Zone interdite - Scandales et défaillance de l'État, les dossiers noirs du handicap du 24-03-2024

  • il y a 6 mois
Présenté par : Ophélie Meunier

Manque de places dans les structures d’accueil, personnel non qualifié et en sous-effectif, détournement d’aides publiques. L’enquête d’Esther Goldmann intitulée Scandales et défaillance de l’État : les dossiers noirs du handicap met en lumière le côté obscur d’un système qui, au lieu d’aider les personnes handicapées, les dédaigne voire les maltraite. Un documentaire à charge.
À la dernière rentrée scolaire le Gouvernement s’est félicité que 436 000 enfants porteurs d’un handicap soient scolarisés. Mais quid des 30 000 autres mineurs et de leurs familles qui ne bénéficient d’aucune solution d’accueil ? L’enquête de Zone interdite débute sur l’un d’entre eux. Arthur, 7 ans, atteint d’autisme sévère, vit seul avec Sandrine, sa maman. Épuisée, contrainte d’arrêter de travailler, comme nombre de parents d’enfants handicapés, elle espère depuis des années une place pour son enfant en IME.
Arthur est accueilli deux heures par semaine à l’école. Une goutte d’eau pour cette mère à bout de nerfs qui ne peut que constater que l’école dite “inclusive” n’a pas les moyens de répondre aux besoins de son fils. Mais malgré ses relances, c’est toujours la même réponse : son dossier est en liste d’attente. Même quand elle menace de s’enchaîner aux portes de l’Agence régionale de santé, le personnel ne peut que constater son impuissance.

En caméra cachée dans une classe Ulis
Si certains enfants restent toute la journée chez eux, faute de places dans les 1 300 IME pleins à craquer, d’autres sont scolarisés en Unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis). Mais là encore, ce que révèle l’enquête diffusée dans Zone interdite, c’est le manque de moyens et d’ambitions pour construire l’école inclusive. Embauchée comme AESH en quelques minutes, une journaliste filme en caméra cachée des situations totalement révoltantes.
Ainsi la jeune Chloé, 11 ans, atteinte de déficience mentale, négligée par la professeure responsable de l’Ulis qui passe ses journées devant des dessins animés. Rabrouée par l’enseignante, elle confie à son accompagnante : « Je veux être morte, je veux mourir. » Une situation dissimulée aux parents laissés dans l’ignorance.

Inertie des institutions
Pendant plus d’un an, une équipe de journalistes a suivi le combat quotidien de personnes en situation de handicap et de leurs proches, à la recherche d’une place en institut spécialisé ou à l’école. Cette enquête, dont nous n’avons pu visionner que 60 minutes sur 90, pointe les failles des politiques publiques censées venir en aide aux personnes vulnérables, mais qui les laissent démunies et en souffrance. Ou contraints de chercher une autre solution… en Belgique.
Pour tenter d’expliquer cette situation, l’enquête de Zone interdite avance des chiffres. Certes, il manque des centaines de milliers d’accompagnants dans les établissements scolaires et 50 000 soignants dans les instituts spécialisés. Ces défaillances du système entraînent des dérives qui peuvent avoir des c
Transcript
00:00:00 ...
00:00:06 -C'est un scandale longtemps passé sous silence.
00:00:10 La défaillance de l'Etat
00:00:12 dans la prise en charge du handicap en France.
00:00:15 Des parents lancent un cri d'alerte.
00:00:18 -C'est trop compliqué à gérer.
00:00:20 Sur le quotidien, c'est tout le temps comme ça.
00:00:23 J'appelle pas ça une vie.
00:00:24 -Manque de structure d'accueil, maltraitance,
00:00:28 argent public subtilisé.
00:00:30 Pendant plus d'un an,
00:00:31 nous avons enquêté sur la face cachée d'un système
00:00:34 censé protéger et accueillir les plus vulnérables.
00:00:37 -Vos enfants sont en danger, en fait,
00:00:40 et vous cachent ce que je vais vous montrer.
00:00:42 -Nos institutions sont à bout de souffle.
00:00:45 -On se bat pour les personnes en situation de handicap,
00:00:48 mais si on donne pas assez de moyens,
00:00:50 les personnes deviennent plus handicapées.
00:00:52 -A commencer par l'école, dépassée par l'obligation
00:00:56 de sécuriser des centaines de milliers d'élèves
00:00:58 porteurs de handicap.
00:00:59 -Je trouve qu'elle a pas sa place ici.
00:01:02 Avec l'Education nationale, c'est comme ça.
00:01:04 -En France, au moins 30 000 enfants et leurs familles
00:01:07 seraient laissés sans solution, livrés à elles-mêmes.
00:01:11 -Un, deux, trois.
00:01:13 Musique douce
00:01:15 -Pourtant, c'est simple comme geste,
00:01:17 mais quotidiennement, en faire tous les jours, c'est épuisant.
00:01:21 -En cause, des centaines de milliers d'accompagnants
00:01:24 et de soignants toujours manquants.
00:01:26 -On devait avoir une collègue intérimaire en 12h,
00:01:28 qui a annulé la mission hier.
00:01:31 -Pire encore, dans certaines structures,
00:01:33 les cas de violence physique et de pression psychologique
00:01:36 envers les personnes en situation de handicap se multiplient.
00:01:40 -Ca, c'est un bras.
00:01:41 Ca, c'est une cuisse.
00:01:43 Ca, c'est une fesse.
00:01:45 -C'est un gentil. Nous l'on détruit.
00:01:48 -Mais le scandale ne s'arrête pas là.
00:01:50 Nous avons découvert qu'une partie des aides
00:01:53 destinées aux personnes handicapées
00:01:55 serait détournée au détriment des familles.
00:01:57 -C'est une aide au logement.
00:01:59 -Des centaines de millions d'euros disparaissent.
00:02:02 -C'est du valse.
00:02:03 -Comment en est-on arrivé là ?
00:02:05 Pourquoi les services de l'Etat ferment-ils les yeux
00:02:08 face à ces dérives ?
00:02:09 -On m'a demandé de me taire, de rester à ma place
00:02:12 et de ne pas dénoncer les discriminations.
00:02:14 -Nous avons suivi le combat éprouvant de parents en colère.
00:02:18 -Je vais à ma chaîne.
00:02:20 Je voulais pas te voir, ma chaîne.
00:02:22 Je commence un peu à en avoir marre.
00:02:25 -Tous à la recherche d'une place en institut spécialisé
00:02:28 ou à l'école.
00:02:29 Pour sauver leurs enfants,
00:02:31 certains se résignent à les envoyer à l'étranger.
00:02:34 -Le rejet de mon petit garçon, il a 7 ans
00:02:36 et il est déjà rejeté par la société.
00:02:39 -Entre scandale et défaillance des institutions,
00:02:42 nous avons donné la parole à ce que l'on n'entend jamais.
00:02:46 ...
00:02:50 -Bonsoir à tous.
00:02:51 C'est un scandale qui touche les plus fragiles de notre société,
00:02:54 les personnes en situation de handicap.
00:02:56 Nos institutions françaises ne sont pas à la hauteur.
00:03:00 Pendant plus d'un an, nous avons enquêté sur la face cachée
00:03:03 d'un système censé accueillir et protéger les plus fragiles.
00:03:07 Les structures d'accueil manquent, le personnel aussi.
00:03:10 Résultat, une maltraitance, souvent pas volontaire, mais bien là.
00:03:14 A côté de ces défaillances, nous avons aussi découvert
00:03:17 que de l'argent public est subtilisé.
00:03:19 Notre société et notre éducation sont-elles vraiment plus inclusives ?
00:03:23 La réalité, vous allez le voir, est parfois intolérable.
00:03:26 Scandale et défaillance de l'Etat,
00:03:28 les dossiers noirs du handicap, c'est un document choc
00:03:31 signé Esther Goldman.
00:03:33 ...
00:03:35 -Ah !
00:03:36 Cris de bébé.
00:03:38 -Ah !
00:03:39 -Ah !
00:03:40 -Non. Non, parce que tu fais l'imbécile
00:03:43 et tu mets tout en l'air.
00:03:45 On va aller dans ta chambre.
00:03:47 Dans ta chambre. Calme, Arthur.
00:03:49 Arthur.
00:03:50 -La vie de Sandrine n'est plus qu'un long combat.
00:03:53 -Bébé !
00:03:54 -Regarde, on va les jouer. Tu vas les jouer un petit peu ?
00:03:57 -Bébé !
00:03:58 ...
00:04:00 -Calme. Calme-toi.
00:04:02 -Son fils, Arthur, 7 ans, est autiste et ne parle pas.
00:04:06 -Calme.
00:04:07 ...
00:04:08 -Bébé !
00:04:10 -Non. Non. Non. Non.
00:04:13 ...
00:04:15 -Elle l'aime plus que tout.
00:04:17 -Allez, on va en bas. On retourne en bas.
00:04:19 -Mais cette maman est à bout.
00:04:21 -En bas.
00:04:22 -Caca !
00:04:23 -Ne me meurs pas. Tu ne me meurs pas.
00:04:25 Arthur, tu ne me meurs pas. Arthur !
00:04:28 Hé !
00:04:29 -Séparée depuis 2 ans, Sandrine a la garde de l'enfant.
00:04:33 Elle s'est arrêtée de travailler il y a un an et demi.
00:04:37 -Va t'asseoir. Va t'asseoir.
00:04:39 -Et attend désespérément une place dans un établissement spécialisé.
00:04:43 Mais à chaque fois, ça lui est refusé.
00:04:46 -Trop compliqué à gérer.
00:04:47 Sur le quotidien, c'est tout le temps comme ça.
00:04:50 Donc voilà, la petite bulle d'Arthur, c'est pas ma bulle à moi.
00:04:55 ...
00:04:57 Et j'appelle pas ça une vie, en fait.
00:04:59 -Ah !
00:05:01 ...
00:05:04 -Lui, il y est pour rien.
00:05:06 C'est pas de sa faute.
00:05:08 Non, non, non.
00:05:09 Là, il veut manger les croquettes du chien.
00:05:12 -L'administration ne lui a proposé qu'une seule solution.
00:05:16 -Ah !
00:05:17 -Envoyer Arthur à l'école maternelle
00:05:19 avec une limite de 12 heures par semaine.
00:05:22 Seulement, comme Sandrine le craignait,
00:05:25 son fils perturbe beaucoup trop la classe
00:05:28 et l'institutrice l'alerte dans le carnet de correspondance.
00:05:31 -A partir de 14h10, très compliqué, Arthur crie beaucoup,
00:05:35 ne se pose plus, se jette par terre, se fait mal.
00:05:40 Rien n'est possible. Il hurle.
00:05:42 Nous sortons dehors pour qu'il se calme.
00:05:44 Arthur se tape, donne des coups de pied.
00:05:47 Oh non !
00:05:49 Oh non !
00:05:51 On lui a remis un coup de stylo, voilà.
00:05:55 Papier peint.
00:05:56 Et puis là, ça va pas partir.
00:05:59 Il hurle.
00:06:00 Doucement, doucement !
00:06:02 Vous imaginez, dans une classe,
00:06:05 les enfants sont assis, font leurs petites activités,
00:06:08 et puis Arthur, qui gambade à droite et à gauche
00:06:12 parce qu'il tient pas en place.
00:06:14 Et si on lui cède pas, il fait des crises.
00:06:16 Pour les autres enfants, déjà,
00:06:18 ça peut être impressionnant de voir Arthur en crise aussi.
00:06:21 Et puis, s'il fait une crise, c'est parce qu'il est pas bien.
00:06:25 -L'enseignante refuse donc de prendre Arthur
00:06:28 plus de deux heures par semaine.
00:06:30 -Allez, viens.
00:06:31 -A chaque fois qu'elle l'emmène à l'école,
00:06:36 Sandrine a du mal à contenir sa colère.
00:06:38 ...
00:06:41 -C'est de la maltraitance, en fait.
00:06:43 C'est de la maltraitance vis-à-vis de tout le monde,
00:06:46 vis-à-vis de la maîtresse, vis-à-vis d'Arthur, vis-à-vis de moi.
00:06:50 Je pense qu'il n'y a pas d'autre mot
00:06:52 pour pouvoir au mieux le décrire.
00:06:54 ...
00:06:56 Attends, tu m'attends, Arthur ?
00:06:58 Hop, hop, hop, tu m'attends.
00:07:01 Tu me donnes la main ?
00:07:03 -Bien.
00:07:04 -En théorie, permettre à un enfant comme Arthur
00:07:07 d'aller à l'école, c'était un beau projet de l'Etat.
00:07:10 -Tu m'attends.
00:07:11 ...
00:07:12 -Papa !
00:07:13 ...
00:07:15 -Un projet qui cache pourtant une autre réalité,
00:07:19 des dysfonctionnements à tous les étages,
00:07:22 mettant parfois les enfants en danger.
00:07:24 Depuis 2005, et le vote d'une loi historique,
00:07:29 tous les enfants, quelle que soit la nature de leur handicap,
00:07:33 doivent pouvoir être accueillis en classe.
00:07:36 ...
00:07:38 C'est ce que l'on appelle l'inclusion scolaire.
00:07:41 ...
00:07:45 Pour le président de la République, qui en a fait un combat,
00:07:48 ce projet de société est aujourd'hui une réussite.
00:07:51 ...
00:07:53 -Nous avons révolutionné l'inclusion scolaire totalement.
00:07:56 Nous avons aujourd'hui 430 000 élèves en situation de handicap
00:08:00 qui sont à l'école, presque un demi-million.
00:08:02 Jamais auparavant, il n'y avait eu autant d'enfants handicapés
00:08:06 qui avaient eu autant de vies transformées.
00:08:08 -Des vies transformées ?
00:08:10 L'inclusion scolaire serait-elle vraiment une chance
00:08:14 pour ces enfants ?
00:08:15 ...
00:08:19 Pour savoir dans quelles conditions ils sont accueillis,
00:08:22 nous avons demandé à l'Education nationale
00:08:24 de nous ouvrir les portes d'un établissement.
00:08:27 Par mail, par téléphone, nous avons eu beau insister...
00:08:31 -Moi, j'ai eu une réponse défavorable.
00:08:35 -Ce sera non.
00:08:36 -C'est-à-dire ?
00:08:38 -En fait, c'est dans le respect de la tranquillité
00:08:40 des élèves et du travail des AESH et des enseignants,
00:08:43 la réponse, elle est négative au niveau du cabinet.
00:08:48 ...
00:08:51 -Devant ce refus, il nous a fallu trouver une autre solution
00:08:55 pour franchir les grilles d'une école publique.
00:08:57 Alors, nous avons choisi de nous glisser dans la peau
00:09:00 d'un AESH, un accompagnant d'enfants
00:09:03 en situation de handicap.
00:09:05 ...
00:09:07 -L'Education nationale ne manque pas de vanter
00:09:10 les mérites de ces professionnels...
00:09:12 ...
00:09:13 ...qui encadrent et aident les enfants,
00:09:16 comme dans ce clip de promotion.
00:09:18 ...
00:09:19 -J'aime beaucoup mon métier, j'aime ce que je fais.
00:09:22 Il n'y a pas mieux que d'aider les autres.
00:09:24 Il faut valoriser l'enfant, lui montrer
00:09:27 qu'il a d'autres capacités, qu'il peut être comme les autres.
00:09:30 -Envisager un fonctionnement sans accompagnant,
00:09:34 c'est juste pas possible. Voilà.
00:09:37 ...
00:09:41 Musique intrigante
00:09:44 -Indispensable à l'inclusion scolaire,
00:09:47 les AESH manquent pourtant cruellement.
00:09:50 Sur les sites de recherche d'emploi,
00:09:52 des centaines de postes sont à pourvoir.
00:09:54 ...
00:09:55 Mais le métier n'attire pas.
00:09:57 ...
00:09:59 Recrutés avec un niveau baccalauréat,
00:10:02 80 % des accompagnants sont en CDD.
00:10:05 ...
00:10:06 Et pour 24 heures éparpillées dans la semaine,
00:10:09 ils ne touchent que 800 euros net par mois.
