Après l’organisation d’une manifestation propalestinienne non-autorisée dans un amphithéâtre, après la dénonciation par l’UEJF d’antisémitisme au cours de cet événement, et après la démission de son directeur Mathias Vicherat, Sciences-Po est dans la tourmente. Le 20 mars, Laurence Bertrand Dorléac, présidente de la Fondation nationale des sciences-politiques, qui gère Sciences Po, était auditionnée par le Senat sur la situation de l’école.
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00:00 (Générique)
00:09 -Par rapport à l'emballement médiatique,
00:12 les différents événements qui ont récemment fait grand bruit
00:15 au sein de l'Institut d'études politiques de Paris
00:18 et qui ont provoqué une certaine émotion
00:21 et de nombreuses aussi interrogations.
00:23 Nous nous interrogeons en particulier, bien entendu,
00:26 sur les incidents survenus la semaine dernière,
00:29 à l'occasion d'une manifestation étudiante pro-palestinienne.
00:33 A la lecture de la presse,
00:35 il semble que le déroulé exact des événements
00:38 soit encore à établir,
00:39 dans la mesure où les récits
00:41 des différentes parties impliquées apparaissent contradictoires.
00:45 Je ne doute pas que vous aurez des éléments plus précis
00:47 à nous donner.
00:48 S'ils étaient avérés, les comportements
00:50 de certains étudiants seraient en tout état de cause,
00:52 de nature à poser la question du respect des principes républicains,
00:57 voire du maintien de l'ordre au sein de votre établissement,
01:00 puisque je comprends que la manifestation concernée
01:03 n'avait pas été déclarée, mais vous nous le préciserez également.
01:07 Mme la présidente, vous aurez certainement à coeur
01:09 de nous faire part de vos éclairages sur ce sujet
01:12 et de nous présenter la manière dont votre institution
01:15 entend prévenir à l'avenir tout nouveau débordement
01:18 sur l'ensemble de ces campus.
01:21 Je relève par ailleurs que plusieurs membres
01:23 des équipes de direction de Sciences Po,
01:26 et notamment certains doyens et directeurs
01:28 de centres de recherche, ont collectivement fait part
01:31 de leur inquiétude au sujet de la participation
01:34 la semaine dernière du Premier ministre
01:36 au Conseil d'administration de la Fondation nationale
01:38 des sciences politiques, qu'ils estiment incompatibles
01:41 avec le principe de liberté académique.
01:44 Évidemment, nous sommes intéressés pour savoir
01:47 quelle appréciation vous portez sur cette visite
01:49 et comment avez-vous reçu de votre côté
01:53 les propos du Premier ministre.
01:56 L'Institut d'études politiques de Paris traverse par ailleurs
01:58 une période de trouble en ce qui concerne sa gouvernance.
02:02 Pour la 2e fois en 3 ans, son directeur s'est en effet
02:06 vu contraint de démissionner pour des faits qui n'ont rien à voir
02:09 avec ceux que j'ai mentionnés au début de mon propos.
02:13 Comment envisagez-vous, Mme la présidente,
02:14 la période de transition qui s'ouvre aujourd'hui,
02:17 puis la mise en place d'une nouvelle direction,
02:20 espérons-le enfin stable,
02:22 à la tête de cet institut emblématique ?
02:26 -Vous avez pointé lundi dans les médias
02:28 l'intérêt peut-être déraisonnable, je vous cite,
02:30 suscité au cours des derniers jours
02:32 par la situation de Sciences Po Paris.
02:34 Il me semble, pour ma part, que les événements survenant
02:37 au sein de cet établissement prestigieux,
02:39 qui apparaît bien souvent comme étant à la pointe
02:42 des débats sociétaux et de la formation des cadres,
02:46 notamment ceux de la fonction publique,
02:47 rencontrent une résonance particulière
02:49 au sein de la société française.
02:52 Il nous est donc paru tout à fait légitime
02:54 que notre commission s'intéresse aux voies de sortie
02:57 des différentes crises que je viens d'évoquer
03:00 et vous entendre pour avoir des éléments
03:03 les plus précis possibles.
03:04 Mme la présidente, pardon, je vais vous laisser la parole
03:07 pour un propos liminaire d'une dizaine de minutes,
03:10 après quoi mes collègues,
03:11 et notamment notre rapporteur budgétaire
03:13 sur l'enseignement supérieur Stéphane Piednoir,
03:17 vous interrogeront,
03:18 et je terminerai ces quelques phrases
03:23 en vous rappelant que cette audition est captée
03:25 et diffusée en direct sur le site Internet du Sénat.
03:29 Mme la présidente, je vous laisse la parole.
03:32 -M. le président, mesdames les sénatrices
03:34 et messieurs les sénateurs,
03:36 je tiens tout d'abord à vous remercier de me recevoir.
03:40 Je voudrais vous assurer avant tout propos
03:43 de l'attachement sans faille de Sciences Po
03:46 aux principes républicains.
03:48 Bien sûr, je m'efforcerai de répondre
03:50 à toutes vos questions.
03:52 En vous rappelant toutefois que ma position
03:54 de présidente de la Fondation nationale des sciences politiques,
03:57 pour être importante, n'est pas une fonction exécutive
04:01 et qu'elle n'est pas équivalente
04:03 à celle d'une présidente d'université classique.
04:06 En d'autres termes, en d'autres circonstances,
04:09 vous auriez sans doute reçu notre directeur administrateur.
04:14 Permettez-moi de commencer par une mise en perspective.
04:18 Sciences Po est un établissement d'enseignement supérieur
04:22 et de recherche singulier.
04:25 Certes, nous sommes un établissement
04:28 d'enseignement supérieur et de recherche,
04:32 ce qui signifie que nos missions sont
04:36 de former nos étudiants,
04:38 de la première année d'enseignement après le bac
04:41 jusqu'au doctorat.
04:43 D'autre part, de nourrir ces enseignements
04:46 par le fruit des meilleurs travaux de recherche
04:49 et d'expérience en sciences humaines et sociales,
04:52 puisque c'est là notre domaine.
04:54 Puis, de préparer la jeune génération
04:57 à l'exercice de professions très variées
05:01 et d'une citoyenneté la plus exemplaire possible.
05:04 Nous avons près de 15 000 étudiants
05:07 qui présentent, comme toute autre université,
05:10 quelques-unes des caractéristiques communes à cette population.
05:15 Premièrement, la jeunesse.
05:17 Deuxièmement, une diversité sociale et géographique
05:20 bien plus grande que par le passé.
05:22 Troisièmement, des engagements.
05:24 Des engagements qui accompagnent ces âges de la vie,
05:26 ces lignes constantes depuis que l'université existe.
05:30 Nous sommes donc un établissement d'enseignement supérieur
05:34 et de recherche, c'est-à-dire que nos missions reposent
05:37 sur un certain nombre de principes
05:39 qui sont au fondement de l'université.
05:41 L'approfondissement de la connaissance,
05:44 l'esprit critique et constructeur,
05:47 le besoin de questionner
05:49 et le désir de comprendre et de dialoguer.
05:52 En dépit des sommations provenant de toutes parts
05:56 qui nous enjoignent de sortir de notre rôle
06:00 en prenant telle ou telle partie,
06:02 nous nous efforçons de maintenir ce cap vertueux.
06:07 Mais Sciences Po est un établissement universitaire
06:10 singulier pour plusieurs raisons.
06:13 D'abord, pour des raisons historiques et statutaires.
06:15 Nous étions initialement un établissement privé,
06:19 l'École libre des sciences politiques,
06:21 fondée en 1872 par Émile Boutmy,
06:24 sous l'impulsion d'Hippolyte Taine et d'Ernest Renan.
06:28 Un établissement privé qui se mit d'emblée
06:32 au service du bien commun, du public.
06:35 Un autre trait de la singularité de l'École libre
06:38 marque encore profondément notre identité.
06:41 Son corps enseignant n'était pas constitué
06:44 d'universitaires professeurs permanents,
06:46 il était composé de praticiens venus de tous les horizons,
06:50 l'université, mais aussi la fonction publique,
06:52 mais aussi l'entreprise ou les professions libérales.
06:56 Aujourd'hui encore, plus de 4 500 chargés d'enseignement,
07:00 non titulaires dans l'établissement,
07:02 assurent 93 % des cours.
07:05 Aucune institution universitaire de premier plan
07:08 en France et dans le monde
07:10 ne présente une telle particularité.
