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Sylvain Augier était un célèbre animateur de télévision français, connu pour ses émissions "La carte aux trésors" et "Faut pas rêver". En 2008, il a été invité par Mireille Dumas dans son émission "Vie privée, vie publique" pour parler de son combat contre l'addiction et la douleur.

Dans cet entretien poignant, Augier a révélé qu'il souffrait de douleurs chroniques depuis un accident de parapente en 1997. Pour soulager sa douleur, il a commencé à prendre des médicaments opioïdes, qui l'ont rapidement rendu dépendant.

Augier a décrit sa dépendance comme un "enfer". Il a perdu le contrôle de sa vie et a même envisagé le suicide. Heureusement, il a réussi à se sortir de cette spirale infernale grâce à l'aide de sa famille et de professionnels de la santé.

L'interview de Sylvain Augier par Mireille Dumas est un témoignage courageux et émouvant. Il permet de sensibiliser le public aux dangers de l'addiction et de la douleur chronique.

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Transcription
00:00 Je me garais à deux rues du studio, je m'enroulais sous une couverture pour pas qu'on me reconnaisse,
00:04 mais vraiment quatre heures avant l'enregistrement de l'émission.
00:07 Et quand je me réveillais au bout de quatre heures, après avoir avalé un ou deux comprimés
00:10 pour que ça fasse l'effet qu'il fallait, à savoir être réveillé,
00:14 là je faisais l'émission, je mettais toute l'énergie qu'il fallait,
00:16 mais comme à l'hôpital après l'accident, quoi. Et après je m'effondrais de nouveau.
00:19 Sylvain Augier, vous, vous avez caché pendant des années à votre entourage familial
00:26 votre dépression, l'addiction aux médicaments, à la morphine, on va dire pourquoi tout à l'heure ?
00:31 Mais oui, je l'ai caché à tout le monde parce que je voyais pas l'intérêt de me plaindre.
00:34 C'est le fameux "never explain, never complain" des Anglais, quoi.
00:37 T'expliques pas, tu te plains pas et t'avances, quoi. Et surtout souris.
00:40 Souris à la vie, et la vie te sourira, voilà.
00:42 Et aussi, peut-être que l'entourage n'a pas envie de savoir, aussi ?
00:46 Bah si vous en parlez pas, personne vous demande, hein.
00:49 Mais oui, je l'ai caché à tout le monde parce que je suis capable de faire semblant,
00:52 de faire que tout aille bien, alors qu'en fait à l'intérieur, ça allait pas si bien que ça.
00:55 Je raconte finalement la part d'ombre qu'il y a derrière la lumière de la notoriété
00:59 que nous donne la télévision.
01:01 Derrière, il y a un être humain comme les autres, quoi.
01:04 Alors Sylvain, il y a vraiment un avant et un après, donc ce moment où tout a basculé,
01:08 puisque c'est le titre de ce livre qui est paru aux éditions Carnet Nord,
01:12 il y a un mois et demi maintenant.
01:13 Pour tout accidenter, il y a un avant et un après.
01:15 Mon histoire est banale, je vous assure qu'elle l'est,
01:18 et je me dis que si ce livre peut aider ces gens à surmonter ces épreuves,
01:22 bah j'aurais pas été inutile, voilà.
01:23 Je le fais ce livre que pour ça, hein, que pour ça.
01:25 Quand on lit votre livre, ce qui ressort, c'est la descente aux enfers
01:29 à cause de cette douleur insupportable de ce pied que vous voulez absolument garder.
01:34 Vous auriez dû être amputé.
01:36 - Oui, plein de fois. - Vous décidez, voilà, plein de fois...
01:38 J'ai toujours refusé qu'on m'ampute parce que je voulais le garder.
01:40 Il avait tenu pendant une heure alors que j'aurais dû me tuer à cet instant-là.
01:44 - De bien mourir, oui.
01:45 - Oui, oui, c'est vraiment... À la suite de cette chute, j'aurais dû me tuer, oui.
01:48 - Et en fait, cette douleur est devenue tellement insupportable
01:51 que peu à peu, vous êtes rentré dans cet engrenage de médicaments, d'antiduverses...
01:55 - On vous donnait de la morphine à l'hôpital. - C'est ça.
01:56 - Et puis un jour, je suis tombé sur un dealer en blouse blanche,
02:00 un anesthésiste qui m'a dit "j'ai un sant antidouleur
02:02 et je peux vous faire une injection d'un produit qui va soulager votre douleur".
02:06 Vous pensez bien que j'y suis allé, c'était le bon Dieu, quoi.
02:08 Et il m'a fait une injection d'un produit qui, d'un seul coup, vous envoie au paradis.
