
12:53 Oui, enfin, un salarié, dans une certaine mesure, il a choisi un peu son boulot quand
12:57 même.
12:58 Oui, tout à fait.
12:59 Il est relativement libre.
13:00 Alors, moyennant beaucoup de contraintes, il est relativement libre d'en changer.
13:02 Donc, l'idée fondamentale, c'est la reconnaissance et la responsabilité d'une tâche.
13:10 Ça, vraiment.
13:11 C'est intéressant, d'ailleurs, parce que j'en ai discuté et avec, même sur les
13:16 hauts potentiels, et avec le patron de Sciences Po et avec le patron de Polytechnique.
13:22 Les deux arrivaient exactement à la même conclusion.
13:24 Ceux qui arrivent sur le marché du travail veulent avoir des choses à faire, quelque
13:31 chose de précis.
13:32 Je ne veux pas être le rouage d'un process.
13:34 Voilà.
13:35 Je veux une mission précise, quelque chose de précis dans une équipe.
13:39 Oui, c'est tout à fait ça.
13:40 Et donc, en fait, tout ça, ça réinterroge aussi les grandes catégories du combat social
13:48 classique.
13:49 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il n'y a pas de revendication de baisse du temps de
13:52 travail.
13:53 Ou plus exactement, ceux qui veulent baisser leur temps de travail, c'est ceux qui se
13:56 sentent mal au travail.
13:57 Mais ce n'est pas une revendication, comment dire, ce n'est pas une fin en soi.
14:04 Il n'y a pas de volonté de baisser le temps de travail comme ça de manière générale.
14:08 Et tout ce qui tourne autour de la semaine de quatre jours n'est pas lié à la baisse
14:12 du temps de travail.
14:13 Ça reste 35 voire 36 heures d'ailleurs.
14:16 Parmi les points négatifs de ressenti des salariés, il y a, c'est un point très important,
14:23 ça renvoie à la semaine des quatre jours, c'est la question de l'intensification du
14:26 travail.
14:27 C'est-à-dire qu'il y a 60% des sondés qui disent, qui déclarent que leur charge
14:33 de travail s'est accrue ces cinq dernières années.
14:35 C'est énorme 60%.
14:36 Donc il y a une réalité derrière.
14:38 Or, la durée du travail n'a pas bougé.
14:40 Donc ça veut dire que c'est l'intensité du travail qui a bougé.
14:43 Et donc on se dit que la solution à apporter pour ça, ce n'est pas forcément de comprimer
14:50 les 35 heures en quatre jours.
14:51 Là, en termes de conciliation vie familiale, vie professionnelle, en termes d'intensification
14:56 du travail, je pense qu'il y aurait des effets de bord qui seraient assez considérables.
15:00 Donc la semaine des quatre jours peut peut-être être une très bonne solution pour certains
15:05 individus, mais certainement pas pour d'autres.
15:09 Donc il ne faut surtout pas l'imposer.
15:10 Emmanuel, alors sur cela, et puis on pourra reparler de la semaine de quatre jours absolument.
15:14 Je trouve très intéressante cette notion d'intensification.
15:18 Quand on regarde l'étude qu'a conduite Bertrand, on s'aperçoit que ceux qui appartiennent
15:25 à la catégorie des 60%, ce sont ceux qui, dans le fond, ont affaire à un public, quels
15:29 qu'ils soient.
15:30 C'est-à-dire de l'enfant en passant par le patient, en passant par le guichet.
15:35 Ce sont des gens qui interagissent avec des tiers.
15:38 C'est moins toi et moi dans un bureau, c'est un autre sujet, que le fait d'avoir affaire
15:44 à des enfants, des ados, de tout ce qu'on veut, des gens, des tiers, des clients.
15:49 C'est intéressant de voir que dans le fond, cette intensification pourrait venir aussi
15:55 de l'importation d'un état d'esprit qui se serait peut-être tendu ces dernières
16:01 années.
16:02 Tu vas rapprocher ça de la décivilisation ?
16:04 En tout cas, d'un air du temps.
16:06 Et d'un air du temps qui tient tant à une forme d'agressivité qui devient palpable
16:13 que d'une autre chose qui est aussi un autre sujet très intéressant, ce qui m'intéresse
16:17 aussi du point de vue des impacts, c'est de ce qu'on appelle la fatigue.
