• il y a 8 mois
À 7h50, la danseuse étoile Aurélie Dupont est l’invitée de Sonia Devillers. Elle publie son autobiographie "N’oublie pas pourquoi tu danses" (Albin Michel). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-01-avril-2024-2859393

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Transcription
00:00 Et il n'est lui de rien à la fois du calvaire et du bonheur incomparable qu'auront été
00:04 ces années à l'Opéra de Paris.
00:06 Des petits rats au sacre de l'étoile, des premières pointes au dernier soir sur la
00:10 scène de l'Opéra Garnier où le public l'a applaudi debout, 25 minutes durant.
00:16 Des adieux inoubliables pour l'une des danseuses françaises les plus célèbres au monde mais
00:20 que de souffrance, que de souffrance, que de souffrance.
00:24 Bonjour Aurélie Dupont.
00:26 Bonjour Sonia.
00:27 Vous avez choisi de débuter votre récit par l'une des plus violentes qui vous a été
00:31 infligée.
00:32 Ce genou pulvérisé alors que vous êtes au sommet de la gloire.
00:35 On vous annonce que vous ne danserez plus jamais.
00:37 Pourquoi avoir commencé par là ?
00:38 Ah parce que moi j'adore les films qui commencent par la fin.
00:42 Je crois que c'est vraiment véritablement ça qui m'a inspirée.
00:45 Et je n'aime pas forcément tout ce qui est logique.
00:48 J'aime jouer avec ça et je me disais que c'était pas mal et assez inattendu finalement
00:53 de commencer par ça.
00:54 Parce que précisément, ce n'est pas la fin.
00:56 Ce genou pulvérisé trois ans après avoir été nommé danseuse étoile à l'Opéra
01:00 de Paris, ce n'est pas la fin.
01:02 Vous allez remonter sur scène.
01:04 Alors vous le devez à un mental d'exception, à des gens qui vous ont aidé dans cette
01:09 rééducation après l'opération.
01:10 Vous le devez aussi à Bruce Lee, acteur et champion d'art martial.
01:14 Mais que vient faire Bruce Lee à l'Opéra de Paris ?
01:16 Oui, on se demande.
01:17 L'Opéra de Paris, pas grand-chose mais dans mon cœur pas mal.
01:19 Pourquoi ?
01:20 C'est des moments où, vous savez, quand ça ne va pas dans la vie, vous avez une espèce
01:23 de… comment dire… tous les chakras sont ouverts pour essayer de voir s'il n'y
01:29 a pas quelque part une solution.
01:30 Une personne que vous rencontrez, un film dans la rue, un film que vous voyez, un livre
01:34 que vous lisez.
01:35 Et un jour, je vois cette… donc j'étais un peu comme ça, j'avais le genou opéré
01:41 et plein de doutes dans ma tête.
01:43 Et puis un jour, j'écoute ce Bruce Lee dans une émission qui lui était consacrée.
01:50 Et là, je l'écoute parler et je me dis déjà qu'il est vraiment hyper spirituel
01:53 ce type pour un gars qui fait du Kung Fu.
01:56 Je me dis que c'est vraiment un artiste, c'est un perfectionniste.
01:59 Quand j'écoutais ce qu'il avait à dire sur les mouvements et sur sa façon de travailler,
02:03 sa façon d'être filmé, sa façon de s'entraîner, c'était que des corrections que je pouvais
02:07 entendre moi par rapport à mon métier, c'est-à-dire le sens dans le mouvement, l'honnêteté
02:14 dans l'approche d'un personnage, la précision, ne jamais lâcher, la vie est un combat.
02:21 Il y avait plein de petits trucs qui ont percuté ma réflexion.
02:25 Je me suis dit « ok, ça va m'inspirer, ça va m'aider ».
02:28 N'oublie pas pourquoi tu danses.
02:30 C'est qu'à chaque étape de votre formation, il a fallu surmonter des douleurs physiques,
02:37 mais pas seulement.
