Céline Alonzo et André Bercoff reçoivent Sébastien Soulé qui publie "Flic à la BAC Nord" (éd. City). Découvrez le témoignage du flic qui a inspiré le film "BAC Nord" réalisé par Cédric Jimenez.
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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2024-03-15##
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NewsTranscription
00:00 ♪ ♪ ♪
00:02 Sud Radio, la culture dans tous ses états.
00:04 André Bercoff, Céline Alonso.
00:06 - Tu sais quoi, on sert à rien.
00:08 On sert plus à rien.
00:10 (cris)
00:12 (cloches)
00:14 Les habitants des quartiers, ils ont même plus d'espoir quand viennent les aider, c'est fini.
00:16 - Arrête-toi, arrête-toi, arrête-toi, qu'ils se quittent !
00:18 - Individu en fuite !
00:20 (cloches)
00:22 - Tu serais qui, toi, si on n'avait pas ton insigne ?
00:24 Tu serais quoi, tu serais quoi, tu serais rien !
00:26 - Là, on a envie de niquer le réseau, faut que tu me donnes une vraie info, là.
00:28 - 5 kilos.
00:30 Trouve-moi 5 kilos, je te trouve une info.
00:32 - C'est impossible.
00:34 Cette cam' est enregistrée.
00:36 - Fais comment, nous, là ? - Arrangez-vous, je sais pas, je veux pas se voir.
00:38 - Pourquoi je devrais risquer ma carrière alors que personne ne me donne les moyens de travailler ?
00:40 (cloches)
00:42 - Il faut arrêter avec les cités, tout le monde s'en branle.
00:44 Le préfet le premier, il veut juste faire l'aigle du journal pour faire le beau.
00:46 - Tu veux devenir officier ?
00:48 Fais cette opération.
00:50 - "Bac nord", le film-choc de Cédric Riménez.
00:52 André Bercoff qui avait suscité, donc, la polémique
00:54 dès sa sortie en 2021.
00:56 Et bien, aujourd'hui,
00:58 Sébastien Soulé, le fameux flic
01:00 qui a inspiré cette fiction,
01:02 raconte dans un livre poignant
01:04 qui vient de sortir, André, ses vérités sur le scandale
01:06 concernant cette brigade
01:08 anti-criminalité
01:10 qui avait donc éclaté à Marseille en 2012.
01:12 André.
01:14 - Oui, moi, j'ai vu "Bac nord",
01:16 j'ai vu "Bac nord", effectivement, quand il était sorti.
01:18 Et j'ai été frappé par une chose.
01:20 C'est cette espèce de conformisme
01:22 mental d'un certain nombre de gens
01:24 qui disait que,
01:26 ah là là, ce film dérangé,
01:28 ah oui, c'était pas
01:30 "tout le monde hait la police",
01:32 "la police tue", etc.
01:34 C'était pour une fois un film dans la nuance.
01:36 Eh oui, dans la nuance
01:38 et dans la violence.
01:40 Mais la violence n'implique pas
01:42 l'absence totale de nuance
01:44 et la prémonition, la prééminence d'une idéologie.
01:46 Voilà.
01:48 Il y avait les quartiers nord de Marseille,
01:50 on voyait, la zone au taux de criminalité
01:52 qu'avait le France, les trafics, la drogue,
01:54 les narcos, etc.
01:56 Et puis, la BAC et les chiffres,
01:58 c'est très intéressant parce que tous les problèmes
02:00 étaient, en tout cas, une partie des problèmes
02:02 étaient abordés là. Et c'est un film
02:04 très fort. Moi, je me rappelle, j'ai eu vraiment,
02:06 et j'étais pas le seul, heureusement,
02:08 c'est un film qui a eu beaucoup de succès.
02:10 Et voilà, Sébastien Soulé, vous faisiez partie
02:12 de cette brigade,
02:14 de cette fameuse BAC nord,
02:16 et on sait qu'il s'est passé énormément
02:18 de choses et des drames
02:20 et des, je ne dirais pas des erreurs judiciaires,
02:22 mais enfin, effectivement,
02:24 où le politiquement correct
02:26 et le mentalement correct et l'éthiquement correct
02:28 a joué de façon énorme, Céline.
02:30 - Et oui, Sébastien Soulé,
02:32 raconte dans un livre
02:34 qui vient de paraître aux éditions City,
02:36 "Flic à la BAC nord", il raconte
02:38 sa version des faits. Alors, comment a-t-il vécu
02:40 le fait de passer du statut
02:42 de super flic à celui de ripoux ?
02:44 Comment s'est-il reconstruit ?
02:46 Il nous racontera tout dans un instant
02:48 sur Sud Radio, reste avec nous.
02:51 - Sud Radio, la culture dans tous ses états.
02:53 André Bercoff, Céline Alonso.
02:55 - Alors, les chefs d'accusation ?
02:59 - Pas de quête.
03:01 - Des trafics de drogue en banque d'organisme.
03:03 - Il se passe quoi ?
03:05 - Non, rien.
03:07 Ça fait 20 ans que je fais ce métier, moi.
03:09 - Tu crois que tu sais tout, mais que tu sais rien.
03:13 - Tu sais rien des Quartier Nord !
03:15 On a failli crever là-bas !
03:19 - Eh oui, "BAC Nord", ce film est inspiré
03:21 d'une véritable histoire, André Bercoff.
03:23 Une histoire vraie, celle de plusieurs
03:25 policiers de la BAC de Marseille
03:27 qui ont été arrêtés en 2012.
03:29 Ils étaient accusés de raquettes
03:31 et de trafics de stupéfiants.
03:33 Sébastien Soulet, vous êtes l'un
03:35 des flics qui a figuré au coeur de ce
03:37 scandale. Bonjour à vous, et merci d'être
03:39 avec nous sur Sud Radio jusqu'à 14h.
03:41 Vous publiez un livre
03:43 qui m'a personnellement bouleversée
03:45 dans lequel vous racontez votre descente
03:47 aux enfers, alors qu'en l'affaire éclate.
03:49 Racontez-nous, vous êtes BAC depuis
03:51 8 ans ?
03:53 - C'est ça, déjà bonjour, merci de me recevoir.
03:55 Effectivement, ça faisait déjà
03:57 8 ans que j'étais affecté
03:59 dans cette brigade, la BAC
04:01 de Marseille, la fameuse, celle qui
04:03 faisait rêver un peu tous les
04:05 jeunes qui arrivaient sur Marseille.
04:07 Celle qui avait le plus de
04:09 résonance, en tout cas à mon sens.
04:11 Celle qui était connue
04:13 de par les chiffres
04:15 qu'elle a menés, les interpellations
04:17 qui étaient menées et la qualité de son travail.
04:19 - Votre terrain de jeu,
04:21 c'était les quartiers nord de Marseille ?
04:23 - C'est ça, je l'appelle souvent comme ça,
04:25 parce que c'est un terrain de jeu, non pas,
04:27 c'est pas un terme péjoratif,
04:29 c'est pas ça, mais
04:31 c'était plusieurs arrondissements de Marseille,
04:33 les quartiers nord, et c'est vrai que pour nous
04:35 qui faisions notre travail,
04:37 on le prenait quand même pour un jeu, parce que c'est
04:39 une bande de copains, une BAC.
04:41 - Des gendarmes et voleurs.
04:43 - En gros c'était ça, même si dans notre tête
04:45 on avait dépassé ce stade-là,
04:47 mais en fait c'était une bande de copains
04:49 qui prenaient du plaisir
04:51 immense à travailler
04:53 ensemble, qui aimaient la difficulté
04:55 de ces quartiers, parce qu'il y a une réelle difficulté
04:57 à intervenir aussi, pour les fonctionnaires de police,
04:59 c'est toujours difficile, c'est pas la même
05:01 chose que d'intervenir dans un village.
05:03 Et du coup,
05:05 on était tenus
05:07 à l'adrénaline
05:09 qui passait dans nos veines, parce que
05:11 tous les jours, on avait son lot
05:13 de missions particulières.
05:15 - Juste un moment,
05:17 les quartiers nord de Marseille, ça fait longtemps
05:19 qu'ils sont
05:21 un des arbres
05:23 de narcos, de la drogue, des trafics.