07:13 En 1944, deux structures juridiques
07:16 furent créées par l'ordonnance à caractère législatif
07:18 du 9 octobre 1945, signée du général de Gaulle.
07:22 Une entité de nature privée,
07:24 la Fondation nationale des sciences politiques,
07:27 et un établissement public d'enseignement supérieur,
07:30 l'Institut d'études politiques.
07:32 L'un portant l'autre,
07:34 l'accord trouvé en 1945 est encore aujourd'hui
07:38 le fondement institutionnel de Sciences Po.
07:40 Il a été constamment soutenu et fermement réaffirmé
07:44 par le législateur et le gouvernement
07:46 lors de chacune des réformes de nos statuts.
07:50 Ne vous méprenez pas,
07:51 en mettant l'accent sur l'autonomie de Sciences Po,
07:54 je ne fais nullement l'apologie de l'isolationnisme.
07:57 J'entends souligner simplement l'importance
08:00 de la liberté de penser, d'agir, d'expérimenter
08:03 en matière d'enseignement et de recherche.
08:07 Car c'est bien cette liberté d'expérimentation,
08:10 la souplesse en matière d'organisation des études,
08:13 de recrutement et de sélection des étudiants,
08:15 c'est bien le libre choix de ces enseignants compétents,
08:19 ces grandes capacités d'adaptation
08:21 ou de changement des maquettes d'enseignement,
08:23 le renouvellement constant des contenus des cours,
08:25 grâce à la recherche et l'excellence professionnelle
08:28 qui les inspirent, qui ont été et qui demeurent
08:30 la plus grande force de Sciences Po.
08:33 C'est cette même liberté qui nous a permis d'engager,
08:36 au tournant des années 2000, une politique ambitieuse,
08:40 et fructueuse, de diversification sociale,
08:43 d'ouverture internationale et de recrutement important
08:47 de chercheurs et de chercheuses de haut niveau.
08:50 Notre politique d'ouverture sociale, tout d'abord,
08:53 nous permet d'accueillir 30 % d'étudiants boursiers
08:57 et d'avoir conclu près de 200 partenariats
09:00 avec des lycées relevant de l'éducation prioritaire
09:03 en France métropolitaine et en Outre-mer.
09:06 Puis, l'internationalisation,
09:09 que certains nous reprochent parfois,
09:11 nous en sommes fiers.
09:12 Comment ne pas se réjouir
09:14 qu'un établissement français attire et compte 50 % d'étudiants
09:18 venus de plus de 150 pays,
09:20 parmi les plus brillants de leur génération ?
09:23 Enfin, pour augmenter encore le niveau des enseignements
09:26 et de la reconnaissance du monde académique international,
09:29 entre 2007 et 2022,
09:31 nous avons recruté 122 chercheurs enseignants
09:34 qui viennent du monde entier,
09:36 soit un accroissement de 86 % de notre faculté permanente.
09:41 On profite 11 centres de recherche et tous nos enseignements,
09:48 ce qui nous vaut des classements internationaux remarquables.
09:51 En outre, Sciences Po occupe aussi une place originale
09:54 pour des motifs que je qualifierais de politiques et de symboliques.
09:59 Je vous épargne la liste des formules constamment recyclées,
10:04 qui accompagne de nombreux articles consacrés à Sciences Po.
10:07 L'école des élites, l'école de l'élite,
10:10 l'école du pouvoir, l'école de l'entre-soi.
10:12 Certes, nous nous honorons
10:15 d'avoir formé six des huit présidents de la Ve République,
10:18 16 de ses 24 premiers ministres,
10:21 nombre de hauts fonctionnaires et de chefs d'entreprise,
10:24 mais aussi de grands professeurs, de grands chercheurs,
10:27 des juristes, des écrivains, des artistes, des journalistes.
10:31 À l'échelle internationale, nous sommes heureux
10:34 de savoir que le premier ministre norvégien
10:37 a suivi les cours de Sciences Po,
10:38 tout comme l'ancienne présidente du Sri Lanka
10:41 et l'actuelle présidente de Géorgie.
10:43 La liste est longue.
10:45 Nous sommes heureux d'avoir 100 000 alumnis
10:47 qui occupent des postes importants partout dans le monde.
10:50 Je précise que nous ne sommes pas les seuls
10:54 et bien des grandes écoles affichent de brillants palmarès,
10:57 mais nous sommes sans doute singuliers
10:59 quand nous pratiquons une formation pluridisciplinaire
11:03 fondée sur les grandes disciplines en sciences humaines et sociales
11:06 et aussi l'apport de l'expérience professionnelle.
11:10 Ce qui vaut à nos étudiants d'être recrutés à 87 %
11:14 dans les six mois après leur diplôme.
11:16 Malgré cela,
11:18 nous sommes depuis toujours observés et critiqués.
11:22 Dans les années 1930, comme en 1945,
11:26 l'École libre des sciences politiques était stigmatisée
11:29 comme étant l'élite et l'école d'une caste,
11:32 l'école d'une élite et l'école d'une caste,
11:34 qui nuisait à la démocratisation de la haute fonction publique
11:38 qui était voulue par le gouvernement de Front populaire
11:41 puis les mouvements politiques issus de la résistance.
11:46 Dans les années 1960 et 1970,
11:49 Sciences Po était encore accusée
11:52 de contribuer à la reproduction de la noblesse d'État,
11:55 pour reprendre une célèbre formule du sociologue Pierre Bourdieu.
12:00 Puis ce furent les accusations de rupture
12:02 avec les principes de la méritocratie républicaine
12:05 lors de la création des conventions d'éducation prioritaire.
12:10 Le spectre de l'américanisation, avec l'ouverture internationale,
12:14 suivit d'autres accusations encore.
12:17 Un déplacement de la critique intéressant à observer
12:21 pour l'historienne que je suis,
12:22 mais qui témoigne surtout, me semble-t-il,
12:24 de l'intérêt très particulier,
12:26 et en effet, vous l'avez rappelé, monsieur le président,
12:28 peut-être excessif, que nous portent les médias,
12:31 et par conséquent l'opinion publique,
12:33 que ce soit au regard de nos faiblesses supposées
12:36 ou de nos qualités.
12:38 Aucun autre établissement universitaire français
12:41 n'a suscité autant d'articles de presse et de tweets.
12:45 Nous y avons assurément pris notre part.
12:48 Mais il semble que d'autres institutions,
12:51 comparables à la nôtre, ont connu des succès,
12:54 des difficultés, des remous
12:55 qui n'ont pas attiré à ce point l'attention.
12:58 Après ce détour historique,
13:00 qui me paraissait opportun pour aborder les sujets graves
13:03 qui nous occupent,
13:04 pourquoi ai-je aujourd'hui l'honneur d'être devant vous ?
13:08 Vous souhaitez m'entendre à propos de la gouvernance de Sciences Po,
13:14 à la suite de la démission de notre directeur, Mathias Vichra,
13:17 ainsi que, je cite le courrier de votre invitation,
13:19 des récents incidents survenus dans notre établissement.
13:23 Je commencerai par la question de la gouvernance.
13:27 À la suite de la démission de Mathias Vichra,
13:30 nos statuts et nos procédures sont très clairs.
13:33 En tant que présidente de la FNSP, j'en suis la garante,
13:36 ainsi que la présidente du conseil de l'Institut d'études politiques,
13:39 Dina Wacked, professeure de droit.
13:42 Dans les prochains jours,
13:44 la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche,
13:47 avec laquelle je suis en contact étroit depuis plusieurs mois,
13:50 nommera une administratrice ou un administrateur provisoire
13:54 chargé de la direction de l'IEP
13:56 et de l'administration de la FNSP.
13:59 Pour la suite, les conditions de nomination
14:02 de la prochaine administration de la FNSP
14:04 et de la prochaine direction de l'IEP de Paris
14:06 sont fixées par nos décrets statutaires.
14:09 J'y reviendrai, si vous voulez bien, plus techniquement,
14:12 si vous le souhaitez.
14:14 Pour ce qui a trait au fait du 12 mars, ainsi qu'à leur suite,
14:18 je tiens à rappeler avec une certaine solennité
14:22 que nous sommes un établissement où les positions peuvent
14:26 et même doivent s'exprimer dans le cadre strict
14:29 de la loi commune et du règlement de Sciences Po.
14:33 Ce cadre est celui du respect des valeurs républicaines,
14:37 du pluralisme des idées
14:38 et de la libre expression du débat démocratique.