00:10:12 ...
00:10:13 Une précarité doublée de conditions de travail difficiles.
00:10:17 Chaque AESH doit en général prendre en charge plusieurs enfants,
00:10:21 parfois lourdement handicapés.
00:10:23 ...
00:10:26 Nous décrochons un entretien d'embauche
00:10:28 en moins de 48 heures.
00:10:29 ...
00:10:31 Le poste suppose de lourdes responsabilités.
00:10:34 Et pourtant...
00:10:35 -Bonjour, madame. -Bonjour.
00:10:37 -Lors de cet entretien,
00:10:39 les recruteurs de l'Education nationale
00:10:41 ne vont pas être très regardants.
00:10:43 -Vous allez faire une petite présentation
00:10:45 de qui vous êtes,
00:10:47 de vos motivations.
00:10:49 -Très bien. Donc, j'ai 25 ans.
00:10:51 J'ai eu un baccalauréat littéraire en 2017.
00:10:55 J'ai fait une licence de 3 ans.
00:10:56 Suite à ça, j'ai fait plusieurs boulots.
00:11:00 Je me suis un peu cherchée.
00:11:02 -Est-ce que vous connaissez
00:11:04 des types de handicap ?
00:11:06 -Euh...
00:11:07 Malheureusement, j'en connais pas forcément...
00:11:11 J'en connais pas beaucoup.
00:11:12 Il y a de la dyslexie, de l'autisme,
00:11:15 des troubles...
00:11:16 Je pourrais pas vous en dire plus.
00:11:18 J'ai pas d'expérience dans le domaine du handicap, en tout cas.
00:11:22 Et je voulais savoir si ça posait pas de problème, justement.
00:11:26 -Ca ne pose aucun.
00:11:28 Il faut pas tout sentir en ennemi,
00:11:29 parce qu'il y a toujours l'enseignant.
00:11:32 -D'accord.
00:11:33 -Notre manque d'expérience dans le domaine de l'enseignement,
00:11:36 et même du handicap, est loin d'être un frein à notre embauche.
00:11:40 -Ecoutez, madame, vous avez toutes les compétences attendues.
00:11:46 Donc, pour nous, c'est un avis favorable.
00:11:49 Donc, je serai en poste à la rentrée.
00:11:51 -Ah bah super. Super.
00:11:53 -Nous sommes engagés,
00:11:54 avec l'obligation de suivre une formation
00:11:57 en ligne de 60 heures,
00:12:00 sans aucun délai imposé.
00:12:02 -Merci beaucoup.
00:12:04 -Nous sommes affectés dans un collège,
00:12:09 un établissement que nous n'avons pas choisi.
00:12:12 C'est ici que nous allons découvrir une réalité
00:12:15 que l'on cache parfois aux parents,
00:12:18 à commencer par une désorganisation totale.
00:12:26 Dès le jour de la rentrée, rien ne va.
00:12:29 Alors que nous sommes débutants,
00:12:32 nous apprenons que nous avons la charge
00:12:34 de quatre élèves porteurs de handicaps différents.
00:12:37 Et c'est à nous de les trouver parmi tous les autres.
00:12:41 Ce matin-là, nous cherchons une petite fille de 6e,
00:12:45 dont nous n'avons que le nom.
00:12:47 -Je suis sur choc.
00:12:49 -Mais personne ne l'a vue pour le moment.
00:12:52 -Ah bah déjà, elle est peut-être dedans, mais...
00:12:55 -Oh, mais...
00:12:56 -Oh, le...
00:12:57 -Bonjour.
00:12:58 -Bonsoir.
00:12:59 -Je suis la nouvelle à l'ESH.
00:13:01 -OK.
00:13:02 -Et je ne sais pas où sont les élèves.
00:13:05 -Moi, je suis la nouvelle CPE.
00:13:07 Du coup, pareil.
00:13:08 Il y a des choses que je ne sais pas.
00:13:10 -Personne ne nous aide.
00:13:13 Et nous retrouvons la petite fille...
00:13:16 Il toque à la porte.
00:13:18 ...directement en salle de classe.
00:13:20 -Bonjour.
00:13:21 -Bonjour.
00:13:23 -Je suis la nouvelle à l'ESH.
00:13:24 -Cloé, elle a 11 ans.
00:13:27 ...
00:13:38 La fillette est atteinte de déficience intellectuelle.
00:13:41 Dans les matières où elle arrive à suivre,
00:13:44 elle est en classe ordinaire avec les autres élèves.
00:13:48 -Nana, something with love.
00:13:51 -Oh, you're nice.
00:13:52 -Very good.
00:13:54 -Need for more beso.
00:13:56 Musique douce
00:13:58 -Quand les cours deviennent trop difficiles pour elle,
00:14:01 Cloé part en classe ULIS,
00:14:04 une unité localisée pour l'inclusion scolaire.
00:14:08 En théorie, c'est un dispositif plein de promesses.
00:14:12 Une classe exclusivement dédiée aux élèves porteurs de handicap,
00:14:17 avec un programme adapté
00:14:20 et un professeur spécialisé
00:14:23 qui a suivi une formation complémentaire.
00:14:26 Rémunérée, 2 500 euros de plus par an
00:14:29 qu'un enseignant ordinaire.
00:14:31 ...
00:14:33 Mais le problème, c'est qu'en cette semaine de rentrée,
00:14:37 il n'y a pas encore de professeur ULIS.
00:14:40 ...
00:14:42 Cloé reste donc en cours ordinaire,
00:14:45 un rythme bien trop soutenu pour elle.
00:14:47 -Je veux que vous vous avez lancé
00:14:50 sur le rond.
00:14:51 Vous ne pouvez pas en rester sur lui.
00:14:53 -Au fil des jours...
00:14:56 -T'as filmé ?
00:14:57 -La petite fille décroche
00:14:59 et se referme sur elle-même.
00:15:03 -Qu'est-ce que tu fais là ?
00:15:04 -Je vais bien.
00:15:06 -Pourquoi t'es pas à la récréation avec tout le monde ?
00:15:10 -Je préfère rester chez moi.
00:15:13 ...
00:15:17 -Cloé n'est pas la seule dans ce cas.
00:15:19 11 autres enfants en situation de handicap
00:15:22 se retrouvent privés de cours adaptés.
00:15:24 Les AESH du collège sont révoltés.
00:15:27 -Tu vas bien ?
00:15:29 -Oui, ça va.
00:15:31 -Si t'entends que ça puisse aller sans enseignant,
00:15:34 ça m'énerve. C'est lamentable pour les enfants.
00:15:37 Les gamins, c'est limite de la maltraitance,
00:15:40 de les laisser...
00:15:42 -Après une semaine d'attente,
00:15:44 une enseignante ULIS arrive enfin.
00:15:47 Et son attitude envers l'enfant
00:15:49 va s'avérer profondément choquante.
00:15:52 Si bien que nous avons choisi de doubler sa voix
00:15:55 afin de garantir son anonymat.
00:15:58 -Bonjour. -Bonjour, ça va ?
00:16:00 -Merci.
00:16:01 -Dès les premières heures, la petite est mise de côté.
00:16:05 L'enseignante aurait une autre priorité.
00:16:08 -Elle peut regarder ses BD si elle veut.
00:16:11 Je continue mes emplois du temps. -OK.
00:16:13 -Cloé n'a pas retenu le nom de sa professeure,
00:16:18 alors elle lui donne un surnom.
00:16:20 -Mme Larrobe dort.
00:16:23 -Mais non, elle dort pas, elle travaille.
00:16:26 -Ne m'appelle pas Mme Larrobe.
00:16:28 Je t'interdis de m'appeler comme ça.
00:16:30 Je suis ta professeure d'ULIS.
00:16:33 Et en plus de ça, tu vas passer plus de temps en ULIS,
00:16:37 d'après ce que je vois.
00:16:39 -La réflexion est blessante.
00:16:41 Cloé en a bien compris le sens et elle ne le supporte pas.
00:16:46 -Je veux être morte.
00:16:48 Je veux mourir.
00:16:51 Musique douce
00:16:54 ...
00:16:58 -Inquiet de sa réaction, nous allons tout de suite
00:17:00 voir l'enseignante.
00:17:02 -Elle m'a dit "je veux être morte".
00:17:05 -Je veux être morte ? -Ca, mot pour mot.
00:17:07 Elle m'a dit "je veux être morte" et après "je veux mourir".
00:17:11 -Je pense qu'elle a dit ça parce qu'elle était sur un moment de colère,
00:17:15 et elle veut que ce soit elle qui décide.
00:17:17 Donc peut-être qu'elle veut faire peur.
00:17:19 -De là à la misère, je veux mourir, c'est super fort.
00:17:22 -T'inquiète pas, j'avais déjà des élèves qui utilisaient ces termes,
00:17:26 juste parce qu'ils sont contrariés.
00:17:28 -Une réponse qui fait froid dans le dos.
00:17:31 C'est à se demander si cette professeure
00:17:33 a vraiment suivi une formation au handicap.
00:17:36 Car en France, faute de candidat,
00:17:39 sur les 10 000 enseignants en ULIS,
00:17:41 un tiers n'aurait pas la certification requise.
00:17:44 ...
00:17:47 Chaque jour, elle semble avoir mieux à faire qu'enseigner.
00:17:51 ...
00:17:53 -Elle est avec moi, là ? -Oui.
00:17:55 -Elle est là. -Merci.
00:17:56 -Je voulais voir un élève.
00:17:58 ...
00:18:01 Tu lui donneras une activité ?
00:18:03 Je dois faire mes emplois du temps.
00:18:05 ...
00:18:07 -Deux semaines après son arrivée,
00:18:10 ...
00:18:11 elle n'a toujours pas commencé les cours,
00:18:14 ni pour Chloé, qui regarde des dessins animés,
00:18:18 ni pour aucun des 11 élèves dont elle a la charge.
00:18:21 Comment l'enseignante se justifie-t-elle ?
00:18:25 Nous lui posons la question.
00:18:27 -Hier, par exemple, elle a regardé Cendrillon.
00:18:30 Je trouve que c'est pas vraiment utile pour elle.
00:18:33 -Tu vas voir, au fur et à mesure que tu seras là,
00:18:36 les élèves ULIS ne peuvent pas faire pareil que les autres.
00:18:39 -Oui, mais qu'il y ait au moins un apprentissage...
00:18:42 Je trouve qu'elle n'a pas sa place ici.
00:18:44 Déjà en CM2, quand ils ont fait l'orientation ULIS,
00:18:48 c'était une erreur.
00:18:50 ...
00:18:51 -Une fois encore, son avis est tranché,
00:18:55 alors qu'elle n'a jamais pris la peine ni de l'évaluer
00:18:58 ni de lire son dossier scolaire.
00:19:00 ...
00:19:01 Et pourtant, dans celui-ci, les appréciations sont bonnes.
00:19:06 Elle est décrite comme une élève motivée,
00:19:08 très bien intégrée en classe,
00:19:11 avec un bon niveau en français
00:19:14 et qui n'hésite pas à répondre quand on la sollicite.
00:19:18 Mais l'enseignante ne croit tout simplement pas
00:19:23 en l'inclusion scolaire.
00:19:25 -Il y a une place en ULIS,
00:19:26 c'est pour dire qu'on a réglé le problème
00:19:29 et qu'on l'a scolarisé.
00:19:30 Mais ça, tu vas l'apprendre au fil de ton expérience
00:19:34 avec l'Education nationale.
00:19:35 C'est comme ça, c'est le système.
00:19:38 ...
00:19:41 -Nous voulons alerter les parents de Chloé
00:19:43 de la souffrance de leur fille.
00:19:44 Nous demandons conseil à la directrice de l'établissement.
00:19:48 -Bonjour.
00:19:50 -Et là aussi, la réponse laisse perplexe.
00:19:54 -Est-ce que je pourrais vous parler un petit instant ?
00:19:57 -La directrice, dont nous avons également remplacé la voix,
00:20:00 commence par nous rappeler les règles de base.
00:20:03 -Vous n'avez pas à être en contact direct avec les familles.
00:20:07 -D'accord.
00:20:08 -Vous ne donnez pas votre numéro de téléphone,
00:20:10 vous ne répondez pas aux mots destinés
00:20:13 dans le carnet de correspondance.
00:20:14 Si vous les rencontrez dans la rue, vous avez toujours quelque chose
00:20:18 à faire, vous êtes pressé, vous ne vous arrêtez pas pour discuter.
00:20:22 -Ne pas communiquer.
00:20:23 Ce serait une recommandation de l'Education nationale
00:20:27 pour protéger les AESH de parents trop envahissants.
00:20:31 Mais la directrice va plus loin.
00:20:34 Elle nous demande de cacher la vérité aux parents
00:20:37 lors de la réunion de rentrée.
00:20:39 -Vous allez pouvoir dire "Chloé manque d'autonomie,
00:20:43 "Chloé est très fatigable",
00:20:45 mais vous n'allez pas dire qu'elle regarde Cendrillon
00:20:48 quand elle est dans la classe Ulysse.
00:20:50 Vous n'allez pas dire des choses qui vont mettre les gens mal à l'aise.
00:20:54 Si vous balancez que Chloé a dit "je veux mourir, je veux être morte",
00:20:58 vous voyez. -Pourtant, c'est la vérité.
00:21:00 Je vois pas pourquoi est-ce que les...
00:21:02 -Les parents ne savent pas ce qui se passe à l'école.
00:21:06 Il ne faut pas que la réunion soit l'occasion
00:21:09 de se retrouver complètement flippés
00:21:11 parce qu'ils auront entendu telle personne dire ça.
00:21:14 Vous voyez ? C'est ça.
00:21:16 -Le jour de la réunion avec les parents d'élèves,
00:21:24 le papa de Chloé interpelle l'enseignante.
00:21:27 Sa fille ne va pas bien.
00:21:28 Nous allons assister à une scène encore plus ahurissante.
00:21:32 -Il faut qu'on se fasse un point.
00:21:34 -Moi, je pense qu'il faut qu'on nous apprenne à connaître Chloé.
00:21:38 Je veux la mettre en confiance.
00:21:40 -Elle a peur, bah oui.
00:21:41 J'ai besoin de savoir ce que vous faites avec elle.
00:21:45 -L'enseignante ment sans hésitation à ce papa.
00:21:48 -Ne vous inquiétez pas, il n'y a aucun souci.
00:21:51 On a fait français, on a fait maths.
00:21:53 Cet après-midi, je voulais faire un peu d'histoire avec elle,
00:21:57 mais c'était la dernière heure et je sentais qu'elle était fatiguée.
00:22:00 -La réunion a été un succès.
00:22:02 La réunion a été une épreuve de la vie.
00:22:04 -On a fait un peu de mathématiques.
00:22:06 -On a fait un peu de mathématiques.
00:22:08 -On a fait un peu de mathématiques.
00:22:11 -On a fait un peu de mathématiques.
00:22:13 -On a fait un peu de mathématiques.
00:22:15 -On a fait un peu de mathématiques.
00:22:17 -On a fait un peu de mathématiques.
00:22:19 -On a fait un peu de mathématiques.
00:22:21 -On a fait un peu de mathématiques.
00:22:23 -On a fait un peu de mathématiques.
00:22:26 -On a fait un peu de mathématiques.
00:22:28 -Les camarades n'ont toujours pas eu cours en classe adaptée.
00:22:31 Sonnette
00:22:33 Si le comportement de cette enseignante Ulysse
00:22:37 est sans doute un cas rare et extrême,
00:22:39 son attitude est révélatrice de dysfonctionnements majeurs
00:22:44 dans tous les services de l'Etat en charge du handicap.
00:22:47 ...
00:22:50 A tel point que même le plus important d'entre eux,
00:22:53 le coeur du réacteur,
00:22:55 celui qui arbitre les affectations des enfants,
00:22:58 n'hésite pas à avouer son impuissance.
00:23:00 Cet organisme,
00:23:02 c'est la maison départementale des personnes handicapées,
00:23:06 ou MDPH.