02:38 Aussi, ça a été des combats au niveau moral, au point que parfois une danseuse peut oublier
02:44 pourquoi elle danse.
02:45 Oui, je crois que les personnes qui sont dès le plus jeune âge, ce qui était mon cas,
02:51 dans une espèce de « washing machine », dans un espèce de couloir où il faut avancer
02:57 coûte que coûte, et il y a une forme d'urgence à avancer, oui, à un moment donné, on ne
03:03 peut pas se poser des questions essentielles.
03:04 Vous avez subi des humiliations, des brimades en cascade, notamment dans l'enfance, au
03:11 moment de cette école si prestigieuse, cette école d'élite qui va former les danseuses
03:17 de l'opéra.
03:18 Vous les avez racontées très tôt, mais vous avez fini par douter de vos propres souvenirs.
03:24 Qu'est-ce qui vous a fait douter de ce que vous aviez vécu ? Pourtant vous l'aviez
03:29 vécu.
03:30 Je n'ai pas tellement douté.
03:32 J'en ai parlé assez rapidement à la presse, je me souviens, je crois que c'était quand
03:36 je suis rentrée du concours de Varna, avec ma médaille d'or en poche, je crois que
03:42 les journalistes ont eu un certain intérêt pour moi, pas que à cause de ma danse ou
03:47 grâce à ma danse, mais aussi parce que je crois que j'étais une des premières à
03:50 dire que j'avais souffert, en fait, j'avais souffert de méchanceté qui pour moi n'était
03:54 pas forcément liée à l'exigence de cette école d'élite.
03:57 Parce que j'ai bien conscience que c'est une école d'élite et que d'y rentrer,
04:02 c'est déjà fantastique et que la façon d'apprendre la danse doit être dans une
04:07 forme de perfection.
04:08 Ça, c'était dans ma tête de petite gamine de 10 ans très clair.
04:12 Qu'on n'obtient pas l'excellence sans souffrir ?
04:15 Non, sans souffrir.
04:17 C'est vrai que la danse, il y a quand même parfois des moments dans l'apprentissage
04:22 où il y a de la souffrance, quand il faut s'assouplir, quand il faut commencer les
04:26 pointes pour les filles, les chaussons de pointe, où on monte quand même sur les
04:29 orteils.
04:30 Donc, on ne peut pas dire que c'est quelque chose de très naturel.
04:31 Oui, il y a des moments où c'est difficile.
04:33 Mais cette petite méchanceté, ces petits règlements de compte d'adulte envers des
04:40 enfants et envers moi, parce que je n'étais pas la seule, mais je n'ai jamais compris.
04:43 Je n'ai jamais compris l'intérêt dans ma progression que d'être attaquée comme
04:50 ça.
04:51 Quand je dis que vous avez fini par douter Aurélie Dupont, c'est qu'à la fin du livre,
04:55 vous dites que tous ces témoignages qui ont fini par émerger, par sortir et qui racontent
05:00 des situations caractérisées de harcèlement physique et moral, ça m'a libérée.
05:05 Oui, ça m'a libérée parce que je crois qu'il y a un moment pour tout et que d'en
05:11 parler aujourd'hui, ça paraît scandaleux.
05:13 Quand j'en parlais plus jeune, les gens ne comprenaient pas et très souvent m'en
05:20 voulaient d'une certaine façon de dévoiler des choses que j'avais vécues à l'école
05:25 et ils prenaient ça comme une forme de trahison alors que moi je suis extrêmement fidèle
05:29 à ma maison qui est l'Opéra de Paris et ma carrière de danseuse et directrice de
05:33 la danse le prouve.
05:34 Quand vous dites "quand j'ai fini par parler", c'est que vous expliquez bien
05:38 au début du livre que pendant des années, vous vous êtes tues et notamment ce qui se
05:42 passe à l'opéra reste à l'opéra.
