• il y a 6 mois
Mardi 2 avril 2024, SMART TECH reçoit David Lacombled (Président, La villa Numeris) , Indira Thouvenin (enseignante chercheuse au laboratoire CNRS HEUDIASYC, Université de Technologie Compiègne) , Anne Bretonnière (chef data science et IA, Renault) , Alexandre Zapolsky (cofondateur et président, Linagora) et Sylvain Duranton (directeur monde, BCG X)

Category

🗞
News
Transcription
00:00 [Musique]
00:08 Bonjour à tous, c'est un débrief de l'actualité de l'intelligence artificielle que je vous propose aujourd'hui dans Smartech.
00:14 On va en parler avec Anne Bretonnière qui est chef Data Science et IA chez Renault,
00:19 avec Sylvain Duranton qui est le directeur monde du BCGX
00:23 et puis Alexandre Zapolsky, le président de l'Inagora.
00:26 On va parler notamment de ces grands modèles d'intelligence artificielle avec cette open source
00:31 qui était un espoir pour la France, qui voulait se différencier.
00:35 On va parler aussi des perspectives économiques réelles de cette intelligence artificielle
00:39 et puis du futur. Est-ce que l'IA génératif c'est l'avenir ?
00:43 Grande question, on essaiera d'y répondre.
00:45 Et puis on aura aussi une chronique de David Lacombelette de la Villa Numéris
00:49 qui nous parlera des contes et légendes autour des humanoïdes.
00:51 Mais d'abord, je propose qu'on démarre avec l'humain.
00:54 Humain, deux mains dans les nouvelles réalités.
00:56 C'est tout de suite 3 questions dans Smartech.
00:58 Je reçois aujourd'hui Indira Tovna. Bonjour Indira.
01:05 Bonjour.
01:06 Bienvenue dans Smartech.
01:07 Vous êtes enseignante chercheuse au laboratoire CNRS Eudiasic à l'université de Technologie Compiègne.
01:13 Vos travaux de recherche portent sur nos interactions pour faire simple avec les machines
01:18 dans des environnements virtuels ou mixtes, qui mixtent la réalité et le virtuel.
01:24 Je voulais savoir dans quel état finalement on était plongée
01:27 quand on arrive comme ça dans un environnement complètement virtuel ou de réalité mixte.
01:33 Qu'est-ce que ça a comme effet finalement sur nos émotions, peut-être même nos prises de décision ?
01:39 Alors lorsqu'on est dans un environnement virtuel, on va avoir envie très vite d'interagir,
01:44 de bouger, de découvrir le monde.
01:46 Et puis il y a plusieurs situations.
01:48 La situation classique, c'est que vous manipulez des objets, vous naviguez, vous visitez.
01:54 Mais vous pouvez aussi avoir votre corps virtuel.
01:56 Et votre corps virtuel, il faut un certain temps pour en prendre conscience.
02:01 Et la technologie va être très importante pour avoir des mouvements qui soient naturels
02:07 et que vous ayez le sentiment d'être présent dans le monde virtuel.
02:11 C'est un peu comme si on réapprenait à bouger notre corps en fait, ou à marcher pratiquement.
02:17 C'est ça. Quelque part c'est un petit peu une marionnette que vous devez utiliser.
02:21 Mais cette marionnette, selon les technologies, selon les casques que vous utilisez,
02:26 selon les moteurs 3D que vous utilisez, des moteurs de jeu souvent,
02:31 ça va vous permettre d'avoir une finesse d'interaction, ou au contraire d'être bloqué, d'être frustré.
02:37 - Ok. Et je vous demandais quel impact ça peut avoir sur aussi notre état cognitif, sur nos prises de décision.
02:44 Est-ce que ça perturbe tout ? Est-ce qu'on est différent face à une réalité virtuelle ?
02:49 - Oui, on peut être différent. Par exemple, il y a un effet qui s'appelle l'effet Proteus,
02:53 qui a été découvert par un chercheur à Stanford.
02:56 Et cet effet vous donne une sensation de puissance.
03:01 C'est-à-dire que vous êtes incarné dans un corps virtuel de héros par exemple.
03:05 Et vous avez davantage confiance en vous.
03:08 Donc ça, ça pourrait être utile pour l'enseignement, pour la formation.