00:23:07 C'est difficile à croire,
00:23:09 mais ces fonctionnaires travaillent parfois dans le vide.
00:23:13 ...
00:23:14 Caroline Rosset, directrice de la MDPH de la Meuse,
00:23:18 reçoit 600 demandes de prise en charge par an.
00:23:21 Et à voir ces étageurs,
00:23:23 on se rend bien compte de l'ampleur de la tâche.
00:23:26 -Christine, j'ai un dossier supplémentaire.
00:23:29 Dans la boîte, tu te mets avec les autres à l'unité.
00:23:32 Il en reste une petite vingtaine.
00:23:35 Tu feras attention,
00:23:38 parce que je ne suis pas sûre que tout soit toujours bien complet.
00:23:43 -Avec ce dossier de 20 pages, rempli par les parents,
00:23:46 Caroline n'est jamais à l'abri d'une erreur.
00:23:49 En effet, il y a de quoi en perdre son latin.
00:23:52 -On a l'AEH,
00:23:54 pour l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé,
00:23:57 la PCH, pour la prestation de compensation du handicap,
00:24:00 l'AVPF, les ESMS,
00:24:03 les ACTP, les ACFP, les CMI,
00:24:06 on a les ESAT, on parle aussi de l'OETH,
00:24:10 l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.
00:24:13 C'est vrai qu'on a un domaine où on utilise beaucoup d'acronymes.
00:24:16 On essaie d'être vigilants pour la bonne compréhension
00:24:19 des personnes qui s'adressent à nous,
00:24:22 mais c'est pas toujours évident.
00:24:24 -Une fois le dossier complété,
00:24:26 les cas les plus complexes passent entre les mains
00:24:29 de cette commission.
00:24:30 Assistante sociale,
00:24:33 médecin,
00:24:35 directeur de services médicaux sociaux
00:24:38 et enseignant.
00:24:40 Aujourd'hui, c'est le sort d'un enfant prénommé Hugo qui se joue.
00:24:43 -Hugo était scolarisé l'année dernière
00:24:46 en moyenne section dans une école maternelle.
00:24:49 C'est une demande d'AESH pour cette rentrée.
00:24:53 -Hugo présente des difficultés scolaires
00:24:56 dans un contexte de troubles du comportement,
00:24:59 avec des troubles de l'attachement type insécurité.
00:25:03 -Pour les parents, la présence d'une AESH est fondamentale,
00:25:06 ne serait-ce que pour assurer la sécurité,
00:25:09 mais également le confort d'Hugo.
00:25:12 -Le garçon va avoir droit à une AESH,
00:25:16 mais c'est sans compter un sérieux problème.
00:25:19 -Le manque criant de personnel.
00:25:22 -Les AESH, ce qu'on a constaté,
00:25:25 c'est qu'il en manque beaucoup.
00:25:27 Il manque beaucoup d'AESH.
00:25:30 -Donc là, je peux pas...
00:25:33 -C'est pas notre sort.
00:25:35 -C'est pas notre sort.
00:25:37 -Vous ne prenez pas en compte
00:25:38 est-ce qu'il y en aura, est-ce qu'elle sera formée ?
00:25:41 Ca rentre pas du tout en compte.
00:25:43 -Non, sur les AESH, c'est absolument impossible.
00:25:46 C'est impossible pour l'équipe pluridisciplinaire
00:25:49 de prendre ces éléments-là en compte.
00:25:51 Ca n'est pas de la compétence de l'équipe pluridisciplinaire.
00:25:54 -Des décisions déconnectées de la réalité du terrain,
00:25:58 dénoncées par ce responsable.
00:26:00 -On se bat pour les personnes en situation de handicap,
00:26:03 mais si on donne pas assez de moyens,
00:26:05 les personnes deviennent plus handicapées.
00:26:07 On renforce le handicap,
00:26:09 qui se transforme en troubles sociaux, en chômage,
00:26:11 en personnes sans diplôme.
00:26:13 Je sais pas si c'est une malprétence,
00:26:15 mais c'est une absence de soins.
00:26:17 C'est une obligation de soins.
00:26:19 -Ce genre d'aveu est très rare dans le milieu du handicap,
00:26:23 où règne l'OMERTA.
00:26:25 ...
00:26:29 Briser la loi du silence.
00:26:31 Un homme en a fait son combat.
00:26:34 ...
00:26:35 Olivier dénonce depuis des années auprès de sa hiérarchie
00:26:39 les conditions indignes dans lesquelles sont accueillis
00:26:42 les enfants d'un centre spécialisé
00:26:44 où il travaillait en tant qu'enseignant
00:26:46 à l'âge de 6 ans.
00:26:47 Depuis, il a quitté son poste.
00:26:49 -J'ai commencé par alerter l'Education nationale, l'IME,
00:26:52 j'ai alerté le défenseur des droits,
00:26:55 et j'ai constaté qu'il se passait rien.
00:26:58 On m'a demandé de me taire,
00:27:00 et on m'a demandé de rester à ma place
00:27:02 et de ne pas dénoncer les discriminations
00:27:05 que je constatais en tant que fonctionnaire.
00:27:07 -Ne plus se taire face aux menaces
00:27:10 qui plaigneraient sur la sécurité de ses enfants.
00:27:14 Olivier vise principalement
00:27:16 certains instituts médico-éducatifs.
00:27:18 ...
00:27:21 Les IME
00:27:22 prennent en charge les jeunes les plus lourdement handicapés.
00:27:27 Ils y reçoivent des soins adaptés et une scolarité.
00:27:31 ...
00:27:32 -C'est un monsieur ou une madame ? -Monsieur.
00:27:35 -On peut éliminer toutes les madames.
00:27:38 ...
00:27:40 -Créée dans les années 50
00:27:42 par des personnes en situation de handicap et leurs familles,
00:27:45 ces instituts sont à l'époque considérés
00:27:47 comme une solution révolutionnaire.
00:27:50 ...
00:27:51 -L'institut médico-éducatif s'est donc efforcé de créer
00:27:55 pour le jeune un milieu dans lequel il puisse se développer,
00:27:58 commencer à vivre.
00:27:59 ...
00:28:01 -Fini l'enfermement, en asile ou à la maison,
00:28:04 ces enfants ont pour la première fois accès à l'éducation
00:28:08 et à la collectivité.
00:28:10 A leur disposition, des terrains de sport,
00:28:13 des salles de classe flambant neuves...
00:28:15 -Et déjà, les élèves commencent à lire,
00:28:18 copier, utiliser une machine à écrire.
00:28:21 ...
00:28:25 -Mais 80 ans plus tard, c'est une autre réalité
00:28:28 qui se cache derrière les murs de certains IME.
00:28:31 ...
00:28:32 Ils sont de plus en plus souvent pointés du doigt.
00:28:36 Délabrement, insalubrité,
00:28:39 incendie,
00:28:41 faute de mise aux normes.
00:28:43 ...
00:28:46 Alors qu'en est-il dans l'IME où Olivier travaille ?
00:28:50 ...
00:28:52 -Bonjour. Comment allez-vous ?
00:28:54 Ca va ? Merci d'être venu.
00:28:56 -C'est une dure réalité que nous allons découvrir
00:28:59 aux côtés des parents de ces élèves.
00:29:01 Ils n'imaginent pas dans quel endroit
00:29:04 sont accueillis leurs enfants.
00:29:06 De l'extérieur...
00:29:08 ...
00:29:09 La vieille bâtisse, construite en 1905, en impose.
00:29:13 ...
00:29:15 Elle est même rassurante.
00:29:16 ...
00:29:19 Les parents n'ont jamais pu la visiter entièrement.
00:29:22 Olivier a décidé de leur montrer la face cachée du bâtiment.
00:29:27 -Quand vos enfants vont dans l'IME,
00:29:29 ils sont en danger, en fait.
00:29:32 Et elle vous cache ce que je vais vous montrer.
00:29:35 ...
00:29:38 Donc là, c'est l'entrée de la cour de récréation.
00:29:41 ...
00:29:45 Il y a une chaînette de fortune en plastique,
00:29:48 rouge et blanche.
00:29:50 Elle est là parce qu'en fait,
00:29:54 il y a des chutes du bâtiment dans la cour de récréation.
00:29:57 ...
00:29:58 Des morceaux de pierre, des morceaux de façade.
00:30:01 ...
00:30:05 Et même une cheminée tombée dans la cour de récréation
00:30:08 aux dernières vacances.
00:30:09 ...
00:30:15 La chaînette a été installée,
00:30:17 mais en fait, les enfants franchissent allègrement,
00:30:21 tous les jours, le périmètre.
00:30:23 ...
00:30:28 -A l'intérieur,
00:30:30 des salles de classe condamnées,
00:30:32 dont le plafond s'écroule chaque jour un peu plus.
00:30:35 ...
00:30:40 Olivier y donnait des cours aux enfants quelques mois auparavant.
00:30:43 ...
00:30:45 La porte qui donne sur la cuisine
00:30:47 semble prête à tomber, elle aussi.
00:30:50 ...
00:30:52 -Il n'y a pas de réfectoire comme une cantine
00:30:54 qu'il peut y avoir dans un établissement scolaire.
00:30:57 ...
00:31:00 Vos enfants, dans l'IME,
00:31:03 mangent, travaillent,
00:31:06 sont changés parfois, au niveau hygiène,
00:31:09 dans la même salle, en fait.
00:31:11 ...
00:31:24 -Ils doivent être dans la même salle.
00:31:26 ...
00:31:27 -La vaisselle, la nourriture et les produits de toilette
00:31:31 se côtoient, allant contre...
00:31:34 ...
00:31:49 -Il a des problèmes de déglutition,
00:31:51 il peut s'étouffer,
00:31:52 et il est absolument nécessaire
00:31:54 qu'un adulte reste à côté de lui.
00:31:56 ...
00:32:02 -C'est de la maltraitance.
00:32:04 -Complètement.
00:32:05 -Il n'y a pas d'autre mot.
00:32:06 C'est totalement inadmissible, à notre époque,
00:32:09 de voir que des enfants handicapés
00:32:11 vivent dans un tel milieu.
00:32:13 -Et puis, nos enfants, ils ne se plaignent jamais,
00:32:16 ils ne disent jamais rien.
00:32:17 Ils ne parlent pas.
00:32:18 Ils ne peuvent pas me dire comment s'est passé la journée.
00:32:22 Je leur fais confiance.
00:32:23 La vraie question, c'est maintenant,
00:32:25 qu'est-ce qu'on fait pour que ça cesse ?
00:32:27 ...
00:32:29 -Sous le choc, les parents se rendent directement sur place
00:32:33 pour exiger une visite de l'établissement.
00:32:35 Ils acceptent que nous filmions en caméra discrète.
00:32:39 -Bonjour, je souhaiterais voir le responsable,
00:32:42 s'il vous plaît.
00:32:43 -Une des responsables les fait attendre une demi-heure.
00:32:48 Avant de les recevoir...
00:32:49 -Bonjour.
00:32:50 -Sur le trottoir.
00:32:52 -Bonjour. -Allô.
00:32:53 -Je crois que vous souhaitez visiter l'établissement.
00:32:57 Je suis le responsable de l'établissement.
00:32:59 Je suis Henri Le Monde.
00:33:00 -Mais, madame, il y a des gens...
00:33:02 -Non, il n'y a pas...
00:33:04 -On a vu la salle dans laquelle vous avez accueilli les enfants.
00:33:07 Il n'y a pas de sécurité, de hygiène, de dignité.
00:33:10 On ne peut pas attendre quelques jours.
00:33:13 L'accident peut arriver ce matin.
00:33:15 -S'ils étaient en danger, ce serait arrivé.
00:33:18 Ils ne le sont pas.
00:33:19 -On a constaté qu'une cheminée tombait.
00:33:21 -Il y a des pierres qui tombent.
00:33:23 -Si, la cheminée, on l'a vu.
00:33:25 -Une cheminée est tombée ?
00:33:26 -Elle est entreposée dans la cour.
00:33:28 -Une cheminée ? -Oui, une cheminée en fer.
00:33:31 -Une cheminée qui tombe.
00:33:32 -Vous n'avez pas vu la cheminée dans la cour ?
00:33:35 -Elle refuse de les faire entrer.
00:33:37 -C'est un port, quand même.
00:33:39 -Mais je ne...
00:33:40 Vraiment, je ne minimise pas ni votre...
00:33:43 -Je sais pas.
00:33:44 -Vous en priez, hein ?
00:33:46 Musique angoissante
00:33:49 -Elle leur donne rendez-vous pour le lendemain.
00:33:51 Et nous ne sommes pas autorisés à filmer la visite.
00:33:54 Mais selon les parents,
00:33:56 un grand ménage a été fait avant leur venue.
00:33:59 Peu de temps après,
00:34:03 18 enfants sont transférés en urgence
00:34:06 dans les bureaux administratifs,
00:34:08 pas plus adaptés à leur accueil.
00:34:09 ...
00:34:13 Comment des enfants peuvent-ils aujourd'hui
00:34:15 être accueillis dans de telles conditions ?
00:34:18 Nous sommes allés poser la question
00:34:20 au gestionnaire de l'établissement.
00:34:22 -Bonjour.
00:34:23 -Bonjour.
00:34:24 -Allez, une nouvelle journée commence.
00:34:27 Il y a du monde, ce matin.
00:34:30 -Jean-Marie Gorieux dirige une trentaine d'instituts
00:34:34 dans la région
00:34:35 pour le compte d'une grosse association du secteur.
00:34:39 Ce responsable n'a pas fui notre caméra
00:34:43 et a accepté de commenter ces images de délabrement.
00:34:47 ...
00:34:52 -Cette maison est inadaptée,
00:34:53 et ça, on le sait depuis longtemps.
00:34:55 Il y a eu, à un moment donné,
00:34:57 un morceau de pierre qui est tombé.
00:35:00 On a fait venir des spécialistes,
00:35:02 on a pris une nacelle, on a regardé s'il y avait des risques.
00:35:06 Et on a pu continuer.
00:35:08 ...
00:35:09 Sur cette maison, on a eu un dégât des eaux.
00:35:12 On a eu un dégât des eaux qui est venu abîmer
00:35:16 des salles, des plafonds de salles.
00:35:18 Vous avez des moulures en plâtre, une infiltration d'eau,
00:35:22 les moulures se décrochent,
00:35:24 et à un moment donné, cette pièce est condamnée.
00:35:27 C'est pas satisfaisant.
00:35:28 Il y a personne qui se satisfait de ça.
00:35:30 Mais il n'y a rien d'inconnu, entre guillemets, encore une fois.
00:35:35 -Le directeur était au courant, mais il n'a rien fait.
00:35:38 -L'image montre que tout se fait dans la même pièce.
00:35:42 Manger, dormir, faire des activités.
00:35:45 Mais on n'est pas...
00:35:47 Enfin, tout à fait, ça, c'est la réalité.
00:35:50 Je dis pas que c'est bien, c'est pas ce que je dis.
00:35:54 Je dis que c'est pas toujours simple.
00:35:56 On va toujours trouver des choses, et des choses pas normales.
00:35:59 J'ai pas de soucis avec ça.
00:36:01 Des choses où on doit trouver d'autres solutions
00:36:04 parce que ce n'est pas acceptable.
00:36:06 -Seule justification à l'inacceptable,
00:36:09 un nouveau bâtiment serait en construction.
00:36:12 Mais l'achat du terrain
00:36:14 aurait pris plus de temps que prévu.
00:36:16 Quant aux familles, elles n'ont pas d'autre choix
00:36:20 que de laisser leurs enfants dans cette association,
00:36:23 faute de place ailleurs.
00:36:24 Musique douce
00:36:27 ...
00:36:29 Pour Frédéric Bizarre,
00:36:30 économiste spécialisé dans la protection sociale,
00:36:33 leur décision n'a rien d'étonnant.
00:36:36 Les 1300 IME français sont tous pleins à craquer.
00:36:40 ...