14:42 Nous avons toujours été, nous sommes et nous serons
14:45 intransigeants envers tous ceux et toutes celles
14:48 qui sortiront de ce cadre.
14:50 Nous avons toujours été, nous sommes et nous serons intraitables
14:53 à l'égard de tout acte et de tout propos antisémite ou raciste.
14:58 C'est pourquoi des enquêtes administratives et judiciaires
15:01 ont été ouvertes dès le mercredi 12,
15:03 dès le lendemain des événements,
15:06 alors que l'amphithéâtre avait été occupé par des étudiants
15:09 voulant s'exprimer sur le conflit au Moyen-Orient
15:12 selon des méthodes provoquant des tensions
15:15 avec des étudiantes et des étudiants
15:18 de l'Union des étudiants juifs de France à Sciences Po
15:21 et aboutissant, qui plus est, à la suppression d'un cours.
15:25 Je me tiens ainsi que notre secrétaire général
15:28 à votre disposition pour vous donner toutes les précisions
15:31 concernant les actions que nous avons menées immédiatement
15:34 pendant et après les événements.
15:37 Je note que depuis, l'institution que je préside
15:40 est en proie à des accusations injustes et blessantes.
15:43 Injustes parce qu'elles reposent sur des informations
15:46 généralement incomplètes, incertaines, voire fallacieuses,
15:49 parce qu'elles méconnaissent plus de 150 ans d'histoire
15:52 de notre établissement,
15:53 ignorant toutes les actions que nous menons
15:56 contre toutes les formes de discrimination.
15:58 Blessantes pour les 15 000 étudiants,
16:00 les 280 membres de notre faculté permanente,
16:03 les 4 500 chargés d'enseignement
16:06 et nos 1 200 salariés qui font vivre Sciences Po,
16:11 qui sont attachés et qui ne se reconnaissent absolument pas
16:14 dans la caricature grossière que l'on fait d'eux dans les médias.
16:17 Je note d'ailleurs que ces attaques, passées et présentes,
16:21 n'ont pas dissuadé 15 398 élèves
16:24 d'exprimer cette année sur Parcoursup
16:26 leur souhait de faire Sciences Po,
16:27 de présenter leur candidature d'entrée en première année,
16:31 un nombre supérieur à celui de l'an passé.
16:34 Parlons ouvertement.
16:37 Est-ce que l'antisémitisme règne à Sciences Po,
16:41 comme on a pu le voir écrit ou proclamé ?
16:44 Ma réponse est clairement et fermement non.
16:46 Nous ne chercherons jamais à nier
16:49 que tel ou tel étudiant de Sciences Po
16:51 ait pu tenir des propos antisémites.
16:54 Chaque fois qu'un fait de cette nature nous est rapporté,
16:57 nous enquêtons et nous sanctionnons.
16:59 Nous n'acceptons pas davantage toute autre forme de racisme
17:02 et de discrimination, de quelque nature qu'elle soit.
17:05 L'intolérance, voire la haine, qui prospèrent sur des idées malsaines
17:09 n'ont pas leur place dans notre établissement.
17:11 De même que la science qui nous anime est inconciliable
17:16 avec le registre de positions militantes
17:19 à l'intérieur des cours.
17:22 Notre époque est riche en conflits, en tragédies
17:26 qui suscitent des débats et des dissensions.
17:28 Les réseaux sociaux aggravent ces maux en les amplifiant
17:31 tout en les réduisant à la plus médiocre
17:33 et la plus nuisible des formes d'expression.
17:36 La jeune génération étudiante
17:39 qui étudie à Sciences Po,
17:41 comme dans tous les établissements universitaires dans le monde,
17:44 est exposée aux tensions, est exposée aux excès.
17:48 Notre rôle est d'abord de l'aider
17:52 en tenant fermement sur nos bases et nos principes
17:55 de respect de la science et des libertés académiques.
17:58 Étudier, apprendre, chercher, s'interroger,
18:03 raisonner, dialoguer dans les règles de l'art.
18:07 Sciences Po est une institution où se croisent quotidiennement
18:11 des étudiants du monde entier.
18:14 On y accueille toutes les pensées
18:16 parce que nous savons que l'ouverture et l'altérité
18:19 les aident à se construire comme des femmes et des hommes
18:22 capables de relever les grands défis de leur temps,
18:25 de la variété aussi de leur temps.
18:29 Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs,
18:33 merci de votre attention.
18:36 Et je me tiens maintenant à votre disposition
18:38 pour répondre à vos questions.
18:41 -Merci, madame la présidente.
18:42 Et bien entendu, monsieur Ottier, qui est secrétaire général
18:45 de l'Institut d'études politiques,
18:47 ou de la Fondation nationale d'études politiques,
18:50 qui pourra prendre la parole.
18:51 -Et depuis le 1er mars, pour votre information complète.
18:53 -Très bien, merci. Il pourra également prendre la parole.
18:55 Avant de donner la parole à Stéphane Pignanoir,
18:57 notre rapporteur budgétaire,
18:59 je voudrais quand même revenir sur les événements du 12 mars
19:03 parce que vous nous avez rappelé
19:07 tout ce qui fait la spécificité de Sciences Po, sa notoriété.
19:12 Mais malheureusement, depuis une semaine,
19:13 c'est pas ça qu'on entend dans les médias.
19:15 C'est une image beaucoup plus négative.
19:17 Et je pense qu'il est nécessaire de rétablir les faits
19:20 pour qu'on comprenne ce qui s'est passé,
19:21 justement pour ne pas garder
19:25 que cette image de Sciences Po.
19:29 Est-ce que la manifestation du 12 mars
19:32 était autorisée ou pas par la direction ?
19:36 Est-ce qu'était présent dans l'amphi Boutmy
19:39 que des étudiants de Sciences Po ?
19:42 Et 3e question précise sur ces événements,
19:44 quelles sont les procédures disciplinaires
19:47 qui ont été engagées par l'Institut ?
19:50 -Bien. Je laisserai le soin à notre secrétaire général
19:56 de vous dire très précisément ce qui s'est passé le 12 mars.
19:59 Mais d'ores et déjà, je puis vous dire
20:02 que cette manifestation n'était pas autorisée
20:06 dans l'amphi Boutmy.
20:07 Or, il y a un règlement de la vie étudiante très strict.
20:11 Il faut demander l'autorisation à l'administration
20:14 pour organiser un quelconque événement.
20:19 Bien. En cas, effectivement,
20:23 je dirais d'actualité,
20:26 il est possible de réduire ce temps d'un mois
20:29 de demande d'autorisation d'occuper un local,
20:33 qui est en général d'ailleurs toujours le même,
20:35 qui est l'amphithéâtre Jean Moulin, n'est-ce pas ?
20:39 Mais ça n'est pas le cas.
20:40 Ça n'a pas été le cas,
20:42 et donc ça contrevenait au règlement intérieur.
20:47 Bien. Vous me demandez si tous, toutes,
20:52 étaient des étudiants de Sciences Po. Oui.
20:54 Oui.
20:56 Et quant à la procédure,
20:58 nous avons donc, dès le lendemain,
21:00 engagé à la fois une procédure interne
21:04 et d'autre part fait un signalement
21:06 au procureur de la République.
21:08 Bien. Mais je voudrais vous dire aussi
21:11 que si les événements qui ont été rapportés,
21:16 les témoignages qui ont été rapportés,
21:19 sont justes, et en effet,
21:21 vous l'avez remarqué vous-même, monsieur le président,
21:24 les avis, disons, et les témoignages
21:28 peuvent être contradictoires.
21:29 Donc, ça n'est pas pour l'instant à nous de juger,
21:33 mais la justice, à la fois à l'intérieur de Sciences Po
21:37 et à l'extérieur, fera son travail.
21:40 Et à ce moment-là,
21:42 les sanctions qui seront prises seront extrêmement sévères.
21:47 Pourquoi ?
21:48 Il est inadmissible que des étudiants
21:52 puissent se sentir,
21:55 je dirais, non bienvenus
21:57 dans un amphi
22:00 au motif qu'ils appartiennent
22:02 à l'Union des étudiants juifs de France.
22:04 C'est inadmissible, disons-le clairement.
22:07 Je note quand même, pour votre information,
22:11 que depuis ces événements,
22:13 une réunion informelle a eu lieu
22:16 pour reprendre le dialogue
22:17 et qu'une rencontre s'est déroulée
22:20 entre des étudiants de l'Union des étudiants juifs de France,
22:23 qui soutiennent Israël,
22:25 et des étudiants d'associations pro-palestiniennes à Sciences Po.