03:12 De même que si vous êtes incarné dans un corps virtuel de femme et que vous êtes un homme,
03:16 vous pouvez être sensibilisé à des difficultés qu'affrontent les femmes.
03:21 On peut aussi imaginer la situation de s'incarner dans le corps d'un enfant,
03:25 face à des adultes qui sont en conflit, qui parlent très fort et qui sont inquiétants.
03:31 Et c'est un outil de prise de conscience très efficace.
03:35 - Oui, alors au-delà juste de simuler des réalités, on les vit vraiment.
03:40 On fait finalement ces expériences dans la réalité virtuelle.
03:43 - C'est ça. On les vit.
03:45 - Ça a un véritable impact sur nos émotions, notre perception du monde.
03:48 - Oui, et ça peut changer notre perception du monde réel.
03:51 C'est ça qu'on observe dans les études scientifiques.
03:54 C'est qu'il en reste quelque chose.
03:56 On est vraiment impacté à la fois du point de vue de la compréhension,
03:59 mais aussi du point de vue de la mémoire, des émotions.
04:02 On a vraiment vécu, quand on utilise même un simulateur de vol,
04:06 quand on a fait une chute très brutale, on interdit le crash final dans un simulateur de vol,
04:12 parce qu'ensuite les gens font des cauchemars pendant des années.
04:15 C'est très impactant.
04:17 - Donc on est vraiment loin juste de l'utilisation ludique.
04:20 Vous parlez d'applications très fortes, sociétales, qui pourraient avoir un impact important.
04:25 Ce sont ces cas d'usage que vous étudiez, j'imagine ?
04:28 - Oui, il y a déjà eu des cas d'usage.
04:30 Par exemple, des sociétés qui veulent former des managers à la parité,
04:35 qui demandent à des managers de prendre un casque de réalité virtuelle
04:38 et de s'incarner dans le corps d'une femme.
04:40 Mais il y a aussi des expériences qui ont été faites pour des enfants,
04:43 pour le harcèlement.
04:45 Et donc, qu'est-ce que c'est que le rôle de la victime, le rôle du bourreau,
04:49 et comment on le vit, comment on peut accompagner aussi ces problèmes-là ?
04:54 - Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que ça pourrait nous changer, à nous, êtres humains,
05:01 cet humain virtuel qu'on est en train de découvrir ?
05:04 Est-ce que ça pourrait être une nouvelle forme d'humanité qui émergerait ?
05:08 - Absolument. C'est déjà utilisé en thérapie.
05:11 Ça existe en cyberthérapie.
05:14 On peut avoir, par exemple, des expériences qui nous permettent d'aborder notre peur de la foule, l'agoraphobie.
05:21 On met d'abord quelques personnages dans la foule, ensuite on n'en met plus.
05:26 Ils peuvent avoir des comportements plus ou moins agréables ou désagréables.
05:30 Il y a aussi des formations à la prise de parole en public,
05:33 où les gens s'ennuient, sortent de la salle, s'endorment, vous coupent la parole.
05:40 Et donc, ça vous demande de prendre un petit peu plus votre place.
05:44 Et ensuite, c'est vraiment tester et évaluer dans l'expérience réelle.
05:51 - Et l'IA Générative, c'est un booster pour ces mondes virtuels ?
05:54 - C'est un booster pour la création des environnements,
05:57 puisqu'on peut prendre parmi toutes les scènes, tous les objets,
06:00 on peut créer plus rapidement des environnements 3D.
06:05 Ça peut aussi permettre de créer des dialogues, du son.
06:10 Ça peut permettre de créer des scénarisations,
06:13 parce que comme dans le jeu vidéo, en réalité virtuelle,
06:16 on a besoin de scénariser.
06:18 Et c'est aussi utilisable pour des interactions un peu plus complexes,
06:23 qui font appel à des notions comme du déplacement, de la visualisation.
06:31 Donc, c'est un vecteur d'accélération, finalement, de création.
06:35 - Alors, Indira... Indira, oui, Indira Touvna, pardon.
06:39 Vous allez rester à l'écoute de Smartech,
06:41 parce qu'on va parler d'intelligence artificielle juste après.
06:44 Merci beaucoup pour vos éclairages sur ces nouvelles réalités
06:47 qui nous changent à nous, êtres humains.
06:49 - Merci beaucoup. - C'était un plaisir.
06:50 - Merci à vous.