05:44 Et au fond, le pire cauchemar d'un petit rat, c'est que les parents s'en mêlent
05:48 et que la famille fasse intrusion dans l'opéra.
05:52 Mais ça, ça encourage finalement le huis clos et la souffrance d'un enfant qui est
05:56 obligé de taire ?
05:57 Bien sûr, il y a 153 à mon époque, on parle des années 80, c'est une époque
06:01 qui n'existe plus mais c'était la façon de faire, la façon de nous enseigner la
06:05 danse et c'est vrai que toutes ces petites remarques que moi j'avais ou que mes collègues
06:09 ou que mes amis avaient également, il y avait vraiment l'envie de cacher tout aux parents
06:15 parce que quand on révèle aux parents, forcément le parent se fait révolter et aller se renseigner
06:20 auprès de la directrice à savoir ce qui se passait à l'école et en général, les
06:25 adultes qui nous enseignaient la danse le prenaient très mal et d'une certaine façon
06:28 se vengeaient de nouveau d'avoir été face à des enfants qui parlent.
06:33 Donc c'était un cercle vicieux.
06:34 Qu'est-ce qui a fait plonger autant de très jeunes danseuses dans l'anorexie ?
06:39 Parce que c'est quelque chose qui revient beaucoup dans la première moitié du livre.
06:43 Alors, je n'ai pas connu tant d'anorexie que ça mais évidemment, j'en ai vu.
06:48 Dont certaines qui étaient érigées en modèle par vos professeurs.
06:51 Oui, c'était ça surtout.
06:52 Heureusement que j'avais quand même un cerveau qui n'était pas trop mal fait et
06:55 quand mon professeur de première division me disait à nous, il n'y a que cette jeune
06:59 fille qui est magnifique, j'avais quand même un petit truc dans ma tête où je me disais
07:03 non, je ne suis pas d'accord avec le professeur.
07:05 Elle est anorexique, elle est malade, il faut l'aider.
07:09 Mais vous, l'ultime concours, celui dont vous rêviez, vous êtes reçu à la condition
07:16 que vous ne preniez pas un kilo supplémentaire.
07:19 Il faut lire les lignes que vous écrivez Aurélie Dupont.
07:23 Pour vous, c'est la dernière des humiliations, c'est la dernière baffe, celle que vous
07:26 n'aviez pas encore reçue, le jour où vous deviez être d'une fierté totale.
07:29 On vous dit oui mais à condition que vous ne preniez pas de poids.
07:32 Et là vous dites, ils me privent de la joie d'être reçu, ils l'empoisonnent.
07:36 Je les hais.
07:37 Je les hais encore plus, plus encore de cette haine qu'ils ont allumée en moi au lieu
07:42 de la joie que je devrais ressentir.
07:44 C'est ça.
07:45 Fort.
07:46 C'est fort.
07:47 En fait, cette phrase, ça m'a évidemment peinée, d'autant que j'étais classée
07:55 première.
07:56 Qu'est-ce qu'ils attendent encore ? J'ai compris après, parce qu'on me l'a raconté,
08:02 que la direction de l'école de danse ne souhaitait pas…
08:05 C'était Claude Bessy, la directrice.
08:07 Ne voulait pas que je fasse première alors que les autres membres du corps de ballet,
08:15 de la compagnie, m'avaient jugé première.
08:17 Et donc, ça m'a…
08:18 Pourquoi je parle de haine ? Parce que la méchanceté, l'humiliation, je n'étais
08:22 pas la seule et c'était un peu leur façon de faire, donc que j'acceptais pas volontiers
08:27 mais que j'acceptais tout court.
08:29 Mais cette petite phrase un peu assassine, forcément je l'ai prise contre moi, contre
08:34 moi personnellement.
08:35 C'est-à-dire que comment dire à une jeune fille qui passe son examen comme les autres,
08:40 pour laquelle on vote pour la première place, comment est-ce humain d'ajouter que si mon
08:48 corps ne plaît pas à Rudolf Nourieff qui était à l'époque directeur de la danse,
08:52 je pouvais me faire virer ? Je trouve que c'est dégueulasse.
