Les Français ont-ils perdu l’envie de travailler depuis le confinement ?

  • il y a 6 mois
Avec Bernard Cohen-Hadad, président de la CPME Paris Île-de-France, et Jean-Claude Delgènes, président fondateur du cabinet Technologia et auteur de « Idées reçues sur le Suicide » - Edition Le Cavalier Bleu.

Nous suivre sur les réseaux sociaux

▪️ Facebook : / https://www.facebook.com/SudRadioOfficiel .
▪️ Instagram : / https://www.instagram.com/sudradioofficiel/ .
▪️ Twitter : / https://twitter.com/SudRadio .
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr

##C_EST_DANS_L_ACTU_8-2024-03-17##
Transcript
00:00 Sud Radio, le Grand Matin Week-end, 7h10h, Jean-Marie Bordry.
00:05 - Allez, bienvenue à tous dans le Grand Matin Week-end sur Sud Radio, en direct du salon Franchise Expo Paris.
00:09 On est à la porte de Versailles, à Paris, tout l'univers de la franchise qui est autour de nous.
00:13 C'est la France qui travaille. Ça tombe très bien parce qu'on va parler du travail tout de suite.
00:17 C'est un anniversaire dont on se serait bien passé les 4 ans du premier confinement.
00:21 Est-ce que vous avez moins envie de travailler depuis les confinements ?
00:25 On en débat tout de suite avec nos deux invités.
00:27 [Musique]
00:32 - Et en direct de Franchise Expo Paris, on accueille Bernard Cohen à date. Bonjour à vous.
00:36 - Bonjour Jean-Marie. - Bienvenue sur Sud Radio, président de la CPME Paris-Île-de-France.
00:41 On est aussi avec Jean-Claude Delgène. Bonjour à vous. - Bonjour.
00:44 - Président fondateur du cabinet Technologia. Vous êtes aussi auteur de ses deux livres,
00:48 "Il est reçu sur le suicide" ou "Il est reçu sur le burn-out". C'est publié à chaque fois au Cavalier Bleu.
00:53 - Absolument. - Exactement. - Merci Marie.
00:55 - On parle du travail parce que le rapport au travail a beaucoup changé,
00:57 notamment après le confinement. Ça avait peut-être commencé avant.
01:00 Figurez-vous qu'il y a 30 ans, 60% des Français interrogés accordaient une place très importante au travail dans leur vie.
01:08 Et bien après les premiers confinements, c'était plus que 24%.
01:12 Vous vous rendez compte un peu la dégringolade ? On a moins envie de travailler ou pas, Bernard Cohen à date ?
01:17 - Je crois qu'on a envie de travailler différemment, avec du sens dans le travail, une qualité de vie.
01:22 Donc qualité de vie au travail, qualité de vie dans la vie.
01:24 - Ça c'est quand on peut le choisir. - Oui, quand on peut le choisir.
01:28 Mais ensemble, aujourd'hui, on essaie dans le cadre de l'entreprise d'avoir la QVCT.
01:33 C'est-à-dire comment on travaille mieux, comment les postes sont mieux, comment aussi on partage plus d'informations.
01:39 Et ça, la Covid-19 a été une révolution dans la relation au travail du côté employeur et côté collaborateur.
01:45 - On échange davantage, on est plus transparent. C'est ça Jean-Claude Delgene ?
01:49 - Je pense qu'il faut peut-être reposer la question un peu différemment, en mars 2020, avec l'instauration du confinement et du télétravail.
01:59 Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu ce qu'on appelle une dysrythmie sociale en termes sociologiques.
02:04 C'est-à-dire qu'il y a eu une désynchronisation des rythmes individuels avec les rythmes collectifs.
02:08 C'est-à-dire que les gens se sont retrouvés, en fait, un peu à perdre leurs habitudes, à perdre leur routine.
02:14 Ça c'est très important de comprendre ça. Perdant leurs habitudes et leur routine, on a eu deux conséquences.
02:18 La première, on a eu effectivement des gens qui se sont premièrement questionnés sur leur relation au travail.
02:25 Un grand nombre de personnes se sont dit "je ne peux pas continuer à travailler ainsi, à perdre ma vie en travaillant".
02:31 Et d'ailleurs, on a eu 600 000 personnes qui ont quitté la grande région parisienne pour s'installer autre part en France.
02:38 - C'est un exode urbain en quelque sorte.
02:40 - On a eu un exode urbain, tout à fait. Et donc, ça c'est la première chose.
02:43 Et la deuxième chose, la perte des routines, la perte des habitudes a fait que, effectivement, d'autres aspirations ont émergé.
02:49 Dont celle de pouvoir vivre différemment sa relation au travail.
02:53 Et c'est vrai que les Français s'investissent moins aveuglément au travail, ont plus d'exigences,
