En France, le handicap touche 12 millions de personnes et près de la moitié d’entre elles, environ 5 millions, ont moins de 15 ans.
Des enfants, des adolescents en âge d’être scolarisés… Mais parfois le handicap est trop lourd, pas adapté au cadre d’un établissement scolaire, et même si la loi de 2005 « donne le droit à chacun à une scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile », la réalité est plus complexe.
Alors, comment faire en sorte que l’école puisse accueillir au mieux ces jeunes ? Comment leur redonner une juste place, digne et adaptée ? L’école inclusive est-elle vraiment la solution ?
Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat.
Année de Production : 2023
Des enfants, des adolescents en âge d’être scolarisés… Mais parfois le handicap est trop lourd, pas adapté au cadre d’un établissement scolaire, et même si la loi de 2005 « donne le droit à chacun à une scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile », la réalité est plus complexe.
Alors, comment faire en sorte que l’école puisse accueillir au mieux ces jeunes ? Comment leur redonner une juste place, digne et adaptée ? L’école inclusive est-elle vraiment la solution ?
Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat.
Année de Production : 2023
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00:00 L'école de tous les possibles, un documentaire signé Anne Gauthier.
00:05 J'ai l'impression qu'on se bat contre un système qui ne veut pas de nos enfants.
00:09 C'est l'une des phrases terribles que je retiendrai de ce film.
00:11 Est-ce que c'est un peu vrai ?
00:13 Est-ce que notre société rejette ces enfants atteints de lourds handicaps ?
00:16 Au-delà des bonnes intentions, quelle place leur donne-t-on vraiment ?
00:20 Autant de questions qu'on va se poser avec nos invités que je vous présente tout de suite.
00:23 C'est Edric Vial, bienvenue.
00:24 Vous êtes sénateur de la Savoir, attaché au groupe LR,
00:27 membre de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.
00:32 Vous êtes à l'origine d'une proposition de loi qui vient d'être adoptée au Sénat.
00:35 L'État devrait désormais prendre en charge financièrement
00:39 l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien.
00:43 Et vous nous expliquerez pourquoi c'est important tout à l'heure.
00:45 Élisabeth Lamers, bienvenue à vous également.
00:47 Vous êtes vice-présidente de l'Unapei.
00:49 L'Unapei, c'est le premier réseau d'associations qui représente et défende
00:53 les intérêts des personnes avec troubles du neurodéveloppement,
00:56 polyhandicap et handicap psychique.
00:58 Et vous représentez également leur famille.
01:00 Angelo Barthélémy, bienvenue.
01:03 Vous êtes ce qu'on appelle un AESH.
01:05 Alors c'est un sigle qu'on va beaucoup utiliser pendant l'émission.
01:08 Donc je vais dire tout de suite de quoi il s'agit.
01:10 AESH, c'est accompagnant des élèves en situation de handicap.
01:14 Vous exercez au collège lycée Jules Ferry à Paris
01:17 et vous êtes membre de la FSU, Fédération syndicale unitaire.
01:21 Magali Jean-Claire, bienvenue à vous également.
01:23 Vous êtes professeure des écoles en REP,
01:25 réseau d'éducation prioritaire et vous êtes l'auteur de ce livre
01:28 "L'envers de l'école inclusive" chez Gallimard,
01:31 dont on a beaucoup parlé, on y reviendra évidemment avec vous.
01:34 Avant d'aller justement vers le sujet central de ce film
01:36 et de notre débat qui est l'école inclusive,
01:38 je voudrais qu'on revienne sur le constat, qu'on fasse un état des lieux.
01:42 Dans le documentaire, il est dit que plus de 50% des enfants handicapés
01:46 ont moins de 6 heures de scolarisation par semaine,
01:49 dont la moitié rien du tout.
01:52 Est-ce que vous nous confirmez ça, Elisabeth Lamère ?
01:54 Oui, tout à fait.
01:55 Alors, je ne peux évidemment que parler au sujet de notre réseau
01:59 parce que je n'ai pas d'autres chiffres, mais c'est exactement,
02:02 nous avons fait un sondage et à chaque rentrée,
02:06 nous lançons une action qui s'appelle "J'ai pas école",
02:10 marentraie.org, sur lesquelles tous les deux sites peuvent témoigner
02:15 les familles qui n'ont pas de solution de scolarité pour leurs enfants.
02:20 Dans le film, il est aussi dit que plus l'enfant grandit
02:22 et plus c'est compliqué de le scolariser,
02:25 et qu'après cinq ans, particulièrement, c'est le parcours du combattant.
02:28 C'est vrai ?
02:29 C'est le parcours du combattant, j'en suis la preuve vivante.
02:32 Oui.
02:32 J'ai une longue carrière de maman, donc c'est vrai qu'il faut,
02:38 comme aussi vu dans le reportage, dans le film,
02:43 il faut trouver des solutions parfois pour soi-même
02:45 et monter une équipe pluridisciplinaire pour faire accompagner son enfant.
02:49 J'ai trouvé que le constat était alarmant dans le film, Cédric Vial.
02:52 Est-ce que ça a aussi été votre sentiment et est-ce que vous le confirmez
02:54 ou est-ce que ça zoom sur quelque chose d'un peu extrême ?
02:58 Oui, extrême, je ne dirais pas ça, mais effectivement,
03:00 c'est une situation et des situations particulières.
03:04 La définition d'enfant en situation de handicap,
03:06 c'est une définition qui évolue en fonction du nombre de handicaps
03:09 aussi qu'on reconnaît, la société en reconnaît de plus en plus.
03:13 Je crois que c'est entre 2014 et aujourd'hui,
03:17 on est passé de 120 000 enfants en situation de handicap,
03:20 reconnus par les MDPH, par le réseau départemental
03:24 qui reconnaît les handicaps dans l'école,
03:26 à quasiment 490 000 aujourd'hui.
03:29 Donc le chiffre qui est utilisé dans le film,
03:32 moi je l'ai découvert dans le reportage, il est effectivement édifiant.
03:35 Je pense qu'il s'adresse plutôt à des enfants en situation de polio handicap,
03:39 mais pas des enfants en situation de handicap tel qu'on le…
03:42 Qu'est-ce qu'on a mis derrière le mot handicap ?
03:45 Ceux qui ont des troubles de l'attention, TDAH par exemple,
03:48 peut-être qu'on ne reconnaissait pas avant comme un handicap ?