05:25 - Oui, parce que moi je suis arrivé en 2004
05:27 affecté à la BAC nord de Marseille,
05:29 et les anciens qui commençaient
05:31 à partir petit à petit,
05:33 me faisaient part aussi de leur vision
05:35 de ces quartiers, et c'était déjà la même,
05:37 c'était déjà tenu par des trafiquants
05:39 stupéfiants, il y a énormément de points
05:41 de deal dans Marseille, et dans les quartiers nord,
05:43 spécifiquement, et
05:45 du coup je vois que la situation n'a pas
05:47 trop changé, puisque c'est
05:49 toujours exactement la même.
05:51 Aujourd'hui on le voit, l'actualité nous
05:53 donne malheureusement raison, mais ça
05:55 n'a pas évolué.
05:57 - Alors dans l'affaire de la BAC nord, 18 policiers
05:59 ont été mis en examen, 7 dont vous
06:01 ont été placés en détention
06:03 provisoire en 2012.
06:05 Qu'est-ce qui à l'époque a déclenché cette affaire ?
06:07 - A l'époque, il y a eu,
06:09 alors il y avait plusieurs bruits, c'est comme ça que
06:11 l'affaire est née, il y a un
06:13 ancien policier de la BAC qui avait fait
06:15 quelques mois à la BAC nord,
06:17 il y avait plusieurs groupes déjà, dans la BAC,
06:19 donc il ne faisait pas
06:21 partie de mon groupe, mais avait été...
06:23 - Vous étiez combien en tout à la BAC nord ? - On était une
06:25 soixantaine, entre 60 et 80, ça dépendait,
06:27 en fait on perdait un petit peu de monde,
06:29 mais en gros on était 65 je crois,
06:31 entre la BAC nord de jour, la BAC de nuit
06:33 et tout ça. Donc il y avait un
06:35 ancien policier qui avait été révoqué
06:37 de par ses agissements qui n'étaient pas
06:39 très très très
06:41 beaux, et en contrepartie
06:43 de déclaration, il jouait
06:45 sa réintégration avec le préfet de l'époque,
06:47 le préfet Gardère,
06:49 donc du coup il y est allé
06:51 de beaucoup d'informations,
06:53 de beaucoup
06:55 d'indics apparemment, il disait "j'ai vu ça,
06:57 je sais ça, il se passe ci, il se passe ça".
06:59 - Quoi par exemple ? - Quand il
07:01 disait "ben voilà, tel groupe ou tel individu,
07:03 moi je sais qu'à ce
07:05 jour-là, ils ont volé beaucoup de drogue,
07:07 ce jour-là", donc le gros
07:09 avantage de tout ce qu'il a pu dénoncer, c'est
07:11 qu'il y avait tellement de détails dans tout ce
07:13 qu'il annonçait que ça a été plus facilement
07:15 cassable, et par nous, puisque
07:17 on avait vécu, et justement ça ne correspondait pas
07:19 à ce qu'il disait, et par nos avocats
07:21 auprès de la justice, mais après
07:23 il a été monté comme le pilier
07:25 de l'affaire de la BAC nord, ça a été ça,
07:27 et puis finalement c'est la juge d'instruction qui
07:29 derrière l'auditionne et qui dit en gros que
07:31 il a fait ça juste par ego, qu'il a
07:33 fait ça pour vendre son livre à l'époque,
07:35 et que tout ce qu'il a déclaré a été infirmé,
07:37 donc c'est un peu grave parce que c'est arrivé
07:39 un peu trop tard pour nous,
07:41 mais en tout cas le fameux pilier de la BAC
07:43 nord a été juste quelque
07:45 chose qui a fait pchit un petit peu plus tard,
07:47 trop longtemps après, mais
07:49 tout a été infirmé. - Donc vous, il vous a accusé
07:51 de trafic,
07:53 etc. - En fait, il remettait, voilà, c'était pas...
07:55 Alors moi spécifiquement, il m'a aussi accusé
07:57 de beaucoup de choses, en sachant que cet individu
07:59 n'a jamais tourné avec moi, pas
08:01 une seconde dans la même voiture,
08:03 donc du coup je trouvais
08:05 quand même ça bizarre, moi je me dis que si
08:07 j'avais monté l'enquête, je me serais dit quand même
08:09 à quel moment ce gars-là peut
08:11 savoir ce qui se passe dans une voiture
08:13 en sachant que le jour où je travaille, lui il était en repos.
08:15 - Et c'est suite à ces dénonciations
08:17 entre guillemets que vous avez été mis
08:19 donc sous écoute,
08:21 non sous écoute dans un premier temps.
08:23 - C'est ça, en fait suite à ces déclarations,
08:25 d'abord nos téléphones portables ont été
08:27 placés sur écoute, donc
08:29 des fonctionnaires de police qui étaient incriminés
08:31 et à la suite des...
08:33 la fin en fait
08:35 de ces écoutes, c'est qu'ils n'en sortent
08:37 rien du tout, et c'est ce qui est
08:39 magique, c'est qu'en fait, on s'attendait
08:41 à ce qu'ils... enfin, eux s'attendaient, l'IGPN,
08:43 la police des polices, s'attendaient
08:45 à ce qu'ils en ressortent quelque chose et ils n'en ressortaient
08:47 rien. Là on aurait pu se dire
08:49 bon, si ils n'en ressortent rien, c'est que peut-être
08:51 ils ne font pas grand-chose, mais là
08:53 ils ont contourné et ils se sont dit
08:55 bon, si ils disent rien, c'est que forcément
08:57 il y a quelque chose. - Eh oui.
08:59 D'où ? - C'est là, voilà.
09:01 C'est un raisonnement qu'on ne voit pas
09:03 forcément arriver, mais en tout cas c'est celui
09:05 qu'ils ont eu, d'où après les sonorisations
09:07 des véhicules de la BAC. - Ah oui.
09:09 - Donc ils ont placé des micros à l'intérieur des véhicules,
09:11 tous les véhicules de la BAC
09:13 dont ils se servaient. - Eh oui, et suite à cela
09:15 donc, vous et plusieurs de vos collègues
09:17 donc vous avez été interpellés,
09:19 vous-même le 2 octobre 2012
09:21 à votre domicile,
09:23 comment s'est déroulée cette
09:25 interpellation et comment vous-même
09:27 vous l'avez vécu ?
09:29 - L'interpellation, elle se passe comme
09:31 toutes ces interpellations qu'on aurait pu faire
09:33 nous-mêmes, le matin, donc c'était
09:35 8h du matin, ils frappent à la porte,
09:37 ils vous annoncent leur qualité, c'est-à-dire
09:39 inspection générale de la police nationale,
09:41 les fameux "buff carots", - IGPN, oui.
09:43 - IGPN,
09:45 ils s'assurent de votre identité
09:47 pour ne pas qu'il y ait d'erreurs, et une fois
09:49 que vous leur avez dit que vous vous appelez bien comme ceci,
09:51 ils vous disent "vous êtes placé en garde à vue"
09:53 et là ils vous débitent des chefs
09:55 d'inculpation qui sur le coup vous écoutez
09:57 même pas parce que c'est tellement gros que vous vous y attendez pas,
09:59 déjà vous êtes placé en garde à vue, vous vous attendez
10:01 déjà pas trop,
10:03 et ensuite c'était une
10:05 interpellation comme
10:07 tout à chacun, je veux dire,
10:09 qui a fait face, c'est qu'ils font rentrer
10:11 les chiens stup, ils font
10:13 rentrer tout le personnel
10:15 qui était là, - Ils fouillent la maison,
10:17 - Ils retournent carrément toute votre maison !
10:19 - Oui, alors il n'y a rien qui a été
10:21 laissé au hasard, et sincèrement
10:23 je les en remercie maintenant avec le recul
10:25 parce que c'est ce qui m'a permis de démontrer
10:27 qu'il n'y avait rien chez moi, parce que
10:29 s'ils avaient oublié quelque chose ça aurait peut-être
10:31 laissé un doute, et
10:33 là ils ont tellement été minutieux,
10:35 alors je sais pourquoi ils voulaient être minutieux,
10:37 c'est qu'ils pensaient trouver quelque chose, ça n'a pas
10:39 été le cas en tout cas, tout y est passé,
10:41 mes affaires de travail, mes sacs,
10:43 ma voiture, mon terrain,
10:45 toutes les pièces de la maison,
10:47 rien qui a été oublié.