03:00 sont plus dans une logique, je dirais, de satisfaction, et n'attendent plus, en fait, n'écoutent plus les grandes promesses de l'entreprise.
03:10 Ça c'était une vraie révolution. En particulier les jeunes. Les jeunes ne se projettent plus pendant un an, deux ans, trois ans, dix ans.
03:17 On est tous dans une relation un peu instantanée au plaisir immédiat.
03:22 - C'est fini l'époque du CDI en quelque sorte.
03:24 - Absolument.
03:25 - En même temps, on nous l'a tellement dit pendant des années.
03:28 Si j'arrive chez Bernard Cohen à Dad et qu'il me recrute, en gros, vous serez mon patron.
03:32 Mais pour deux ou trois ans, je n'ai pas envie que ce soit davantage, c'est ça ?
03:34 - Ça, ça dépend de l'envie de l'entreprise et de l'envie aussi du collaborateur.
03:41 Mais aujourd'hui, nous, nous avons intérêt à garder nos équipes, de les fidéliser.
03:47 C'est ça qui est important pour la continuité.
03:49 - Sauf que si je vous suis, c'est que c'est de plus en plus difficile de les garder, les gens.
03:52 - Bien entendu, c'est de plus en plus difficile parce qu'il y a un fort turnover, il y a une forte attente de chacun.
03:57 Il y a une difficulté de la vie qui est de plus en plus grande.
03:59 - C'est quoi le fort turnover ? C'est les gens qui partent ou c'est vous qui les faites partir ?
04:03 - Non, généralement, ce sont des gens qui veulent travailler deux années, qui font un break, qui retravaillent pour un certain nombre de raisons.
04:08 - Ils font quoi pendant le break ?
04:10 - Soit ils font de la formation, soit ils s'arrêtent.
04:12 - Donc quand je pose la question, est-ce que vous avez moins envie de travailler depuis le confinement ?
04:16 Mine de rien, il y en a quand même qui ont moins envie de travailler. Je ne juge pas quand je pose la question.
04:19 - Bien entendu, qui a moins envie de travailler de la même façon qu'avant le confinement, il y a une autre attente.
04:25 C'est un problème pour nos entreprises qui sont à moins 30% de récupération d'équipes.
04:32 - Une difficulté de recrutement, une inversion de l'offre.
04:36 Aujourd'hui, ce sont les demandeurs, c'est-à-dire les salariés, qui sont en point de force par rapport à l'entreprise.
04:44 Et puis, il y a ceux qui n'aiment pas l'entreprise, comme Mme Rousseau, qui nous disent que l'entreprise ou le travail est une valeur de droite.
04:50 - On parle d'être centrime, Rousseau.
04:51 - On est vraiment à côté de la plaque, parce que l'entreprise est une valeur de progrès, comme le travail, une valeur d'inclusion sociale.
04:56 - Bon, effectivement. Sauf que justement, l'entreprise s'est bien vue ou s'est mal vue aujourd'hui, Jean-Claude Delgène ?
05:01 - Ecoutez, ce qu'il faut voir, c'est les chiffres.
05:03 Les chiffres, en 2022, vous avez eu un record un peu historique.
05:07 Ça faisait 15 ans qu'on n'avait pas vu ça. On a eu 2,5 millions d'émissions de personnes en CDI.
05:12 2,5 millions, ce qui est énorme.
05:13 - Mais c'est considérable. On a cherché des CDI pendant des décennies.
05:16 - Tout à fait. Et donc, en fait, il y a deux facteurs qui jouent.
05:19 La première, c'est l'amélioration de la situation sur le marché du travail.
05:22 Les gens se disent "je vais trouver ailleurs".
05:24 Donc, s'ils ont des conditions de travail qui sont mauvaises, ils se barrent.
05:28 Et donc, ce qui est très critique, c'est pour les PME-PMI, dont M. Cohen est ici le représentant.
05:32 Pourquoi ? Parce que les PME-PMI forment des gens, elles les installent dans l'emploi,
05:37 elles leur donnent des compétences et dès qu'effectivement ces gens-là sont formés,
05:41 très souvent, effectivement, ils partent ailleurs.
05:43 - Sauf que vous venez de dire, si, je vous cite,
05:46 si les conditions de travail sont mauvaises, ils se barrent. C'est vos mots.
05:49 - Absolument. - Ça veut dire que les conditions de travail étaient mauvaises ?
05:51 - Non, ça veut dire que le marché du travail est très attractif ailleurs
05:55 et qu'il faut vraiment favoriser l'épanouissement des salariés,
05:58 particulièrement ceux qui ont des compétences critiques, pour les retenir dans l'emploi.
06:02 Et effectivement, si vous ne faites pas ça, les gens ont tendance à zapper et à aller ailleurs.
06:07 Et ça, ça peut être préjudiciable pour la pérennité des boîtes.
06:11 - Mais je suis un petit peu gêné quand j'entends ça, parce que j'ai l'impression, dans ce cas-là,