02:13 Alors là, c'est vraiment...
02:14 Tous les symptômes du mal-être et de la douleur surtout disparaissent.
02:18 Mais le problème, c'est qu'une semaine après...
02:19 Alors, je lui ai dit "comment je vous dois, docteur ?"
02:21 "Mais rien, juste mes honoraires".
02:23 Et puis voilà, je me suis dit "quel merveilleux docteur".
02:26 Vraiment docteur Miral, quoi.
02:28 Et puis deuxième fois, troisième fois...
02:30 Et puis alors, les espaces se rapprochent.
02:31 On en a de plus en plus besoin.
02:33 C'est bien le problème d'ailleurs de l'accoutumance à la drogue en général.
02:35 - Bien sûr.
02:37 - Et puis il y a aussi un autre phénomène qui s'appelle l'assuétude,
02:39 qui est que vous avez besoin de plus en plus de doses pour obtenir le même effet.
02:43 Ce qui fait qu'au bout de trois mois, j'étais complètement accro, quoi.
02:47 - Et que là, il vous demandait de payer.
02:51 C'est pour ça que vous l'appelez "dealer".
02:53 - Bah oui, les trois premières fois, je lui ai dit "comment je vous dois ?"
02:55 Il m'a dit "rien".
02:56 Et puis la quatrième fois, il m'a dit "ah, ceci, ça va coûter un petit peu plus cher".
02:59 Et puis c'était devenu de plus en plus cher,
03:01 jusqu'à ce que je découvre que, évidemment, c'était un voyou
03:04 qui, j'espère, n'opère plus dans le corps médical, mais ça, j'en sais rien du tout.
03:08 - Et qui vous a rendu complètement addict à ce produit.
03:11 - Ah bah il m'a rendu accro à la morphine.
03:13 Je suis devenu morphinomane à un niveau dédié.
03:15 - C'est très grave, puisqu'à un moment donné, vous le rejoignez dans des endroits improbables.
03:19 Vous dites "je me choute dans les toilettes de la clinique,
03:21 dans celle du premier troc qui est venu, je me pique carrément sous la langue".
03:25 Pour éviter d'avoir des bleus sous les bras, enfin c'est un truc d'enfer.
03:28 - Alors ça devient l'enfer quand on passe par la crise de manque qui est épouvantable.
03:32 Et puis c'est l'enfer aussi, parce que si on fait une légère overdose,
03:35 on fait tout simplement un arrêt respiratoire. Le coeur s'arrête de battre.
03:37 - Pardon, Boris Cyrulnik, oui.
03:39 - Ce que dit Sylvain, c'est tout à fait vrai, mais aujourd'hui, il y a des morphines plus précises
03:44 qui font que, par exemple, chez les cancéreux, on donne de la morphine,
03:47 c'est eux-mêmes qui s'injectent avec des petites pompes la morphine,
03:49 et ils arrêtent à la goutte près, et il n'y a jamais d'accrochage aujourd'hui à la morphine.
03:54 - Et combien d'années, combien de temps vous l'avez fait ?
03:57 - À ce niveau-là, de toxicomanie ? Quelques mois.
04:00 - Quelques mois ? - Oh oui, j'ai vite compris.
04:01 - Et le temps global, ça a duré plusieurs années, ça a été terrible.
04:04 - Oui, mais ça, je le traitais avec des petits comprimés qui étaient assez puissants.
04:10 Je faisais des cocktails moi-même pour essayer de supprimer cette douleur.
04:13 Et puis aussi, comme je faisais la télévision, la radio, il fallait faire bonne figure, tenir.
04:19 - Alors, ce qui est incroyable, justement, dans ce que vous racontez,
04:22 c'est évidemment que c'est pour effacer la douleur, mais c'est aussi pour travailler.
04:26 Vous dites, surtout se taire et avaler des médicaments par poignet,
04:30 tout ce que je gagnerais si ça s'apprenait, c'est que je serais immédiatement remplacée, virée.
04:35 - On connaît le métier, vous savez comment ça se passe, pas que dans notre métier,
04:39 mais enfin, dans le PAF, comme on dit, c'est vite fait d'être exécuté d'une balle dans la tête.
04:44 - Un petit règlement de compte par rapport au métier aussi, dans le livre,
04:47 vous dites que vous avez été jeté comme un noyau de cerise, d'ailleurs,
04:49 parce qu'au départ, vous ne serviez plus à rien.
04:52 - Mais c'est la vérité, c'est ce qui s'est passé.
04:54 - Au tout départ ? - Oui, j'étais à l'époque à TF1,
04:56 quand je suis revenu sur mes béquilles dans la régie de l'émission que je présentais depuis un an,
05:00 tout le monde a baissé le museau parce que tout le monde savait que jamais on me reprendrait.
05:04 Ce jour-là, j'ai pris une grande claque dans la figure, je peux vous dire.
05:06 - Et là, vous vous êtes dit « je vais y revenir ».
05:09 - Ah ben ça, oui, quand on me met en face d'une épreuve, oui, ça…