10:49 - Ah oui, alors vous l'avez dit, la perquisition n'a rien donné,
10:51 vous êtes quand même
10:53 placé 4 jours en garde à vue,
10:55 comme d'autres
10:57 collègues de la BAC, 96 heures,
10:59 c'est le sort réservé à la délinquance,
11:01 la criminalité en bande organisée
11:03 lors des... au gros trafic !
11:05 - Oui, 4 heures c'est le régime spécial !
11:07 - Et oui, de stupéfiants, écrivez-vous,
11:09 dès le départ vous êtes en fait considéré comme
11:11 des délinquants. - En fait je pense que
11:13 le fait de nous mettre en bande organisée,
11:15 parce que c'est...
11:17 elle a sauté très vite,
11:19 tout est relatif, elle a sauté quand même
11:21 rapidement, parce qu'une bande organisée,
11:23 vous imaginez bien que c'est comme une
11:25 entreprise, vous avez un chef,
11:27 c'est une grosse
11:29 nébuleuse où tout le monde inter-réagit
11:31 avec tout le monde, et ça ils ont vite réalisé
11:33 que ce n'était pas le cas.
11:35 Par contre le fait d'ouvrir les portes
11:37 sur une criminalité organisée,
11:39 ça vous ouvrait des moyens,
11:41 justement, comme les sonorisations,
11:43 comme des prélèvements génétiques, ça ouvrait
11:45 des moyens presque indéfinis,
11:47 illimités, pour pouvoir
11:49 inquiéter sur nous, donc je pense que ça a été
11:51 le but de ça, ça a été
11:53 d'ouvrir toutes les portes pour essayer
11:55 de nous coincer sur quelque chose.
11:57 - Alors vous racontez effectivement dans votre livre comment
11:59 se sont déroulées les auditions,
12:01 et vous dites que votre interlocuteur appliquait
12:03 avec vous la technique de l'usure.
12:05 - Oui, ça a été un peu
12:07 ça, en fait c'était
12:09 les auditions
12:11 ont été très...
12:13 ça a été très long parce que du coup sur le moment
12:15 c'est vrai qu'on perd un peu pied, on ne sait pas si
12:17 ils nous ont sortis de garde à vue, s'ils revenaient
12:19 et...
12:21 Un jour je me suis calé, j'ai regardé les horaires, mais en fait
12:23 les horaires d'audition étaient
12:25 très longs, en fait, et ils nous gardaient
12:27 peut-être qu'une seule fois, ils nous prenaient en garde à vue
12:29 pour faire l'audition, qui durait
12:31 très très longtemps.
12:33 Après ils avaient beaucoup de questions quand même à nous poser,
12:35 ce que j'aurais aimé c'est qu'avec les questions
12:37 ils écoutent aussi nos réponses, ça n'a pas été trop le cas.
12:39 - Vous n'avez jamais été entendu ?
12:41 - Non, entendu, c'est vraiment
12:43 peut-être un jeu de mots, mais on n'a réellement jamais
12:45 été entendu, je l'étais, mais
12:47 ce que je disais n'avait aucune valeur parce que
12:49 je le dis, je le répète, ce que j'ai dit
12:51 du premier jour de garde à vue, c'est ce que j'ai répété
12:53 devant la présidente du tribunal
12:55 et je n'ai jamais changé une virgule
12:57 de tout ce que j'ai déclaré, oui j'aurais aimé
12:59 être entendu, oui, sur ce que je disais.
13:01 - Avec le recul justement,
13:03 comment vous analysez le fait aujourd'hui
13:05 de ne pas avoir été entendu ?
13:07 Comment vous leur apportez les preuves
13:09 de votre innocence ?
13:11 - Sur le moment où
13:13 les preuves, alors sur le moment je ne les ai pas
13:15 ils n'ont que mes dires, donc
13:17 je ne vais pas non plus rajouter
13:19 mais je pense
13:21 que comme ils nous avaient mis sur écoute
13:23 et qu'on était sonorisés dans les voitures de police
13:25 je pense sincèrement qu'ils avaient quand même
13:27 un petit peu plus de certitude
13:29 sur ce qu'on faisait, surtout sur ce qu'on ne faisait pas
13:31 je pense qu'à un moment ça a été
13:33 plus ou moins oublié quand même, au moins
13:35 tout du moins quand ils ont
13:37 annoncé à la juge d'instruction
13:39 ce pourquoi on était là
13:41 je pense qu'ils auraient
13:43 pu faire un package un peu de tout ce
13:45 qui allait dans notre sens. - Je veux juste
13:47 un mot Sébastien Souley, en fait
13:49 quand ils vous interrogeaient
13:51 donc ils étaient, pour eux
13:53 vous étiez coupable, je veux dire vous étiez
13:55 c'est ça, ils avaient déjà
13:57 collé l'étiquette... - C'est comme ça
13:59 que je les ressentis, oui, en fait, peu importe
14:01 ce que j'aurais pu déclarer, je pense que j'étais déjà
14:03 prévu pour partir en détention provisoire
14:05 maintenant avec le recul c'est ça
14:07 sur le moment on ne le voit pas parce qu'on ne sait pas quand on va monter
14:09 en prison, mais
14:11 c'est comme ça que je le ressens, je pense
14:13 que j'aurais pu dire tout et n'importe quoi, ça n'aurait pas changé
14:15 mon sort. - Et oui, et quand vous êtes
14:17 vous entendez justement que vous allez être placé
14:19 en détention provisoire, comment ce mot
14:21 détention a résonné en vous ?
14:23 - Alors, j'ai eu la chaîne, je sais pas si c'est
14:25 être un bon ou un mauvais avocat
14:27 mon avocat m'avait déjà
14:29 alerté au bout du deuxième jour de garde à vie
14:31 en me disant qu'on a quand même une possibilité
14:33 de partir en détention provisoire
14:35 donc je m'y étais plus ou moins préparé, moi je préfère toujours
14:37 savoir ce qui va m'arriver, plutôt que de
14:39 la prendre par la JLD
14:41 puisque ça a été le cas, donc
14:43 ça frappe fort parce qu'on se dit
14:45 c'est une blague, ça va durer une
14:47 semaine puis ils vont comprendre quand même que ce que j'ai dit c'était
14:49 vrai et puis je vais sortir, après
14:51 le temps a été un petit peu plus long
14:53 mais, ouais, j'ai été
14:55 plus ou moins déjà
14:57 driver par la boucle - Vous étiez préparé
14:59 quoi - Ouais, je pense, et ça je
15:01 trouvais que c'était pas mal, je préférais
15:03 avoir
15:05 la vérité plutôt que de
15:07 prendre de plein fouet cette décision devant
15:09 la JLD au bout de 4 jours de garde à vie
15:11 - Mais comment il a justifié cette décision ?
15:13 - C'était toujours
15:15 des indices graves et concordants, ça c'est pour votre
15:17 mise en examen et puis surtout ce qui frappe
15:19 c'est qu'on vous dit en gros que c'est un trouble à l'ordre public
15:21 c'est à dire que quelque chose que vous ne maîtrisez pas du tout
15:23 le trouble à l'ordre public c'est l'enchaînement
15:25 des médias
15:27 ça a fait quand même la une des journaux
15:29 des chaînes d'info
15:31 pendant quelques semaines
15:33 et je pense que même pendant quelques mois
15:35 tout le monde en a parlé et du coup on vous oppose
15:37 - Ah oui, vous avez fait du bruit
15:39 - Mais c'est ça - Et vous êtes responsable
15:41 du bruit médiatique que vous avez fait - Et ça c'est très compliqué
15:43 à écouter parce que du coup vous vous dites
15:45 "mais j'y suis pour rien"
15:47 parce que, je sais pas si vous vous souvenez mais il y avait
15:49 quand même des extraits de nos
15:51 auditions qui sortaient sur les médias
15:53 autant vous dire que c'est pas nous qui
15:55 le faisions, on était en garde à vue
15:57 donc c'est vrai que quand on vous annonce ça vous dites
15:59 - Il y a un certain nombre de griffiers et d'autres qui communiquent
16:01 - Alors le 5 octobre 2012
16:03 donc vous êtes conduit
16:05 en prison, pour votre sécurité
16:07 vous êtes placé à l'isolement
16:09 qu'est-ce que vous avez retenu
16:11 de vos premiers instants dans
16:13 cette cellule, qu'est-ce qui vous a le plus frappé
16:15 en quelque sorte ? - À l'isolement ?