00:36:42 -Du fait qu'il n'y ait pas assez de place,
00:36:44 en particulier dans les établissements spécialisés,
00:36:47 fait que les familles sont dans une situation
00:36:50 de subir complètement ce manque de place
00:36:53 et donc de devoir se satisfaire de l'inacceptable.
00:36:57 Vous avez déjà une place pour votre enfant,
00:37:00 puis si vous le récupérez le week-end dans un état insatisfaisant,
00:37:04 sachez qu'il a quand même une place.
00:37:06 -C'est un constat d'échec.
00:37:08 Musique douce
00:37:10 ...
00:37:12 ...
00:37:14 ...
00:37:16 -Il y a un maximum d'enfants à l'école.
00:37:19 Un choix réfléchi
00:37:21 qui permet notamment de faire d'importantes économies.
00:37:24 A l'école, un enfant coûterait 8 000 euros par an
00:37:28 à l'administration,
00:37:30 contre environ 50 000 euros en IME.
00:37:34 Résultat,
00:37:36 au moins 30 000 enfants restent sans éducation
00:37:40 et sans soins.
00:37:42 C'est autant de familles
00:37:44 laissées dans un sentiment d'abandon.
00:37:46 ...
00:37:49 ...
00:37:51 ...
00:37:53 ...
00:37:55 Nous avons suivi le quotidien bouleversant
00:37:58 de l'une d'entre elles.
00:38:00 En Isère, Virginie et Kevin
00:38:03 s'occupent seules de leurs deux enfants
00:38:05 en situation de handicap.
00:38:08 Voilà 4 ans
00:38:10 qu'ils attendent une place en IME pour leur fils Jules.
00:38:14 -Ca fait du bien, mon pilou ?
00:38:16 Ca fait du bien de prendre l'air, mon coeur ?
00:38:19 Dis donc, vous nous attendez pas ?
00:38:21 Rires
00:38:22 Qu'est-ce qu'ils font, papa et Logan ?
00:38:25 Regarde, qu'est-ce qu'ils font avec Logan ?
00:38:27 -Le petit garçon de 7 ans est polyhandicapé.
00:38:30 Il est porteur d'une maladie génétique
00:38:32 qui attaque sa motricité.
00:38:34 Et il est atteint de troubles de l'autisme important,
00:38:38 qui l'empêche de parler.
00:38:40 -Ouh, la descente ! Ouh !
00:38:42 -Logan, plus jeune, a la même maladie génétique,
00:38:45 mais elle ne l'a pas encore touchée aussi durement que son frère.
00:38:48 -Jules, donc, on a découvert la glycogénose,
00:38:51 il avait 10 mois.
00:38:53 Et en fait, quand on a eu le diagnostic,
00:38:55 on s'est dit, on va prendre le risque de faire un deuxième enfant.
00:38:59 Sauf qu'en fait, j'étais déjà enceinte,
00:39:01 j'étais à 3 mois déjà.
00:39:04 -Tourne, tourne. -Ah !
00:39:06 -On se dit vraiment, c'est quand même faute à pas de chance.
00:39:09 C'est fou, parce que pour chaque grossesse,
00:39:12 il y a une chance sur 4, en fait, à chaque grossesse,
00:39:15 de retransmettre les gènes malades, donc...
00:39:19 Ouais.
00:39:21 Musique douce
00:39:23 -Virginie, infirmière, est aujourd'hui en arrêt maladie.
00:39:27 Kevin, lui, a quitté son travail pour s'occuper des enfants.
00:39:33 Il touche un peu plus de 500 euros en tant qu'aidant familial.
00:39:38 Depuis 4 ans, leur vie est à l'arrêt.
00:39:42 -Allez, champion, on enlève ton armure.
00:39:45 Tac !
00:39:47 Ca fait du bien ?
00:39:49 ...
00:39:52 Qu'est-ce qu'il fait, Pélou ? Il se met tout nu ?
00:39:54 Jules ?
00:39:57 -On sait pas pourquoi, c'est vraiment uniquement
00:39:59 quand on sort sur l'extérieur, où il accepte de porter des vêtements.
00:40:03 Je pense qu'il a une sensibilité un peu différente.
00:40:05 ...
00:40:07 -Allez !
00:40:09 -Toutes les 4 heures, les garçons doivent recevoir
00:40:11 une injection d'un complément alimentaire
00:40:14 pour garder leur taux de sucre au bon niveau.
00:40:17 -Il y a pas si longtemps, on faisait même ça à 3h du matin.
00:40:21 ...
00:40:23 C'est vital pour eux. Le problème, c'est qu'une erreur de notre part,
00:40:27 un réveil qu'on loupe, ça peut être la fin.
00:40:30 -C'est épuisant, c'est vraiment épuisant.
00:40:33 Pourtant, c'est simple comme geste,
00:40:35 mais quotidiennement, en faire tous les jours,
00:40:38 moralement, c'est épuisant.
00:40:40 -Le médicament est administré directement
00:40:43 dans l'estomac des enfants.
00:40:45 ...
00:40:47 -Ca, c'est quoi ? C'est le médicament de Julie Logan ?
00:40:50 -Et ça fait pas mal. -Et ça fait pas mal.
00:40:52 Et c'est pourquoi ? -Parce que...
00:40:54 -Qu'est-ce qu'ils ont, Julie Logan ?
00:40:57 -Une maladie.
00:40:59 -En Isère, aucun spécialiste n'est disponible
00:41:02 pour aider cette famille.
00:41:04 ...
00:41:07 -Ce sera puissant.
00:41:09 -Ce jour-là, Virginie appelle une nouvelle fois
00:41:11 un centre médical pour obtenir des rendez-vous.
00:41:15 -On n'a rien du tout pour lui qui a été mis en place.
00:41:18 Il est con.
00:41:19 -Vous avez fait une demande ?
00:41:21 -Oui, je vous ai téléphoné déjà il y a quelques temps.
00:41:24 Il a besoin d'ergothérapie, de psychomotricité,
00:41:27 d'orthophonie, et en fait, ça fait bientôt 4 ans
00:41:30 qu'il n'a rien et on sait plus vers qui se tourner.
00:41:33 -Ouais. Le problème, c'est que nous, déjà,
00:41:35 on n'a pas d'ergot, on n'a pas de cinémathie.
00:41:37 Je vais avoir que orthophonie et psychomotricité
00:41:40 et on va avoir des délais de un an, quoi.
00:41:43 -Oh, putain !
00:41:44 -Je sais pas quoi vous dire.
00:41:46 ...
00:41:48 J'essaye de voir... Je vous rappelle.
00:41:51 -OK. Bon, très bien. Je vous remercie, en tout cas.
00:41:54 -Vous vous retrouvez compte ? Un an d'attente ?
00:41:57 -Un an. -Mais c'est énorme !
00:41:58 ...
00:42:00 -C'est très important, ça.
00:42:02 -Ouais.
00:42:03 Ca fait mal.
00:42:04 Le rejet de mon petit garçon, je me dis qu'il a 7 ans
00:42:07 et il est déjà rejeté par la société, donc c'est fou, quoi.
00:42:11 ...
00:42:13 Je vis très, très mal.
00:42:15 Je le montre pas.
00:42:16 Enfin, j'essaie de pas le remontrer,
00:42:18 parce qu'ils ont pas besoin d'avoir mon stress en plus,
00:42:21 mais ouais, c'est compliqué.
00:42:23 J'ai fait une grosse dépression...
00:42:25 J'ai fait une grosse dépression au mois de juin, l'année dernière,
00:42:29 parce que justement, je voyais mon fils se dégrader.
00:42:32 On a beau tirer les sonnettes d'alarme partout,
00:42:34 personne ne nous aide.
00:42:36 Cri de bébé.
00:42:37 -Et ce n'est pas près de s'arrêter.
00:42:39 Une soixantaine de places d'IME
00:42:41 devraient fermer dans leur région dans les prochaines années.
00:42:44 Alors, toute leur demande reste lettre morte.
00:42:47 -Nous vous prions de trouver si j'avais un dossier d'inscription
00:42:50 sur liste d'attente, donc ça, on l'avait fait.
00:42:53 ...
00:42:54 -En désespoir de cause,
00:42:56 ils se sont même adressés à Brigitte Macron.
00:42:59 ...
00:43:02 Un courrier auquel le cabinet de la Première dame a répondu,
00:43:05 sans pour autant apporter de solution.
00:43:08 ...
00:43:11 -C'est le problème de Jules, c'est qu'il est polyhandicapé.
00:43:15 Ils ne savent pas où le classer, donc ils le mettent nulle part.
00:43:18 -La famille se retrouve dans un huis clos permanent.
00:43:21 -Jules !
00:43:22 -Des conséquences dramatiques sur Jules, qui régressent.
00:43:25 ...
00:43:33 Comme les parents de Jules,
00:43:35 ils sont des milliers à se sentir abandonnés par l'Etat.
00:43:38 -Je suis désolée, mais en fait, je suis révoltée,
00:43:41 je ne peux pas accepter cette situation.
00:43:44 -Et certains d'entre eux n'hésitent plus à mener
00:43:48 des actions spectaculaires pour se faire entendre.
00:43:51 ...
00:43:54 Comme cet élu, père d'un enfant autiste.
00:43:57 -Le handicap, personne en parle, tout le monde s'en fout,
00:44:00 il faut juste se le dire, tout le monde s'en fout, clairement.
00:44:04 -Il est prêt à tout pour obtenir une place pour son fils.
00:44:07 -Dès lundi, j'entreprends une grève de la faim.
00:44:12 Je suis convaincu qu'il y a que ça qui fera changer les choses.
00:44:15 -Et en haut de cette grue, c'est une mère
00:44:18 qui n'hésite pas à se mettre en danger
00:44:21 pour témoigner de sa colère.
00:44:23 ...
00:44:26 ...
00:44:30 -Chut !
00:44:31 Chut !
00:44:32 On se calme.
00:44:34 Allez, on se calme.
00:44:35 -En Normandie, mettre la pression,
00:44:37 c'est aussi la méthode qu'a choisie Sandrine,
00:44:40 dont le fils est autiste.
00:44:42 -Tu veux ta petite couverture ?
00:44:44 -OK.
00:44:45 -Oui.
00:44:46 -Parce qu'en fait, t'es fatiguée aussi.
00:44:49 ...
00:44:52 -Clé porte.
00:44:53 -Fin 2022, elle profite d'une cérémonie dans un IME
00:44:58 où elle souhaiterait inscrire son fils
00:45:00 pour interpeller les élus du département.
00:45:03 -Je suis une maman très, très en colère.
00:45:07 Tous les jours, j'habite avec un enfant qui se tape,
00:45:10 qui hurle, qui claque les portes.
00:45:12 Quand je peux vivre ? Quand je peux retrouver mon travail ?
00:45:15 Quand je peux avoir une vie sociale ?
00:45:17 J'appelle ça la maltraitance humaine.
00:45:19 J'en ai ras-le-bol. Je ne suis pas la seule parente à avoir ras-le-bol.
00:45:23 C'est de la maltraitance.
00:45:25 J'espère que le message est bien passé.
00:45:27 Merci.
00:45:28 Applaudissements
00:45:30 -Le cri d'alerte d'une mère à bout,
00:45:32 après cinq ans d'attente pour une place en institut.
00:45:36 ...
00:45:37 Et Sandrine ne va pas s'arrêter là.
00:45:40 Quelques jours plus tard,
00:45:42 elle retourne à l'IME, où elle a fait son esclandre.
00:45:45 Son fils est 50e sur la liste d'attente.
00:45:49 Avec une ou deux sorties par an,
00:45:52 il lui faudrait au moins 25 ans pour l'intégrer.
00:45:55 Nous l'accompagnons en caméra discrète.
00:45:58 Sandrine veut savoir pourquoi c'est si long.
00:46:01 ...
00:46:05 -Bonjour, madame. Je suis madame Dos Santos.
00:46:08 J'ai bien à voir,
00:46:10 mais je peux prendre des nouvelles concernant le dossier de mon fils.
00:46:14 -Oui, je me souviens bien.
00:46:15 Je ne vais pas avoir beaucoup plus...
00:46:18 Je ne sais pas ce que vous avez déjà dit par rapport à votre garçon.
00:46:21 -Il est 50e sur la liste.
00:46:23 Est-ce qu'il est toujours...
00:46:25 -Il n'y a pas de 1er ni de 50e.
00:46:27 Les choses sont vues autrement.
00:46:29 Il ne s'agit pas...
00:46:30 -Comment vous faites pour déterminer ?
00:46:32 -On a des critères qui nous appartiennent,
00:46:35 et c'est compliqué. Après, voilà.
00:46:38 -Les critères d'admission sont opaques.
00:46:41 Mais selon nos informations,
00:46:42 ces instituts choisiraient en priorité
00:46:45 les enfants les moins lourdement handicapés,
00:46:47 car ils sont plus simples à prendre en charge.
00:46:50 Et pour la création de nouvelles places,
00:46:53 ce n'est pas l'IME qui décide.
00:46:56 -C'est même pas à notre niveau que ça se passe.
00:46:59 Si on avait les moyens et qu'on nous donnait les moyens,
00:47:02 je préfère créer 10 places.
00:47:03 -C'est l'Agence régionale de santé
00:47:06 qui a tout pouvoir en matière de santé publique.
00:47:09 -Vous êtes pas la seule.
00:47:10 -L'ARS, c'est les financeurs.
00:47:12 C'est eux, effectivement, qui financent.
00:47:14 C'est eux.
00:47:15 -Je suis désolé, je vous apporte pas plus de bonnes nouvelles que ça.
00:47:20 Musique rythmée
00:47:22 -Sandrine se précipite donc au siège de l'ARS,
00:47:26 situé à quelques kilomètres de là.
00:47:28 ...
00:47:29 Plus déterminée que jamais à obtenir une solution pour son fils.
00:47:35 -Si on me parle mal, je vais m'enchaîner
00:47:37 jusqu'à ce que j'ai une réponse pour mon fils.
00:47:40 Si on me le prend pour une demeurée...
00:47:42 ...
00:47:43 Je m'enchaîne.
00:47:44 ...
00:47:49 Téléphone
00:47:50 -Oui, bonjour. -Oui, bonjour, madame.
00:47:52 Je viens voir si on peut parler du dossier
00:47:56 concernant mon petit garçon.
00:47:58 -On ne reçoit pas de son série, madame.
00:48:00 -Pourtant, c'est marqué "horaires 8h45,
00:48:02 12h30, 13h30, 17h".
00:48:04 -Ah non, madame. Vous téléphonez ?
00:48:07 -Oui, mais par téléphone, la dernière fois,
00:48:09 on n'a pas su me répondre.
00:48:11 -Non, il faut faire un mail directement.
00:48:13 -Il y a personne.
00:48:14 -Il faut trouver un cadre, madame.
00:48:16 J'ai ramené des chaînes, je vais m'enchaîner.
00:48:19 -Vous allez vous enchaîner ? -Oui.
00:48:21 Vous ne croyez pas ? Je vous la montre ?
00:48:23 Vous avez une caméra ? Je vous la fasse voir, ma chaîne ?
00:48:26 Non, parce que là, je commence à en avoir marre.
00:48:29 Je demande juste, madame, s'il vous plaît,
00:48:32 de pouvoir rencontrer un cadre.
00:48:34 -Très vite, deux responsables apparaissent
00:48:37 et tentent d'apaiser la mère de famille.
00:48:40 -Bonjour. -Bonjour, messieurs.
00:48:42 -J'ai fait encore le tour des établissements
00:48:45 et ils disent que le problème vient des financements de l'ARS.
00:48:48 -Euh...
00:48:49 -Oui et non.
00:48:50 -On n'a pas de compte en banque et on ne distribue pas...
00:48:53 -Pour savoir de qui est-ce la faute,
00:48:56 c'est pas toujours simple.
00:48:57 -Tout le monde se rejette la balle.
00:48:59 -Courage. -Merci.
00:49:02 -Vous avez des gens en face de vous qui sont impuissants.
00:49:05 Impuissants parce qu'ils ont pas le centre de la décision.