16:20 La fameuse fatigue, il y a eu plusieurs études, alors Jean Jaurès en a conduit quelques-unes,
16:26 mais il y a des philosophes et des sociologues qui s'intéressent sur cette notion de fatigue
16:31 collective ou des éléments de fatigue palpable là aussi, résultant de cette incroyable
16:38 expérience que nous avons vécue et on n'a pas fini d'en parler du confinement.
16:41 Et dans le fond, mi-bout à bout, on comprend cette intensification parce qu'on pourrait
16:45 dire mais alors ça veut dire qu'il y aurait trop de travail pendant la période horaire.
16:47 L'intensification vient des rapports.
16:50 Deuxième chose, l'intensification vient aussi, me semble-t-il, d'un autre phénomène
16:55 qui permet de parer de grandes vertus ceux qui les mettent en place, c'est ce que j'appelle
17:03 la bureaucratisation faite de reporting divers, etc., en vue de servir ce qu'on appelle la
17:07 conformité ou la compliance en français, si je puis dire.
17:10 Un certain nombre de règles qui permettent d'attester par ailleurs et pour un autre
17:14 motif qui véritablement est aux antipodes de celui dont nous discutons aujourd'hui qui
17:18 consiste à dire nous, nous faisons les choses bien, nous, entité morale, etc.
17:22 Donc, comme on fait des choses bien, eh bien, on a des process.
17:24 Et voilà qu'il n'y a rien de plus antinomique, de plus paradoxal que d'une part exalter l'autonomie,
17:32 venez chez moi, vous allez voir, etc., vous allez pouvoir exalter ceci, cela, et d'un
17:36 autre côté, sitôt franchir le pas de la porte, rentrer dans des cases et répondre
17:41 selon un processus millimétrique de mille et un rapports, mille et une attitudes qu'il
17:47 faut absolument adopter pour pouvoir être compliant parce que la direction des risques
17:53 nous est sur notre dos.
17:55 Donc, c'est toutes ces paradoxes qui, au bout d'un moment, font que l'individu se trouve
17:59 au milieu de tout ça.
18:00 Et effectivement, le minimum qu'on puisse dire, c'est qu'en effet, l'intensification
18:06 en résulte.
18:07 Alors, deux choses que je peux partager avec vous, des expériences qui sont les miennes
18:13 au cœur des entreprises.
18:14 Je vais commencer par la deuxième partie, le reporting.
18:19 Tout ce qui va se mettre en place sur le carbone et sur l'ARSE va renforcer le reporting
18:27 et même le micromanagement.
18:29 Donc là, on est en fait au début de quelque chose qui inquiète beaucoup à l'intérieur
18:36 des organisations autour de la masse de reporting qu'il va falloir produire pour être compliant
18:42 vis-à-vis des exigences du carbone.
18:44 Et la deuxième chose sur la décivilisation, l'intensité dans les rapports avec le client,
18:55 on va dire ça comme ça, ou l'usager.
18:56 Il se trouve que j'étais animé à un dîner justement de grands services de relations
19:04 clients.
19:05 C'est tout cela, les télécoms, les services financiers et tout.
19:07 Et en fait, il voit leur salut dans l'intelligence artificielle.
19:10 Ce n'est pas le moindre des paradoxes que d'espérer, disent-ils, que l'intelligence
19:15 artificielle sera beaucoup mieux que l'humain, gérer la brutalité des rapports, l'impatience
19:26 des clients, les incivilités, etc.
19:28 Et pourra, et je crois qu'on l'a déjà vu notamment sur les consultations médicales
19:33 qui ont été faites par l'intelligence artificielle, pourra faire preuve de beaucoup plus d'empathie
19:37 en fait que les humains qui sont, mais non, mais comme tu viens de le décrire, comme
19:43 vous venez de le décrire, qui face à l'intensification à un moment sont saoulés et ne peuvent pas
19:48 supporter le truc.
19:49 C'est intéressant quand même.
19:50 Une sorte de dome augmenté dans la relation.
19:56 C'est paradoxal.
19:57 Il y a une sorte de fuite devant la relation interindividuelle qui pose quand même problème
20:05 finalement.
20:06 Oui, mais c'est la solution qui va arriver.
20:10 Enfin, en tout cas, je veux dire que vraiment, c'est les plus gros.
20:13 Les masses, ceux qui ont vraiment traité des masses de clientèles sont aujourd'hui
20:19 focus sur cette idée-là.