03:49 Non, mais les enfants en situation de handicap
03:51 tels qu'on les reconnaît dans l'école inclusive,
03:54 finalement les 490 000,
03:56 ils sont en immense majorité scolarisés, presque tous.
04:03 Là, on se retrouve sur des cas de polio handicap assez lourds,
04:07 dans lesquels on n'a pas de solution ou peu de solution,
04:10 ou des solutions qu'on voit qui nécessitent un combat,
04:12 ça a été dit, ou un engagement.
04:14 Et parmi ces enfants, effectivement,
04:16 là on a des situations qui dérogent à toutes les règles de droit commun.
04:20 C'est-à-dire que quand on dit qu'ils sont…
04:22 La moitié ne sont pas scolarisés, ou…
04:24 Non, un quart, je crois, ne sont pas scolarisés,
04:25 ou la moitié…
04:26 Plus de 50% ont moins de 6 heures de scolarisation par semaine,
04:29 dont la moitié, rien du tout.
04:31 Heureusement, ce n'est pas la cohorte des 490 000
04:33 qui correspond à cette définition, heureusement.
04:35 Mais par contre, c'est une situation qui est complètement anormale.
04:39 Et si on n'a pas de solution aujourd'hui pour ces enfants,
04:42 et pour ces familles,
04:44 ce n'est pas une situation qui est normale,
04:47 et qu'on ne doit pas prendre comme une statistique,
04:48 mais comme un défi à relever.
04:50 Je parlais de parents plongés dans le désarroi, Magali Jean-Claire.
04:53 Cette phrase que j'ai retenue,
04:54 et qui vous avez peut-être vous aussi marquée,
04:56 j'ai l'impression qu'on se bat contre un système
04:58 qui ne veut pas de nos enfants.
04:59 C'est une phrase terrible, mais est-ce qu'elle dit une réalité, d'après vous ?
05:02 Alors, le problème que je vois là,
05:06 c'est que l'école inclusive, ça fait 20 ans,
05:09 elle date de 2005,
05:11 donc elle a subi des avancées, des modifications,
05:15 fait silence sur le fait que le handicap n'est pas homogène.
05:21 C'est-à-dire qu'on a une diversité
05:25 et des familles de handicaps extrêmement contrastés,
05:29 donc avec des handicaps sévères ou des handicaps beaucoup plus légers,
05:34 qui fait que la loi reste très générale.
05:39 Et le problème, c'est qu'on a très peu d'évaluations sur le terrain
05:44 de l'inclusion qui se fait.
05:48 - On mélange tous les handicaps, on les met tous au même niveau ?
05:52 - Oui, on a tendance à indifférencier,
05:53 parce que le principe de l'école inclusive,
05:55 c'est quand même de donner, d'offrir un enseignement unique,
06:02 l'enseignement ordinaire, à des profils d'enfants
06:06 qui ont des besoins extrêmement différenciés.
06:09 - Il y a quelque chose qui ne va pas déjà dans le texte ?
06:11 - Il y a un problème de nuance,
06:12 c'est qu'on est un petit peu dans une vision assez binaire
06:16 de pour l'inclusion, contre l'inclusion.
06:18 Souvent, c'est ce qu'on nous dit.
06:20 Moi, en fait, avec le livre, par rapport à l'envers de l'école inclusive,
06:25 c'est un livre contre l'exclusion, parce que même pour certains enfants,
06:28 parce que là, on parle de ce documentaire,
06:30 mais en avant et en lumière, une situation absolument dramatique,
06:34 c'est-à-dire que ce sont des enfants qui sont exclus du système tout court.
06:39 - Pour lesquels il n'y a rien.
06:41 - Et on sait, donc il faudrait poser la question, pourquoi ?
06:45 Ensuite, l'autre question, c'est comment fait-on pour scolariser ces enfants ?
06:50 Est-ce que l'école ordinaire est le mode adapté ?
06:55 Parce que la proposition théorique de l'école inclusive,
06:59 c'est que l'école doit pouvoir s'adapter sans limite à chacun.
07:05 Or, dans la pratique, cette idée très simple d'un point de vue sémantique
07:11 se heurte parfois.
07:14 C'est là que le problème de l'inclusion,
07:17 il y a un souci où ça fait silence sur certains handicaps
07:20 qui ont une spécificité.
07:24 Vous voulez intervenir ?
07:26 - Je vous rejoins tout à fait sur le fond.
07:29 Juste sur la forme, une précision.
07:31 La loi de 2005, elle ne parle pas d'école inclusive,
07:34 elle parle de parcours de scolarité qui doit être continu et adapté.
07:39 C'est en 2014 qu'on parle d'école inclusive,
07:41 qu'on introduit ce nouveau concept, donc ça fait 10 ans.
07:43 Et c'est vrai qu'on a avancé par étapes.
07:45 La loi de 2005, elle introduit deux principes.
07:48 A la fois le besoin d'une scolarité adaptée,
07:52 avec un parcours de l'enfant qui doit suivre l'enfant.
07:55 Et deuxièmement, le concept de pédagogie adaptée
07:58 et de compensation, d'accessibilité.
08:00 - Je la cite aussi, elle donne le droit à chacun
08:01 à une scolarisation en milieu ordinaire,
08:03 au plus près de son domicile.
08:04 Quels sont les termes ?
08:05 - Si vous voulez, en droit, un enfant a le droit
08:11 de s'inscrire à l'école de son quartier.
08:13 Et on ne doit pas faire de distinction.
08:15 Donc ça, c'est en termes de droit.
08:17 - Votre quotidien à vous d'AESH,
08:19 justement d'accompagnant Angelo Barthelemy.
08:21 Moi j'entends des termes très durs,
08:23 même en préparant cette émission,
08:24 dans des articles on parle de système maltraitant.
08:27 Qu'est-ce que vous constatez, vous ?
08:29 - Alors, je constate que des maltraitances
08:32 par le système, il en existe.
08:35 On scolarise le plus possible les élèves que nous recevons.
08:41 Dans mon établissement, la cité scolaire Jules Ferry,
08:43 dans le 9ème arrondissement de Paris,
08:46 nous scolarisons des élèves à mobilité réduite,
08:50 des élèves atteints de troubles des apprentissages,
08:54 notamment les dyslexies, les dyscalculies, les dysphasies.
08:58 Des élèves avec des troubles du spectre autistique.