00:49:08 Les vraies décisions sont prises à Paris
00:49:10 et vous n'avez que des exécutants des décisions étatiques.
00:49:14 Or, ces gens brassent des milliards
00:49:16 et décident du destin de centaines de milliers de vies.
00:49:19 Musique douce
00:49:21 -Des centaines de milliers de vies en suspens.
00:49:24 ...
00:49:27 Un manque de placement.
00:49:29 Un manque de place en institut.
00:49:32 ...
00:49:33 Une école dépassée.
00:49:35 ...
00:49:38 Face à ce constat d'échec,
00:49:40 de nombreuses familles n'envisagent plus que l'exil.
00:49:43 ...
00:49:48 En Isère, les parents de Jules se préparent à un long voyage.
00:49:52 ...
00:49:54 -Les deux sacs des petits.
00:49:55 ...
00:49:57 Face à l'absence de structure d'accueil dans leur région,
00:50:01 ils n'ont d'autre choix que d'envoyer leur fils
00:50:03 à plus de 1 000 km, à l'étranger.
00:50:06 -Oui, on va y aller.
00:50:07 T'es pressé ? Tu veux aller faire le voyage en train ?
00:50:10 Oui ?
00:50:11 ...
00:50:14 On va visiter un IME en Belgique.
00:50:16 Après avoir envoyé un mail avec notre dossier et notre histoire,
00:50:20 ils ont été touchés et...
00:50:22 Ils sont prêts à nous accueillir, à rencontrer Jules
00:50:25 et voir si l'IME correspondrait aux besoins de Jules.
00:50:28 ...
00:50:35 -Ce voyage est une grande première pour eux.
00:50:38 ...
00:50:42 -On est arrivés ?
00:50:43 On est arrivés !
00:50:45 ...
00:50:47 -Ils ne se sont jamais déplacés depuis que Jules est en fauteuil roulant.
00:50:51 Cela fait un an et demi.
00:50:52 -Ouais.
00:50:54 ...
00:50:56 -C'est quand même pas normal.
00:50:58 -Y a pas de rampes pour monter le fauteuil ?
00:51:00 Vas-y, un, deux, trois. Logan, pousse-toi.
00:51:03 Logan.
00:51:04 Super.
00:51:05 -Et le trajet de Lyon jusqu'à Liège, en Belgique,
00:51:09 ne va pas être de tout repos.
00:51:11 -Alors...
00:51:12 ...
00:51:14 11h32, Lille-Flandres.
00:51:16 Point de rendez-vous, borne d'appel dans le hall.
00:51:19 -C'est mon collègue qui va prendre en charge.
00:51:22 -D'accord.
00:51:23 -Il est juste là, le point de rencontre.
00:51:25 -Ah, d'accord, on n'avait pas vu. Merci beaucoup.
00:51:28 ...
00:51:34 Hop.
00:51:35 C'est pas à côté, là. On a dû traverser toute la gare.
00:51:38 C'est vrai que... Jules, ça va, il est en fauteuil,
00:51:41 mais Logan, j'avais un peu peur.
00:51:43 Logan, c'est vrai qu'il est vite fatigué,
00:51:46 il est déjà un peu blanc.
00:51:47 -Je veux m'asseoir. -Tu veux t'asseoir, mon coeur ?
00:51:50 -Aux morts de la gare, 24,
00:51:52 bienvenue du point de rendez-vous.
00:51:54 ...
00:51:56 Coup de sifflet
00:51:58 ...
00:51:59 -Une fois à bord du train,
00:52:01 les déconvenus s'enchaînent.
00:52:04 ...
00:52:07 -102, c'est là.
00:52:08 102 et Jules.
00:52:11 Allez, Jules, 101.
00:52:13 Mais attends, je suis même pas avec Jules.
00:52:16 101, il est là.
00:52:17 -Dans chaque wagon, il n'y a qu'une place de prévu
00:52:20 pour l'accompagnant d'une personne handicapée.
00:52:23 ...
00:52:24 La famille va donc voyager séparément.
00:52:27 -Il est là. Hop là.
00:52:28 -Mais c'est un message de la SNCF
00:52:32 qui va définitivement noircir le tableau.
00:52:34 -Allez, va.
00:52:35 ...
00:52:38 Alors, bonjour, en raison d'un problème technique,
00:52:41 votre train Ouigo de ce jour ne disposera pas de WC
00:52:44 pour personnes à mobilité réduite.
00:52:46 ...
00:52:49 Pas d'autre choix que de changer l'enfant de 7 ans
00:52:52 sur la plateforme du train entre deux wagons.
00:52:55 -Tu vas t'allonger sur la veste à maman, chérie ?
00:52:57 Oh, pétard ! Non, mais alors...
00:52:59 Ouais, ça bouge, mon coeur, bah oui.
00:53:02 Il bouge, le train.
00:53:04 Alors, attends, dans l'autre sens, mon pauvre loulou.
00:53:09 Ouais, attends, là, là.
00:53:10 Roh, c'est galère, mais sérieux, quoi.
00:53:13 ...
00:53:15 Regarde s'il y a des gens qui se lèvent, là.
00:53:18 ...
00:53:20 T'as dignité, là, mon fils, il est exposé comme ça,
00:53:23 tout va bien. Oh, mon coeur.
00:53:24 ...
00:53:26 Sors-moi des lingettes.
00:53:27 Sérieux.
00:53:29 Vas-y, envoie la couche, la couche.
00:53:31 La couche !
00:53:33 ...
00:53:35 Lève tes fesses, mon chéri.
00:53:37 Lève tes fesses.
00:53:38 ...
00:53:40 Remets l'autre jambe, c'est plus le temps que je mets
00:53:43 ces chaussures-là.
00:53:44 C'est bien, pédo.
00:53:46 Vas-y.
00:53:47 ...
00:54:01 -Après 8 heures de voyage,
00:54:03 la famille atteint enfin sa destination.
00:54:08 ...
00:54:10 -Respecter l'abri, mon grand.
00:54:12 -Le centre qui la reçoit
00:54:15 porte un nom qui ne s'invente pas,
00:54:17 la Cité de l'espoir.
00:54:18 ...
00:54:20 Et de l'espoir, c'est peut-être ce qu'ils vont trouver
00:54:23 dans cet établissement de 300 résidents.
00:54:26 ...
00:54:29 -Bonjour.
00:54:31 -Bonjour.
00:54:32 -Pour la première fois depuis des années,
00:54:34 la famille est accueillie chaleureusement.
00:54:36 -Tu fais un check ? Tu sais faire des checks ?
00:54:39 -Un check ? -Oui.
00:54:40 -Bonjour. -Bonjour.
00:54:42 -Une place est libérée.
00:54:44 -Tu dis bonjour ?
00:54:45 -Christophe Bartholomé, le directeur pédagogique et son équipe
00:54:48 doivent déterminer si Jules peut intégrer Liem.
00:54:51 -Il peut descendre, si ça pose problème ?
00:54:54 -Non, je pense qu'il veut voir...
00:54:57 -Il peut explorer.
00:54:59 On est intéressés de le voir un peu évoluer.
00:55:02 -Tu veux descendre, Jules ?
00:55:03 -Tu vas aller voir ?
00:55:05 -C'est parti.
00:55:06 ...
00:55:09 -Il a l'air à l'aise, quand même,
00:55:11 il a une respectueuse, une protection avec sa maman
00:55:14 ou son papa.
00:55:15 Il est très observateur, donc c'est bien.
00:55:18 -Viens avec nous.
00:55:20 -Dans ce centre,
00:55:21 tout est fait pour stimuler les enfants autistes.
00:55:24 ...
00:55:28 L'établissement est équipé d'une salle sensorielle
00:55:31 où le son, l'éclairage
00:55:35 et la température peuvent être contrôlés.
00:55:38 ...
00:55:43 C'est la première fois que nous voyons Jules sourire.
00:55:47 ...
00:55:50 -Ca permet de trouver des intérêts pour des personnes
00:55:53 qui n'ont pas accès au langage.
00:55:55 Ici, on est dans quelque chose d'un peu plus fin,
00:55:58 d'un peu plus précis au niveau sensorialité
00:56:01 que les jeux classiques, et ça marche souvent très bien.
00:56:04 -Il y a même une grande piscine pour développer la motricité.
00:56:08 ...
00:56:12 -Je ne m'attendais pas à des trucs comme ça.
00:56:15 C'est hyper bien équipé, c'est trop bien.
00:56:18 ...
00:56:20 -Pour un fonctionnement optimum,
00:56:22 cet établissement public reçoit chaque année
00:56:25 27 millions d'euros de l'Etat belge,
00:56:27 soit une moyenne de 80 000 euros par résident,
00:56:30 presque 60 % de plus qu'en France.
00:56:34 Si ce type d'infrastructure existe dans l'Hexagone,
00:56:37 les places sont bien trop rares.
00:56:39 ...
00:56:46 Alors aujourd'hui, 8 000 Français en situation de handicap
00:56:49 sont pris en charge en Belgique.
00:56:51 Leurs places sont financées par la Sécurité sociale.
00:56:55 ...
00:56:57 -A bientôt. Merci beaucoup. Au revoir.
00:57:00 -Et ça lui coûte 400 millions d'euros chaque année.
00:57:02 -Au revoir.
00:57:04 ...
00:57:09 -En attendant la réponse de l'établissement,
00:57:12 Virginie et Kevin se préparent à une éventuelle séparation.
00:57:15 -Ca va être un déchirement, c'est certain,
00:57:18 mais quand j'y pense, je me dis que je ne peux pas penser à nous,
00:57:21 je dois penser à Ejel.
00:57:23 On sait que c'est une opportunité,
00:57:24 et qu'on ne peut pas dire non.
00:57:27 C'est pas possible.
00:57:29 -On fait ce qu'il faut faire, et puis voilà.
00:57:31 ...
00:57:35 ...
00:57:41 -En France, le secteur du handicap
00:57:44 traverse une crise d'évocation sans précédent.
00:57:46 ...
00:57:51 Et le manque criant de personnel qui en découle
00:57:54 pèse sur le bon fonctionnement des foyers.
00:57:56 ...
00:58:00 Et sur le bien-être des résidents qui, la plupart du temps,
00:58:03 y passent toute leur vie.
00:58:05 ...
00:58:10 -Un, deux... Allez, go, go !
00:58:12 ...
00:58:15 -Dans ce foyer pour adultes, proche de Chambéry,
00:58:18 la directrice Sylvaine Garraud se bat chaque jour...
00:58:21 -A tout à l'heure.
00:58:22 -Pour pallier cette pénurie de personnel.
00:58:25 -Et bonjour !
00:58:27 Ca va ?
00:58:29 A fort, ce matin ?
00:58:31 Qu'est-ce que tu fais ?
00:58:32 ...
00:58:35 Il m'aime. C'est merveilleux.
00:58:37 Malinon, j'en ai des bisous, hein.
00:58:39 Tu viens de déjeuner, hein.
00:58:41 -Elle connaît tous ses résidents,
00:58:43 mais pas forcément tous ses employés.
00:58:46 -Bonjour, tout le monde !
00:58:48 Bonjour, Claude ! Ah, bonjour !
00:58:51 Alors, on se connaît pas.
00:58:54 Je suis Clara, 7 semaines en carrière.
00:58:56 Enchantée. Mme Garraud, la directrice.
00:58:58 -On se connaît pas ?
00:58:59 -Non, j'avais pas eu l'occasion de se décevoir.
00:59:02 -Il y a tellement de turnover que c'est un peu compliqué.
00:59:06 ...
00:59:08 La plupart du temps, malheureusement,
00:59:10 je ne connais pas tout le monde.
00:59:12 Là, par exemple, sur ces 3 jours qui arrivent,
00:59:15 on a 19 personnes différentes.
00:59:17 Sur 25 remplacements.
00:59:19 Musique douce
00:59:21 -Éducateur, aide-soignant, médecin, psychiatre...
00:59:26 Depuis le Covid, un poste sur 4 n'est pas pourvu.
00:59:29 C'est surtout sur les intérimaires
00:59:31 que repose le fonctionnement de l'établissement.
00:59:34 Certains jours,
00:59:36 ils représentent 80 % du personnel,
00:59:39 comme Eléonore, qui travaille sur plusieurs foyers dans la région.
00:59:43 -Attention, les pattes !
00:59:45 ...
00:59:47 -Le besoin de main-d'oeuvre est tel
00:59:49 qu'un nouveau métier a fait son apparition dans le secteur.
00:59:53 ...
00:59:55 -Moi, je suis faisante de fonction.
00:59:57 J'avais commencé une formation de moniteur éducateur
01:00:00 que j'ai suspendue il y a 2 ans.
01:00:02 Et du coup, de plus,
01:00:04 travailler en tant que moniteur éducateur...
01:00:07 -C'est quoi, faisante de fonction ?
01:00:09 -C'est le même travail, mais sans diplôme.
01:00:11 Voilà, faisante de fonction,
01:00:13 de ce que vous voulez, de ce qui vous voulez.
01:00:15 ...
01:00:18 -Ces jeunes femmes, initialement précaires,
01:00:20 sont aujourd'hui les mieux loties dans l'établissement.
01:00:23 -Tu veux plus jouer ? T'en as marre ? Tu veux faire quoi ?
01:00:26 -On fait notre planning, les vacances, c'est quand on veut.
01:00:29 Le salaire, évidemment.
01:00:31 Y a plus de problèmes, problème de réunion,
01:00:33 problème de souci de vacances qui passent pas, tout ça.
01:00:36 Et puis j'y reviendrai pas. On a déjà proposé 4 CDI, j'ai refusé.
01:00:39 -Les balles, tu les ranges en placard.
01:00:41 -Leur salaire peut grimper à 3 500 euros bruts par mois
01:00:45 grâce à des primes de précarité.
01:00:47 C'est deux fois plus que les titulaires.
01:00:52 -Les intérimaires effectuent pourtant les mêmes tâches,
01:00:55 y compris les plus délicates.
01:00:57 -C'est la dernière cuillère. J'arrive, Bernard.
01:00:59 -Comme la préparation des repas.
01:01:03 Ici, chaque pensionnaire a sa façon bien à lui
01:01:07 de consommer les aliments.
01:01:08 Et en cuisine, la moindre erreur pourrait provoquer un étouffement.
01:01:13 -Quand on a des textures, du coup, qui arrivent normales,
01:01:16 donc ça a à nous, derrière, de refaire
01:01:19 pour que ça soit haché, pour pas...
01:01:21 Du coup, pour éviter toute fausse route à la résidente.
01:01:24 -C'est un peu stressant, pour vous, du coup ?
01:01:26 -On vérifie bien, donc après, ça va.
01:01:30 -Pour éviter les accidents,
01:01:36 la direction a pris soin de coller ces fiches
01:01:39 à l'intention des intérimaires.
01:01:41 Avec les photos, les noms
01:01:44 et le type d'alimentation des résidents.
01:01:48 Musique douce
01:01:50 ...
01:01:52 Dans l'unité des autistes, ces changements quotidiens
01:01:55 de personnel accentuent les troubles du comportement.
01:01:59 -Tu écoutes ce qu'on te dit.
01:02:00 D'accord ? Tu te tiens à carreau.
01:02:03 ...
01:02:09 -On est sur le qui-vive, parce qu'il y a une crise ce matin,
01:02:12 voire plusieurs, et du coup, on essaie de faire en sorte
01:02:15 que l'unité soit vraiment apaisée.
01:02:17 Même nous, on essaie de pas crier, de pas s'agiter.
01:02:20 -Allez, viens.
01:02:22 -Enzo, 26 ans, fait partie des plus sensibles.
01:02:26 Pour calmer ses angoisses,
01:02:28 il a parfois besoin d'un moment dans une salle d'apaisement.
01:02:32 -Donc, tu peux y aller.
01:02:33 ...
01:02:43 ...
01:02:54 Cri de douleur
01:02:55 ...
01:03:01 -Jessica, salariée ici depuis trois ans,
01:03:04 est son éducatrice référente.
01:03:06 ...