16:17 Alors c'est pour votre sécurité
16:19 parce que du coup j'ai eu après l'occasion
16:21 de demander, parce que le temps, l'isolement
16:23 c'est très bien, parce que vous êtes en sécurité
16:25 mais le temps est très long
16:27 c'est-à-dire que vous voyez personne
16:29 donc à un moment j'avais
16:31 parlé au matant et je lui avais dit
16:33 pourquoi nous on a pas le droit d'aller se promener
16:35 avec les autres pour passer le temps
16:37 parce que c'est très compliqué quand même une journée
16:39 quand on fait rien c'est très long
16:41 la cellule est pas très grande
16:43 et il m'a dit mais là vous allez tenir 2 minutes
16:45 donc en fait on arrive
16:47 quand on est placé en détention et qu'on y arrive
16:49 c'est un monde qui nous est inconnu
16:51 pourtant il est pas si loin de la police
16:53 parce qu'on en entend parler quand même souvent
16:55 on arrête des gens, la plupart vont en prison
16:57 on entend les jeunes quand ils nous disent
16:59 à cause de toi, quand on les retrouve
17:01 une fois qu'ils sont sortis, à cause de toi
17:03 j'ai pris 6 mois, j'ai pris 7 mois
17:05 donc on connait un peu les mots et tout ça
17:07 - C'est-à-dire qu'en fait si vous êtes là-bas
17:09 vous êtes le clan le plus haï
17:11 des délinquants
17:13 donc ils sont là pour...
17:15 - Voilà c'est ça, exactement
17:17 donc la deuxième minute mon prénom était déjà
17:19 connu de par les détenus
17:21 qui frappaient à ma cellule
17:23 - Et qui criaient votre prénom
17:25 - Et qui criaient mon prénom
17:27 - Oui parce que vous dites que les médias
17:29 avaient donné tout le détail de vos affectations
17:31 dans cette prison
17:33 - Bien sûr, il y avait les chaînes info qui passaient
17:35 et on voyait les policiers de la BAC Nord
17:37 en détention provisoire
17:39 donc eux ils sont pas non plus bêtes
17:41 ils savent où se trouvent les bâtiments d'isolement
17:43 ils voient 3 cellules qui s'allument
17:45 la chaîne info qui dit qu'il y a des policiers
17:47 donc ils ont vite fait le rapprochement
17:49 - Vous vous êtes arrivé d'avoir peur en prison ?
17:51 - Oui sur les premiers coups
17:53 parce qu'en fait c'est le...
17:55 je fais souvent le parallèle, je dis
17:57 dans la police et souvent dans les quartiers nord
17:59 on agit quand même dans des situations
18:01 très compliquées
18:03 un contexte
18:05 qui est très dur
18:07 les gens peuvent arriver très vite
18:09 mais on est le propre garant de sa sécurité
18:11 c'est à dire qu'en fonction de comment on va pouvoir
18:13 gérer et comment on gère
18:15 avec ses collègues, on se connait par coeur
18:17 on sait que en fonction de là où on va
18:19 se tenir, de comment on va intervenir
18:21 si on va devoir aller plus vite que prévu
18:23 si on va prendre la fuite, enfin
18:25 on gère à sa propre sécurité donc ça on en a l'habitude
18:27 on est professionnel. Le problème de la prison
18:29 et c'est ce qui est bizarre c'est que vous êtes
18:31 enfermé dans 4 murs mais ça vous le gérez plus du tout
18:33 c'est à dire qu'à un moment vous êtes traversé par
18:35 un esprit qui vous dit mais
18:37 comme il faisait que taper vous vous dites mais est-ce que
18:39 quelqu'un peut pas jeter un cocktail Molotov dans ma chambre
18:41 en sachant que le détenu qui avait
18:43 auparavant avait mis le feu
18:45 dans la cellule dans laquelle j'étais
18:47 donc on se dit mais est-ce que
18:49 le matin on va pas ouvrir la porte et me faire rentrer quelqu'un
18:51 et en fait c'est ce sentiment d'insécurité
18:53 qui est bizarre parce qu'il vous touche alors que vous êtes
18:55 enfermé et c'est peut-être le seul endroit où vous
18:57 pouvez ne pas avoir peur. Et puis vous êtes
18:59 un policier sans arme. Et vous êtes un
19:01 policier sans arme sans vos collègues parce que
19:03 on est toujours assisté de quelqu'un
19:05 c'est un monde qu'on connait pas
19:07 c'est assez compliqué
19:09 je pense que pour pouvoir juger ce monde là
19:11 il faut y être passé. Ceux qui peuvent
19:13 me parler ou qui disent oui j'imagine
19:15 c'est pas vrai. On peut pas imaginer si on y est pas allé.
19:17 Et oui. Et ce qui
19:19 est très... ce qui m'a
19:21 déstabilisé personnellement c'est quand j'ai lu
19:23 que vous racontez
19:25 en fait que le pourquoi de votre
19:27 incarcération vous le ressassiez en permanence
19:29 et qu'au bout d'un certain temps
19:31 j'ai fini par me persuader que j'étais coupable
19:33 écrivez-vous. Comment l'expliquez-vous
19:35 avec le recul ? Je pense que c'est un
19:37 moyen de défense ça.
19:39 C'est un moyen de défense pour vous permettre d'avancer
19:41 parce que si vous pensez
19:43 de longue à l'injustice et vous dites
19:45 oui mais pourquoi, mais pourquoi moi
19:47 alors après est-ce que ça touche que moi ? Est-ce que c'est
19:49 moi qui réagit comme ça ? Je sais pas.
19:51 Ça a été sans doute un moyen de défense pour se dire
19:53 bon je crois
19:55 j'ai peut-être fait quelque chose et puis partir
19:57 sur ça en sachant qu'on a...
19:59 C'est compliqué. C'est quelque chose qui se passe
20:01 dans la tête. Moi je l'ai perçu comme ça
20:03 pour peut-être
20:05 arriver à supporter la prison parce que c'est pas évident
20:07 c'est le retour des fans.
20:09 Vous ferez 69 jours
20:11 de prison alors le 12 décembre
20:13 2012 vous êtes libre
20:15 enfin sur le papier parce que ce n'est
20:17 pas si simple que cela
20:19 en réalité écrivez-vous dans votre livre
20:21 vous nous direz pourquoi dans
20:23 un instant sur Sud Radio.
20:25 Sud Radio la culture
20:27 dans tous ses états. André Bercoff
20:29 Céline Alonso
20:31 I heard there was a secret chord
20:33 that David played
20:35 and it pleased the Lord
20:37 but you don't really care
20:39 for music
20:41 do you ?
20:43 Well it goes like this
20:45 before...
20:47 Sébastien Soulé cette chanson vous a accompagné
20:49 pendant toute votre détention
20:51 et c'est le Alléluia de Léonard Cohen
20:53 Interprété par Jeff Buckley
20:55 Interprété par Jeff Buckley absolument
20:57 Alors moi c'était Jeff Buckley
20:59 qui passait
21:01 Oui oui
21:03 En radio ça vous le passait sur la radio ?
21:05 Non c'était la télé j'en avais pas la radio
21:07 c'était la télé alors c'était les chaînes qui passent de la musique
21:09 Ah c'est ça
21:11 Mais l'idée de ça c'était surtout
21:13 de faire ressortir qu'en fait
21:15 on touche tellement le fond
21:17 que on est
21:19 comment expliquer en fait on se raccroche
21:21 à quelque chose et moi qui suis pas
21:23 pratiquant ni quoi que ce soit je me
21:25 disais mais il faut que je me raccroche à
21:27 quelque chose et c'est vrai que cette musique j'avais envie
21:29 de prier donc chaque fois je me mettais à genoux
21:31 je faisais le signe de croix et ce qui m'a permis
21:33 et depuis je l'oublie pas parce que chaque fois
21:35 que je passe devant une église ou quoi j'ai l'impression
21:37 que je dois quelque chose mais du coup
21:39 ça vous a permis de tenir quand même ?