09:03 Des élèves aussi avec des troubles du comportement
09:05 et particulièrement avec des troubles d'hyperactivité.
09:11 J'ai accompagné des élèves de chacun de ces profils
09:16 depuis 2012, quand j'ai été engagé,
09:20 sans formation spécifique à cela.
09:22 Le rapport de M. Vial pointe justement
09:25 que les 60 heures de formation initiale
09:29 pour tous les AESH sont très rarement effectuées
09:32 avant la prise de service.
09:34 - Pourquoi ? Parce qu'il y a une urgence ?
09:36 Parce qu'il faut vite recruter ?
09:38 - J'ai été recruté en octobre, pas en septembre.
09:40 En octobre, parce qu'il y avait beaucoup de démissions
09:43 à ce moment-là et qu'il fallait absolument
09:46 qu'il y ait des personnes présentes aux côtés des enfants
09:48 parce qu'un enfant qui a besoin d'un AESH
09:52 ou d'une AESH plus généralement,
09:55 qui n'est pas accompagné,
09:56 ça va être très dommageable pour l'enfant
09:58 et pour sa scolarisation.
10:00 Ça peut être dommageable aussi pour le groupe classe
10:02 et pour les enseignants qui l'accompagnent.
10:06 Mais ça va bien sûr dépendre du type de handicap.
10:09 - Élisabeth Lamers, qu'est-ce qui existe,
10:11 qu'est-ce qui l'existe aujourd'hui pour les parents d'enfants
10:15 qui sont porteurs de lourds handicaps ?
10:17 Et je ne parle pas effectivement des troubles de l'attention,
10:19 je parle des types d'enfants que l'on voit dans ce documentaire.
10:22 Il est notamment question de l'IME, Institut Médical Éducatif,
10:26 où le directeur admet lui-même que c'est presque une garderie,
10:29 qu'il ne fait pas grand-chose pour les faire progresser, ces enfants.
10:32 - Oui, j'étais assez choquée, j'ose dire,
10:34 de cette description de l'IME,
10:36 parce que nous avons dans notre réseau 480 IME.
10:39 - D'accord.
10:40 - Alors, ce que je trouve toujours, c'est qu'on dit que voilà,
10:43 l'enfant doit être inclus, l'enfant doit être à l'école,
10:47 il doit faire, il a le droit d'aller à l'école de sa proximité.
10:50 Mais il faut d'abord voir de quoi a besoin cet enfant.
10:54 On part des besoins de l'enfant,
10:55 on essaye de voir comment peut-on faire avancer cet enfant.
10:59 - D'accord.
10:59 - Un enfant lourdement handicapé, oui, peut-être,
11:01 comme on a vu dans le reportage, a besoin déjà de la communication,
11:06 comment ça s'appelle ? La communication augmentée, alternée.
11:09 - D'accord. - Alternative, voilà.
11:11 Et donc, toutes ces techniques et aussi dans le savoir
11:15 des personnes qui sont dans l'IME.
11:16 Dans l'IME, aujourd'hui, dans notre réseau,
11:19 il y a des éducateurs spécialisés, il y a des psychomotriciens,
11:22 il y a tout un projet autour de l'enfant.
11:25 Et peut-être l'inclusion dans une école, par moment,
11:30 peut être bénéfique, peut-être pas tout le temps.
11:32 - Mais ces critiques contre l'IME vous ont un peu choqué,
11:34 Elisabeth Lamertz ? Vous trouvez que c'est un peu exagéré,
11:36 un peu dur de dire que ce sont de simples garderies ?
11:38 - Non, il y a sûrement, il y a sûrement,
11:41 et on a bien vu que l'enseignant qui est envoyé dans l'IME
11:44 pour faire la pédagogie, il est lundi, mardi, mercredi,
11:48 sur le mur, et il n'était absolument pas adapté
11:51 aux enfants qui ne savent pas lire.
11:52 Donc, il y a peut-être aussi à renforcer le travail
11:56 entre l'île médico-sociale et l'éducation nationale
11:59 pour que, justement, cette convergence serve à l'enfant
12:02 et qu'on ne fasse pas deux silos, qu'on fasse, OK,
12:05 ils vont à l'école, mais voilà, on se débrouille avec des AUSH
12:09 qui font face à des problèmes incroyables.
12:12 Et puis l'autre, c'est l'IME, peut-être il y a juste...
12:14 - Mais ce qui ressort, c'est que, du film en tout cas,
12:16 vous allez me dire si j'ai eu raison,
12:17 j'ai l'impression qu'on a mis du temps à comprendre
12:20 que ces enfants, même lourdement handicapés,
12:22 pouvaient progresser, qu'il y avait une progression possible
12:25 sur le plan moteur, sur le plan cognitif,
12:26 et qu'on n'en a pas vraiment tenu compte.
12:28 C'est vrai ou pas ?
12:28 - Mais moi, je pense que, tout simplement,
12:31 on ne s'est pas intéressés à ces enfants-là.
12:32 - Oui, c'est ça.
12:33 - Et le problème, en fait...
12:34 - C'est pour ça que je vous parlais de rejet de la société,
12:36 c'est pour ça que j'ai commencé avec ça.
12:37 - Il y a un problème central,
12:39 et malheureusement, je ne sais pas comment on peut y répondre,
12:41 parce que je ne suis pas optimiste quant à ça,
12:45 c'est qu'il y a un problème de pénurie de personnel,
12:48 mais à tous les niveaux.
12:49 Donc, s'il y a des conditions de réussite,
12:52 pour une inclusion la plus réussie possible,
12:56 on ne peut pas laisser un enseignant seul
12:59 avec un enfant inclus dans une classe.
13:02 Si vous voulez, l'inclusion physique n'est absolument pas suffisante,
13:05 si on entend par inclusion des apprentissages.
13:09 Parce qu'il y a une confusion aussi,
13:11 c'est que parfois, l'inclusion sert la socialisation,
13:15 l'ouverture au monde,
13:17 qui peut être une façon de stimuler un enfant
13:19 et qui a ses bénéfices à la fois pour l'enfant handicapé,
13:23 polyhandicapé...
13:23 - Et pour les autres enfants.
13:24 - À la fois aussi pour les autres.
13:25 - Bien sûr.
13:26 - Mais cette inclusion-là, elle ne dit pas tout.