01:03:08 -Tiens, tu peux débarrasser, Clara, si tu veux.
01:03:10 Arrête.
01:03:12 Enzo, tu veux pas faire le planning ?
01:03:14 -Bah oui, quand même.
01:03:16 -Le planning, c'est le moyen qu'elle a trouvé
01:03:19 pour l'aider à mieux supporter le turnover du personnel.
01:03:22 ...
01:03:26 -Demain matin, il y a Claire.
01:03:28 La petite Claire.
01:03:30 -Grâce à ses photos,
01:03:33 il peut visualiser qui va s'occuper de lui.
01:03:36 -Après, il y a une intérimaire le matin.
01:03:38 Tu prends l'intérimaire et tu l'avais le matin.
01:03:41 ...
01:03:48 -L'après-midi, Alexandra.
01:03:50 -Ce petit rituel peut lui éviter une nouvelle crise.
01:03:53 -C'est bon ?
01:03:54 -Hum...
01:03:55 -Calmer les résidents,
01:03:57 c'est aussi une mesure de sécurité pour les soignants.
01:04:00 -On m'a mordu, tordu le poignet,
01:04:02 arraché une poignée de cheveux.
01:04:05 Ouais.
01:04:07 -C'est dur, quand même.
01:04:09 -Bien sûr que c'est dur.
01:04:10 Mais on sait pourquoi on le fait.
01:04:12 C'est une vocation.
01:04:14 Je suis passionnée par l'autisme.
01:04:16 Donc je sais pourquoi je suis là
01:04:18 et je sais que ça fait partie de tout ça.
01:04:20 Des fois, c'est vrai qu'on vit des choses
01:04:23 qui sont difficiles ou qui sont un peu hors normes,
01:04:26 mais pour nous, c'est la normalité.
01:04:28 On est faits pour ça, quoi.
01:04:29 Donc je me vois pas faire autre chose, honnêtement.
01:04:33 Musique douce
01:04:35 ...
01:04:41 -Attends. Avance un petit peu ton bras.
01:04:43 ...
01:04:45 -Celle qui reste en poste est débordée.
01:04:47 ...
01:04:50 Avec 56 résidents à soigner.
01:04:52 ...
01:04:55 -On devait avoir une collègue intérimaire en 12h aujourd'hui
01:04:58 qui a annulé la mission hier.
01:05:00 -Allez, Alissa !
01:05:02 -Quand c'est comme ça, les titulaires donnent les médicaments.
01:05:06 -C'est donc Elodie, une aide-soignante,
01:05:08 qui vient lui prêter main forte.
01:05:10 ...
01:05:12 -C'est pas compliqué, il suffit de vérifier l'ordonnance
01:05:16 et il faut contrôler ce qu'on a dans le petit sachet
01:05:19 et donner. Y a rien de compliqué,
01:05:20 mais c'est le boulot d'une infirmière.
01:05:23 C'est pas notre boulot.
01:05:24 On le fait parce que notre collègue est dans la merde
01:05:27 et qu'on va pas la laisser se démerder comme ça.
01:05:30 -Hop ! Tiens, Philippe, ça va être pour toi, le loup.
01:05:34 Regarde.
01:05:35 -Pourtant, officiellement, Elodie n'est pas habilitée
01:05:38 à administrer des médicaments sans la présence d'une infirmière.
01:05:42 -Oui.
01:05:43 -Zac, prends le médicament !
01:05:45 -Attends, Jean-Pierre, chacun son tour.
01:05:47 Vous me laissez juste 2 secondes me concentrer
01:05:50 que je ne fasse pas de bêtises.
01:05:52 -On a des traitements qui sont forts.
01:05:54 -Tu vois ? -Qui sont très forts
01:05:56 et on peut pas se permettre de donner n'importe quoi à n'importe qui.
01:06:00 Faut juste pas se tromper de résident, quoi.
01:06:02 -Ca, c'est arrivé ?
01:06:03 -Ca arrive plusieurs fois, ouais, bien sûr.
01:06:06 Bien sûr que ça arrive, les erreurs de...
01:06:08 de...
01:06:09 de résident, oui, ça arrive plus souvent qu'on ne le croit.
01:06:13 -A toi, ma belle.
01:06:14 C'est prête ?
01:06:15 Rita, tu m'attendais, là, pour les médicaments.
01:06:18 Mimi ? -Oui.
01:06:19 -50 000 professionnels manqueraient à l'appel dans le secteur.
01:06:23 Une surcharge de travail pour ceux qui restent.
01:06:26 -C'est pas la peine,
01:06:27 une surcharge de travail pour ceux qui restent,
01:06:30 qui entraînerait parfois d'autres dérives.
01:06:33 Musique rythmée
01:06:35 ...
01:06:37 Ces derniers mois, la presse se fait l'écho de maltraitances,
01:06:41 brûlures, griffures.
01:06:43 ...
01:06:45 Éducateurs en garde à vue.
01:06:47 ...
01:06:50 Des enfants sont même décédés dans des circonstances troublantes.
01:06:54 ...
01:06:56 Comme Océane.
01:06:57 ...
01:07:01 Sofiane.
01:07:02 ...
01:07:05 Ou Cynthia, 13 ans,
01:07:06 retrouvée inanimée dans la baignoire d'un IEM.
01:07:09 ...
01:07:19 Dans le nord de la France, une enquête est en cours
01:07:22 pour des soupçons de maltraitance
01:07:24 pour un employé proche de Valenciennes.
01:07:27 ...
01:07:29 Gaétan, un autiste de 27 ans, a failli perdre la vie.
01:07:33 ...
01:07:34 -Alors, on va où, Loulou ? On va voir qui ?
01:07:37 Cactus ? On va tomber tous les cheveux.
01:07:39 ...
01:07:42 -Il est trop beau !
01:07:43 -C'est la première fois depuis le drame
01:07:46 que le jeune homme revient voir ses animaux préférés.
01:07:49 -Il est beau, celui-là. T'as vu ?
01:07:51 Il est impressionnant.
01:07:53 -Il est superbe.
01:07:54 -Gaétan est resté un mois en réanimation.
01:07:58 ...
01:08:01 Il a gardé d'importantes séquelles physiques et psychologiques.
01:08:05 ...
01:08:13 C'était le 3 juin 2022.
01:08:15 Le foyer pour handicapés appelle Christelle et Gaston.
01:08:18 ...
01:08:20 Leur fils est hospitalisé aux urgences de Valenciennes.
01:08:23 Son état est grave.
01:08:25 -Là, on voit toute... -La détresse.
01:08:27 -Il a tellement souffert en réanimation
01:08:30 qu'il s'est cassé une dent.
01:08:32 -Oui. -De force.
01:08:33 Tellement il avait mal.
01:08:35 -Dans les observations médicales,
01:08:39 le docteur diagnostique un probable surdosage en minérin,
01:08:42 un médicament contre le diabète que prend Gaétan.
01:08:46 Le jeune homme présente aussi
01:08:48 une impressionnante fracture à l'épaule gauche.
01:08:51 ...
01:08:52 Pour ses parents, ce drame ferait suite à des maltraitances
01:08:56 que leur fils aurait subies depuis des mois.
01:08:58 ...
01:09:02 -Ca, c'est un bras. Ca, c'est une cuisse.
01:09:05 Ca, c'est une fesse.
01:09:06 -Le week-end, quand il rentrait à la maison,
01:09:10 son corps était couvert d'importants hématomes.
01:09:13 ...
01:09:16 -Ca, c'est un autre bras. C'est l'autre côté.
01:09:18 C'est pas en même temps.
01:09:20 A chaque fois, il y a des mois ou des semaines.
01:09:22 -Dans le monde du handicap,
01:09:24 c'est tellement plus facile d'être malveillant
01:09:27 et d'être dans la violence, la maltraitance,
01:09:29 parce qu'il n'y a pas de retour.
01:09:31 Mais on ne peut pas nous raconter ce qu'ils subissent.
01:09:34 ...
01:09:37 -Un jour, dans les couches que porte Gaétan,
01:09:39 son père aurait même découvert l'impensable.
01:09:42 ...
01:09:45 -Ca, c'est un gant que je retrouve dans ses selles.
01:09:48 Ca, c'est un pansement.
01:09:51 Ce que je vous montre, ce sont des événements
01:09:54 pour lesquels on n'a aucune explication.
01:09:56 Soit aucune explication, soit on nous ment.
01:09:58 C'est-à-dire qu'on nous dit, par exemple,
01:10:01 que ce n'est pas un pansement et que c'est impossible.
01:10:04 On nous dit que c'est impossible.
01:10:06 Je ne mets pas les mains dans la mer par plaisir.
01:10:08 -C'est...
01:10:10 Franchement, c'était... C'est un gentil "nous l'ont détruit".
01:10:14 J'ai une telle colère, je suis vraiment...
01:10:16 Je leur en veux, en fait. Je leur en veux tellement.
01:10:19 ...
01:10:24 -En 4 ans, Gaston a déposé 2 plaintes
01:10:26 pour violences sur personnes vulnérables,
01:10:29 mais l'enquête est toujours en cours.
01:10:31 ...
01:10:34 De son côté, il a contacté des employés,
01:10:37 des parents, des médecins,
01:10:38 et a monté un impressionnant dossier contre le foyer.
01:10:42 ...
01:10:44 -Un dossier médical, ses prises en charge...
01:10:47 ...
01:10:49 Des attestations de témoins faites sur l'honneur
01:10:52 qui témoignent, en fait, de la maltraitance
01:10:55 ou des dysfonctionnements qui lui ressemblent graves.
01:10:58 Musique intrigante
01:10:59 -Comme celle-ci, écrite par une salariée du foyer
01:11:02 qui dénonce de mauvais traitements.
01:11:04 ...
01:11:09 Gaétan aurait été mal nutré.
01:11:12 Il serait resté sans manger à plusieurs reprises.
01:11:14 ...
01:11:17 Il y a aussi cette main courante déposée par un éducateur.
01:11:21 ...
01:11:23 Il accuse la direction de mentir aux parents de Gaétan
01:11:26 sur les circonstances de ses blessures.
01:11:28 ...
01:11:34 -Nous, on est convaincus de cette situation de maltraitance.
01:11:37 On pense qu'elle n'est pas occasionnelle,
01:11:39 qu'elle est à tous les niveaux.
01:11:41 On ne peut pas toujours mettre la parole des familles en doute.
01:11:45 ...
01:11:47 -Gaston et Christelle n'ont jamais été entendus
01:11:49 par les autorités judiciaires.
01:11:51 Aujourd'hui encore, ils ne savent pas pourquoi leur fils a frôlé la mort.
01:11:55 ...
01:12:02 Malgré la loi du silence qui règne dans ce milieu,
01:12:05 une ancienne salariée a accepté de nous parler des pratiques
01:12:09 de certains membres du personnel.
01:12:11 ...
01:12:12 Selon elle, Gaétan n'aurait pas été le seul à être maltraité.
01:12:16 ...
01:12:20 -Les résidents avec les bleus sur les bras,
01:12:22 c'est quand ils les font monter en pression,
01:12:25 ils les insultent, ils les rabaissent.
01:12:27 Du coup, certains résidents se bagarrent
01:12:29 et les laissent se bagarrer pendant une demi-heure, une heure.
01:12:32 Après, tout le monde est enfermé dans leur chambre.
01:12:35 -Les personnes atteintes de troubles autistiques
01:12:38 seraient aussi humiliées à la moindre occasion.
01:12:40 ...
01:12:42 -Quand les résidents ne veulent pas rentrer,
01:12:44 parce que c'est l'heure de rentrer, d'aller, je sais pas quoi,
01:12:48 l'infirmière a mis du chocolat au sol
01:12:50 pour pouvoir faire rentrer les résidents.
01:12:52 Du coup, le résident a mangé le chocolat qui était au sol
01:12:55 et il est rentré, comme un chien.
01:12:57 La professionnelle a dit que c'était obligatoire,
01:13:00 mais c'était le seul moyen de le faire rentrer.
01:13:02 ...
01:13:03 -Après plusieurs signalements des familles,
01:13:06 l'Agence régionale de santé a organisé
01:13:09 une inspection surprise de ce foyer.
01:13:11 ...
01:13:13 Elle aurait dû rester secrète jusqu'à la dernière minute.
01:13:16 ...
01:13:20 -On est prévenus à l'avance qu'on va avoir une descente
01:13:23 au niveau de l'ARS et on sait pas le jour exact.
01:13:26 Par contre, on sait que, par exemple,
01:13:28 là, au mois d'avril-mai, on devait avoir une descente
01:13:31 et il faut en sorte que quand l'ARS passe sur les unités,
01:13:34 il faut que ce soit au maximum, nickel.
01:13:37 ...
01:13:39 -Cette inspection va-t-elle être à la hauteur
01:13:41 des maltraitances constatées par les parents ?
01:13:44 ...
01:13:47 Dans les 43 pages du rapport de l'ARS,
01:13:50 sont seulement relevées
01:13:52 ce que l'administration appelle des écarts,
01:13:55 comme l'absence de formation des personnels,
01:13:58 qui ne garantiraient pas la sécurité des résidents.
01:14:01 ...
01:14:05 Elle souligne aussi que les aides-soignantes
01:14:07 sont amenées à distribuer des médicaments
01:14:09 sans aucun protocole de soins.
01:14:11 ...
01:14:12 Après différents entretiens, l'ARS précise enfin
01:14:15 que le personnel n'a pas une culture très développée
01:14:18 de la bientraitance.
01:14:19 ...
01:14:21 Au total, 16 écarts et 42 remarques sont constatées.
01:14:26 ...
01:14:29 Malgré ça, le foyer n'aura aucune sanction,
01:14:33 seulement des préconisations
01:14:34 pour éviter que cela ne se reproduise.
01:14:37 ...
01:14:38 Ce rapport, Gaston, Christelle et les autres familles
01:14:42 ne le comprennent pas.
01:14:44 Pour Frédéric Bizarre, la réponse est pourtant toute trouvée.
01:14:47 -L'ARS, sans en avoir les compétences techniques,
01:14:53 est en fait celui qui fait un peu tout,
01:14:56 qui gère l'opérationnel, qui participe au financement,
01:14:59 qui participe à l'évaluation.
01:15:00 Il faut séparer le rôle de celui qui va aller véritablement
01:15:04 inspecter la qualité du service
01:15:06 et celui qui va le financer,
01:15:08 celui qui va participer à sa gestion opérationnelle.
01:15:10 Donc puisqu'elle ne peut pas dire
01:15:12 que ce qu'elle fait n'est pas de la qualité,
01:15:15 elle en est même à prévenir qu'elle va passer surveiller
01:15:19 pour des dérives qu'elle connaît parfaitement,
01:15:22 sur lesquelles on fait des rapports de 40 pages,
01:15:24 mais qui ne donnent rien.
01:15:25 Donc là, on est dans un échec institutionnel.
01:15:27 Musique douce
01:15:29 -Et le scandale ne s'arrête pas là.
01:15:32 ...
01:15:35 Les familles ont signalé une autre dérive
01:15:37 que le rapport ne mentionne pas.
01:15:39 Il s'agit d'argent, cette fois,
01:15:42 et cela pourrait coûter très cher à l'Etat
01:15:44 et aux associations qui gèrent les établissements.
01:15:47 -Philippe, il va se séparer de certains poissons.
01:15:49 Viens dire lesquels tu veux qu'on garde.
01:15:51 Regarde bien, là. -Ça, ça, ça.
01:15:54 -Allez, vas-y.
01:15:55 -Sylvain, 27 ans, est autiste.
01:15:58 Il vit dans le foyer pointé du doigt dans le rapport.
01:16:02 ...
01:16:03 -Le bleu, là. -C'est le holonougara.
01:16:06 ...
01:16:09 -C'est en épluchant les factures d'hébergement de son fils
01:16:12 que Cathy aurait découvert comment de l'argent
01:16:15 lui serait subtilisé.
01:16:16 -C'est à 166,10 euros.
01:16:18 Donc ça, c'est un loyer.