08:55 Donc là, il y a une espèce de pointe de haine, oui en effet, comme je l'écris.
09:00 Alors, qu'est-ce qui fait qu'un jour on se rebelle ? Qu'est-ce qui fait qu'un
09:03 jour on ne dit plus jamais ça, qu'on pousse la porte du bureau de la direction et qu'on
09:10 dit maintenant ça suffit ?
09:11 Je crois qu'il y a mon caractère déjà, de supporter beaucoup, d'être très très
09:19 disciplinée et puis à un moment donné quand ça dépasse et quand c'est trop, je le
09:23 dis.
09:24 Donc j'ai envie de dire mon caractère et puis aussi mon envie de travailler et de
09:31 progresser.
09:32 C'est-à-dire qu'au bout d'un moment, quand je sentais que c'était vraiment constamment
09:35 des réflexions sur ma ligne et tout ça, je me disais mais ils m'empêchent en fait
09:40 de vivre ma passion, ils m'empêchent d'avancer.
09:41 Mais vous étiez grosse pour une danseuse ?
09:43 Franchement, très honnêtement, j'avais 16 ans quand je suis rentrée dans la compagnie.
09:47 16 ans, c'est un corps de jeune fille, c'est un corps de jeune fille qui change,
09:51 qui évolue, qui prend sa place, qui se développe, qui devient une femme.
09:56 Oui, j'avais plus de poitrine que quand j'avais 12 ans.
09:59 Mais trop ?
10:00 Je pense que j'étais pas trop, parce que quand je revois des photos, parce que je les
10:04 ai regardées les photos, je les ai vues, non je n'étais pas grosse.
10:07 Mais je pense que mon corps était en train de changer, de grandir, de s'épanouir
10:12 et que cet épanouissement, elle n'était pas validée, elle n'était pas souhaitée.
10:18 Et je ne pouvais rien faire, je me privais, j'essayais de perdre du poids mais un corps
10:23 qui bouge, un corps qui grandit, on ne peut pas l'empêcher.
10:25 Est-ce que c'est le fait d'avoir réussi à dire stop à la direction de l'école
10:30 et à vos professeurs de l'époque qui vous a aidé à tenir tête à d'immenses chorégraphes,
10:36 d'immenses chorégraphes, des stars planétaires, dont vous révélez dans le livre que parfois
10:41 ce qu'ils font en durée aux danseurs est totalement anormal ?
10:45 Est-ce que c'est ça qui vous a aidé à dire non à William Forsythe, un génie américain,
10:51 à dire non à Roland Petit, une gloire française ?
10:54 Mais non, c'est non.
10:56 Pour moi, les qualités humaines sont plus importantes que les qualités professionnelles.
11:04 Moi, travailler avec un chorégraphe qui est très talentueux, qui ne m'apprécie pas,
11:08 n'a pas envie que je sois en studio avec lui et n'a pas forcément les mots délicats
11:13 pour me faire bien travailler, je ne vois pas l'intérêt pour lui comme pour moi d'être
11:17 en studio.
11:18 Est-ce que réussir, c'est forcément écraser quelqu'un d'autre ? Est-ce que briller,
11:23 pour reprendre la métaphore de l'étoile, c'est éclipser la lumière d'une autre
11:28 danseuse ou d'un autre danseur ?
11:29 Non, pas du tout.
11:31 Je pense qu'il y a la place pour chacun, il y a la place pour ceux qui méritent de
11:37 briller et en aucun cas, ça ne marche pas.
11:40 Vous savez, la danse, c'est un métier où il n'y a pas de triche, on ne peut pas
11:43 tricher longtemps.
11:44 Justement, Pina Bausch qui est morte aujourd'hui.
11:47 Pina Bausch, il faut savoir que le Sacre du Printemps, ce sera, vous le dites, le public
11:54 est en délire à la fin de la première.