13:29 C'est-à-dire qu'il y a le volet pédagogique,
13:32 qui est en soi une problématique, mais qui est centrale
13:35 et qui n'est jamais bien étudiée.
13:37 C'est-à-dire, comment vous faites,
13:40 du point de vue de l'enseignement,
13:42 ordinaire, unique, par niveau, par cycle,
13:45 avec des objectifs pédagogiques,
13:47 pour inclure dans une classe d'âge,
13:50 de chaque classe d'âge, un enfant qui a un retard ?
13:53 Et là, je ne parle pas forcément des handicaps très lourds.
13:55 Donc, moi, j'ai des élèves, si vous voulez,
13:58 qui se sont retrouvés avec une aide humaine à moindrie,
14:03 alors qu'on avait demandé à ce qu'ils soient orientés
14:06 vers un système plus soutenant de l'unité localisée
14:09 d'inclusion scolaire, qui est la présence
14:11 d'un enseignant spécialisé et la navette,
14:13 si vous voulez, entre la classe ordinaire
14:15 et un enseignement un tout petit peu plus proche
14:20 de ces problématiques.
14:22 - Alors, l'objectif final, et je vais vous redonner la parole,
14:25 l'objectif final de Laura Kobigo, qui est cette maman
14:27 qui a créé cette école en deux ans,
14:29 c'est à terme d'intégrer ses enfants
14:31 dans un établissement scolaire ordinaire.
14:33 Et donc, c'est effectivement ce qu'on appelle
14:34 l'école inclusive.
14:35 Alors, est-ce que c'est vraiment et absolument
14:37 le chemin à prendre ?
14:39 Je vais vous poser la question.
14:40 On s'aperçoit dans le film que les choses ne sont pas si simples
14:42 quand il y a l'école inclusive.
14:43 Vous l'avez vécu, mais c'est aussi un extrait intéressant
14:46 du film, on regarde.
14:47 - Ça se passe mal avec d'autres enfants
14:49 qui n'ont pas la chance d'avoir un AESH avec eux.
14:55 C'est compliqué.
14:56 Ça peut abîmer toute une classe,
14:58 parce que quand ça se passe mal,
15:01 ce n'est pas que l'enfant qui va mal qui va mal,
15:05 c'est aussi tous les autres.
15:07 Ça peut être les enseignants, l'enseignant de la classe,
15:10 mais tous les enseignants aussi de l'école qui en pâtissent.
15:13 Et cette année, justement, on a eu deux cas dans notre école.
15:16 Gaba, un autre enfant, une bonne intégration
15:20 et une plus difficile.
15:22 - Cédric Vial, c'est difficile de se faire un avis
15:25 après un tel extrait, après un tel témoignage.
15:27 Est-ce que oui ou non, l'école inclusive est la solution
15:31 ou est-ce qu'en fait, il faudrait tellement de moyens
15:33 pour que ce soit la solution ?
15:35 - C'est presque une conclusion qu'elle a dit,
15:36 je pourrais y revenir, elle a tout à fait raison.
15:39 Ce qu'elle décrit, c'est les conséquences
15:42 ou les symptômes de la désorganisation
15:45 de notre système d'école inclusive.
15:47 Est-ce que l'inclusion, c'est la solution ?
15:50 C'est une solution ?
15:52 C'est un objectif, moi, je dirais.
15:54 Plus que la solution, c'est un objectif.
15:55 On l'a bien vu dans le reportage.
15:57 On doit se fixer comme objectif l'inclusion scolaire.
16:00 - Pour vous, il faut tendre vers ça ?
16:02 - Oui, il faut tendre vers ça, mais ça ne veut pas dire
16:04 tout le monde au même rythme, en permanence et tout le temps.
16:07 L'objectif, ce n'est pas que chacun ait une place,
16:11 c'est que chacun soit à sa place.
16:13 Et faire en sorte qu'un enfant, il peut avoir besoin de temps,
16:16 de temps en petit groupe, avant d'aller,
16:19 mais il a besoin aussi d'être socialisé
16:20 dans les plus grands groupes.
16:21 Ce temps, ça peut être une inclusion qui peut être partielle,
16:24 sur la semaine, on l'a vu tout à l'heure,
16:25 ça peut être une inclusion qui peut être complète
16:28 pendant une période et puis ensuite partielle dans la durée.
16:33 Je pense qu'il faut faire de la dentelle,
16:36 finalement, s'adapter aux enfants.
16:37 - Du sur-mesure.
16:38 - C'est ça.
16:39 Et c'est pour ça qu'on parle de parcours adapté.
16:42 L'inclusion, c'est l'objectif.
16:43 L'objectif, c'est quoi, face à un enfant
16:45 qui est en situation de handicap ?
16:46 C'est quand c'est possible de lui permettre de devenir autonome
16:50 et quand ce n'est pas possible, on l'a vu dans les cas
16:52 qu'on a vus là, c'est pas possible,
16:53 c'est de les rendre plus autonomes.
16:55 Et cette autonomie, ce développement,
16:59 ça passe par un parcours qu'il faut faire sur mesure.
17:02 Et on l'a dit un peu tout à l'heure sur les IME,
17:04 il ne faut pas faire le procès des IME,
17:05 je crois qu'on en a besoin.
17:07 Ils sont probablement à l'origine aussi peut-être des problèmes
17:12 et de la solution de demain,
17:13 mais il faut qu'on rapproche effectivement les deux mondes.
17:18 L'éducation nationale doit rentrer plus qu'elle ne le fait,
17:20 elle le fait déjà, mais plus qu'elle ne le fait aujourd'hui
17:22 dans les IME et inversement,
17:25 le secteur médico-social doit aussi rentrer dans l'école.
17:27 Il faut rapprocher ces deux mondes parce qu'effectivement,
17:29 on doit sortir de l'institut occupationnel pour…
17:33 L'IME, c'est aussi de l'école.
17:34 On doit aussi faire l'école à l'IME,
17:36 comme on peut faire l'IME à l'école.
17:39 Mais aujourd'hui, il ne faut pas qu'au nom de l'inclusion
17:42 qui deviendrait une religion,
17:44 on refuse d'autres modes de prise en charge
17:46 qui sont plus adaptés à certains enfants.
17:48 Et aujourd'hui, je reviens, si vous laissez un tout peu de temps,
17:51 sur le discours de cette dame, de cette institutrice,
17:54 qui on ne peut plus, on le sent dans son discours.