22:29 Je m'en réjouis et j'y vois le début
22:32 de la résolution d'un conflit
22:34 et d'une tension entre les étudiants
22:36 qui ne doit pas faire oublier qu'ils sont là pour étudier ensemble.
22:40 Tous et toutes ensemble.
22:43 Merci. Est-ce fréquent que des manifestations non autorisées
22:48 se tiennent dans le FIBUCMI ou c'était la première fois ?
22:51 Ce n'était pas la première fois,
22:53 mais ce n'est absolument pas fréquent.
22:57 Et encore une fois, dans la très grande majorité...
23:00 Vous savez, il y a 2 700 actions,
23:04 demandes, étudiantes,
23:06 parents, activités, manifestations, etc.
23:11 Et tout se passe généralement très bien.
23:14 Pourquoi les choses se passent bien ?
23:16 Tout simplement, d'abord, parce qu'il y a une demande
23:19 sur un thème qui est effectivement
23:23 tout à fait visé par l'administration,
23:25 et que d'autre part, les associations
23:28 qui sont responsables de ces événements
23:30 sont également responsables de ce qui peut s'y passer.
23:33 Il y a une règle d'or, par exemple,
23:36 qui est que toute personne qui est étudiée à Sciences Po
23:39 peut rentrer dans ces manifestations, dans ces événements,
23:43 dans le cadre de ces conférences, etc.
23:46 Donc, vous voyez, les choses sont...
23:48 Il y a, vous savez, énormément, encore une fois, d'activités.
23:53 Et c'est peut-être une spécificité de Sciences Po.
23:57 D'ailleurs, je remarque que les hommes, les femmes politiques
24:00 ont souvent aiguisé leurs premières armes
24:04 de militants à Sciences Po.
24:06 Bien, c'est très bien, c'est parfait.
24:09 Et pourquoi pas ?
24:10 Et pourquoi pas, quel que soit le camp, je dirais,
24:13 dans lequel on milite.
24:15 Mais dans les règles.
24:17 -Stéphane Piednoir.
24:23 -Merci, monsieur le président, madame la présidente.
24:27 Merci beaucoup pour avoir répondu
24:30 à l'invitation du président de la commission.
24:32 Merci pour les précisions que vous venez d'apporter
24:35 sur les événements récents du 12 mars
24:37 et sur l'ensemble des sujets sensibles
24:39 qui font l'actualité, finalement, de la fondation
24:43 et de l'Institut des sciences politiques.
24:47 J'espère, évidemment, comme vous, un retour à la normale,
24:50 à des conditions normales d'enseignement
24:52 dans ces instituts, dans les meilleurs délais,
24:55 à Paris et plus largement dans les autres sites,
24:58 parce que vous avez cité
25:02 des chroniques médiatiques,
25:06 mais il faut dire que les instituts,
25:08 les IEP en France ont défrayé la chronique
25:12 à d'autres reprises.
25:13 J'ai bien conscience également des missions qui sont les vôtres,
25:16 des missions non exécutives que vous confère
25:18 votre statut de président de la Fondation nationale
25:21 des sciences politiques.
25:23 Et donc, à ce titre, vous êtes chargé de débattre
25:27 et même de fixer les grandes orientations de l'Institut.
25:31 Donc je souhaite d'abord revenir sur la question
25:33 du respect des principes républicains
25:36 sur lesquels vous êtes intervenu à plusieurs reprises
25:39 et dans le contexte, finalement,
25:41 de polarisation croissante dans le monde universitaire
25:43 et, j'allais dire, dans le monde tout court.
25:46 Vous avez eu vous-même une carrière
25:48 dans et en dehors de Sciences Po, me semble-t-il.
25:51 Et donc ma question, c'est est-ce que, pour vous,
25:53 il existe une spécificité de cet établissement
25:57 en ce qui concerne la politisation,
25:59 qui est un peu l'essence même de la formation, finalement,
26:03 qui est dispensée au coeur de ces établissements,
26:06 la politisation et l'engagement des étudiants, d'une part,
26:08 et, d'autre part, la survenue d'incidents
26:11 mettant en cause, donc, le principe de respect
26:14 des principes républicains et des principes de laïcité.
26:17 Première question. Deuxième question.
26:19 Avez-vous observé une évolution de cette tendance
26:22 depuis les derniers mois, depuis les dernières années ?
26:24 Est-ce que c'est quelque chose qui est très ancien ?
26:27 Vous avez dit, il y a une ancienneté
26:30 des instituts à former des responsables politiques
26:34 depuis des décennies, finalement.
26:36 Est-ce qu'il y a une évolution notable
26:37 depuis ces dernières années à Paris ou ailleurs ?
26:40 Et puis, quelles seraient, selon vous,
26:43 les mesures à prendre pour apaiser la situation
26:46 au coeur des campus,
26:47 dans les établissements concernés par ces tensions,
26:49 éventuellement les prévenir,
26:51 pour faire en sorte que ce genre d'incidents,
26:54 si exceptionnels qu'ils soient, ne se reproduisent plus ?
26:57 En ce qui concerne les associations étudiantes
27:00 qui sont actives au sein des IEP,
27:03 vous avez un peu répondu. Pourriez-vous éclairer
27:05 dans quel cadre s'inscrit leur action ?
27:08 Est-ce qu'il existe des procédures d'autorisation ?
27:10 Vous avez dit que oui. Et de suivi des activités,
27:13 quelles sont les sanctions prévues
27:15 en cas de débordement à titre collectif,
27:18 c'est-à-dire pour l'ensemble de l'association, éventuellement.
27:20 Est-ce qu'il existe une sanction collective
27:22 pour l'association ou à titre individuel, évidemment,
27:24 lorsque certains individus sont identifiés
27:27 comme fauteurs de troubles ?
27:29 Et puis, dernière question,
27:32 je m'interroge sur les contours du plan d'action.
27:35 Pour Sciences Po, récemment évoqué
27:37 par la ministre de l'Enseignement supérieur,
27:38 Sylvie Retailleau, dans différents articles de presse,
27:42 est-ce que vous avez des précisions
27:44 sur l'organisation de ces travaux
27:45 et éventuellement les grandes oratations
27:48 qui sont envisagées ? Je vous remercie.
27:50 -Mesdames et messieurs le président, je vais vous laisser répondre
27:52 à cette 1re série de questions.
27:54 -Merci beaucoup, monsieur le président.
27:57 Monsieur le sénateur, merci de vos questions.
28:01 Tout d'abord, j'aimerais une petite mise au point
28:03 sur les IEP, en fait, de région.
28:05 Attention, alors, je ne vais pas rentrer dans le détail,
28:09 c'est une affaire presque rocambolesque.
28:11 Nous n'avons pas déposé la marque de Sciences Po.
28:13 Nous avons des IEP des instituts d'études politiques,
28:16 mais qui ne sont pas Sciences Po,
28:17 qui ne dépendent pas de Sciences Po.
28:19 Nous avons 7 campus, dont le campus de Paris,
28:23 des campus qui sont dédiés à des zones géographiques.
28:26 Mais quand on parle, et je ne veux pas citer les IEP
28:30 pour ne pas les blesser,
28:31 mais enfin, ça n'est pas Sciences Po.
28:34 Donc souvent, on fait la confusion,
28:36 et je dois vous dire, à votre décharge
28:38 et à la décharge du public,
28:40 c'est normal, parce qu'il y a une confusion, effectivement.
28:43 -Il y a d'autres campus pour lesquels...
28:45 -Oui, oui, bon.
28:47 Mais disons qu'on... Voilà.
28:49 On pourrait peut-être, alors, préciser, peut-être,
28:52 vous pensez à un campus en particulier,
28:54 mais en tout cas, ce qui est certain,
28:56 c'est que tous les IEP de Paris, disons,
28:58 ne sont pas sous notre gouvernance.
29:01 Voilà, c'est ce que je voudrais préciser.
29:04 Bon, oui, une polarisation dans le monde académique,
29:08 et vous le dites très justement,
29:09 une polarisation dans le monde tout court,
29:12 une violence qui monte, une radicalisation qui monte.
29:15 Incontestablement, on peut parler d'une évolution.
29:18 C'est évident. On ne peut pas nier
29:20 que les étudiants sont beaucoup plus engagés.