21:41 Oui je pense mais l'idée
21:43 et c'est ça que c'est compliqué c'est qu'il faut
21:45 surtout se rappeler
21:47 c'est que c'est tellement dur c'est que
21:49 on a tellement besoin de se raccrocher
21:51 à quelque chose alors pour moi ça a été
21:53 bien parce qu'il y a pas de soucis mais j'imagine les jeunes
21:55 qui rentrent là dedans d'une petite
21:57 ou moyenne délinquance et qui se retrouvent
21:59 aussi frappés même s'ils ont fait quelque chose
22:01 l'idée c'est pas ça c'est que
22:03 il faut faire attention à ça à la prison
22:05 c'est qu'elle peut devenir criminogène très rapidement
22:07 En riguellement ? Exactement
22:09 et je pense qu'il y a même des fanatiques religieux
22:11 qui peuvent arriver et vous êtes
22:13 tellement, vous touchez tellement le fond
22:15 émotionnellement que c'est peut-être
22:17 le danger qu'on ne comprend
22:19 que si on y passait pour ça que j'aimerais
22:21 que ce soit compris et entendu
22:23 c'est que ces jeunes là il faut pas que la prison
22:25 devienne criminogène parce qu'on mélange
22:27 tout le monde dans ces prisons alors
22:29 nous on avait quand même la chance
22:31 je le mètre guillemet d'être à l'isolement
22:33 donc vous essayez de faire votre
22:35 votre route tout seul donc moi
22:37 ça me raccrochait à ça ça m'aidait de
22:39 penser à autre chose mais ça peut être quand même
22:41 un gros danger je pense et ça l'est pour certains
22:43 c'est que vous pouvez rentrer petit délinquant
22:45 et sortir plus grand
22:47 et sortir plus grand et ça je pense que c'est un danger
22:49 surtout qu'on mélange un peu tout le monde c'est ça
22:51 c'est ça. Alors le 12 décembre 2012
22:53 vous avez été donc libéré de
22:55 prison après 69 jours
22:57 de détention
22:59 dès votre sortie vous avez été autorisé par la justice
23:01 à exercer à nouveau votre profession
23:03 Oui et c'est
23:05 un peu ce qui
23:07 c'est ce qui me laisse penser que la justice à un moment
23:09 a pris en compte toutes
23:11 nos déclarations
23:13 toutes nos observations, celles des avocats
23:15 parce qu'un policier qui sort de prison
23:17 avec le droit d'exercer
23:19 le lendemain, alors ça s'est pas fait si vite
23:21 parce qu'il y avait une procédure administrative
23:23 un petit peu plus longue
23:25 Mais c'est quand même une preuve que
23:27 sinon il vous aurait pas laissé exercer
23:29 Et c'est comme ça que je l'ai pris et je me suis dit c'est quand même une preuve
23:31 de peut-être de notre innocence
23:33 alors on pense pas à ce mot là de suite
23:35 mais c'était quand même une preuve que c'était pas
23:37 si gros que ce que
23:39 on avait pu entendre dire depuis le début
23:41 il faut savoir qu'avec mon avocat
23:43 on avait même pas demandé le retour
23:45 de mon travail, on avait juste demandé la mise en liberté
23:47 et je me souviens de la sortie
23:49 de cette entrevue avec la juge d'instruction
23:51 où mon avocat me dit "mais vous imaginez, vous avez le droit de travailler"
23:53 Je trouve hallucinant
23:55 juste Céline
23:57 parce que Céline vous l'avez
23:59 que votre procès aura lieu en avril 2021
24:01 soit 9 ans après votre garde à vue
24:03 moi ça m'a laissé sans dents
24:05 9 ans après
24:07 mais qu'est-ce que ça veut dire
24:09 moi je dis ça, je suis en dehors du collège
24:11 j'ai dit "attendez, vous avez fait ça, il y a eu
24:13 bon, 2012, 2013, le procès
24:15 9 ans après
24:17 alors il faut savoir
24:19 il y a quand même eu d'autres choses
24:21 quand même extraordinaires, c'est qu'il faut savoir que
24:23 dans ces 9 ans, j'ai été entendu qu'une seule fois
24:25 une seule fois ?
24:27 en 9 ans ?
24:29 le 12 décembre 2012, le jour de ma sortie
24:31 une deuxième fois en 2016
24:33 et la dernière fois au tribunal
24:35 donc je pense que ce dossier est parti
24:37 bien trop vite et trop fort
24:39 et après
24:41 personne n'a trop voulu y mettre les mains dedans
24:43 de peur de se brûler
24:45 moi je le vois comme ça
24:47 et d'ailleurs il est passé de main à main
24:49 des juges d'instruction, après le départ
24:51 de la juge d'instruction
24:53 qui avait instruit notre dossier
24:55 elle a été mutée et du coup
24:57 plus personne n'a trop voulu s'en occuper
24:59 ça passait de juge en juge
25:01 voilà, puisque nous on voit les ordonnances passer
25:03 donc on voyait qu'un tel reprenait
25:05 le dossier, puis ça tenait 2 mois, puis un tel
25:07 et puis finalement c'est arrivé 9 ans
25:09 après, alors c'est tard, dans les mains d'un juge d'instruction
25:11 qui partait à la retraite
25:13 le doyen des juges d'instruction de Marseille
25:15 et je pense que c'était pas un ondin
25:17 je pense
25:19 qu'il nous a renvoyés devant un tribunal
25:21 puis il est parti à la retraite, au moins il savait que
25:23 personne ne pourrait lui reprocher quoi que ce soit
25:25 moi je le vois comme ça
25:27 c'est quand même hallucinant
25:29 et je me souviens même de mon avocat
25:31 qui l'a dit au tribunal, je veux bien que ce soit la faute
25:33 de personne, mais tout de même 9 ans
25:35 - Mais vous-même, comment vous avez vécu
25:37 ces 9 années avec cette épée de Damoclès
25:39 sur la tête ?
25:41 - Alors ça il faut avancer parce que vous pouvez pas vous dire
25:43 c'est sûr que vous pensez toujours que vous êtes
25:45 mis en examen, que vous allez avoir des frais d'avocat
25:47 parce que le tribunal c'est quand même
25:49 c'est onéreux
25:51 et
25:53 mais oui c'est un peu, c'est l'épée de Damoclès
25:55 on en avait parlé avec
25:57 mon avocat quand le procureur de la République
25:59 donne ses conclusions et ses réquisitions
26:01 il me dit 3 ans avec sursis, alors sur le coup
26:03 je suis abattu parce qu'il me met que du sursis
26:05 contrairement à des collègues à qui
26:07 - Il mettait du ferme - Il propose du ferme
26:09 donc je me dis, on se raccroche toujours à quelque chose
26:11 et on se dit, bon moi il m'a pas mis du ferme
26:13 mais je dis quand même 3 ans, mais pourquoi il met pas 20 ans
26:15 en fait on en était là, et puis avec mon avocat
26:17 on a dit, mais les 3 ans, je vais
26:19 de l'âme faire neuf, avec sursis
26:21 donc en fait c'est
26:23 - Sauf que vous étiez réintégré
26:25 dans votre fonction de policier - Sauf que depuis là
26:27 voilà, ce qui était difficile ça aurait été d'entendre
26:29 l'inverse, c'est de dire que vous alliez être
26:31 à l'être jugé coupable
26:33 parce que du coup on avait réintégré quand même la police nationale
26:35 depuis 9 ans, on avait repris
26:37 quelques habitudes, alors moi je suis parti et je suis
26:39 responsable syndical, mais
26:41 on est revenu dans la police
26:43 c'est, ouais ça
26:45 ça reste dans un coin de la tête, on se dit là il faut que
26:47 je conserve mon métier, donc c'est compliqué
26:49 - Alors vous, vous avez été effectivement
26:51 totalement relaxé, mais certains
26:53 de vos collègues ont été
26:55 révoqués - Oui, oui, oui, alors la révocation
26:57 a eu lieu sur le conseil
26:59 de discipline, parce que les fonctionnaires de police
27:01 sont jugés deux fois, une fois par l'administration
27:03 donc par nos directeurs
27:05 et une fois comme tout justiciable
27:07 devant un tribunal
27:09 donc les trois collègues qui ont été
27:11 révoqués l'ont été
27:13 au niveau administratif, qui est passé
27:15 bien trop vite à mon goût parce que
27:17 d'habitude un fonctionnaire de police est jugé
27:19 s'il est jugé judiciairement
27:21 il passe en conseil de discipline
27:23 après, c'est à dire que l'administration
27:25 se base sur ses sanctions judiciaires
27:27 pour essayer de se faire une idée, puisqu'il y a eu
27:29 une enquête qui a été finalisée, tout ça
27:31 nous, on est passé très rapidement
27:33 c'est à dire l'année d'après, sans avoir
27:35 amené des conclusions, j'ai même un collègue
27:37 à qui on a reproché quelque chose, alors qu'au
27:39 tribunal judiciaire il a été relaxé
27:41 sur ces faits là, et je trouve que
27:43 l'administration a voulu vite
27:45 se débarrasser de notre dossier
27:47 - Oui, parce que le conseil de discipline
27:49 a eu lieu bien avant le procès, c'est ça ?