17:57 Si on est honnête, aujourd'hui,
17:58 une des causes du mal-être des enseignants,
18:01 c'est aussi lié à l'école inclusive.
18:04 Des enseignants qui ne savent plus prendre en charge certains enfants,
18:08 qui ont l'impression de ne plus savoir faire leur métier,
18:10 d'être dépassés face à des situations.
18:11 Pourquoi ? Parce qu'ils ont en face d'eux
18:14 des situations auxquelles ils ne sont pas préparés,
18:16 qui sont trop lourdes pour être en milieu ordinaire comme ils le sont.
18:19 Et pourquoi ils sont là, certains enfants ?
18:21 Parce qu'ils devraient être peut-être en classe,
18:22 en dispositif Ulysse pour certains,
18:24 un dispositif adapté, dans lequel il n'y a pas de place,
18:26 parce qu'on a des enfants qui aimeraient ou auraient dû,
18:29 peut-être, relever d'un IME,
18:30 et ils sont en classe Ulysse parce qu'il n'y a pas de place en IME, etc.
18:33 Et c'est un cercle vicieux.
18:34 Si on arrivait à faire de la dentelle,
18:36 à que chacun soit à sa place...
18:39 - Ça éviterait beaucoup de souffrances, notamment du corps enseignant.
18:41 - On manque au moins de 10 000 places en IME aujourd'hui.
18:45 Si on arrivait à créer ces places supplémentaires en IME,
18:49 avec un accompagnement de l'éducation nationale,
18:51 je suis sûr qu'on soulagerait tout le reste du système jusqu'à la classe de plus.
18:55 - La réalisatrice dit "l'inclusion a été décrétée, mais pas préparée".
18:59 C'est précisément ce que vous avez ressenti, vous aussi ?
19:03 - L'inclusion, je l'ai découverte en étant engagé comme AESH.
19:05 Je ne connaissais pas le métier, deux jours avant d'être recruté.
19:09 Pour autant, c'est quelque chose qui,
19:13 quand elle est faite avec des AESH, se passe globalement bien.
19:18 À Jules Ferry, on a un enfant non-verbal, autiste,
19:22 qui est scolarisé chez nous, qui progresse,
19:25 et qui peut progresser dans le secondaire.
19:27 Il y a récemment eu une campagne...
19:28 - Et ça se passe bien pour tout le monde ?
19:29 - Ça se passe bien.
19:30 - Y compris pour les autres de la classe, pour les enseignants ?
19:32 - Oui. Simplement trouver une place pour l'AESH dans la salle de classe,
19:36 ça devient un problème.
19:37 Et recruter suffisamment d'AESH pour permettre l'accompagnement,
19:41 pour ne pas émietter non plus l'accompagnement,
19:43 c'est un problème.
19:43 - Et même son intégration dans le corps enseignant ?
19:45 On a des témoignages d'AESH qui disent
19:47 "moi j'ai même pas le droit d'accès à la salle de prof".
19:49 Il faut aussi que ça se passe bien de ce côté-là.
19:52 Est-ce que les enseignants intègrent toujours les AESH
19:54 dans leur équipe pédagogique ?
19:56 - Les situations sont extrêmement variables.
19:59 Moi, j'ai connu des situations...
20:00 Alors, il faut parler aussi du recrutement des AESH.
20:03 Là, je pense que récemment, il y a eu quand même du changement
20:05 au niveau de la qualification, parce qu'il faut savoir
20:09 que le livre que j'ai écrit, le déclencheur a été
20:12 justement une situation ubuesque.
20:15 J'avais un élève autiste qui était...
20:17 Bon, déjà, qui n'avait pas d'AESH à sa rentrée scolaire.
20:21 Et qui... Pourquoi ?
20:23 Parce qu'il n'y avait pas de candidat.
20:24 C'est-à-dire qu'il y a toujours la pénurie de recrutement.
20:27 Il faut savoir aussi que l'emploi d'AESH
20:31 est quand même un statut précaire.
20:32 C'est un emploi précaire.
20:33 Et en 2015...
20:34 - Quand vous dites précaire, c'est-à-dire qu'il est sur une courte durée ?
20:37 Il n'est pas un CDI du temps partiel ?
20:38 - Nous sommes contractuels.
20:39 Nous sommes recrutés maintenant en CDD de trois ans,
20:43 la première embauche.
20:44 Et au bout de ces trois ans, nous sommes CDIS.
20:46 - Avec un salaire de combien ?
20:48 - L'équivalent du SMIC.
20:49 - L'équivalent du SMIC.
20:50 - Ou certains, 700 euros par mois, parce qu'ils ont du temps partiel.
20:53 - C'est l'équivalent du SMIC, parce que c'est 24 heures d'un primaire.
20:57 - Il faut savoir que dans une semaine,
20:59 le temps en école élémentaire, c'est 24 heures.
21:01 Donc on est sur des temps partiels.
21:02 Et il y a cette problématique de vouloir...
21:06 Ce que je souhaitais dire, c'est qu'à la base, il y avait dans la loi,
21:11 d'ailleurs, quand on a inscrit l'accompagnement comme condition,
21:17 c'était sans condition de diplôme.
21:18 Donc on recrutait des personnes sans condition de diplôme
21:21 et pour des salaires de misère.
21:24 Et comme on n'avait pas de vivier,
21:26 puisque les personnes ne se présentaient pas à ces postes-là,
21:30 on a été chercher des personnes loin de l'emploi,
21:33 donc en forte précarité sociale.
21:35 Le nombre de personnes qui se sont retrouvées et qui sont bienveillantes,
21:38 il ne s'agit vraiment pas d'une question,
21:40 mais qui étaient complètement inadaptées
21:42 dans des situations d'accompagnement scolaire.
21:45 Vous comprenez à quel point on peut être démuni ?
21:47 - Elisabeth Lamers ?
21:49 - Oui, on parle toujours de l'inclusion.
21:52 On fait toujours en sorte, on pense, que nos enfants handicapés,
21:56 ils peuvent s'adapter à une classe.
22:00 Ça, c'est pas possible, ça marche pas dans ce sens-là.
22:02 Il faut que vraiment la classe soit inclusive.
22:05 Et pour que la classe soit inclusive,
22:06 il faut mettre tous les moyens en place.
22:08 - Quels sont-ils ces moyens ?
22:09 - Déjà, le métier de l'AESH, mais pas que.