29:24 Une enquête a été faite par Anne Mixel et Martial Foucault récemment,
29:29 et qui font état très précisément de cette évolution
29:32 à laquelle vous faites allusion.
29:34 Il n'empêche que nous continuons à avoir des règles.
29:37 Écoutez, à mon âge, vous savez, j'ai connu beaucoup de choses,
29:40 et surtout pas...
29:42 Je ne vais pas essayer de relativiser les événements, attention,
29:45 mais simplement, j'ai connu,
29:47 étant lycéenne et étudiante,
29:51 des rixes en permanence.
29:53 En permanence, des cours étaient supprimés,
29:56 et en permanence, des militants se battaient,
30:00 les uns contre les autres.
30:01 Quand je dis "se battre", c'est se battre, vous voyez ?
30:03 Bon, avec des casques, avec des...
30:06 Bon, donc, il n'y a pas ça à Sciences Po.
30:10 Je n'ai jamais vu, sur aucun campus,
30:12 de violence physique, par exemple, jamais.
30:15 J'ai vu, en effet, des altercations,
30:20 mais je n'ai jamais vu que ça allait jusqu'à la violence physique.
30:23 C'est quand même important.
30:24 Je me permets d'insister là-dessus.
30:27 En 1968, l'amphiboutmi s'appelait Guevara.
30:30 Bien.
30:32 Alors, est-ce qu'il y a des mesures à prendre ?
30:34 Les mesures à prendre, c'est de continuer, justement,
30:36 selon nos règles, c'est de continuer à enseigner,
30:39 c'est de continuer à croire à notre cœur de métier,
30:42 c'est de continuer à former les étudiants
30:44 et à leur faire comprendre que la vie militante
30:47 n'est pas la vie d'un étudiant,
30:49 au sens où on peut militer, c'est très bien,
30:53 et on doit peut-être s'engager, pourquoi pas,
30:56 mais la vie des cours, c'est autre chose.
30:59 C'est autre chose. Il faut apprendre à croiser les sources.
31:02 Il faut apprendre beaucoup de choses
31:04 pour connaître vraiment ce dont on parle.
31:07 Il faut également, d'une certaine manière,
31:09 avoir un langage de raison
31:12 et un langage qui admette la discussion,
31:15 le dialogue dans un cadre scientifique,
31:18 qui n'est pas le cadre militant.
31:20 Je crois que les mesures à prendre, c'est cela avant tout.
31:24 Quant, encore une fois, aux autorisations,
31:27 tout ça dépend d'un conseil très sérieux,
31:32 présidé très bien,
31:33 qui est le Conseil de la vie étudiante et de la formation.
31:37 On ne peut pas créer une association comme ça à Sciences Po.
31:42 Il faut justement présenter les raisons de création
31:47 de cette association, le motif,
31:50 les principes.
31:52 Ne croyez pas comme ça qu'on peut exiger l'eau,
31:55 créer des associations.
31:57 Non, non. En tout cas,
31:59 sachez vraiment que tout ça s'inscrit dans un cadre.
32:05 Sur le conseil disciplinaire, encore une fois,
32:09 puisque s'il y a sanction, il y aura effectivement conseil,
32:13 il y aura des sanctions qui seront prises,
32:15 ça peut aller jusqu'à l'exclusion dans un cas grave.
32:19 Ça s'est déjà produit.
32:21 Ça s'est déjà produit.
32:23 Bien.
32:24 Vous parliez du plan d'action de notre ministre,
32:28 avec qui je travaille en très bonne intelligence
32:31 tout au long de cette crise.
32:32 Eh bien, il est évident que, je ne peux pas vous cacher,
32:36 nous attendons avec grande impatience
32:39 l'arrivée d'une administratrice ou d'un administrateur provisoire.
32:43 Bien.
32:44 Je pense que ça...
32:47 Ça calmera le jeu, etc.
32:49 C'est vrai que nous avons fonctionné sans direction.
32:52 Nous avons réussi à fonctionner.
32:54 Les cours ont eu lieu.
32:55 La vie a continué.
32:57 Nous avons des salariés extraordinaires.
32:59 Nous avons 1 200 salariés extraordinaires.
33:02 Nous avons des enseignants extrêmement dévoués,
33:05 qu'ils soient internes, enseignants-chercheurs,
33:07 près de 300, 4 500 également.
33:11 Nous avons donc des étudiants
33:14 qui, pour la grande majorité, sont tout à fait responsables.
33:17 Bref, la vie a continué et elle continuera.
33:21 Bon.
33:22 Une administration provisoire me semblera pouvoir stabiliser
33:27 et pouvoir surtout nous laisser travailler,
33:29 nous, les deux présidentes, avec notre commission.
33:32 Alors, cette commission, elle est constituée de 12 personnes.
33:36 Quatre membres du bureau du conseil d'administration,
33:41 quatre membres qui appartiennent au bureau du conseil de l'Institut
33:44 et quatre personnes, personnalités extérieures à Sciences Po,
33:48 qui seront élus par les deux conseils.
33:51 Deux personnalités au conseil de l'Institut,
33:53 deux personnalités au conseil de l'administration.
33:56 Ensuite, dès cette semaine,
33:59 nous avons tenu, avec Dina Wocked,
34:01 à donner un calendrier précis,
34:04 des procédures précises sur ces élections.
34:07 Et je crois que le cadre sera fixé
34:10 à même de rassurer toutes nos communautés, n'est-ce pas,
34:14 pour savoir où nous allons.
34:17 Nous attendons, encore une fois, pour notre part,
34:20 la nomination par la ministre de l'Enseignement supérieur,
34:24 une administration provisoire.
34:26 -M. Ottier.
34:30 -Merci, M. le Président, pour apporter un complément de réponse
34:32 à ce que vient dire la présidente de la Fondation
34:35 et suite à la question du sénateur Pied-Noir
34:36 sur les sanctions de nature collective sur les associations.
34:39 C'est donc un règlement de la vie étudiante
34:40 qui pose les règles préalables
34:43 pour que l'administration puisse confier une salle
34:45 à une association pour l'organisation d'un événement.
34:48 Ça a été dit, 2 800 événements par an.
34:50 Les sanctions de nature collective, elles sont simples.
34:52 C'est le retrait de la reconnaissance par Sciences Po
34:55 du caractère d'association reconnue ou d'initiative reconnue.
34:59 C'est le retrait des financements,
35:00 s'il y a eu un financement associatif,
35:02 et potentiellement le remboursement de ces financements.
35:05 Et je tiens à préciser que sur l'occupation
35:07 qui a été faite le mardi 12,
35:09 ça n'était pas fait par une association reconnue.
35:12 Les organisateurs eux-mêmes ont revendiqué
35:14 n'appartenir à aucune association ou aucun syndicat reconnu.
35:19 -Pour revenir sur le 12,
35:22 j'ai le souvenir, mais un souvenir pas si mointain que ça,
35:26 qu'il y a une société de gardiennage privé
35:28 à l'entrée de Sciences Po qui est très présente,
35:32 Rue Saint-Guillaume.
35:33 Qu'est-ce qui s'est passé ?
35:34 Est-ce que cette société est intervenue le 12
35:37 quand elle a constaté que cette manifestation non autorisée
35:39 se tenait ou pas ?
35:41 -Merci, monsieur le président, pour cette question.
35:45 Cette société est postée sur la voie publique
35:48 à l'entrée de Sciences Po.
35:49 Elle contrôle les accès.
35:51 C'est ce qui explique qu'on peut affirmer qu'a priori,
35:54 il n'y avait que des étudiants de Sciences Po,
35:55 puisqu'on montre sa carte d'étudiant à Sciences Po.
35:58 En revanche, elle n'intervient pas à l'intérieur des locaux.
36:00 Et comme pour les autres établissements
36:02 d'enseignement supérieur, si on veut recourir
36:03 à la force publique, c'est le directeur de l'établissement
36:06 qui le fait.
36:07 Donc elle n'est pas intervenue dans l'amphithéâtre.
36:09 Dans l'amphithéâtre, sont intervenus
36:10 du personnel de direction.
36:11 Il a été mentionné qu'en moins de 24 heures,
36:14 une enquête administrative a été ouverte,
36:15 que le lendemain, un signalement a été faux parqué.
36:18 Mais lors de l'événement lui-même, pendant sa tenue,
36:21 l'équipe de direction est intervenue.