27:53 - Oui, on est passé fin d'année
27:55 - Et vous dites, ouais
27:57 - Juste un mot, on va pas
27:59 entrer trop dans la mécanique judiciaire
28:01 parce que, il y a quelque chose
28:03 sur le fond quand même
28:05 Sébastien Soulé
28:07 en fait
28:09 je voudrais que vous reveniez à votre verre
28:11 quand vous exercez votre métier
28:13 je parle de la BAC Nord, je ne parle pas
28:15 du syndicalisme d'aujourd'hui
28:17 vous avez un traité
28:19 avec effectivement, essayer d'arrêter
28:21 le flux, d'arrêter les narcotrafiquants
28:23 d'essayer de
28:25 fermer tel ou tel point de deal
28:27 etc. Au fond
28:29 il y a quelque chose de fondamental, on voudrait
28:31 comprendre, comment on peut y arriver ?
28:33 c'est à dire que vous êtes obligés quand même
28:35 de prendre langue avec ces narcotrafiquants
28:37 vous êtes obligés quand même d'avoir
28:39 je ne dirais pas un dialogue
28:41 mais quelque chose, parce que évidemment vous affrontez
28:43 l'un veut tuer l'autre
28:45 en guillemets, comment vous faites ?
28:47 et est-ce qu'il n'y a pas effectivement
28:49 ce problème parce qu'on vous a accusé de tout cela
28:51 je veux dire, la faim justifie
28:53 les moyens ou pas ?
28:55 alors ça dépend, il y a
28:57 dans le cas de la BAC Nord
28:59 je parle dans le cas de Montriçoire
29:01 bien entendu il y a une relation avec les trafiquants
29:03 parce que quand vous passez
29:05 toute votre journée dans les quartiers nord
29:07 c'est pas parce que vous arrivez sur
29:09 un point de deal, si vous ne constatez pas qu'ils sont
29:11 en train de vendre, vous ne les arrêtez pas, donc vous pouvez
29:13 descendre, vous pouvez parler avec eux
29:15 parce qu'il y en a beaucoup qui se demandent
29:17 oui mais vous savez qui c'est, mais vous ne les arrêtez pas
29:19 mais c'est pas si facile sinon, ça irait beaucoup plus vite
29:21 la lutte contre les trafiquants de drogue
29:25 irait beaucoup plus vite puisque on sait
29:27 attendez, c'est vachement important ça, excusez-moi
29:29 c'est à dire, vous savez qui c'est
29:31 vous savez qui trafiquent, mais si vous ne les prenez pas en flaque
29:33 on ne peut pas les arrêter
29:35 mais bien sûr que non, pas à notre niveau
29:37 après il y a des services d'enquête qui sont là pour ça
29:39 qui ont dit non, mais après il faut
29:41 avoir des preuves, il faut avoir
29:43 des équipes, mais nous à notre niveau
29:45 là-bas, mais bien entendu, il y en a plein
29:47 qui se disent, mais pourquoi vous faites ça
29:49 mais nous quand on arrive, je vais vous retracer
29:51 une matinée quand on passait
29:53 à 10h du matin dans une cité
29:55 on voit un petit clan d'individus
29:57 on sait déjà qui c'est qui va vendre là-dedans
29:59 parce que vous savez, mais bien sûr, pas parce qu'ils nous l'ont dit
30:01 mais parce qu'en fonction de comment ils sont habillés
30:03 en fonction de qui fait quoi
30:05 en fonction de qui est connu dans ce quartier
30:07 on sait que lui va vendre, on sait que lui va être
30:09 le chouf, on sait tout, on sait comment ça va fonctionner
30:11 maintenant, il y en a plein qui disent
30:13 mais vous les arrêtez pas, mais c'est pas si simple
30:15 maintenant il va falloir qu'on voit ou qu'on prouve
30:17 qu'il y en a un qui a vendu quelque chose, il va falloir
30:19 que lui amène le produit stupéfiant
30:21 à celui qui vend pour pouvoir l'accrocher
30:23 c'est plus compliqué, nous ce qu'on faisait c'est qu'on passait
30:25 dans tous ces quartiers, c'est pour ça qu'il y a une relation
30:27 avec ces gens là, c'est que ils savent très bien
30:29 qui on est et nous on savait très bien qui ils étaient
30:31 aussi, nous on était là
30:33 - C'est vrai que vous le dites dans votre livre, ce passage est
30:35 vraiment fortement passionnant
30:37 ils savaient tout des 70
30:39 flics de la BAC sur votre identité
30:41 votre surnom
30:43 l'immatriculation de votre voiture, c'est incroyable
30:45 - Mais ils savent tout - On se connait
30:47 - Bien sûr, mais parce qu'il y a une relation
30:49 et moi je vois souvent, on essaye d'opposer
30:51 la police avec les jeunes des quartiers
30:53 et tout ça, alors on n'est pas amis
30:55 on ne mange pas ensemble, c'est pas ça le souci
30:57 mais il y a forcément une relation, vous êtes là
30:59 toute la journée pendant des années
31:01 pendant toute une journée vous passez dans ces quartiers
31:03 vous vous arrêtez, parce que le but c'est pas juste tourner
31:05 avec une voiture et de passer et juste les regarder
31:07 donc on descend, en fait il faut faire voir
31:09 que la loi c'était nous et c'était pas eux
31:11 il faut faire voir aussi aux gens qui habitent là
31:13 qui n'ont rien demandé, qui se lèvent le matin pour aller travailler
31:15 que la loi c'est la police, ça veut dire que la police
31:17 ils veulent la voir, donc nous on leur donnait
31:19 ce sentiment un peu de sécurité, de dire
31:21 c'était nous qui faisions la loi, donc on descendait
31:23 plus vous descendez, vous êtes
31:25 à pied et les jeunes aussi
31:27 considèrent que vous avez l'étoffe
31:29 de quelqu'un qu'ils doivent respecter
31:31 - Parce qu'ils voient que vous n'avez pas peur - Exactement
31:33 c'est un rapport de force
31:35 perpétuel, c'est à dire qu'ils cherchent les limites
31:37 vous chez eux et nous chez eux
31:39 c'est exactement ça
31:41 et cet équilibre en fait
31:43 est très dur à trouver et ils s'adaptent
31:45 en fonction de qui ils ont en face d'eux
31:47 c'est toujours pareil
31:49 mais voilà, c'est compliqué
31:51 mais les quartiers sont souvent comme ça
31:53 c'est aussi ce qui est plaisant
31:55 dans ces quartiers, c'est pour ça que j'ai toujours adoré
31:57 de travailler dans des quartiers difficiles
31:59 - Parce qu'il y a un rapport de force
32:01 et une tension - Exactement
32:03 et vous êtes toujours sur cet équilibre
32:05 et c'est difficile
32:07 et l'adrénaline, c'est quelque chose qui...