22:13 C'est pas le Wonder Man qui peut d'un seul coup être...
22:16 - Wonder Woman plutôt.
22:18 - Qu'est-ce qu'il faudrait alors ?
22:19 - Mais vu que vous êtes...
22:20 Je ne voulais pas dire Wonder Woman quand même.
22:22 Et donc, c'est des éducateurs spécialisés
22:26 qui se connaissent justement en communication, en autisme,
22:29 qui se connaissent en...
22:31 Qu'est-ce qu'on attend d'un enfant ?
22:32 Dans le reportage, il n'y avait pas marqué
22:36 l'objectif pour le petit garçon, c'était de marcher.
22:40 C'était pas écrire ou lire et tout ça.
22:42 Donc, poser des objectifs et enlever le stress aussi des enseignants.
22:47 Être accompagné aussi par, je ne sais pas,
22:49 par toute une équipe pluridisciplinaire,
22:51 à condition que cet enfant soit pris par les professionnels en parallèle.
22:55 Donc, on ne dit pas à la maman, comme ça m'est arrivé,
22:58 on vous le prend une heure et demie,
22:59 vous venez le chercher au bout d'une heure et demie,
23:02 et ensuite, voilà.
23:04 - Mais pour vous, il faut tendre vers l'école inclusive
23:06 ou au fond, vous n'êtes pas convaincue,
23:08 même par le principe de l'école inclusive ?
23:10 - Bien sûr qu'il faut tendre à l'école inclusive,
23:12 mais il faut mettre des moyens.
23:13 On ne peut pas mettre un enfant comme ça dans la classe,
23:15 et débrutoir un enfant étant maltraité.
23:18 S'il a trop de bruit, si tous les enfants sont là,
23:21 il n'a pas l'habitude, il faut de l'accompagnement.
23:23 Et pas sur le dos des familles quand même,
23:25 pas sur le dos des mères,
23:26 pas une heure de scolarité le matin, vous ne faites rien.
23:30 Après, vous allez chercher toute l'équipe pluridisciplinaire
23:35 à l'extérieur, un peu ce qu'on avait vu,
23:37 parce que 25 ans après, cette femme dans le reportage
23:41 fait exactement la même chose que j'ai fait il y a 25 ans.
23:44 Incroyable !
23:45 Je n'en revenais pas.
23:46 - Cédric Vial, juste sur la proposition de loi
23:49 que vous avez faite voter au Sénat,
23:50 peut-être en dire un mot, puisque ça concerne les AESH
23:52 dont on parlait et on évoquait leur précarité,
23:55 c'est quoi exactement ?
23:56 - Alors, c'est deux choses.
23:59 C'est une loi qui propose que l'État reprenne en charge
24:02 l'accompagnement des enfants situés sur le handicap,
24:04 donc en gros les AESH, sur le temps de midi,
24:07 sur le temps de la cantine,
24:09 puisqu'aujourd'hui on avait une discontinuité
24:11 sur le temps qu'on dit méridien,
24:14 et qui posait deux problèmes.
24:16 Un premier problème de recrutement,
24:17 puisqu'il fallait que ce soit les communes
24:20 qui recrutent sur le temps de midi,
24:21 alors que c'était l'État qui recrutait sur le temps scolaire.
24:23 - D'accord.
24:23 - Donc il fallait proposer des contrats d'une heure et demie,
24:26 ça posait des difficultés en termes de droit du travail
24:28 pour le temps de pause, par exemple.
24:30 - Oui, et puis c'est très compliqué.
24:31 - Qui était plus payé pour les AESH
24:33 quand il y avait double employeur,
24:35 alors qu'il était compris, bref.
24:37 Il y avait une question statutaire,
24:38 une question de simplification aussi pour les AESH
24:43 et pour les collectivités,
24:45 et puis il y avait la volonté de garantir un accompagnement,
24:51 une continuité dans l'accompagnement de l'enfant.
24:52 Quand vous avez un enfant qui a des troubles autistiques,
24:55 on sait qu'une des difficultés, c'est de changer ses repères,
24:58 de changer d'adulte qui intervienne auprès de lui.
25:01 Et donc quand on changeait d'interlocuteur,
25:03 avec en plus de ça des agents qui intervenaient sur le temps de midi
25:05 qui n'étaient pas forcément formés comme les AESH pouvaient l'être,
25:09 qui ne font pas partie de l'équipe éducative,
25:11 qui étaient…
25:12 - Absolument pas adaptés aux handicaps.
25:15 - Et donc c'est une situation qui était apparue
25:19 par une jurisprudence du Conseil d'État
25:21 que le ministère avait provoquée.
25:22 - Donc si l'Assemblée vote votre proposition de loi,
25:25 à partir de bientôt ?
25:27 - Voilà, au mois d'avril, ça va permettre deux choses en gros.
25:29 Un, ça va permettre d'avoir une continuité plus forte
25:32 dans l'accompagnement des enfants en situation de handicap,
25:34 notamment les plus lourds.
25:38 On considère que c'est à peu près 10% des enfants qui ont un AESH
25:42 qui en ont besoin sur le temps de midi.
25:43 Un enfant qui est dyslexique,
25:44 il n'a pas besoin d'être accompagné sur le temps de midi.
25:46 Par contre, c'est 10% à peu près des enfants.
25:48 Donc, faciliter leur accompagnement,
25:50 permettre aussi un temps de travail supplémentaire
25:53 pour des AESH qui, on l'a dit,
25:55 ont aussi des problèmes de précarité dans l'emploi
25:58 et certains peuvent vouloir travailler plus
26:00 et donc pouvoir compléter leur temps de travail.
26:04 Et puis une simplicité administrative beaucoup plus forte
26:08 et une responsabilité reconfiée à l'État
26:10 qui permet aussi d'avoir des agents formés.
26:12 J'entends ce que vous avez dit tout à l'heure,
26:14 la situation pendant très longtemps,
26:15 c'était des emplois aidés, on appelait ça.
26:18 - Oui, des contrats aidés.
26:19 - Des contrats aidés, ce qui fait que c'était des contrats de courte durée.
26:21 On n'investit pas sur de la formation,
26:23 sur des gens qui vont nous quitter à la fin de l'année.
26:25 C'est pour ça que l'objectif, c'est vraiment aussi
26:27 de professionnaliser les AESH, d'en faire un véritable métier.
26:30 Ils sont 140 000 aujourd'hui.