06:51 - Pour commenter l'actualité de l'intelligence artificielle,
06:58 j'ai convié Anne Bretonnière. Bonjour, Anne.
07:00 - Bonjour.
07:01 - Vous êtes la chef d'Atta Science IA chez Renault.
07:04 Et puis avec vous, Sylvain Duranton, le directeur monde de BCGX.
07:08 C'est l'activité du grand groupe de conseil en stratégie
07:11 qui est vraiment concentrée sur la data et l'intelligence artificielle.
07:14 - Exactement.
07:15 - Et également en plateau, Alexandre Zapolsky,
07:18 le cofondateur et président de l'Inagora.
07:20 Bonjour, Alexandre.
07:21 - Bonjour, Brigitte.
07:22 - Alors, je propose qu'on commence avec...
07:24 C'est une question presque pour Alexandre que j'ai envie de poser,
07:27 avec cette question autour de l'open source et de l'intelligence artificielle.
07:30 On a cru à un moment que ce serait une façon pour l'Europe
07:34 de se différencier dans ces grands modèles de langage américains qui s'imposent.
07:39 Avec Mistral, qui nous est apparu comme une promesse
07:44 d'un certain leadership européen à travers des modèles open source.
07:49 Et puis là, patatras, ça s'écroule un petit peu tout ça, quand même, Alexandre.
07:53 Quelle est votre perception de ce qui se passe ?
07:55 Ça s'écroule, pas uniquement parce que Mistral a signé un partenariat avec Microsoft
07:59 et a décidé finalement que son modèle de langage large serait sous forme propriétaire et payant.
08:04 Ça s'écroule aussi parce qu'on a Elon Musk qui sort en open source, un américain.
08:10 Meta aussi qui se positionne sur l'open source.
08:12 Finalement, c'est plus ça le sujet, l'open source et l'Europe ?
08:15 - Comme toujours, il y a open source et open source.
08:18 C'est comme dans le green.
08:20 Tout le monde veut être green et il y a beaucoup de greenwashing.
08:23 Donc, il y a beaucoup d'open source washing.
08:26 Et donc, il faut faire attention. Ce n'est pas parce qu'on met le mot open,
08:30 voire même open source, qu'on est open source.
08:33 Et donc, il faut d'ailleurs que l'écosystème travaille sur ce sujet-là.
08:38 Nous, on travaille avec l'open source initiative
08:40 pour justement définir ce qu'on va pouvoir appeler open source AI.
08:44 Notre conviction, c'est que...
08:47 - Qu'est-ce que vous voulez dire exactement, Alexandre ?
08:50 Que par exemple, le modèle de Meta n'est pas véritablement open source ?
08:53 - Ah, c'est clair. Ça a été dit.
08:55 - C'est une fausse question, une fausse interrogation.
09:04 Donc, non, ce n'est pas open source. L'OSI l'a dit.
09:07 - C'est de la science ouverte, en fait.
09:09 - Exactement. C'est de la science ouverte.
09:11 C'est-à-dire que ce que font ces soi-disant modèles LLM,
09:14 soi-disant open source, c'est qu'ils permettent, sous certaines conditions,
09:17 et donc, ils limitent la possibilité de pouvoir les utiliser,
09:21 sous certaines conditions, vous avez le droit d'utiliser le logiciel.
09:24 Par exemple, vous n'avez pas le droit d'en faire un usage commercial.
09:26 Et puis, surtout, ils livrent, certes, le modèle,
09:29 ils livrent les méthodes d'entraînement, mais ils ne livrent pas les data sets.
09:32 Et nous, on est très clair.
09:34 Une AI réellement open source, c'est une AI pour laquelle vous avez accès
09:38 au modèle, aux méthodes d'entraînement et aux data sets.
09:42 Et c'est ce qu'on fait avec la communauté Open LLM France.
09:45 - Et gros que 1, l'AI d'Elon Musk n'est pas totalement open source ?
09:51 - Ah, j'étais sûr que vous me poseriez la question.
09:53 J'ai vérifié juste avant de venir et je vous le réponds, non.
09:56 Il ne livre pas le data set.
09:58 Alors, le data set, d'un autre côté, on le sait, c'est tout Twitter.
10:01 Mais ce qui pose aussi une difficulté, c'est que quand vous ne connaissez pas
10:04 votre data set, vous ne savez pas ce qu'il y a dedans,
10:06 et vous n'êtes pas certain que ce soit des données de qualité.