32:09 - Un mot sur Cédric Rimenez
32:11 le réalisateur du film
32:13 "Back North", vous l'avez rencontré avant
32:15 votre procès, comment il vous a
32:17 convaincu de l'aider à faire ce film
32:19 au départ vous étiez sceptique
32:21 - Oui
32:23 oui, parce que quand il
32:25 alors c'est pas lui qui m'appelle
32:27 il me fait appeler par quelqu'un
32:29 et sur le coup c'est vrai que le procès
32:31 n'avait pas encore eu lieu, on marchait un peu
32:33 sur des oeufs, donc on me dit
32:35 "oui, veux te rencontrer" et j'ai dit "bah si c'est pour faire un film"
32:37 parce que ça faisait 6 ans
32:39 je crois, à l'époque où il m'appelle, ça faisait 6 ans
32:41 que l'affaire avait éclaté, j'avais dit
32:43 "si c'est pour faire un film sur
32:45 un flic qui arrache une sacoche"
32:47 parce que c'est ce qu'on disait à un dealer
32:49 et qui va la vendre, qui fasse le film
32:51 je savais même pas de qui on me parlait
32:53 à ce moment là
32:55 du coup j'ai regardé quand même vite fait
32:57 sur mon téléphone qui il était, j'ai vu que c'était
32:59 le réalisateur de "La French" et tout ça
33:01 parce que du coup j'ai accepté de le voir
33:03 et là il me dit "bon bah voilà
33:05 j'ai beaucoup lu, j'ai beaucoup entendu
33:07 j'ai fait tout ça, j'ai tout
33:09 moi je suis marseillais, ça m'intéresse
33:11 quand même, il y a quelque chose qui me convient pas
33:13 dans tout ce que j'entends"
33:15 et là je lui ai dit "écoute, si tu veux savoir réellement l'affaire de la Bac Nord
33:17 j'y ai été 8 ans, tout ce que tu as entendu, vu, lu
33:19 tu effaces
33:21 et là je vais t'en parler"
33:23 et c'est de là que c'est sorti
33:25 - Et un truc, vous le racontez, un truc le chiffonné
33:27 c'est que vous et vos collègues étiez capables
33:29 de mettre à l'amende des trafiquants
33:31 dans une cité pendant plusieurs années
33:33 un racket que vous auriez opéré sans que l'un
33:35 ou l'autre ne se soit pris une balle
33:37 cela ne pouvait pas fonctionner
33:39 selon lui
33:41 - Mais ça ne fonctionne pas
33:43 mais ça on ne l'a jamais vu
33:45 moi c'est ce que j'ai dit, alors il y en a qui vont me sortir
33:47 toujours un extrait d'un fonctionnaire
33:49 peut-être qui a fauté
33:51 et qui va me dire "oui là c'est arrivé"
33:53 mais dans les quartiers nord de Marseille, je parle de ce que je connais
33:55 des policiers pendant 8 ans
33:57 ne peuvent pas arriver dans un point de deal
33:59 prendre une sacoche
34:01 partager l'argent et dire "au revoir, merci, à demain"
34:03 mais quand vous voyez qu'ils sont en train de se tuer
34:05 tristement
34:07 à l'actualité, me donne raison
34:09 ils se tuent pour pas grand chose
34:11 je ne pense pas qu'ils nous auraient laissé
34:13 ou alors ils nous auraient vite fait comprendre
34:15 qu'il fallait arrêter de passer dans cette cité
34:17 et ça n'a jamais été le cas
34:19 d'ailleurs, je tiens quand même à préciser que sur la procédure
34:21 ils sont allés chercher des voyous
34:23 et des trafiquants de stupes en prison
34:25 pour leur dire "allez-y, si vous avez quelque chose à dire
34:27 sur les fonctionnaires de la BAC Nord, c'est le moment
34:29 vous inquiétez pas, ils sont en prison"
34:31 personne n'a parlé
34:33 - En tout cas, le procureur avait dit
34:35 dans ses réquisitions qu'il y aurait un avant
34:37 et un après BAC Nord
34:39 en ce qui vous concerne, il a eu raison
34:41 après 9 ans de souffrance
34:43 9 ans de tourmente, votre choix a été celui
34:45 de l'engagement syndical, vous nous direz
34:47 pourquoi dans un instant sur Sud Radio
34:49 alors restez avec nous, on revient dans quelques instants
34:51 Sud Radio, la culture dans tous ses états
34:53 André Bercoff, Céline Alonso
34:55 J'ai embrassé un flic
34:57 entre nations et républiques
34:59 J'ai embrassé un flic
35:01 ça change des couilles de fric
35:03 j'aurais pas cru, il y a 30 ans
35:05 qu'au lieu de leur balancer
35:07 ils m'avaient à deux bras
35:09 "J'ai embrassé un flic" dit Renaud
35:11 c'est amusant
35:13 mais hors antenne justement, on a discuté avec Céline
35:15 et vous, Sébastien Soulé
35:17 vous disiez "attendez, c'est plus compliqué
35:19 que ça" et c'est très intéressant
35:21 je vous disais "attendez"
35:23 j'ai beaucoup entendu que la police aujourd'hui
35:25 auprès de beaucoup de jeunes
35:27 dans la délinquance
35:29 c'est un clan hostile
35:31 on a le clan tel tel tel
35:33 on se prend avec eux
35:35 vous savez très bien, on entend du matin au soir
35:37 en tout cas dans certaines manifestations
35:39 la police tue, tout le monde aime
35:41 la police
35:43 tout le monde aime la police au moment de Charlie Hebdo
35:45 ACAP etc
35:47 "the lot of cops are bastards"
35:49 etc, et toute la littérature
35:51 et vous vous dites, vous disiez en antenne
35:53 "attendez, c'est beaucoup plus compliqué
35:55 que ça, ce n'est pas vrai, moi je suis policier
35:57 aujourd'hui, je suis syndicaliste, je suis
35:59 toujours à Marseille, et ça ne se passe pas du tout comme ça"
36:01 Or, il y a quand même
36:03 vous êtes quand même deux clans
36:05 l'un contre l'autre
36:07 Oui mais c'est compliqué, alors il y a des clans
36:09 qui sont des branches dures, comme
36:11 tout, donc là le dialogue
36:13 est rompu, ça fait longtemps et ils sont comme ça
36:15 après, pris séparément
36:17 moi je ne l'ai pas vécu comme ça
36:19 pris séparément avec
36:21 il faut enlever l'effet de groupe qu'on peut avoir
36:23 dans une cité quand on veut parler avec
36:25 un trafiquant ou un voyou
36:27 qui est déjà passé par la case de prison
36:29 si on l'enlève et qu'on parle
36:31 et qu'on arrive à en parler
36:33 et qu'on parle entre eux, mais bien entendu, moi j'ai
36:35 déjà vu des jeunes qui arrivaient et qui me disaient
36:37 "mais j'ai compris, je le méritais"
36:39 "là j'ai mérité que tu m'arrêtes"
36:41 "oui j'avais fait le con, j'avais fait ci, j'avais fait ça"
36:43 alors est-ce que c'est
36:45 une majorité ou quoi, je sais pas, en tout cas
36:47 moi cette opposition avec
36:49 la police déteste les jeunes et les jeunes détestent
36:51 la police, moi j'y crois pas, je pense que
36:53 quand on se connait, on arrive à se comprendre
36:55 chacun fait ce qu'il a à faire, ça c'est une certitude
36:57 la police sera toujours là pour les arrêter, ça y a pas de
36:59 soucis non plus, mais c'est plus
37:01 complexe que ça, c'est que
37:03 quand on se connait, il y a
37:05 forcément ce relationnel qu'il fait parce que
37:07 on est tous les jours dans les quartiers
37:09 et on sait quand ils ont des enfants, alors c'est
37:11 peut-être ce moment-là qu'il change
37:13 peut-être de braquer et qu'il
37:15 essaie de sortir
37:17 et qu'il prenne un peu de plomb dans l'aile
37:19 et qu'il se dise "bon il est temps que je me
37:21 retire quand ils peuvent"
37:23 mais voilà, mais
37:25 c'est pas un clan contre un autre clan
37:27 il y a des branches
37:29 dures qui nous voient comme ça, maintenant
37:31 je suis pas certain que
37:33 ce soit comme ça, moi je croisais des gens en dehors
37:35 de mon travail
37:37 que j'ai déjà arrêtés
37:39 et on se parle
37:41 librement parce qu'il n'y a aucune retenue
37:43 et puis il n'y a pas d'animosité.