06:13 Bernard Cohen a daté, que ça sous-entend que, avant le confinement,
06:16 vous n'aviez pas besoin de favoriser mon épanouissement à moi, salarié,
06:19 et que mes conditions de travail, c'était pas grave, parce qu'après tout, il y avait du chômage,
06:22 donc je vais être bien content d'avoir du travail, quoi.
06:25 - Jean-Marie, la Covid-19 a été une révolution dans la relation au travail,
06:29 avec l'apparition, j'allais dire, de la grande révolution.
06:34 La grande révélation, c'était le télétravail.
06:38 4% à 6% de télétravail dans les TPE-PME en mars 2019,
06:43 on est passé à 80% tout de suite après, donc imaginez la révolution.
06:48 Deuxièmement, il y a aussi une prise de conscience d'un certain nombre de nos collaborateurs,
06:52 que faire dans les grandes métropoles, une heure et demie de trajet pendulaire,
06:56 pour une heure et demie pour rentrer chez soi le soir,
06:58 ça ne vaut pas le coup si on a un salaire à moins de 3 fois le SMIC.
07:01 - Ça c'est vrai ? - Oui, il faut le dire.
07:02 - On ne le disait pas avant. - On ne le disait pas avant.
07:05 Il y avait aussi un problème de logement, de l'accès au logement, de la qualité de vie,
07:09 comment on va chercher des enfants après, comment dirais-je, le travail,
07:13 pour les familles monoparentales, comment on s'organise.
07:17 Tout ça fait partie d'une prise de conscience de la Covid-19,
07:19 parce que ce confinement et ces confinements répétitions ont modifié nos habitudes,
07:25 nos attentes et nos envies.
07:26 - Oui, effectivement, et ça change tout.
07:28 Du coup, c'est de plus en plus difficile, malgré tout, ça va mieux au travail ou pas ?
07:31 C'est ma dernière question pour vous.
07:32 - Non, en fait, ce qu'il faut comprendre, c'est que les conditions de travail
07:34 n'ont jamais été aussi mauvaises en France.
07:36 Toutes les études le montrent au niveau européen.
07:38 Si vous prenez la dernière étude de Refund,
07:40 elle montre que la France est au même niveau que l'Albanie en matière de conditions de travail.
07:44 C'est-à-dire que 40% des Français sont...
07:46 Une étude très sérieuse, je vois que vous tiquez, mais bon...
07:50 - La France est au même niveau que l'Albanie en matière de conditions de travail.
07:54 - C'est une étude harmonisée.
07:55 - On ne sera pas d'accord là-dessus.
07:56 - 39 pays sont étudiés.
07:59 Toutes les études le montrent.
08:00 La dernière étude CEPME de 3 ans auparavant, en 2017, l'a montré.
08:04 On est dans une situation où il y a une dégradation sensible des conditions de travail,
08:09 avec des gens qui travaillent en apnée permanente, c'est-à-dire dans l'urgence constante.
08:12 Et c'est ça le véritable problème.
08:14 Les gens ne veulent plus avoir à travailler dans une urgence,
08:17 c'est-à-dire toujours plus avec moins de moyens.
08:18 Et donc là, il faut rétablir des équilibres vie privée-vie professionnelle,
08:23 rétablir un dialogue social entre les partenaires sociaux,
08:26 syndicats d'un côté, patronat de l'autre,
08:28 favoriser effectivement une meilleure, je dirais, projection dans le travail,
08:32 mais en permettant aux gens de vivre à côté,
08:34 et de ne pas subir la toute puissance du travail.
08:37 Moi, je suis pour le travail.
08:39 Vous le savez, je dirige une entreprise qui a presque 150 salariés,
08:41 et je sais combien, effectivement, l'attente des salariés en matière d'épanouissement est précieuse.
08:47 Et si vous ne satisfaisiez pas cette attente, les gens sont bons.
08:50 Effectivement. En tout cas, on a compris que vous n'étiez pas d'accord.
08:52 On n'est pas au niveau de l'Albanie, malgré tout. Un mot.
08:55 Non, je crois tout simplement qu'aujourd'hui, il y a une volonté partagée de mieux travailler,
09:00 d'avoir une qualité de vie, mais aussi une meilleure rémunération,
09:03 et surtout donner du sens à son engagement dans l'entreprise.
09:05 Eh bien, continuez.
09:06 Ce n'est pas moi qui le dis, c'est toutes les études européennes.
09:09 J'ai compris. Ce n'est pas grave.
09:10 Continuez à donner du travail l'un et l'autre, puisque vous êtes deux patrons.
09:13 En tout cas, c'est le plus important.
09:14 Merci, Jean-Marie. Je suis expert aussi.
09:16 Allez, restez avec nous sur Sud Radio.
09:17 On se retrouve dans quelques instants, toujours en direct du salon Franchise Expo Paris.
09:21 A tout de suite sur Sud Radio.
09:23 Sud Radio

Recommandée