26:32 C'est le deuxième métier de l'éducation nationale.
26:34 Ils étaient 35 000 à peu près il y a 10 ans.
26:36 Ils sont 140 000 aujourd'hui.
26:38 Après, les enseignants, c'est le deuxième métier.
26:39 - Par rapport à l'accompagnement.
26:40 - Il faut en faire un métier.
26:41 Il faut les former.
26:43 Il faut leur donner un véritable statut et il faut les accompagner.
26:46 Ça devient un métier de l'école.
26:48 - Il y a quelque chose de très important quand même à souligner
26:50 parce qu'on parle d'accompagnement, mais depuis 2019, on est en régression.
26:54 Il s'agit de l'accompagnement complètement dégradé
26:56 des enfants en situation de handicap
26:58 parce qu'on est passé à un nouveau principe, à la mutualisation.
27:02 C'est-à-dire qu'un enfant qui va être...
27:04 Que la MDPH, la maison du handicap,
27:06 c'est elle qui diagnostique le handicap
27:08 et fait la notification d'accompagnement.
27:10 Elle met un taux horaire, un volume horaire.
27:12 Donc, c'est revu à la baisse.
27:15 - En général, pour des enfants qui auraient besoin d'un accompagnement
27:18 qui ne soit même pas polyhandicapé, comme c'est le cas dans le documentaire,
27:21 mais qui peut avoir un handicap cognitif sans déficience intellectuelle,
27:25 mais qui ont autant besoin pour pouvoir être dans une classe ordinaire
27:30 d'une guidance.
27:32 Elle parle de guidance.
27:33 La personne, ils n'ont aucune autonomie.
27:35 Vous avez des enfants qui vont être noyés
27:37 au milieu de 25 autres enfants et qui vont vous dire "je comprends rien".
27:41 Vous faites des propositions,
27:45 vous n'êtes pas avec eux en continu
27:46 puisque vous vous occupez du reste du groupe.
27:48 Ça, c'est vraiment des questions complexes.
27:50 - Très concrètes, en plus.
27:51 - On parle d'accompagnement humain,
27:52 mais au quotidien, c'est l'obstacle majeur.
27:55 Donc, l'accompagnement, mais aussi le partenariat.
27:58 On parle d'équipe, on parle d'intervenants paramédicaux,
28:03 mais dans la classe, l'enseignant, il est seul.
28:05 - On va avancer un tout petit peu, pardonnez-moi,
28:07 je voudrais, parce que le temps file,
28:09 je voudrais qu'on évoque l'exemple belge.
28:11 Parce qu'en préparant cette émission,
28:13 je me suis rendu compte que l'exemple belge
28:15 était peut-être un exemple à suivre et je voudrais votre avis.
28:17 Et ce sera malheureusement la conclusion de notre émission.
28:19 Il se trouve que là-bas, le handicap est appréhendé différemment,
28:22 que les établissements ne sont pas segmentés
28:24 et qu'il y a quelques années,
28:25 on assistait même aux départs de milliers de Français
28:28 parce qu'ils y trouvaient un meilleur accueil qu'ici,
28:30 comme en témoigne cet article de West France qui date de 2020.
28:33 L'exécutif s'en est d'ailleurs soucié
28:35 et pour lutter contre ces départs non souhaités,
28:38 il a annoncé en mai 2023 la création de 1000 solutions nouvelles
28:41 pour les enfants, alors ça concerne le Nord,
28:43 le Nord-Ouest et l'île de France.
28:45 Qu'est-ce que le modèle belge propose que nous n'ayons pas ?
28:48 Est-ce que quelqu'un sait ? Vous savez ?
28:50 Il y a une approche du handicap étant marié,
28:53 mon mari est belge.
28:54 Ok, je ne le savais pas, donc vous voyez.
28:56 Il y a une approche vis-à-vis de la personne,
28:58 je pense qu'elle est peut-être un peu plus humaine.
29:01 Déjà, je pense qu'il y a une pédagogie
29:07 plutôt adaptée à l'enfant, on part de l'enfant.
29:10 On part tout simplement de l'enfant.
29:11 Je ne dis pas que ce n'est pas en France,
29:13 en France on fait pareil,
29:15 mais vu l'état, ce que vous décrivez comme situation,
29:18 c'est vrai que souvent j'ai des mamans qui ont des problèmes,
29:21 qui ont des enfants autistes, qui disent
29:22 "Oui, mon fils est parti en Belgique, il est très heureux".
29:25 Qu'est-ce qu'ils font de vraiment mieux ?
29:27 Finalement, vous ne le savez pas.
29:29 Je ne peux pas vous dire.
29:30 Je voudrais quand même rebondir sur quelque chose
29:32 que Mme Jean-Claire disait auparavant,
29:33 elle pointait du doigt une régression depuis 2019
29:37 et que M. Vial a pointé du doigt en commission au Sénat aussi,
29:41 en pointant du doigt qu'Emmanuel Macron
29:44 a amené un retour en arrière de 10 ans
29:46 parce qu'on a mutualisé les AESH.
29:48 Et donc un AESH n'accompagne plus un élève,
29:51 un AESH, une AESH accompagne plusieurs élèves.
29:54 Ça peut être plusieurs élèves en même temps,
29:56 ça peut être plusieurs élèves en temps.
29:59 Par exemple, 8 heures par semaine pour tel élève.
30:02 Je vous mets au défi de construire une relation significative
30:06 et ayant un réel apport pour l'élève en 8 heures seulement,
30:10 pouvant se réduire à 6 heures les années suivantes.
30:14 On parlait aussi des scolarisations qui commencent tôt
30:18 et qui se finissent très tôt.
30:20 De moins en moins d'élèves handicapés
30:24 vont vers simplement le collège, ensuite le lycée.
30:27 J'accompagne actuellement un élève en terminale.
30:30 S'il va en classe préparatoire, qui sont assez sélectives,
30:33 il pourra encore bénéficier de l'accompagnement d'un ou d'une AESH.
30:38 S'il va à l'université, il devra compter sur ses camarades étudiants.
30:41 Tout cela, c'est un problème que la France ne tient pas ses engagements
30:46 de ce point de vue-là et la France régresse aussi
30:48 quand elle mutualise, quand elle voit les AESH
30:50 comme des variables d'ajustement.