11:57 C'est un souvenir absolument extraordinaire.
12:00 Le public devient fou, dites-vous.
12:02 Qu'est-ce qu'il y avait de fou ce soir-là ?
12:04 Je crois qu'il n'y avait jamais eu, jusqu'à présent, jusqu'à cette première
12:13 du Sacre du Printemps de Pina Bausch, un spectacle aussi poignant, aussi comme une
12:19 flèche qui a percuté les cœurs de chacun et dans la salle et dans la scène et sur
12:26 scène.
12:27 Je pense que c'était un nouveau spectacle pour Garnier et je pense qu'à partir de
12:34 cette date-là, les programmations ont évolué.
12:38 C'est-à-dire qu'on s'est dit, ah oui, à l'Opéra Garnier, on peut en effet voir
12:42 des danseurs dits classiques puisqu'ils viennent tous de l'école de danse, faire
12:48 de la danse contemporaine à ce point.
12:49 Ça veut dire pieds nus, une chorégraphie de Pina Bausch dans de la terre battue et
12:55 voir le public debout de Garnier.
12:57 Ça en disait long en fait, ça voulait dire que nous danseurs, on était prêts à s'ouvrir
13:01 et à aller vers une nouvelle forme de danse.
13:03 Et ça en disait long aussi sur le public de Garnier où tout d'un coup on s'est
13:08 dit, ils peuvent aussi voir autre chose que le lac des signes.
13:11 Et avant le Sacre du Printemps, avant la rencontre avec Pina Bausch, vous écrivez « Je suis
13:16 devenue exactement ce que je voulais être, une danseuse classique solide qui se protège,
13:21 une technicienne ». Quel est le problème d'être une technicienne ? Ou qu'est-ce
13:24 qui manque à une technicienne ?
13:25 La vie, un cœur qui bat, la vulnérabilité, une fragilité, une faiblesse, mal danser
13:33 un soir, tout ça.
13:35 Mal danser un soir ?
13:36 C'est bien parfois de mal danser.
13:37 Pourquoi ?
13:38 Je suis très copine avec un chorégraphe japonais qui s'appelle Saburo Teshigawara
13:42 et lui il fait des improvisations tous les jours.
13:45 Je lui dis « Mais Saburo, comment tu fais pour être bon à chaque fois ? »
13:47 Et il me dit « Mais parfois je suis très mauvais ».
13:49 Je lui dis « Mais comment tu gères ? »
13:50 Il me dit « Mais c'est très très bien d'être très mauvais.
13:52 » Comme ça on voit la véritable valeur de quand on est inspiré et quand un spectacle
13:56 se passe bien.
13:57 Ça veut dire qu'on vous a appris, vous avez été à l'école de la perfection,
14:00 c'est ce qu'on dit de l'école de danse de l'Opéra de Paris, et que cette école
14:03 de la perfection, elle ne permet pas justement de faire entrer dans la danse les erreurs,
14:09 les maladresses, les à peu près ?
14:11 Je ne dirais pas ça mais je dirais qu'on n'est pas élevé dans la vulnérabilité
14:20 et en tous les cas on ne nous dit pas qu'une faiblesse ou de la fragilité peut être
14:23 très beau chez un artiste.
14:24 Et je pense que nous n'étions que danseurs et pas artistes à l'école.
14:29 Et c'est Pina Bausch qui a fait de vous une artiste ?
14:31 Ah oui, c'est Pina Bausch qui m'a délivrée, qui m'a réparée comme je dis dans le livre,
14:37 de tous mes maux, de tous mes doutes, que je sois pour la danseuse et pour la femme
14:43 également.
14:44 Alors c'est Pina Bausch et au fond, ce n'est pas le Sacre de l'Étoile.
14:47 Parce que vous avez une page très drôle où vous dites « je suis nommée un soir
14:53 étoile, je ne m'y attends pas du tout et je pense que je vais me réveiller le lendemain
14:57 dans un nouveau corps et doté d'un nouveau mental parce que enfin je suis étoile et
15:01 pas du tout je me réveille le lendemain matin, je suis Aurélie Dupont ».