20:20 Ce que disait Emmanuel est tout à fait vrai.
20:22 Il y a une spécificité des métiers en contact avec le public.
20:25 Par exemple, les métiers de la banque, alors ça, ce n'est pas dans l'étude Montaigne,
20:28 mais ça se voit dans des études de la Dares, les métiers de la banque qu'on ne penserait
20:32 pas particulièrement pénibles, à priori, sont en fait psychologiquement usants par
20:37 le ressenti des personnes.
20:38 Et les gens qui sont au contact du public dans la banque, en fait, ont un niveau de
20:44 stress et de difficulté à se projeter durablement dans leur métier qui n'est pas très éloigné
20:50 de ceux de l'hôpital.
20:52 Alors eux se prennent plein la figure évidemment au contact avec le public.
20:56 C'est vraiment un vrai sujet.
20:59 Il y a une fuite du contact humain qui se dégrade.
21:03 Je ne sais pas s'il faut appeler ça décivilisation.
21:05 En tout cas, il y a un vrai sujet qui dépasse le sujet du travail à mon avis.
21:08 Or, le secteur bancaire aujourd'hui, pour… alors là, les taux d'intérêt remontent,
21:14 etc. et tout, mais pour retrouver du revenu, doit à nouveau s'occuper de ses clients.
21:17 - Il met en place un plan pour attirer le chaland, si je puis dire, ce que je lisais
21:24 pas plus tard que ce matin, en mettant l'accent sur le télétravail qui semblerait être
21:30 mal assis.
21:31 - Oui, ce qui nous ramène à la semaine de 4 jours.
21:34 Alors là, je l'ai cité d'ailleurs, une discussion très intéressante que j'avais
21:38 eue avec le DRH de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse de la CNAV, donc il y a plusieurs
21:45 centaines de personnes au siège, et puis des centaines de personnes, voire des milliers
21:49 de personnes à travers toute la France.
21:52 Il démarre, donc c'était en février-mars aussi, donc faudra que je prenne des nouvelles,
21:56 il démarrait donc une expérimentation semaine de 4 jours, il le faisait avec d'infinies
21:59 précautions.
22:00 Effectivement, il le faisait avec des chercheurs en neurosciences, il le faisait avec des experts
22:07 du monde du travail, parce que ça n'est absolument pas simple, il veut surtout pas
22:11 penser que c'est une évidence, mais lui le vit comme un moyen de réconcilier justement
22:17 les postes télétravaillables et les postes qui ne sont pas télétravaillables.
22:21 Et reconstituer quand même un socle d'entreprise, ou réduire la fracture dans l'entreprise
22:27 entre ceux qui sont au contact du public, et voilà, bim, il faut y aller, et en plus
22:31 sur les retraites, et ceux qui peuvent, enfin voilà, l'ensemble des fonctions support
22:36 de la CNAV qui sont aussi très très importantes, notamment tout ce qui est fonction informatique,
22:41 voilà.
22:42 Donc en cela c'était intéressant.
22:43 Semaine de 4 jours, t'en penses quoi Emmanuel ?
22:45 J'en pense que je n'aurais d'opinion que sur un cas donné, c'est-à-dire qu'on
22:48 rentre maintenant dans la grande casuistique, c'est-à-dire ça suffit, on ne peut pas
22:51 appréhender ce sujet tout en disant on ne va pas faire comme les 35 heures, c'est-à-dire
22:54 de dire on déteste ou on aime mais on va l'appliquer, là je dis, il faut voir, qui
22:59 êtes-vous, que voulez-vous, ça dépend de mille paramètres, et ce que j'ai observé
23:03 c'est que ces expériences parfois donnent des résultats magnifiques, et dans d'autres
23:08 cas on a rétro-pédalé et remis les 5 jours traditionnels.
23:12 Et donc la question des arrêts de travail dont on n'a pas encore parlé, je crois que
23:16 c'est une étude AXA qui apporte ce chiffre de 44%, c'est pas une étude de la Dares,
23:23 une étude AXA, 44% des salariés sont absentés au moins un jour, donc en 2022.
23:29 Et plus 41%.
23:30 Plus 41% d'absenteeïsme.
23:32 Oui voilà c'est ça, augmentation de 41%.
23:37 Donc tu ranges ça dans tout ce qu'on vient de décrire, parce que si la défiance elle
23:43 est collective mais que moi je me sens bien, à ce moment-là je me mets pas en arrêt
23:47 de travail Bertrand.