36:24 Au bout de 2 heures, la directrice de la vie étudiante
36:28 a pris la parole pour dire que des lignes rouges
36:30 avaient été franchies, les micros ont été coupés,
36:32 la rétroprojection a été interrompue,
36:35 les drapeaux qui étaient accrochés au balcon
36:39 ont été décrochés, les portes ont été ouvertes
36:41 à un moment où certains étudiants ont voulu filtrer l'accès,
36:44 les portes ont été ouvertes.
36:45 Donc indépendamment des enquêtes, il y a eu des actions
36:47 de membres de la direction directement,
36:49 mais pas de la société de sécurité.
36:51 A 10 heures, il devait y avoir un cours.
36:57 A 8 heures, une soixantaine d'étudiants
37:00 est intervenue au début, car l'amphithéâtre est ouvert,
37:03 il était en train d'être nettoyé,
37:04 il n'y avait pas de cours à 8 heures.
37:05 De 8 heures à 10 heures, il n'y avait pas de cours.
37:07 A 10 heures, on leur a demandé d'évacuer
37:10 parce qu'il y avait un cours derrière
37:11 et ce cours n'a pas pu se tenir.
37:14 Peut-être, si je peux me permettre, la question derrière,
37:16 c'est est-ce qu'il aurait fallu recourir à la force publique ?
37:19 Notre analyse a été claire, c'était que non.
37:23 Il y avait une cinquantaine ou une soixantaine d'étudiants
37:24 au début, il y en avait 200 ensuite.
37:27 Le recours à la force publique, vous le savez sans doute beaucoup
37:30 dans cette commission, est exceptionnel
37:32 dans un établissement d'enseignement supérieur.
37:34 La priorité, c'est la sécurité des personnes.
37:37 Il n'y avait pas de dégradation de l'amphithéâtre,
37:38 il n'y avait pas de violence physique
37:40 et il nous est apparu que recourir à la force publique
37:42 dans ce cadre, alors qu'ils annonçaient
37:45 qu'ils allaient libérer l'amphi à midi,
37:46 aurait été un facteur de risque et nous n'avons pas souhaité le faire.
37:49 -Adèle Zianne.
37:52 -Merci, président, madame la présidente,
37:54 monsieur le secrétaire général.
37:55 D'abord, merci d'avoir répondu à l'invitation de cette commission
37:58 dans des délais extrêmement courts
38:00 pour évoquer justement des événements
38:02 qui ont eu un impact dans le contexte national et international
38:05 que nous connaissons, une forme d'émotion
38:07 qui nécessitait aussi de pouvoir apporter des réponses.
38:10 Vous avez déjà, à la suite des questions du président Lafon
38:13 et de notre rapporteur, apporté un certain nombre de précisions
38:16 sur les aspects sécurité.
38:18 Je voulais souligner une petite interrogation
38:20 de la part des commissaires socialistes
38:21 sur l'importance, comme cela a été évoqué par le président
38:24 il y a quelques temps, de ne pas céder à l'actualité
38:27 lorsque nous sommes au Sénat.
38:27 C'est une petite incise pour nous.
38:29 Effectivement, quand nous avions souhaité,
38:31 dans d'autres instances, auditionner,
38:33 suite à des rapports de l'inspection générale
38:35 d'autres établissements, nous n'avons pas pu le faire.
38:37 Aujourd'hui, on voit aussi tout l'intérêt, je pense,
38:39 de pouvoir discuter avec madame la présidente
38:42 de ces événements, et je crois que nous aurons l'occasion
38:44 d'y revenir en commission.
38:45 Madame la présidente, moi, j'avais plusieurs constats, remarques,
38:49 mais cette enquête administrative, vous l'avez évoquée,
38:51 elle a été ouverte le 18 mars.
38:52 A ma connaissance, elle n'a pas encore rendu ses conclusions.
38:56 Elle a été faite à l'initiative de votre personne.
39:00 Vous avez évoqué à ce jour divers éléments
39:03 dans le cadre de votre audition.
39:06 Nous avons énormément de versions divergentes.
39:08 J'en veux pour preuve le nombre d'articles de presse
39:11 qui, entre le 12 mars, le 13 mars, le 14 mars,
39:13 ont scandé avec des éléments différents la situation.
39:17 Et en l'absence de conclusion, en tout cas, pour notre part,
39:19 il était important de pouvoir voir et de ne pas avoir
39:22 de conclusions prématirées autour de cet événement.
39:24 Ce que je constate aussi, ça fait partie de mes interrogations
39:27 et j'y reviendrai un tout petit peu après,
39:29 il nous semble que Sciences Po, et quand nous vous entendons,
39:31 monsieur le secrétaire général, madame la présidente,
39:33 il nous semble que vous avez réagi de manière adéquate
39:35 dès le début de l'affaire, même s'il semble
39:37 qu'un certain nombre d'éléments méritent des précisions
39:39 en prenant la chose au sérieux.
39:41 Et madame la présidente, je connais aussi,
39:43 je vous ai entendues, nous, vous avons entendu
39:44 sur France Inter, vous avez été claire, je pense,
39:47 sur la nature des événements et vous avez dit,
39:49 s'il y a eu des actes d'ordre antisémite,
39:52 nous serons intraitables.
39:53 Des propos que je salue ici, d'autant plus que je connais
39:56 votre engagement, le président Lafond l'a évoqué,
39:57 votre parcours d'historienne, d'historienne de l'art,
39:59 spécialiste de la Seconde Guerre mondiale,
40:01 et votre attachement à ces éléments.
40:03 Sciences Po, pour certains et de nombreux ici,
40:06 nous y avons été ou nous y avons enseigné.
40:08 Je peux témoigner ici de l'évolution importante
40:10 depuis les années 2000 et jusqu'à 2024,
40:14 de cette ouverture sur le monde de l'évolution,
40:16 sur l'international, cette nécessité
40:19 d'internationaliser, qui a été portée,
40:21 mais aussi d'avoir cette excellence académique
40:23 dans une période, je le souligne, de déclinisme
40:25 et de repli sur soi.
40:26 Et effectivement, vous avez parlé de l'esprit Sciences Po,
40:29 vous avez rappelé son historique.
40:31 Moi, j'insiste aussi sur la nécessité de faire vivre
40:33 la diversité des opinions, vous l'avez rappelé,
40:36 le dialogue, le débat d'idées, qui, parfois,
40:38 peut passer par un dialogue fort, un débat fort,
40:41 mais qui fait la spécificité de Sciences Po.
40:43 Autre point de constat, je voulais aussi pouvoir...
40:46 Nous nous sommes interrogés avec les commissaires
40:48 sur la venue du Premier ministre
40:50 au Conseil d'administration de la Fondation
40:51 le lendemain des événements,
40:53 où un certain nombre de déclarations de sa part
40:55 ont été faites.
40:56 Je n'attends pas forcément de réponse structurelle
40:58 de votre part, mais je voyais aussi la réaction
41:02 d'un certain nombre de membres du Conseil d'administration,
41:03 de professeurs responsables de Sciences Po,
41:05 et rappelé ici, pour notre part, la nécessité,
41:09 et c'est évoqué dans ces éléments,
41:10 la liberté académique, qui garantit le droit d'enseigner
41:13 et de mener des recherches en toute indépendance,
41:15 et surtout, un point important dans une démocratie libérale,
41:18 la défense de la liberté universitaire,
41:19 qui doit être une priorité absolue.
41:21 Sachant qu'à ma connaissance,
41:22 des représentants de l'Etat siègent
41:23 au Conseil d'administration, si je ne me trompe pas.
41:26 Mes 3 questions seront les suivantes,
41:28 madame la présidente.
41:30 Vous l'avez rappelé brièvement,
41:32 mais est-ce que vous pourriez nous refaire,
41:33 de votre point de vue, chronologie des événements,
41:36 et nous donner, autant que faire se peut,
41:38 votre lecture des événements à la lumière
41:39 des premiers éléments dont nous disposons.
41:42 Vous demandez aussi, madame la présidente,
41:45 le rôle des enseignants pour apaiser,
41:47 rationaliser, vous l'avez évoqué dans votre introduction,
41:49 et créer du dialogue entre les étudiants.
41:52 Et enfin, un point extrêmement important pour nous,
41:55 que fait Sciences Po en matière de prévention
41:57 dans le terme d'actes antisémites,
41:58 racistes, xénophobes, homophobes ?
42:01 Comment sont diligentées
42:03 ces procédures d'enquête interne ?