37:45 Sébastien, le 5 mars
37:47 dernier, les magistrats marseillais
37:49 ont dit devant la commission d'enquête sénatoriale
37:51 sur le narcotrafic "nous sommes en train de
37:53 perdre la guerre", ils ont même qualifié
37:55 Marseille de "narco-ville"
37:57 qu'avez-vous envie de leur répondre aujourd'hui sur ce drapeau ?
37:59 Merci
38:01 de rejoindre nos propos qui datent
38:03 quand même de plusieurs années
38:05 quand on parlait de
38:07 mexicanisation, c'est des propos de mon syndicat Allianz
38:09 c'est des mots qu'ils ont repris
38:11 quand on disait que
38:13 ça devenait compliqué, puisque nous on fait
38:15 remonter quand même l'état des troupes
38:17 quand on parle des policiers, c'est les policiers de terrain qui nous font
38:19 remonter leurs inquiétudes
38:21 et la difficulté de faire notre métier
38:23 de nos jours
38:25 et là je vois que, alors est-ce qu'ils ont eu un courage
38:27 je sais pas si c'est un courage de dire la vérité
38:29 en tout cas ils l'ont dit
38:31 c'est déjà pas mal, donc ils vont dans notre sens
38:33 Il demande un
38:35 plan Marshall
38:37 vous le proposiez aussi vous
38:39 plan Marshall
38:41 on dit ça et c'est vrai
38:43 vous l'avez dit depuis des années, les magistrales le disent
38:45 maintenant, hier à Rennes
38:47 pendant une heure, des trafiquants
38:49 se sont battus à la Kalachnikov
38:51 ou à la K-47
38:53 chez les Parmal, une heure à Rennes
38:55 je parle pas de Marseille, on parle de Rennes
38:57 non mais je veux dire, on a l'impression
38:59 qu'on dit ça, que Gérald Darmanin
39:01 dira, disent oui mais effectivement
39:03 c'est plus possible, nous condamnons ça
39:05 c'est impossible, on a l'impression
39:07 que voilà, ça continue, on s'habitue
39:09 c'est la quotidienneté, alors j'exagère
39:11 peut-être, mais il y a quelque chose
39:13 non mais vous exagérez pas, c'est ça, le problème c'est que ça
39:15 devient le quotidien et le quotidien il peut tuer
39:17 parce que du coup on s'habitue à tout
39:19 et c'est ce à quoi justement
39:21 nous on essayait de faire remonter ces problématiques
39:23 c'est qu'on s'habituait même à
39:25 un quotidien à Marseille qui est pas la réalité
39:27 c'est la réalité de ce qu'on vivait
39:29 mais c'était pas la normalité en tout cas
39:31 et du coup c'est ce qu'on voulait faire ressortir
39:33 maintenant je pense que le constat
39:35 maintenant que les magistrats
39:37 ont fait un état des lieux, le constat est posé
39:39 il n'y a plus que le nôtre, il y a celui aussi des magistrats
39:41 maintenant, maintenant il faut se retrousser le manche
39:43 et sincèrement je pense que la guerre
39:45 est perdue je ne le dirai pas, parce que si on dit ça
39:47 il faut savoir que quand même c'est manquer de respect
39:49 à nos policiers qui toute la journée
39:51 travaillent dans la difficulté de ces quartiers
39:53 - Non mais la guerre du Bermudji, baissez les bras !
39:55 - Et nous voilà, et ça moi c'est pas des mots que je dirais
39:57 parce que je vois ce que font les collègues
39:59 dehors, dans les quartiers
40:01 et on ne peut pas dire que la guerre est perdue, par contre si on ne se retrousse pas
40:03 les manches très rapidement
40:05 et quand je dis très rapidement je pense qu'on aurait déjà commencé
40:07 on aurait déjà dû commencer, ça fait un moment
40:09 je pense que c'est trop tard, il va falloir prendre des mesures
40:11 fortes, très rapides, ça c'est une certitude
40:13 - Lesquelles selon vous ?
40:15 - Mais il faut arrêter de faire des constats - Quelles mesures fortes ?
40:17 - Mais déjà je pense qu'il va falloir
40:19 je sais que c'est un mot qui fait peur
40:21 alors chaque fois on est axé de mots bizarres
40:23 mais il va falloir, il y a un manque
40:25 de prison qui est cruel, c'est à dire que
40:27 si vous voulez que quelqu'un comprenne quelque chose
40:29 une sanction, il va falloir le sanctionner très lourdement
40:31 et très rapidement, si on peut faire un parallèle
40:33 avec ce qu'on a vécu, c'est pas parce que vous aurez
40:35 une sanction 9 ans après que vous allez la comprendre
40:37 parce que vous imaginez bien que quand vous êtes voyou
40:39 dans les 9 ans vous en avez fait d'autres des bêtises
40:41 et du coup vous ne comprenez même pas pourquoi vous êtes jugé
40:43 donc le problème c'est qu'il faut qu'il y ait une justice
40:45 qui soit très rapide et
40:47 très réactive et après
40:49 il faut arrêter l'excuse de la première fois
40:51 deuxième fois, troisième fois
40:53 - Les excuses il existe - Mais voilà
40:55 parce qu'à un moment une sanction, si on veut
40:57 la comprendre, il faut qu'elle soit forte
40:59 il faut qu'ils comprennent, il faut récupérer
41:01 parce que je pense qu'il ne faut pas laisser la jeunesse non plus
41:03 penser que les trafics de stupes
41:05 c'est le film Starface, c'est à dire qu'il y a
41:07 une ascension exceptionnelle
41:09 et il faut surtout leur raconter la fin du film
41:11 c'est à dire qu'il y a beaucoup de morts
41:13 la fin est toujours tragique
41:15 c'est ou la prison ou la mort et je pense
41:17 qu'il faut passer dans les collèges
41:19 peut-être même avant, responsabiliser
41:21 les parents aussi parce que je pense que ça commence
41:23 par là, l'éducation des parents
41:25 et faire passer des fonctionnaires de police
41:27 dans les écoles, moi je me bats pour que ça arrive
41:29 le plus souvent possible avec des jeunes
41:31 et leur faire comprendre que le trafic de stupes est fiable
41:33 que la police n'est pas un ennemi, déjà on en parlait
41:35 la police n'est pas un ennemi, c'est un être
41:37 humain comme tout le monde qui a une famille, qui a des enfants
41:39 qui peut souffrir aussi et
41:41 leur dire qu'un trafic de stupes, oui on va
41:43 gagner de l'argent très vite mais la fin on la connait
41:45 tous et il n'y en a pas grand monde qui échappe
41:47 - Alors je crois que c'est la morale de l'histoire
41:49 et la morale de l'histoire en fait
41:51 c'est qu'il faut aussi, vous savez, une bonne dose
41:53 de colonne vertébrale parce qu'il faut que la justice aussi
41:55 joue son rôle et
41:57 malheureusement, enfin je le dis en tout cas à titre personnel
41:59 je ne suis pas sûr que la justice
42:01 joue son rôle en tout cas. Votre livre
42:03 Sébastien Soulet, il est passionnant
42:05 "Flic à la Bac Nord", c'est bien
42:07 parce que vous avez tenu le coup
42:09 il faut tenir le coup, je crois que c'est le plus important
42:11 - Toujours je pense, il ne faut jamais baisser
42:13 la tête - Sébastien Soulet
42:15 merci à vous d'être venu sur Sud Radio, effectivement
42:17 je rappelle que votre livre "Flic à la Bac Nord"
42:19 est paru chez City Editions
42:21 chers auditeurs, lisez
42:23 ce témoignage exceptionnel, une vérité
42:25 brutale, brûlante
42:27 et terriblement aussi
42:29 humaine. Tout de suite, c'est Brigitte
42:31 Lallé sur Sud Radio