23:48 Ça n'empêche pas.
23:49 Oui, attention, l'étude portée sur la satisfaction, le bien-être, pas sur l'engagement.
23:58 On peut très bien être satisfait mais pas être très engagé dans son travail.
24:01 D'accord, je comprends.
24:02 Maintenant sur les arrêts de travail, il faut voir qu'il y a les arrêts de travail
24:08 de courte durée mais il y a surtout les longs aussi qui progressent et d'ailleurs en termes
24:13 de coûts pour à la fois les assureurs et puis la sécurité sociale, c'est les longs
24:18 qui posent le plus de problèmes.
24:20 Alors c'est les cours qu'on voit le plus et qui désorganisent le plus le travail mais
24:24 il y a quand même un vrai sujet de long terme avec les longs qui progressent aussi.
24:28 Et probablement, il faudrait creuser le point, mais en lien avec le vieillissement aussi
24:35 de la population active puisque c'est quand même les plus âgés qui ont les arrêts
24:38 de travail les plus longs.
24:39 Et donc vous êtes favorable à un jour de carence d'ordre public ? Donc le MEDEF,
24:43 la CGPME, ils sont d'accord ? Donc jour de carence que personne ne pourrait, sauf évidemment
24:48 cas de force majeure, hospitalisation, accident de la route, j'en sais rien, mais sinon
24:52 personne ne pourrait venir compenser, ni l'entreprise, ni la Mutuelle, ni la…
24:56 Le sous-jacent de cette idée consiste à dire que le très court séjour, si je puis
25:04 dire, enfin le très court jour d'absence…
25:05 Est un truc de complaisance.
25:06 En effet.
25:07 Mais Route-Bézieux le dit.
25:08 C'est ce qu'a dit Route-Bézieux.
25:09 Il a dit…
25:10 Il dit c'est le vendredi, c'est le lundi.
25:11 Il a dit c'est le vendredi ou le lundi.
25:12 Enfin voilà, moi je pense que ce genre d'affirmation participe de cette défiance généralisée,
25:15 c'est-à-dire que c'est vrai, je suis sûre que c'est vrai, partiellement.
25:18 Mais il ne faut pas le dire.
25:19 Et puis non, ce n'est pas ça, ce n'est pas une solution donc nécessairement qui
25:22 s'applique à tout cela, je veux dire, ce sont des phénomènes où il y a des petits
25:27 arrêts de travail de courte durée, ils ne sont pas tous le lundi ou le vendredi, voilà,
25:32 donc ça peut être aussi vrai.
25:33 D'accord.
25:34 Ah oui, c'est ça.
25:35 Je ne peux pas ranger toujours sur la casquette parce que sinon c'est les plus durs, les
25:39 blancs, les noirs.
25:40 Tu veux en finir avec l'ensemble des lois générales sur un monde du travail fractionné,
25:45 fracturé.
25:46 On trouvera un autre contournement.
25:47 L'idée que je ne puisse pas trouver un autre contournement parce que je mettrai un jour
25:49 de carence est absurde.
25:50 Parce que ce sera deux jours.
25:51 Je multiplierai par deux mes maladies et je serai à dix jours.
25:54 Donc si vous voulez arrêter de me mettre des trucs pour dire, je vous ai traqué.
25:58 Non.
25:59 Ça a été fait dans la fonction publique et on a assisté à cet effet-là.
26:03 Et le gain net, le retour net était très faible et à peine mesurable.
26:08 Donc il faut se méfier de ces idées un peu simples, effectivement.
26:12 Oui, enfin, je précise, si tu as deux jours, tu auras quand même le premier jour qui sera
26:16 retenu.
26:17 Non, mais je t'ai entendu.
26:18 Je t'ai entendu.
26:19 Je t'ai entendu.
26:20 Je t'ai entendu.
26:21 Je t'ai entendu.
26:22 Oui, on s'en fout un peu.
26:23 La souffrance au travail, d'abord, c'est une terminologie que je trouve pénible parce
26:26 que forcément c'est très difficile.
26:27 Voilà, pénible, c'est des souffrances.
26:29 Parce qu'on ne peut pas en sortir.
26:30 En fait, c'est savoir si on est souffrance light ou grosse souffrance.
26:33 Non, mais ça va.