42:04 Monsieur le secrétaire général,
42:06 vous en avez parlé rapidement, en cas de signalement,
42:08 mais également sur la mise en oeuvre des sanctions
42:11 en cas et en l'espèce, ici, d'antisémitisme avéré.
42:14 Je vous remercie.
42:16 -Merci beaucoup de votre témoignage.
42:19 Tout d'abord, d'ancien de Sciences Po,
42:21 qui est toujours, évidemment, très précieux.
42:25 Donc, sur la 1re question, monsieur le sénateur,
42:29 à propos de la visite du Premier ministre.
42:32 Je n'ai pas à commenter
42:34 la venue de notre Premier ministre,
42:41 qui est un ancien de Sciences Po.
42:43 Donc, il est toujours le bienvenu dans la maison.
42:47 J'ajoute qu'en effet,
42:50 nous sommes très attachés aux libertés académiques,
42:55 et pas seulement, je dirais,
42:56 l'assemblée des chercheurs-professeurs,
43:01 mais également l'ensemble de la maison
43:05 qui se solidarise avec cette conception,
43:09 disons, libérale,
43:12 de l'enseignement et du fonctionnement
43:14 de notre institution.
43:16 Eh bien, pour la chronologie des événements,
43:20 eh bien, écoutez, le mardi matin,
43:22 8h, une soixantaine d'étudiants,
43:25 notre secrétaire général l'a rappelé,
43:27 sans demande ni autorisation préalable,
43:30 d'embout de mie, et l'occupe,
43:32 donc, lors des interventions, un discours agressif,
43:36 y compris vis-à-vis de la direction,
43:38 où nous sommes accusés d'être complices
43:42 donc du génocide en cours, je cite,
43:46 "Une étudiante de l'Union des étudiants juifs de France
43:49 "dit avoir été empêchée d'accéder à l'amphithéâtre.
43:53 "Les versions diffèrent,
43:54 "mais il est certain que l'enquête devra faire la lumière
43:58 "sur les faits, sur les raisons pour lesquelles
44:00 "cette jeune femme a été empêchée d'entrer.
44:03 "Manifestation dans le hall, puis devant Sciences Po,
44:07 "en bloquant sans autorisation la rue.
44:10 "Le commissariat a été appelé par Sciences Po
44:12 "pour sécuriser la voie publique,
44:14 "mais n'a pas eu à intervenir.
44:16 "La direction prend immédiatement des mesures,
44:20 "porte ouverte de force,
44:22 "comme notre secrétaire général l'a rappelé,
44:25 "pour permettre à tous les étudiants et étudiantes d'entrer."
44:28 C'est, encore une fois, un principe sacro-saint.
44:33 "Micro et visio coupés, drapeaux et banderoles enlevés aux étages,
44:37 "prise de parole en amphi,
44:38 "donc, par la directrice de l'engagement,
44:42 "rappelant l'interdiction du rassemblement
44:44 "et indiquant que des pratiques et des propos inacceptables
44:47 "avaient été identifiés."
44:49 Bien, il y a eu un tweet
44:52 qui, fermement, dès l'après-midi,
44:56 donc, dénonçait ce qui s'était passé.
45:00 Et puis, donc, dès midi,
45:03 sept étudiants de l'Union des étudiants juifs de France
45:07 ont été reçus pour donner leurs différents témoignages.
45:11 Troisièmement, la cellule d'enquête a été saisie
45:13 et une enquête administrative a été ouverte.
45:16 Le 13 au matin,
45:17 donc, signalement à la cellule d'enquête interne préalable,
45:21 et convocation vendredi dernier des premières auditions
45:25 qui ont débuté,
45:27 donc, désormais, plus d'une vingtaine d'auditions
45:30 ont été prévues.
45:32 13 mars au soir, signalement au procureur de la République de Paris
45:36 au titre de l'article 40,
45:39 à la suite d'un signalement
45:42 de l'Union des étudiants juifs de France.
45:47 Je dirais qu'ensuite,
45:48 il faut parler de l'apaisement et du dialogue,
45:51 donc, des fameuses mesures, disons,
45:54 qu'est-ce que nous comptons faire ?
45:55 Mais nous avons déjà fait.
45:57 Nous avons procédé déjà
46:00 à des actions d'apaisement, de dialogue,
46:03 pour, encore une fois, pouvoir continuer à mener
46:06 à bien notre rôle d'université en sciences humaines et sociales.
46:10 Des réunions ont été organisées
46:13 pour reprendre le dialogue avec et entre les étudiants,
46:16 rencontres dont je vous en ai parlé tout à l'heure,
46:19 événements académiques aussi,
46:21 beaucoup d'événements organisés par les centres de recherche
46:26 ou par Sciences Po pour reprendre notre rôle d'université,
46:30 encore une fois.
46:31 Et c'est très important, disons,
46:34 de penser qu'un certain nombre d'actions, disons,
46:38 qu'on peut, en effet, vous lister,
46:41 elles sont très nombreuses, dont on ne parle pas dans les médias,
46:44 et c'est bien dommage.
46:45 Le lundi, par exemple,
46:47 le lundi qui a précédé ces événements.
46:49 Nous avions une réunion importante,
46:55 une conférence de notre programme interreligieux Emuna
46:59 sur la place, je cite,
47:01 "la place du religieux dans le conflit Israël-Hamas
47:05 "avec la présence d'un évêque, d'un rabbin et d'un imam",
47:08 plus notre philosophe Frédéric Gros,
47:11 donc de la faculté permanente.
47:13 Le lendemain, nous avions une grande conférence
47:15 sur les 15 ans de l'Union pour la Méditerranée
47:18 avec Nasser Kamel, son secrétaire général,
47:21 Jean-Noël Barraud, Ghassan Salamé
47:23 et Arantxa González, etc.
47:25 Je peux vous lister comme ça
47:27 au moins une dizaine de manifestations, de conférences
47:31 où tout s'est passé dans le calme,
47:33 où tout s'est passé dans le respect,
47:35 où nous avions les différentes parties,
47:38 où nous avions des représentants des différentes religions
47:42 et des différentes positions, disons.
47:44 Et n'essayons pas non plus d'opposer les étudiants
47:49 les uns contre les autres.
47:50 C'est plus compliqué que ça.
47:51 Vous avez des étudiants...
47:53 D'abord, vous avez une véritable compassion qui s'exprime.
47:57 J'espère que nous trouverons un cadre
47:59 pour cette compassion qui s'exprime
48:02 pour les victimes de ce terrible conflit au Proche-Orient.
48:07 Bien, les populations civiles souffrent dans les guerres,
48:10 nous le savons bien.
48:11 Il est bien normal pour les étudiants et pour nous-mêmes
48:15 d'avoir un moment de recueillement,
48:17 exactement comme nous avons eu un moment de recueillement
48:20 dès que nous avons appris la mort, après le 7 octobre,
48:25 d'un étudiant juif en échange à un étudiant israélien.
48:29 Nous lui avons rendu hommage.
48:31 Et il y avait des représentants des différents partis
48:34 qui étaient là.
48:35 Vous voyez, donc, nous essayons, en effet,
48:38 d'équilibrer, non seulement, je dirais, nos positions,
48:43 mais également, toujours dans le cadre de notre mission,
48:47 encore une fois, pas dans la précipitation
48:50 et pas dans l'emballement
48:51 et pas par une prise de position politique
48:54 qui serait à la fois déplacée et dangereuse, me semble-t-il.
48:58 -Pierre Ouzouyas.
49:01 -Merci, monsieur le président.
49:03 Merci, madame la présidente, monsieur le secrétaire général.
49:06 Moi, j'aimerais d'abord, en préambule, dire, rappeler
49:10 que l'antisémitisme n'est pas un racisme comme les autres.
49:14 C'est un racisme bimillénaire
49:17 qui puise ses racines dans la constitution
49:21 de notre identité occidentale.
49:24 Et on voit, dans les formes d'antisémitisme actuel,
49:29 des résurgences de l'antisémitisme médiéval,
49:33 moderne, contemporain, vous les connaissez comme moi.
49:37 Je ne suis pas si sûr que le conflit
49:42 entre Israël et la Palestine rajoute une nouvelle dimension
49:46 aux formes de l'antisémitisme.
49:48 Je pense que, fondamentalement, elles restent les mêmes.
49:53 Moi, je ne veux pas revenir sur l'enquête en cours.
49:57 Vous avez été extrêmement précises là-dessus.
50:00 Ce qui me choque, comme vous,
50:02 c'est l'absence d'un dialogue respectueux,
50:06 raisonné, entre personnes qui s'écoutent.