01:16:20 -Et c'est déjà un gros budget pour cette famille.
01:16:23 -Tout est dedans ? -Oui.
01:16:25 -Pour les soutenir financièrement,
01:16:27 ils reçoivent chaque mois une aide de la CAF,
01:16:30 l'Allocation au logement social, ou ALS.
01:16:34 -L'ALS, elle est faite
01:16:37 pour réduire cette somme qui est quand même importante.
01:16:40 -Une aide de 222 euros
01:16:43 dont, en réalité, il ne bénéficie jamais.
01:16:47 C'est même spécifié sur les factures du foyer.
01:16:50 -L'établissement nous demande
01:16:54 de reverser l'intégralité de l'ALS.
01:16:57 Je vous rappelle que le montant de l'ALS
01:17:00 perçu par le résident, donc à savoir 222 euros,
01:17:04 doit être restitué intégralement à l'établissement.
01:17:07 -C'est une aide au logement, je ne vois pas pourquoi
01:17:10 qu'on doit la reverser.
01:17:11 -Une interrogation légitime.
01:17:13 Cette aide, destinée aux personnes en situation de handicap,
01:17:17 devrait-elle réellement finir dans les caisses des foyers ?
01:17:20 Cathy est allée poser la question directement à la CAF.
01:17:24 Elle a enregistré la conversation avec la conseillère.
01:17:28 La réponse est très claire.
01:17:30 -Ils veulent qu'on leur verse l'ALS directement,
01:17:33 mais qu'ils ne vont pas le déduire du loyer.
01:17:35 Est-ce qu'ils ont le droit ?
01:17:37 -Ils n'ont pas le droit. Ils ne peuvent pas faire ça.
01:17:40 -Non, parce que c'est une aide.
01:17:42 -Ils ont une aide pour payer le loyer.
01:17:44 Ils ne peuvent pas faire ça.
01:17:45 -Les conseillers que j'ai vus à la CAF m'ont bien dit
01:17:50 que je n'avais pas à la reverser.
01:17:52 Cette allocation revient aux résidents.
01:17:56 ...
01:17:59 -Les foyers peuvent percevoir cette aide,
01:18:02 mais seulement à condition de la déduire du loyer.
01:18:05 Or, ce n'est pas le cas pour Sylvain et ses parents.
01:18:09 Alors est-ce légal ?
01:18:12 Que dit la loi concernant ces fameuses ALS ?
01:18:16 ...
01:18:18 ...
01:18:20 Selon ces deux avocates pénalistes,
01:18:22 maître Sophie Ray-Gascon et Margot Pugliese,
01:18:27 il n'y a pas l'ombre d'un doute.
01:18:29 -Il y a un article de loi qui est extrêmement clair
01:18:34 et qui dit, il est intéressant de le lire,
01:18:37 que le bailleur doit déduire l'allocation du montant du loyer.
01:18:41 C'est écrit noir sur blanc.
01:18:42 ...
01:18:44 -Alors comment le foyer justifie-t-il
01:18:47 le reversement de cette allocation à son profit ?
01:18:49 Tout simplement en dénaturant un autre article de loi.
01:18:53 Cet article, voici ce qu'il dit.
01:18:56 C'est seulement lorsque l'intéressé ne s'est pas acquitté
01:19:00 de son loyer pendant trois mois
01:19:02 que le foyer peut saisir cette allocation.
01:19:04 ...
01:19:07 -Dans le règlement, il se fonde sur un article
01:19:09 qui n'est pas applicable.
01:19:11 C'est une erreur très grossière qui est faite
01:19:13 et tellement grossière qu'on peut se poser la question
01:19:17 de la bonne foi des foyers.
01:19:19 -Car Cathy et Philippe, comme bien d'autres familles,
01:19:23 ont toujours payé en temps et en heure.
01:19:26 ...
01:19:32 Nous avons voulu savoir qui se cache derrière ce foyer.
01:19:35 Et ce n'est pas n'importe qui.
01:19:37 Il s'agit d'un géant de l'action sociale.
01:19:41 Le groupe SOS.
01:19:44 ...
01:19:47 Il compte 650 structures réparties sur les cinq continents.
01:19:51 ...
01:19:53 Présents dans les secteurs de la petite enfance,
01:19:56 de l'insertion, de l'écologie
01:19:59 et même de la culture.
01:20:01 Son chiffre d'affaires avoisine 1,5 milliard d'euros.
01:20:06 ...
01:20:08 Nous avons contacté le groupe à plusieurs reprises
01:20:11 pour qu'il s'explique.
01:20:13 -En vain.
01:20:14 ...
01:20:16 Notre dernier recours a donc été le Forum national des associations,
01:20:21 où l'invité vedette est le patron du groupe SOS lui-même,
01:20:25 Jean-Marc Borello.
01:20:27 ...
01:20:28 -Jean-Marc Borello, bonjour.
01:20:30 Président, fondateur du groupe SOS.
01:20:34 Le groupe SOS présente sur huit activités
01:20:37 dans 50 pays.
01:20:38 ...
01:20:40 -Excusez-moi, monsieur. Je travaille pour Zone interdite.
01:20:43 -Très bien.
01:20:44 -On enquête sur l'allocation au logement social.
01:20:47 -C'est ce que vous avez à faire.
01:20:49 -Vous voulez pas nous dire ce que vous en pensez ?
01:20:52 ...
01:20:55 -Mais pas question d'abandonner.
01:20:57 -On nous dit que c'est illégal de prendre cette allocation.
01:21:00 Les avocats nous disent ça.
01:21:02 L'allocation au logement social, vous voyez pas ?
01:21:05 -Je ne connais rien au sujet.
01:21:06 -Elle doit être déduite du loyer.
01:21:08 Il s'avère qu'elle n'est pas déduite du loyer
01:21:11 et qu'à priori, ce serait illégal.
01:21:13 -Dans tous les foyers, il y a une armée de juristes,
01:21:15 de comptables et de commissaires aux comptes.
01:21:18 Il y a une inspection générale tous les deux ans.
01:21:20 La cour des comptes passe régulièrement.
01:21:23 C'est impossible que sur 70 établissements...
01:21:25 -Toutes les assos où le problème existerait.
01:21:28 -Je suis pas spécialiste du handicap.
01:21:30 C'est la première fois que je t'entends parler de cette histoire.
01:21:34 -Merci, monsieur.
01:21:35 -Apparemment, notre entretien ne l'a pas laissé indifférent.
01:21:38 ...
01:21:40 Ils nous recontactent dès le lendemain.
01:21:42 Entre-temps, il s'est renseigné
01:21:44 et n'hésite pas à nous mener vers une autre piste.
01:21:48 -Ce type d'établissement,
01:21:49 ce sont des établissements dits sous contrôle.
01:21:52 -Oui. -Ce qui veut dire
01:21:53 que c'est le département qui décide.
01:21:56 Nous, on respecte ce que nous dit le conseil départemental
01:21:59 sur le sujet.
01:22:00 -Ce serait donc le département, le responsable ?
01:22:04 C'est en tout cas lui qui finance en partie les foyers.
01:22:08 ...
01:22:11 -Donc, si on recevait l'ordre de faire un truc
01:22:14 qui n'est pas... qui n'est pas légal,
01:22:17 ça voudrait dire que... Enfin, je veux pas faire votre boulot,
01:22:20 mais ça voudrait dire que l'Etat est d'accord,
01:22:23 parce que l'Etat ne peut pas ne pas savoir.
01:22:25 -Mais alors, quel serait l'intérêt de l'Etat ?
01:22:29 Nous avons suivi les conseils de monsieur Borrello
01:22:33 en demandant des explications au département du Nord.
01:22:36 ...
01:22:39 Mais à chaque fois, nous avons reçu le même type de réponse.
01:22:43 ...
01:22:44 Je ne peux pas vous répondre pour l'instant.
01:22:47 ...
01:22:49 Au bout de deux mois, une fonctionnaire
01:22:51 consent finalement à prendre notre appel.
01:22:54 -Oui, bonjour, j'ai bien eu vos mails, vos messages.
01:22:56 Je pense pas que ce sera possible pour l'interview.
01:22:59 ...
01:23:01 -Pourquoi tant de gêne sur ce sujet ?
01:23:03 Nous allons le comprendre grâce à cette réponse
01:23:07 de l'Association des départements de France.
01:23:09 Un mail très technique,
01:23:12 mais derrière lequel se cache le scandale.
01:23:15 -La dotation globale de financement versée par le département
01:23:19 déduit le montant des APL ALS perçus par l'établissement.
01:23:24 -En clair, les aides injustement perçues par les foyers
01:23:27 permettraient au département de dépenser moins d'argent.
01:23:30 ...
01:23:35 -C'est un scandale d'Etat, parce que c'est une violation de la loi.
01:23:39 Tout le monde est au courant, mais si ça se pratique,
01:23:42 c'est qu'il y a un usage qui est permis non officiel
01:23:45 entre les établissements,
01:23:47 car on voit que les agences régionales de sentier
01:23:49 et le conseil départemental sont au courant.
01:23:52 C'est comme dans les us et coutumes,
01:23:54 même si on sait que ça contrevient à la loi.
01:23:57 Donc, finalement, tant que personne ne crie trop,
01:24:01 ça aide au financement.
01:24:03 -C'est de la dépense publique en moins.
01:24:06 -Difficile pour autant d'établir les responsabilités
01:24:11 et l'origine exacte d'une telle pratique.
01:24:14 Selon nos calculs, en cinq ans,
01:24:17 les pouvoirs publics auraient économisé
01:24:20 presque 2 milliards d'euros
01:24:22 sur le dos des personnes en situation de handicap.
01:24:25 ...
01:24:36 En Belgique, près de Liège,
01:24:38 ...
01:24:41 un mois après leur visite,
01:24:43 Virginie et Kevin ont reçu une réponse positive
01:24:47 de l'Institut médico-éducatif.
01:24:49 Ce matin, Jules s'apprête à intégrer l'établissement.
01:24:53 ...
01:24:57 -Ah oui, bon, bon. Au moins, il occupe.
01:25:01 -Le galon n'est pas mis ici, hein ?
01:25:03 -Oui. -Non, elle s'arrête le drame.
01:25:05 -Pourquoi ? -Elle a confondu.
01:25:08 -Non, mais elle n'appréhende pas avant qu'on soit arrivés.
01:25:11 -Elle a confondu.
01:25:13 -Elle a confondu.
01:25:14 -Elle a confondu.
01:25:15 -Elle a confondu.
01:25:17 -Elle a confondu.
01:25:18 -Elle a confondu.
01:25:19 -Elle a confondu.
01:25:21 -Elle a confondu.
01:25:22 -Quand on soit arrivés, s'il t'appréhende, il va le sentir.
01:25:26 Oh, mais qu'est-ce qu'il se passe ?
01:25:28 -Ah ! -Ah oui.
01:25:29 -Ah, c'est la vie.
01:25:30 -Ah !
01:25:31 -Non, mais tout va bien, on est là, regarde.
01:25:34 Laisse-le, ne le bloque pas.
01:25:36 Si tu le bloques, ça va le traumatiser, ça sert à rien.
01:25:39 ...
01:25:41 -Oui. Du fait de voir le lit, il comprend qu'il va rester ici.
01:25:45 -Ah !
01:25:47 ...
01:25:51 -C'est pas facile.
01:25:52 C'est pas facile du tout, là.
01:25:54 Tu l'entends pleurer derrière, alors...
01:25:57 ...
01:26:10 -Faut qu'on y aille vite, parce que sinon...
01:26:12 Tu vas aller te promener, mon amour.
01:26:15 ...
01:26:30 -Le couple s'est fait une promesse.
01:26:32 Si leur fils s'adapte bien,
01:26:34 ils déménageront dans le nord de la France
01:26:36 pour se rapprocher de lui.
01:26:38 ...
01:26:45 Trois mois plus tard,
01:26:47 nous retrouvons le petit garçon métamorphosé et épanoui.
01:26:51 ...
01:26:55 Ses progrès sont impressionnants.
01:26:57 -Bravo, Jules ! -Oui !
01:26:59 -Dis "bravo" d'abord.
01:27:01 -Bravo !
01:27:02 -Bravo.
01:27:03 Merci !
01:27:05 -Merci !
01:27:06 -Il apprend de nouveaux mots tous les jours.
01:27:10 -Je l'ai fort assisté.
01:27:12 Au bout d'un moment, il a répété.
01:27:14 Ben voilà, "so feeling", moi.
01:27:17 Et puis voilà, on aime bien de le voir évoluer aussi.
01:27:21 Ça fait plaisir.
01:27:22 -Maintenant, c'est une pipelette quand il veut.
01:27:25 Eh oui, Jules !
01:27:26 -À l'école !
01:27:28 -À l'école, demain !
01:27:30 Parce que ça, il adore, l'école.
01:27:32 C'est le truc, je crois, qu'il a boosté le plus, quand même.
01:27:36 -Un, deux, trois...
01:27:40 -Bravo !
01:27:41 -Bravo !
01:27:42 ...
01:27:45 -Et grâce à des soins adaptés à son handicap...
01:27:47 -Elle est où, la tablette ?
01:27:49 -Il peut même se lever tout seul.
01:27:51 ...
01:27:55 -Bravo !
01:27:56 ...
01:28:00 -Vas-y, tu peux y aller.
01:28:02 -Désormais, Jules peut envisager l'avenir autrement.
01:28:06 -Super !
01:28:07 -Mais il est sans doute l'un des derniers
01:28:09 à bénéficier de la pédagogie belge.
01:28:11 Depuis 2021, le gouvernement français
01:28:15 souhaite limiter ces exils forcés
01:28:18 pour favoriser, dit-il,
01:28:21 les solutions de proximité dans l'Hexagone.
01:28:24 Essentiellement des services à domicile.
01:28:27 Mais avec quels moyens ?
01:28:30 Et quel réel impact sur la vie des familles ?
01:28:33 En attendant, la France vient d'être condamnée
01:28:38 par le Conseil de l'Europe
01:28:39 pour violation des droits fondamentaux
01:28:42 des personnes handicapées.
01:28:44 Et à ce jour, le handicap reste la première cause
01:28:48 de discrimination dans notre pays.
01:28:51 -Manque de structure d'accueil,
01:28:54 abandon à l'école, sentiment de solitude,
01:28:57 c'est exactement ce qu'a vécu Olivier.
01:28:59 Un père d'un enfant atteint de troubles autistiques sévères.
01:29:02 Sa seule solution, sauver son fils, faire les choses par lui-même.
01:29:06 L'aventure est loin d'être simple, mais elle est extraordinaire.
01:29:10 -C'est un centre de formation d'un nouveau genre.
01:29:12 Ici, tous les élèves en cuisine sont porteurs de handicap.
01:29:17 Derrière ce projet, c'est l'histoire d'un père, Olivier Tran.
01:29:20 Il a créé Affuté il y a 3 ans.
01:29:23 -Qu'est-ce que je suis fier de toi, Alexandre !
01:29:25 -Face aux failles de prise en charge,
01:29:28 il a lui-même pris les choses en main pour que son fils, Alexandre,
01:29:32 qui souffre d'autisme sévère, puisse un jour trouver un emploi.
01:29:35 Les progrès du jeune homme sont fulgurants.
01:29:38 -Aujourd'hui, il nous montre qu'il est capable
01:29:40 de venir au fourneau travailler, ce qu'il n'a jamais fait.
01:29:44 Il a toujours fait du froid,
01:29:45 et puis, il cherche des légumes, débarrasser, servir, nettoyer,
01:29:49 mais pas la cuisson.
01:29:50 C'est une première, de voir Alexandre faire ça.
01:29:54 Ca prouve, encore une fois,
01:29:55 qu'on ne sait jamais jusqu'où peuvent aller nos enfants.
01:29:58 Si on tente, peut-être qu'il peut se passer une certaine magie.
01:30:01 Ca veut dire qu'il y a un déclencheur pour l'avenir.
01:30:04 -Des élèves comme Alexandre,
01:30:06 il y en a 80 dans le centre de formation.