26:34 Enfin, on est dans notre état de santé.
26:36 Donc ça renvoie à l'état de santé des Français, des gens qui travaillent de manière
26:40 générale.
26:41 Bon.
26:42 Et ensuite, est-ce que c'est nécessairement de la souffrance ?
26:44 Non, mais c'est des grands mots, des gros mots qui sont intervenus peu après, sur ces
26:48 dix dernières années et aujourd'hui, amplifiés depuis la sortie du Covid.
26:52 Le vrai problème, c'est que ça touche un ressort que tu viens d'exprimer, Bertrand.
26:57 C'est l'impact du désinvestissement que cela implique, en fait.
27:00 Parce que ça, c'est la catégorie où on tape sur les finances publiques.
27:03 C'est quand même très dommageable puisque on est malade et absent.
27:06 Mais le désinvestissement light, c'est-à-dire en dessous, c'est-à-dire je fais juste le
27:09 minimum, etc.
27:10 Je fais mes quatre heures et pas cinq, etc.
27:13 Ça traduit autre chose.
27:15 C'est cette idée du retrait, cette idée, en quelque sorte, de ne pas être vraiment
27:20 là.
27:21 Et là, ça touche des questions qui sont même très fondamentales parce qu'elles touchent
27:26 à la société.
27:27 Alain Supiot parle d'une sorte de sécession des gens ordinaires puisqu'ils ne votent plus
27:33 et/ou votent populistes et/ou se désinvestissent du travail.
27:36 Donc, tout ça, ce sont des phénomènes qui sont transverses et qui sont intéressants
27:39 à regarder.
27:40 Alors, après, la reconnaissance, etc.
27:43 Non, mais je peux témoigner de ce qui est le cœur aujourd'hui des conventions d'entreprise.
27:48 Les grandes conventions qui se tiennent en ce moment sur le grand groupe, c'est l'engagement,
27:52 en fait.
27:53 C'est exactement ce que vous venez de dire tous les deux.
27:54 Mais c'est massif, ça.
27:55 Le sujet, c'est l'engagement.
27:56 Donc, ça touche le contenu du travail, c'est-à-dire pas les conditions de travail, mais le contenu.
27:59 Et ça ne se règle pas, ça se serait par le droit uniquement et ça ne se règle pas
28:04 même par des conventions collectives, des accords d'entreprise, des cultures d'entreprise.
28:08 Ce que veulent les gens, ils sont devenus individualistes.
28:11 C'est mes horaires, c'est mes conditions de travail, c'est mon organisation de travail,
28:16 c'est mon chef.
28:17 Et puis, c'est ma tâche, finalement.
28:19 C'est la fierté de mon contrat.
28:22 J'avais un chef qui prenait toujours l'idée du pot de terre.
28:26 En fait, ta journée est bonne si à la fin de la journée, tu as fait un pot en terre.
28:31 J'ai fait ça à la fin de la journée.
28:33 Je peux montrer quelque chose que j'ai fait, même si c'est immatériel, même si c'est
28:37 en ce qui nous concerne, nous, une grille de programme pour le lendemain.
28:39 Mais voilà, elle est là, elle est faite.
28:41 C'est pour ça que l'enjeu n'est pas l'effort qu'implique le travail bien fait.
28:44 C'est parce qu'il faut aller jusqu'à la fin de la phrase.
28:46 Ce n'est pas ça le sujet.
28:47 Ils sont tous prêts, les gens, chacun d'entre nous, nous voulant accomplir un travail bien
28:51 fait.
28:52 Donc, ça veut dire que c'est un effort.
28:53 Et là-dessus, on est d'accord.
28:54 Mais c'est cette sorte de confusion qu'il ne faut pas faire avec cette notion d'effort
28:58 intrinsèque, ontologique, si je puis dire, au travail et ce qu'on appelle les conditions
29:02 de travail, etc.
29:03 Parfois, j'ai le sentiment qu'il faudrait amoindrir la tâche.
29:06 Donc, ça veut dire que j'en retire l'intérêt et que du coup, on se sentirait allégé.
29:11 C'est faux.
29:12 Le travail reste difficile et que tu sors de là avec une jubilation et une reconnaissance.
29:20 Donc, il faut aller dans les deux bouts de la phrase.
29:22 C'est un gros boulot.
29:23 Bon, il faut finir avec les retraites quand même parce que voilà toute cette histoire.