30:52 On m'a dit un jour que je devais attirer une fierté d'être interchangeable,
30:56 de pouvoir aller remplacer du jour au lendemain
30:59 dans une structure qui s'appelle le PIAL, le pôle d'inclusion,
31:03 et où je dois pouvoir remplacer n'importe laquelle de mes collègues
31:06 du jour au lendemain quand on me le demande.
31:08 - C'est un vrai appel, un cri d'alarme.
31:11 - C'est l'enfer de l'enfant quand même, parce que quand vous avez un enfant
31:13 dont on change l'accompagnant au pied levé plusieurs fois dans l'année...
31:17 - C'est une source de déstabilisation.
31:18 - Y compris pour des élèves autistiques.
31:20 - Mais je pense que, et on le voit, on l'a vu dans ce reportage,
31:24 finalement, c'est un engagement aussi.
31:27 Quand on est mère d'un enfant en situation de handicap
31:30 ou quand on est enseignant ou à ESH, c'est plus qu'un métier,
31:34 c'est un engagement, ça ne se fait pas tout seul.
31:38 Et on est dans un pays où on a des bonnes intentions,
31:41 des bonnes volontés et des moyens.
31:44 Et on pense qu'après, on met ça ensemble et ça se fait tout seul.
31:46 Non, on a besoin d'humains, on a besoin d'engagement,
31:49 on a besoin de règles et d'organisation.
31:51 J'ai fait un rapport l'année dernière, que vous avez cité tout à l'heure,
31:53 je vous en remercie, sur l'organisation de l'école inclusive
31:57 et notamment des AESH.
31:59 On constate que depuis 10 ans, il y a énormément de moyens,
32:02 si on est honnête, il y a énormément de moyens qui ont été mis.
32:04 Je vous dis, on est passé de 35 000 à 135 000 AESH.
32:07 Et pourtant, le système ne fonctionne pas.
32:08 - Mais pas suffisamment.
32:09 - Pourquoi ? On n'en trouvera pas 500 000.
32:14 Mais par contre, on a un vrai problème d'organisation.
32:16 Et aujourd'hui, il faut qu'on se penche là-dessus.
32:18 C'est pas parce qu'on va en rajouter, en rajouter, que ça va marcher.
32:21 Vous l'avez dit tout à l'heure, la compensation,
32:23 ce qu'on appelle la compensation, c'est l'aide humaine.
32:25 C'est important, mais ça passe aussi par la pédagogie adaptée.
32:31 On l'a vu tout à l'heure.
32:32 On a des enseignants qui doivent être accompagnés ou formés,
32:35 en fonction, pas forcément à tous les types de handicap,
32:37 en fonction des situations qui se présentent à eux.
32:40 Et c'est ce que les parents, vous ne les mentirez peut-être pas,
32:43 appellent l'accessibilité pédagogique.
32:45 On a parlé d'accessibilité comme d'une rampe pour l'accessibilité physique.
32:49 Il faut mettre en place une accessibilité pédagogique,
32:51 c'est-à-dire permettre aux enfants d'accéder au savoir aussi par une pédagogie nouvelle.
32:55 Ça, c'est le rôle de l'éducation nationale.
32:56 Elle n'a pas joué son rôle depuis ces dernières années.
32:58 Elle n'a pas joué son rôle de professionnalisation des AESH, de formation.
33:03 Elle a une organisation qui n'a pas évolué depuis dix ans,
33:06 alors qu'on est, je vous dis, on est passé d'un système embryonnaire
33:11 à un système de 135 000 agents, qui est énorme dans notre pays.
33:16 - Votre mot de conclusion, Magali Jean-Claire, rapidement,
33:17 et ensuite Elisabeth Lambert.
33:18 - J'ai dit juste qu'il y a, au-delà de l'école, en dehors de l'école,
33:22 la prise en charge du handicap, c'est un environnement.
33:24 Et le problème, c'est qu'il y a une régression.
33:27 La politique, la logique n'est pas cohérente.
33:29 C'est-à-dire que d'un côté, on va mettre tous les enfants à l'école,
33:32 mais il y a plein de structures qui sont attaquées.
33:34 Alors, au niveau de l'école, le RAZ a été démantelé.
33:37 - Le RAZ ?
33:38 - Le RAZ, c'est le réseau d'aide spécialisé dans l'école avec un rééducateur,
33:42 des professeurs spécialisés, rééducateurs, psychologues et aides pédagogiques,
33:49 qui prennent en charge des enfants et qui peuvent être dans la prévention
33:51 à l'école maternelle.
33:52 Les personnels de ce type ont été démantelés.
33:57 Donc, il y a eu des coupes drastiques de ces personnels-là.
34:00 - Vous pointez des incohérences.
34:01 Elisabeth Lambert, c'est pour conclure.
34:03 - Je pense que, de ce que je vois, c'est qu'il faut que le médico-social
34:07 et l'éducation nationale travaillent ensemble.
34:11 Quand on parle d'institutions, de l'IME qui sont un peu décriées,
34:15 mais ce sont finalement, ils vont être tous, ça va être transformé.
34:19 Ça s'appelle d'abord la transformation de l'offre et ça va être des plateformes.
34:24 On va s'adapter à l'enfant.
34:25 Du moment où on part du besoin de l'enfant.
34:28 Et il faut aussi un peu voir un peu plus loin.
34:31 L'enfant, ça va vite.
34:33 C'est très, très vite, on le sait.
34:34 Et il faut aller voir qu'est-ce qu'ils font les 20 ans, les 25 ans.
34:39 Il faut donc avoir une vision globale sur l'évolution d'un enfant handicapé.
34:43 Moi, je parle des handicapés avec neurodéveloppement.
34:47 Donc, il faut avoir une vue d'ensemble et aborder ce problème ensemble.
34:52 - Surtout qu'après, il y a le monde du travail.
34:54 On a parlé de l'école, mais après, il y a l'insertion professionnelle.
34:56 - Il ne faut pas...
34:57 Disons qu'il faut que ça ait une synergie.
34:59 Je pense que cette synergie peut faire que ça fonctionne.
35:02 - Et on s'arrêtera là-dessus. Merci.
35:04 Merci à tous les quatre d'avoir participé à cet échange.
35:06 Merci à vous de nous avoir suivis.
35:07 Émissions et documentaires à retrouver sur notre plateforme publicsena.fr.
35:10 Merci beaucoup. À bientôt sur Public Sénat.
35:12 [Musique]