01:30:09 Pour eux, Olivier est allé encore plus loin.
01:30:12 Il a fondé une entreprise de traiteurs, Biscorgne.
01:30:15 -Bonjour, tout le monde ! -Bonjour, monsieur !
01:30:17 -La société compte 40 employés permanents,
01:30:20 tous sont encadrés par Antoine, le chef de cuisine.
01:30:24 Ce jour-là, ils doivent préparer une commande
01:30:27 pour l'un de leurs plus gros clients,
01:30:28 une marque de luxe qui organise un cocktail.
01:30:31 -On a Hermès, jeudi.
01:30:33 -Ah, oui, bon. -D'accord ?
01:30:35 -Oui. -Donc, on va commencer
01:30:36 à travailler dessus aujourd'hui.
01:30:38 Il y a principalement du travail en pâtisserie et au chaud.
01:30:43 Il y a une pièce au froid.
01:30:44 -Pour cette commande, Christian Marc, qui est autiste,
01:30:48 est chargé de la légumerie.
01:30:50 Salarié depuis 2 ans, il a décroché ce travail
01:30:52 grâce au centre de formation.
01:30:55 Qu'est-ce que tu nous prépares ?
01:30:56 -On donne aux clients, on va les cuire.
01:30:59 -Oui. -On donne aux clients.
01:31:00 -En fait, il a un instinct de la cuisine, Christian Marc,
01:31:04 qui fait qu'il avait déjà sa place chez Biscorgne.
01:31:07 -Pour passer ses ordres aux employés,
01:31:10 Antoine a mis en place un système de communication
01:31:12 adapté au handicap de chacun, le "macathon".
01:31:16 -C'est une sorte de langue des signes très simplifiée
01:31:19 que des personnes autistes sont capables de reproduire,
01:31:22 comme des "pardons". -Oui.
01:31:24 -Des "s'il vous plaît". -Hm.
01:31:27 -Voilà.
01:31:28 Et après, on travaille beaucoup avec du pictogramme,
01:31:31 beaucoup d'images.
01:31:32 -Ca aussi, c'est une adaptation. -Exactement.
01:31:35 -Très bien.
01:31:36 -Une méthode efficace, que tous ont appris à maîtriser.
01:31:40 Lorraine souffre d'une maladie orpheline,
01:31:42 un handicap invisible qui l'a longtemps empêché
01:31:45 de s'épanouir dans son ancien travail.
01:31:47 -Avant, j'étais en...
01:31:49 J'ai travaillé dans les cantines d'un collège.
01:31:52 -Ouais. -On voyait pas
01:31:54 que j'avais un handicap.
01:31:56 On me donnait des tâches difficiles,
01:31:58 je faisais la plonge, alors qu'on me donnait
01:32:00 de prendre des charles-loups.
01:32:03 -Des choses lourdes à porter. -Oui.
01:32:05 -Vous faites des choses qui sont plus adaptées.
01:32:08 -Voilà.
01:32:09 -Aujourd'hui, son rôle chez Biscornu lui a permis
01:32:12 de gagner confiance en elle.
01:32:14 -Depuis que je suis là-dedans, ça me change.
01:32:17 J'apprends plus de choses.
01:32:19 Je fais les bons petits plats à ma famille.
01:32:22 -C'est super.
01:32:23 -Travailler, même si on a un handicap,
01:32:26 ça peut changer une vie, comme la mienne.
01:32:29 -Ici, tous les jeunes commis de cuisine
01:32:31 sont en CDI, payés 5 % de plus que le SMIC.
01:32:34 -On passe à l'espace pâtisserie, c'est ça ?
01:32:36 -Exactement. -C'est l'espace qui fait rêver.
01:32:39 -Oui. -C'est ce que j'ai cru comprendre.
01:32:41 -Parmi ces jeunes pâtissiers, il y a Ryan.
01:32:44 Il souffre d'un retard mental.
01:32:46 L'entreprise lui a donné son premier travail
01:32:49 il y a maintenant 2 ans.
01:32:50 Il envisage l'avenir avec beaucoup d'espoir.
01:32:53 C'est quoi l'objectif final ?
01:32:55 -C'est de devenir formateur
01:32:58 pour les personnes en situation de handicap
01:33:01 ou un mix des deux, normalement,
01:33:03 et les personnes comme ça...
01:33:04 -La transmission. -Oui.
01:33:06 Comme ça, les deux peuvent...
01:33:08 La partie handicap et la partie...
01:33:10 Ceux qui ne sont pas handicapés
01:33:12 peuvent travailler ensemble
01:33:14 et communiquer.
01:33:16 -Une société où tout le monde se mélange
01:33:18 et des entreprises où tout le monde se mélange.
01:33:21 Et ça, c'est possible ?
01:33:22 -Oui. -Vous en êtes convaincus ?
01:33:24 -Oui. Même s'il y en a qui ont des difficultés,
01:33:27 moi, je considère que tout le monde a des difficultés.
01:33:30 Il n'y a pas que les personnes en situation de handicap.
01:33:33 -Ici, le handicap ne sera jamais un frein à la promotion.
01:33:37 Kevin souffre de dépression chronique,
01:33:40 mais il a gagné du galon.
01:33:42 Il dirige aujourd'hui 4 employés.
01:33:44 -De "je me sens pas bien dans mon travail"
01:33:48 à "je dirige 4 jeunes",
01:33:49 il y a un joli parcours.
01:33:51 -C'est ça. Ça fait un an que je suis ici.
01:33:53 Je suis content.
01:33:54 -Qu'est-ce que ce mot, "société inclusive",
01:33:57 vous évoque ?
01:33:58 -Qu'il n'y ait pas de jugement en la personne,
01:34:01 que chaque handicap est bienvenu à Biscornu
01:34:05 et que chacun a sa place dans cette entreprise.
01:34:07 -Oui, c'est ça.
01:34:09 -Il y a une place pour chacun.
01:34:10 -Au-delà de Biscornu, dans la société en général ?
01:34:14 -Il y a une place pour chacun dans la société.
01:34:17 -C'est applicable. -C'est applicable.
01:34:19 C'est difficile, mais ça avance.
01:34:21 C'est ce qu'il faut retenir. -Et c'est faisable.
01:34:23 -Exactement.
01:34:25 -Un dispositif qui fonctionne,
01:34:27 puisque Biscornu envisage de recruter
01:34:29 jusqu'à 100 personnes d'ici 2025.
01:34:31 Un exploit rendu possible
01:34:33 grâce à la détermination d'Olivier,
01:34:35 qui a fait du combat de sa vie sa plus grande force.
01:34:38 -Olivier, si tout ça existe, Biscornu a fûté,
01:34:41 c'est grâce à vous.
01:34:42 Au départ, c'est parti d'une désillusion,
01:34:44 d'une déception ?
01:34:46 -C'est parti d'une rage, d'une colère énorme,
01:34:48 celle que la société n'acceptait pas,
01:34:50 la différence de nos enfants.
01:34:52 Quand Alexandre s'est retrouvé sans solution de prise en charge,
01:34:56 il est resté à la maison.
01:34:57 Nous, on était en lise-attente pour avoir une place
01:35:00 dans une structure spécialisée pour s'en occuper.
01:35:03 Jamais, il n'y avait de place.
01:35:05 C'était une vraie douleur, une souffrance,
01:35:07 une colère, une rage énorme,
01:35:09 contre personne en particulier,
01:35:11 mais contre cette société qui n'arrivait pas
01:35:14 à prendre en compte les différences de nos enfants.
01:35:17 Et puis de les emmener vers l'apprentissage,
01:35:20 vers un métier, même à temps partiel,
01:35:22 même que deux heures, pour leur offrir une vie.
01:35:25 À ce moment-là, mon fils était mort avant d'avoir eu une vie,
01:35:28 une mort sociale, mais à ce moment-là,
01:35:31 il a commencé à regarder des vidéos de suicide.
01:35:35 C'était une mort sociale qui pouvait aussi dériver...
01:35:39 -Il est allé à l'école, comme Alexandre ?
01:35:42 -Oui, dans des classes spécialisées, en Ulysse,
01:35:45 avec d'autres enfants.
01:35:46 Et puis, c'est à la fin du primaire,
01:35:48 comme il ne sait pas lire, il ne sait pas écrire,
01:35:51 et il ne sait pas parler non plus,
01:35:53 qu'on nous a dit qu'il n'y avait pas de place à l'école pour lui,
01:35:57 parce qu'il avait trop de difficultés cognitives,
01:36:00 ce qu'on attendait.
01:36:01 En revanche, on ne s'attendait pas à ce qu'il n'y ait
01:36:04 aucune place pour lui.
01:36:06 Et là, il n'y avait plus rien.
01:36:07 -Avant cette expérience,
01:36:09 Olivier était ingénieur dans l'aéronautique.
01:36:12 Il a monté son entreprise pour donner un avenir à son fils.
01:36:15 -Il y a trois ans, vous quittez tout, Olivier,
01:36:18 pour vous dire que, puisque cette société ne m'offre pas
01:36:21 les structures nécessaires pour offrir une vie à mon fils,
01:36:25 qui l'a mérite amplement,
01:36:26 je vais faire les choses par moi-même.
01:36:29 -C'est ça. -Quel pari ?
01:36:30 -Oui, là, justement, ce coup de pied dans le derrière,
01:36:33 je dirais, de cette douleur,
01:36:35 m'a fait me jeter dans cette aventure
01:36:38 entrepreneuriale.
01:36:40 Moi, je considère qu'ils ont des talents,
01:36:43 ils ont des qualités, et c'est à nous de savoir
01:36:46 les mettre en valeur, de savoir les révéler
01:36:48 et de travailler pour que, derrière,
01:36:50 ils aient un rôle à jouer dans cette société.
01:36:53 -Pourquoi l'idée du traiteur ?
01:36:55 -Il me fallait une vitrine, un exemple probant, concret,
01:36:58 qu'on puisse présenter à n'importe quel employeur,
01:37:01 de dire, "Regarde, là, moi, qui ne connais rien,
01:37:04 "je faisais de l'aluminium pour faire des avions avant,
01:37:08 "je crée un traiteur, et ça fonctionne
01:37:10 "parce qu'il travaille, il travaille bien.
01:37:12 "On fait des très bons plats, des très bonnes pièces cocktails."
01:37:16 C'est une démonstration du fait qu'ils peuvent bosser.
01:37:19 -Avec ce modèle, Olivier a même réussi à décrocher
01:37:22 un contrat de 3 ans avec Matignon.
01:37:25 Une manière, peut-être, de pallier un manquement
01:37:28 de nos institutions.
01:37:29 -C'est peut-être un moyen pour les entreprises,
01:37:32 les institutions, de participer, de contribuer,
01:37:35 et puis, en les voyant faire,
01:37:37 peut-être, eux-mêmes, de réfléchir à intégrer ces jeunes-là.
01:37:40 -Qu'est-ce que vous voulez dire à tous les parents d'enfants
01:37:43 porteurs de handicap ? -Ne jamais laisser tomber,
01:37:46 d'avoir toujours le courage, l'espoir,
01:37:49 la détermination, également,
01:37:50 et puis, sans doute, aussi, de la bienveillance
01:37:53 autour des enfants pour comprendre qu'ils ne sont pas comme nous,
01:37:57 comme tous les autres, mais c'est pas pour autant
01:38:00 qu'ils ne peuvent rien faire.
01:38:01 Il faut croire en leur capacité.
01:38:03 -Quel est votre meilleur souvenir avec Alexandre ?
01:38:06 -Voilà. Des très bons souvenirs avec mon fils,
01:38:09 j'en ai un peu tout le temps,
01:38:11 parce que je pense que c'est lui qui m'a transformé,
01:38:15 ne serait-ce que cet engagement personnel
01:38:18 que je lui dois à mon enfant,
01:38:21 ce qui m'a permis à moi de passer un cap que je ne connaissais pas,
01:38:25 qui est celui de la peur, donc de dépasser sa peur,
01:38:28 avoir le courage de dépasser sa peur,
01:38:30 je pense que c'est ce qu'il m'a fait,
01:38:33 qui m'a donné le plus beau.
01:38:35 Donc il m'a donné confiance en moi, quand même, mon fils,
01:38:38 et ça, c'est inestimable. Voilà.
01:38:41 -Merci, Olivier.
01:38:42 -Merci à tous d'avoir été avec nous.
01:38:44 On se retrouve dès la semaine prochaine
01:38:46 pour un inédit de "Zone interdite regardée".
01:38:49 -En famille, il restaure les joyaux de notre patrimoine.
01:38:55 -Je disais à ma soeur, "Quand reviens-tu chez nous ?"
01:38:57 -J'ai dit, "Nous, on revient quand le château est à ventre."
01:39:01 -On s'est dit, "On fait quoi ?"
01:39:03 -On a fait un château, demeures historiques, moulins
01:39:05 ou, plus surprenant, salles de spectacle.
01:39:08 -On allait visiter, ces dernières semaines, les Folies Berger,
01:39:11 et on s'est dit qu'on allait s'inspirer de ça.
01:39:14 -Pour eux, c'est l'aventure d'une vie,
01:39:16 un défi osé et loin d'être gagné d'avance.
01:39:18 -C'est déraisonnable de se lancer dans un projet aussi farangue.
01:39:22 -Christophe et Caroline ont tout plaqué
01:39:24 pour emménager dans un château du XIIe siècle.
01:39:27 Le chantier est colossal.
01:39:28 -C'est catastrophe.
01:39:30 -Ca a été pas mal dégradé.
01:39:32 -Et quand le rêve est trop grand, attention à ne pas se brûler les ailes.
01:39:36 -On prend un risque. -On sort de notre zone de confort.
01:39:39 -Du courage. Cette famille avraise ne va pas en manquer.
01:39:42 Six frères et sœurs mobilisés pour sauver
01:39:44 et relancer une salle de spectacle mythique de la ville.
01:39:47 -C'est un gros chantier, donc tout seul, on fait rien du tout.
01:39:51 Heureusement qu'il y a mes frangins, les copains.
01:39:54 -Le dernier film que j'ai vu au cinéma de Normandie,
01:39:56 mon parrain m'a emmené, c'était "Le Zorro" avec Alain Delon.
01:40:00 -Merci, monsieur.
01:40:01 -Mais où trouver l'argent pour financer ces travaux titanesques ?
01:40:05 -Le chantier est hors de prix.
01:40:07 C'est un gouffre, rien ne rentre en place.
01:40:09 -Réveiller des pépites endormies, c'est pour certains une affaire
01:40:13 de business.
01:40:14 -Un petit flyer.
01:40:15 Si vous payez trop d'impôts, pensez à nous.
01:40:18 -A Gaillac, dans le Tarn, ce vigneron mise sur la rénovation
01:40:21 d'un vieux moulin pour dynamiser son exploitation.
01:40:25 -C'est un monument remarquable.
01:40:27 Et donc, on pourra, derrière, en faire un outil touristique.
01:40:31 -Je vois les gens se prendre en photo devant le moulin.
01:40:34 -Ce pari va mettre sa vie de couple à l'épreuve.
01:40:37 -Parfois, j'en peux plus, c'est épuisant, parfois, il m'énerve.
01:40:40 Mais bon, c'est comme ça que je l'aime.
01:40:43 -Château, maison, moulin, en famille.
01:40:46 Il rénove des trésors oubliés.
01:40:48 C'est dimanche prochain dans "Un Interdite".
01:40:50 Musique douce
01:40:52 -Vous retrouvez Bernard Delavillardière
01:40:55 pour un document saisissant d'enquête exclusive.
01:40:57 Chaque nuit en France, près de 3000 enfants dorment dans la rue.
01:41:01 Ils vivent dehors avec leur famille,
01:41:03 mais ils vont à l'école coûte que coûte.
01:41:05 Comment l'Etat ne parvient-il pas à prendre en charge
01:41:08 ces enfants sans abri, en proie au froid glacial,
01:41:11 en quête sur l'hiver de la honte ?
01:41:13 Bonne soirée à tous sur M6 et à la semaine prochaine.

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