29:28 Alors, où est-ce que j'ai vu ça ? Je n'ai plus la source, tant pis.
29:32 Mais ça devait être quelque chose de sérieux.
29:33 La pénurie pousserait les entreprises à imaginer des solutions pour garder les seniors
29:37 alors que lors du passage à 62 ans, donc, t'as réformatoire d'ailleurs Bertrand.
29:43 Non, j'y étais plus.
29:44 Tu n'y étais plus déjà ? L'idée était plutôt d'imaginer des solutions pour qu'ils
29:50 continuent à partir à 60 ans.
29:51 Ce serait une modification majeure en fait.
29:53 Je trouvais cette phrase très intéressante.
29:54 Je ne sais plus d'où elle sort.
29:55 J'en suis désolé.
29:56 Donc là, ce serait l'idée.
29:57 On a commencé avec ça.
29:59 Pénurie de recrutement, difficultés, etc.
30:02 Donc, en fait, pousser à 64 ans, transformation complète des rapports aux seniors.
30:07 On ne va pas essayer de continuer à les faire partir le plus tôt possible.
30:10 Au contraire, là, ça y est, on va mettre les outils en place pour pouvoir les garder
30:13 et pour pouvoir continuer à travailler avec eux.
30:15 Mais je suis convaincu que c'est ce qui va se passer.
30:17 En fait, on a beaucoup dit que la réforme des retraites, ce n'était pas le bon moment.
30:24 Bon, ce n'est jamais le bon moment.
30:25 Mais la situation du marché du travail est particulièrement favorable pour l'affaire.
30:30 Et le fait qu'il y ait une pénurie de main d'œuvre, c'est particulièrement favorable
30:34 à une réforme des retraites.
30:35 Et effectivement, c'est vrai qu'il y a une certaine, de la part des entreprises,
30:40 il faut le dire, il y a une certaine facilité sur très longue période qui font que, historiquement,
30:47 les entreprises ont rarement été en faveur de la réforme des retraites.
30:50 Parce qu'on voyait ça comme un coup.
30:52 C'est oh là là, on nous oblige à garder notre main d'œuvre.
30:54 C'est une sorte de taxe en nature.
30:57 Aujourd'hui, ils peuvent difficilement tenir ce discours, les DRH, les chefs d'entreprise,
31:03 parce qu'effectivement, la réponse des pouvoirs publics, ce sera dire, écoutez, déjà,
31:07 gardez vos seniors.
31:08 Et donc, il va falloir penser ce qui n'était pas pensable aujourd'hui, c'est qu'à
31:14 50, 55 ans, voire presque 60, eh bien, il faut se projeter encore un certain nombre
31:19 d'années.
31:20 Et ça peut être mutuellement bénéfique pour les deux parties.
31:24 Donc, je crois vraiment que ça va créer un...
31:27 Et de ce point de vue-là, il y a un effet de signal de 62-64.
31:30 On a beaucoup glosé sur "faut-il reporter l'âge légal" ou "je jouais que sur la
31:34 cotisation".
31:35 Je ne vais pas revenir là-dessus.
31:36 De toute façon, dans un système par répartition, il faut forcément un âge minimum, sinon
31:39 le système ne tourne pas.
31:40 On n'est pas en capitalisation individuelle.
31:43 Donc, non seulement il fallait jouer sur l'âge légal, mais il fallait le faire assez
31:47 fortement, comme ça a été fait.
31:50 Après, la réforme, elle est bébête, elle est comptable, elle est tout ce qu'on voudra.
31:54 Mais l'effet de signal auprès des entreprises est là.
31:57 - Oui, exactement.
31:58 - Ça, c'est clair.
31:59 - Exactement.
32:00 Et ça, c'est ce qu'on a eu beaucoup de mal à expliquer.
32:02 Même à des gens qui sont dans le monde de l'entreprise, qui en fait, en gros, disaient
32:06 "mais à quoi bon la borne d'âge ?" qui était très CFDTiste.
32:09 "À quoi bon la borne d'âge ? Il suffisait d'accélérer la réforme tourenne, etc."
32:13 et tout.
32:14 Et effectivement, c'est cranté, y compris dans ta tête.
32:17 Ce que tu viens de dire, il y a peut-être un million de salariés qui sont dans la même
32:21 démarche.