15:04 C'est ça, d'autant que c'était un 31 décembre, j'avais fait la fête donc
15:07 le premier le réveil était difficile.
15:09 Moi je pensais qu'il y avait un vrai changement, je m'étais dit « allez je vais me réveiller
15:13 et tout et je vais être une super danseuse et je serai parfaite ». Non, je me suis réveillée,
15:19 rien n'avait bougé.
15:20 Vous avez choisi, parce que c'est un choix de carrière, de devenir mère au cours de
15:26 votre carrière à l'opéra, de ne pas attendre la fin de votre carrière à l'opéra pour
15:31 avoir des enfants.
15:32 Et aujourd'hui, vous diriez que, alors que ça a changé quelque chose à votre corps
15:37 forcément, que ça a changé quelque chose à la danseuse que vous êtes restée à l'Opéra
15:41 de Paris ?
15:42 D'avoir des enfants, vous voulez dire ?
15:46 Je pense que oui, ce qui a changé c'est qu'avant j'étais 100% dans mon métier,
15:55 dans ma carrière, dans mes rôles à construire, dans mes partenaires avec qui je travaillais
15:59 toute la journée.
16:00 Donc j'étais exclusivement centrée sur ce que j'avais à faire.
16:03 Évidemment quand j'ai eu des enfants, je pense que mes enfants avaient facilement
16:07 70% et 30% étaient consacrés à ma carrière.
16:11 Ça ne veut pas dire que je le faisais en dilettante, mais à partir d'un certain
16:15 âge on reprend les mêmes rôles, donc le travail est différent, le travail est moins
16:20 dense.
16:21 Donc c'est vrai que ma priorité c'était eux, une fois qu'ils étaient là.
16:26 Et ça aussi, ça fait entrer de la vie dans la danse ?
16:28 Oui, oui.
16:29 Et puis ça… je ne sais pas, je me suis sentie vraiment privilégiée de faire ce
16:36 métier, je crois, lorsque j'ai eu des enfants.
16:38 Moi, quand on me posait la question dans la vie, je disais « moi je danse, je me lève
16:43 le matin et je vais danser ». C'est génial.
16:47 C'est génial.
16:48 Vous deviendrez, à votre tour, bien après « Vous Adieu à la Seine » directrice du
16:53 Ballet, expérience mouvementée au sein d'une institution qui est réputée difficile à
16:59 gouverner.
17:00 Pourquoi vous n'avez pas eu envie de raconter cette expérience-là, comme une sorte d'aller
17:04 jusqu'à la fin de ce cycle-là ? Parce qu'au fond vous dites « je commence par la fin
17:08 mais la fin, c'est le soir de vos adieux » dans ce récit autobiographique.
17:14 Oui, oui.
17:15 Alors pourquoi je n'ai pas raconté ? J'ai un peu raconté, si, si, j'ai un peu raconté.
17:18 J'ai rendu à ma Michelle qui est ma maison d'édition, entre 700 pages à peu près.
17:25 Ah, il en reste 480.
17:26 Mais oui, il y en a pas mal en fait.
17:28 Et on s'est dit « non mais ça va faire trop, ça va faire un livre énorme ». Donc
17:31 on s'est dit « faisons deux tomes ». Donc là pour l'instant, c'est l'autobiographie
17:34 qui sort de « La danse aux étoiles ».
17:36 On verra pour la suite, mais évidemment que j'aimerais revenir sur ces six années de
17:41 direction.
17:42 Donc vous nous annoncez un deuxième tome.
17:44 J'annonce pas, c'est pas signé, mais c'est quelque chose auquel je pense bien sûr.
17:47 Merci Aurélie Dupont.
17:49 Merci.
17:50 N'oublie pas pourquoi tu danses, donc parait aux éditions Albain Michel, une suite, on

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