05:12 - On a compris, on a compris. - J'attaque, oui.
05:15 - Oui. - Oui, ça me galvanise.
05:17 - Et comment vous avez pu continuer ensuite à travailler ?
05:20 - Comment ? Dans quel sens ? Physiquement ?
05:22 - Oui, physiquement, en donnant le champ. Je vous racontais à un moment donné quand même,
05:25 quand vous faites « Faut pas rêver », d'ailleurs, sur cette chaîne,
05:27 que vous arrivez des heures à l'avance, vous vous mettez dans votre voiture,
05:31 enroulé, à grelotter et à dormir dans une voiture.
05:34 - Vous vous mettez dans une voiture et puis, pouf, vous arriviez devant l'écran,
05:37 vous faisiez l'émission. C'est vrai que…
05:39 - C'était le principe de la batterie vide.
05:42 C'est-à-dire, je me garais à deux rues du studio,
05:45 je m'enroulais sous une couverture pour pas qu'on me reconnaisse,
05:48 mais vraiment quatre heures avant l'enregistrement de l'émission.
05:50 Et quand je me réveillais au bout de quatre heures,
05:52 après avoir avalé un ou deux comprimés pour que ça fasse l'effet qu'il fallait,
05:55 à savoir être réveillé, là, je faisais l'émission,
05:58 je mettais toute l'énergie qu'il fallait, mais comme à l'hôpital après l'accident, quoi.
06:01 Et après, je me fonderais de nouveau. Mais il fallait tenir, quoi.
06:04 Je me suis jamais arrêté. Il n'y a pas une émission que j'ai manquée.
06:07 Il n'y a pas une fois où j'ai failli professionnellement. Voilà.
06:10 - Et chez vous, votre épouse, parce que là, il y a quand même…
06:13 On est dans une relation plus intime.
06:15 Pourquoi vous avez gardé pour vous secrètement cette douleur et cette dépendance ?
06:20 Ce qui vous arrivait, pourquoi vous l'avez cachée ?
06:22 - Mais je crois que c'est une forme… Alors, sinon d'amour propre, peut-être d'orgueil,
06:25 mais c'était aussi ma façon à moi de me replier sur moi-même
06:29 pour trouver plus de force en moi.
06:31 Mais qui peut soupçonner la part d'ombre qu'il y a derrière chaque être humain ?
06:34 Je dis bien derrière chaque être humain.
06:36 On est tous sujets à des faiblesses.
06:38 Je pense que Boris est mieux placé que quiconque pour nous…
06:42 - Pour avoir des faiblesses. - Non !
06:44 Non, vous êtes juste… Alors, la résilience.
06:46 Mais c'est vrai. Voilà, c'est une forme de politesse, oui.
06:49 D'élégance, peut-être. En tout cas, de non…
06:53 - C'est clair. - On ne donne pas à voir, quoi.
06:55 Je n'avais pas à me plaindre. - Et même au sien ?
06:58 - Surtout au sien. - Vous dites que vous n'oublierez jamais
07:02 ce que vous devez à votre épouse et ce qu'elle a fait pour vous.
07:05 La seule fois où j'en ai parlé à ma femme, c'est le jour où je partais au Maroc
07:10 pour trois semaines de tournage, où j'étais bourré d'ampoules de morphine
07:14 et où je lui ai dit "Voilà où j'en suis".
07:16 C'est l'aveu, quoi. Vous lui avouez tout.
07:17 Et elle a tout jeté dans la cuvette des toilettes.
07:19 Ça a été le déclic pour vous en sortir ?
07:21 Ah ben oui. Il faut savoir que quand on est drogué,
07:25 à n'importe quelle drogue, au bout d'une semaine,
07:28 le corps n'en a plus besoin. C'est exactement une semaine.
07:31 En revanche, après, mentalement, c'est autre chose.
07:33 Et c'est comme ça que ça s'est arrêté d'un coup.
07:35 - Vous n'avez pas eu de douleur ? - J'ai toujours eu de la douleur.
07:39 - Vous vivez pas encore ? - Au moment où je vous parle,
07:42 ça me brûle, c'est lancinant. Mais oui.
07:45 Mais je ne sais pas que je suis passé comme ça.
07:46 Ou alors je me fais amputer en dessous du genou.
07:48 Tu le ferais, toi ? Il faut apprendre à vivre avec.
07:50 Et l'aide de personne ? Un psy vous a aidé ?
07:52 - Ah ben si, j'ai fait 20 ans de psychothérapie. - Ah oui ?
07:55 - Oui, bien sûr. - Pas seul ?
07:56 Et j'ai été accompagné par quelqu'un qui m'a même amené à une démarche spirituelle
08:00 qui m'a permis de retrouver, de m'élever l'âme, disons.
08:03 Et à me rendre beaucoup, beaucoup plus fort.
08:05 Et c'est à la suite de ça, d'ailleurs, que tout est reparti de plus belle.
08:09 Pour ne rien manquer sur ma chaîne INA-Mireille DUMAS,
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08:14 de la cloche.
08:14 *musique*

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