50:10 Et à la place de ça, on a de plus en plus souvent,
50:15 dans le débat en général, mais dans le débat politique aussi,
50:18 des échanges d'anathèmes,
50:21 des expressions de pensée orthodoxes,
50:24 des désignations d'hérésies qu'il faudrait exterminer.
50:29 Et puis, pour emprunter l'expression de David Ralfa,
50:33 on a le sentiment que, très souvent, il s'agit de définir
50:36 des catégories morales, binaires et hypostasiques.
50:40 Et je pense que, dans ce qui s'est passé,
50:44 on est face à cette caractérisation-là.
50:48 Moi, j'aimerais demander à mes chers collègues
50:51 sénateurs et sénatrices,
50:53 est-ce que nous montrons toujours l'exemple, dans l'hémicycle,
50:56 d'un débat rationnel, apaisé, raisonnable ?
51:02 Certes, mais il est télévisuel.
51:06 Il est télévisuel.
51:08 Personne n'a vu ce qui se passait dans l'amphi de Sciences Po,
51:10 tout le monde voit ce qui se passe dans le Sénat.
51:12 Et parfois, je trouve que les formes du débat politique
51:15 à l'intérieur de l'hémicycle empruntent un peu
51:17 à ce que nous reprochons à ces étudiants.
51:20 Donc, il faut faire attention
51:21 de pas trop leur donner des leçons
51:24 et de commencer à nous appliquer à nous-mêmes
51:27 des recettes de rationalité.
51:31 Par ailleurs, moi, je suis un peu historien aussi,
51:35 et dans les années 60,
51:38 Sciences Po a été envahie par les marxistes.
51:40 Dans les années 70, par les maoïstes.
51:43 Les élites qui ont été formées par Sciences Po
51:45 dans les années 60 ou 70,
51:47 n'ont pas engendré des sociétés ni marxistes ni maoïstes.
51:51 Je ne crois pas.
51:53 Et il ne me semble pas.
51:55 Donc, il y a un décalage
51:57 entre ce que les étudiants font sur un campus
51:59 et puis après, ce qu'ils font quand ils rentrent
52:02 dans les sphères de l'administration publique.
52:06 Moi, je voulais surtout vous interroger
52:08 sur la façon dont le Premier ministre s'est invité
52:12 dans votre conseil d'administration.
52:14 Ça arrive à un moment
52:16 où France Université a demandé à monsieur Wischra
52:19 une mission sur les libertés académiques
52:22 et la façon de renforcer les libertés académiques.
52:27 Je pense qu'il ne rendra pas son rapport.
52:29 C'est malheureux
52:31 parce qu'il y a un sujet qui est tout à fait fondamental.
52:35 Et vous savez que dans d'autres pays
52:36 qui ont vécu des pages encore plus douloureuses que le nôtre,
52:41 je pense à l'Allemagne,
52:42 les libertés académiques sont d'ordre constitutionnel.
52:45 La grande loi allemande
52:47 protège la liberté académique des enseignants.
52:51 Et moi, j'ai enseigné à un enterre.
52:55 Alors, quand j'étais étudiant,
52:57 on passait entre les portraits de Che Guevara, Mao, etc.
53:00 Mais en tant qu'enseignant,
53:03 je trouvais que les étudiants étaient bien peu politisés
53:06 que ce que moi, j'ai connu quand j'étais étudiant.
53:08 Il y a une baisse de culture politique,
53:11 ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas des revendications
53:17 parfois sectaires et radicales d'un point de vue politique,
53:20 ce qui n'est pas la même chose.
53:21 Je distingue les deux
53:23 et je trouve qu'il y a une perte de réflexion politique
53:27 en général pour les étudiants.
53:28 Peut-être pas à Sciences Po, mais c'est ce que j'ai senti
53:31 là où je vous ai enseigné à un enterre et à Paris 1.
53:34 Mais pour finir,
53:36 est-ce que le Premier ministre de la République française
53:40 se serait invité au conseil d'administration
53:42 de l'université de Paris 10, Nanterre ?
53:45 Je ne crois pas.
53:47 Et donc, je me demande pourquoi il y a cette relation
53:50 si particulière entre les hommes politiques
53:53 au sommet de l'Etat et Sciences Po.
53:56 Est-ce qu'on ne pourrait pas trouver une forme d'apaisement
53:58 pour que vous puissiez, comme les autres universités,
54:01 jouir à peu près de la même liberté académique ?
54:04 Merci, M. le Président.
54:06 -Juste sous forme de boutade, avant de vous laisser la parole,
54:08 Mme la Présidente, j'ai été moi-même étudiant à Nanterre
54:11 puis à Sciences Po. J'ai vu les affiches à Nanterre
54:13 de Che Guevara et de Mahaut.
54:15 Je les ai pas vues à Sciences Po, Pierre.
54:17 Mme la Présidente.
54:20 -Bien. Je prendrai les choses par ordre, M. le sénateur.
54:23 Si vous le voulez bien, je vous dirai d'abord
54:26 que sur l'antisémitisme, je suis inquiète.
54:29 Comme vous, je suis inquiète, comme nous tous et toutes,
54:31 nous sommes inquiets.
54:33 C'est une vieille histoire avec la France.
54:36 J'ai dû, je vous avoue, rédiger la postface de mon livre
54:39 qui va sortir aux éditions de Poche prochainement,
54:43 au mois d'avril.
54:44 J'avoue, ce livre s'appelle "L'art de la défaite",
54:50 porte sur la vie artistique pendant l'occupation.
54:53 J'avoue, évidemment, le mon malaise
54:56 de devoir écrire cette postface avec un sentiment étrange
55:00 de voir des choses...
55:03 L'histoire ne se répète jamais deux fois de la même façon.
55:06 Mais enfin, bref, c'était un vrai malaise.
55:09 Quand même, sur cette question-là,
55:12 j'aimerais ajouter peut-être quelques précisions.
55:14 Je n'ai pas été suffisamment précise
55:17 sur les actions qui sont menées contre l'antisémitisme.
55:20 Sensibilisation obligatoire de tous les responsables associatifs
55:25 étudiants à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme,
55:29 et vous avez raison de séparer les deux,
55:31 assurée par la LICRA.
55:33 Partenariat avec le mémorial de la Shoah
55:36 pour renforcer l'action de sensibilisation
55:38 depuis avril 2023.
55:41 À partir de juillet 2024,
55:43 module obligatoire de formation en ligne
55:46 contre toutes les formes de discrimination
55:48 pour les étudiants, les enseignants,
55:50 les chercheurs et les salariés,
55:53 et une psychologue dédiée pour les étudiants
55:55 touchés par les attentats du 7 octobre.
55:59 Donc, ce que je voudrais vous dire...
56:01 J'ajoute à ça des cours qui sont donnés,
56:03 en particulier le cours de François Elbron
56:05 sur l'histoire des Juifs au campus de Menton.
56:09 Bien. Et d'autres choses devraient être dites
56:11 parce qu'évidemment, il y a 3 000 cours dans Sciences Po par an.
56:16 Vous imaginez bien que même la présidente,
56:20 peut-être surtout la présidente,
56:21 n'est pas au courant de tout ce qui se passe à Sciences Po.
56:24 -Voilà pour l'audition de Laurence Bertrand d'Orléac,
56:28 la présidente de la FNSP, la Fondation nationale,
56:31 des sciences politiques,
56:32 qui s'est exprimée sur la situation à Sciences Po,
56:35 alors que cette école a été secouée par la polémique
56:38 la semaine dernière,
56:39 après qu'une étudiante de l'Union des étudiants juifs de France
56:43 s'est vue interdire l'accès à un amphithéâtre
56:45 lors d'une mobilisation pro-palestinienne.
56:49 Lors de son audition, Laurence Bertrand d'Orléac
56:52 a notamment tenu à dénoncer ce qu'elle a considéré
56:55 comme une caricature grossière faite de Sciences Po
56:59 et les accusations injustes et blessantes.
57:02 Elle a souhaité également redire l'intransigence de l'école
57:05 envers le racisme et l'antisémitisme.
57:09 Vous pouvez bien sûr voir et revoir cette audition
57:12 sur notre site publicsenat.fr
57:13 et tous les décryptages, tous les articles de la rédaction
57:16 sur ce même site.
57:18 Je vous souhaite une très bonne soirée sur les chaînes parlementaires.
57:21 (Générique)