32:22 Bon alors, attends, j'ai deux ans, trois ans de plus à faire, là, il faut que j'y réfléchisse
32:25 parce que je ne veux pas tenir comme ça, être en voie d'atterrissage.
32:31 Non, il faut que je redécolle.
32:32 - Ça va déclencher, en fait, un certain nombre de compromis entre l'employeur et les salariés
32:39 sur l'organisation du travail, sur la rémunération, sur la quotité de travail, le passage à
32:45 un emploi de retraite en partielle, sur les aménagements de fin de carrière, de passer
32:48 d'un poste très exposé à un poste un peu plus en back office.
32:50 Voilà, forcément.
32:52 Et sur la formation professionnelle aussi, on va peut-être commencer à former des gens,
32:57 je ne dis pas à 63 ans, mais à 55, ce serait une bonne idée.
33:01 - Ça serait une excellente idée puisque, je rappelle qu'après la retraite, tu as le
33:07 cumul emploi retraite, et qui est en train d'augmenter également.
33:09 Et ce n'est pas anecdotique.
33:11 - Dans la formation post-55, je ne sais pas s'il y a des études qui le disent, mais
33:17 mon ressenti, la responsabilité du salarié était sans doute aussi importante que la
33:23 responsabilité de l'employeur.
33:24 Le fait de ne rien faire, si tu veux, et de dire c'est bon, j'ai donné et je vais me
33:28 laisser vivre, c'était aussi la responsabilité du salarié.
33:31 - Mais non, mais il faut voir que dans un plan social, dans un PSE ou une rupture conventionnelle
33:37 collective, le départ des seniors anticipés avec des rachats de trimestre, avec même
33:45 des ruptures conventionnelles et l'utilisation de l'assurance chômage pour faire le pontage,
33:50 c'était généralement les trois quarts d'un plan social.
33:53 Et plébiscité par les salariés, plébiscité par les OS.
33:57 La CGT signait les quatre quarts.
33:59 - Bien sûr, il n'y a plus rien à foutre.
34:02 - Donc c'était un vrai consensus social.
34:03 - On a toujours un consensus pour la dépense publique.
34:08 C'est à la fin, on tombe toujours d'accord pour que ce soit l'État qui paye.
34:12 - Et c'était un des rares sujets, pourtant dans un cas de crise, un plan social, c'était
34:16 un des rares sujets où il y avait vraiment un consensus absolu.
34:19 - Bon, on arrive au bout.
34:22 - Hélas.
34:23 - Hélas, hélas.
34:24 Non mais Emmanuel, je ne sais pas, une conclusion, révolution du travail.
34:28 J'ai appelé ça les bouleversements du travail.
34:31 Non, tu crois que c'est...
34:32 - Mais oui, mais c'est bien, ça entretient.
34:34 - Bien sûr que c'est bien.
34:35 Mais c'est une réalité.
34:36 - On n'a pas de solution au sens où le travail ne déclenche pas soit une définition, soit
34:41 une situation.
34:42 C'est ça qui est merveilleux parce qu'on rentre dans une époque, on n'a pas assez
34:46 parlé de l'individualisme ou l'individualisation de tout à moi-même.
34:51 Je pense qu'on est sorti de ce qui avait été le génie de notre droit du travail au XXe
34:57 siècle qui consistait à avoir rangé par classification et avoir créé des véritables
35:01 normes et d'appartenance, ce sentiment d'appartenance, cadre, non cadre.
35:05 Va expliquer cadre, non cadre aux Américains.
35:07 Cade, non cadre et puis je te passe sur les agents de maîtrise et autres.
35:10 Enfin, on avait mis tout le monde dans une boîte et on avait des régulations pour la
35:14 dite boîte à laquelle j'appartenais.
35:16 Je crains que tout ceci n'ait volé en éclat et qu'il s'agisse désormais de s'occuper
35:21 de moi tel que je suis.
35:23 Et moi, ce n'est pas toi, ce n'est pas toi.
35:25 - Et donc, pour refaire un collectif d'entreprises ?
35:28 - Et bien, c'est la bonne question.
35:29 C'est comment créer un collectif d'entreprises ?
35:30 - Merci Bertrand, merci Emmanuel.
35:36 Tout cela a été formidable et on se retrouve évidemment demain sur Bsmart.
35:41 - Merci.
35:42 - Au revoir.
35:43 - Au revoir.
35:43 - Au revoir.
35:48 ♪ ♪ ♪

Recommandations