10:09 Et ça peut poser des difficultés.
10:11 Alors, je ne vais pas donner les noms de ces moteurs open source d'IA,
10:15 mais certains, par exemple, quand vous les interrogez sur quelle est
10:17 la capitale de Taïwan, leur réponse, naturellement, c'est Pékin.
10:21 Parce que pour un certain nombre de modèles LLM, ils considèrent...
10:24 - Ça pose un problème géopolitique.
10:26 - Exactement. La même chose sur le Sahara occidental.
10:29 Certains vous disent que le Sahara occidental, c'est algérien.
10:32 Donc, ça peut poser, bien sûr, des problèmes à d'autres.
10:34 Ou le Kassoul des Toulousains, qui existe dans tous les LLM de qualité,
10:40 on va dire. Mais certains, ils ont été entraînés sur des datas
10:42 d'influenceuses américaines. Et la méthode que vous avez
10:44 de Kassoul américain, c'est celle d'une influenceuse américaine.
10:47 Ça ne ressemble en rien au Kassoul des Toulousains qu'on connaît.
10:49 - Parce que ce n'est pas l'exemple du Kassoul.
10:51 - Pour respecter les cultures, les civilisations, il faut être clair,
10:54 on a besoin de modèles réellement open source.
10:57 Et c'est ça qu'on fait avec cette fameuse communauté Open LLM France,
11:01 qui réunit aujourd'hui plus de 600 chercheurs, CNRS, INRIA,
11:06 et tout un tas de gens du Sud-Est africain.
11:08 - Je suis quand même allée chercher, et on va l'afficher,
11:11 le tableau des principaux langages, grands modèles de langage,
11:16 les LLM, je sais le dire en français, à chaque fois, ça me fait briller le cerveau.
11:20 Si vous regardez bien, dans cette liste, c'est propriétaire,
11:23 propriétaire, propriétaire, propriétaire. Anne, faire de l'IA open source,
11:28 c'est très compliqué ?
11:30 - C'est possible, mais ça nécessite déjà des jeux de données,
11:38 comme on l'a dit, sur lesquels on peut finalement construire,
11:42 parce que finalement, quand on va donner une réponse,
11:45 à partir de ces données, qu'ils ne soient pas trop biaisés,
11:48 et si le biais, il faut qu'on l'ait choisi, qu'il soit en accord avec nos valeurs.
11:52 Après, construire ces modèles-là sur de l'open source et du fine tuning,
11:58 on peut le faire et il faut le faire pour qu'on puisse rajouter nos domaines d'expertise.
12:04 Donc est-ce que l'open source, c'est possible ?
12:07 Oui. Après, nous, pour des grands groupes comme Renaud,
12:12 on n'a pas vocation à devenir des boîtes créatrices de large-language modèles.
12:19 On a des vocations à les utiliser pour créer des nouveaux produits,
12:23 des nouveaux services aux services des gens.
12:28 - Mais cette question du choix, quel modèle on choisit,
12:31 est-ce que l'open source, c'est une question qui se pose ?
12:34 Je vais peut-être me tourner vers Sylvain et reprendre ma question au départ.
12:39 On avait cette ambition de créer un modèle européen open source.
12:44 Est-ce que ça s'est totalement abandonné ?
12:46 Est-ce que l'open source peut avoir une place dans les grands modèles de langage demain ?
12:50 Quel est votre regard là-dessus ?
12:51 - Alors déjà, vous demandiez sur l'IA, il faut voir que sur l'IA,
12:54 il y avait beaucoup d'open source qui s'est développé historiquement.
12:57 Quand on a travaillé en machine learning, en deep learning,
12:59 il y avait des bibliothèques open source enrichies par des communautés, ça tournait.
13:03 Donc c'était possible.
13:05 Alors sur GenEye, je dirais que ce qui rend le modèle open source plus difficile,
13:10 mais pas non moins désirable, c'est qu'il y a besoin de puissance de calcul
13:14 pour l'entraînement et que c'est cher.
13:15 Et qu'à un moment donné, on peut fédérer assez facilement du travail de codeur,
13:23 parce que chaque individu peut contribuer.
13:25 Maintenant, avec les coûts d'entraînement, c'est plus compliqué.
13:27 Et c'est pour ça qu'on n'a pas une émergence évidente d'open source aujourd'hui.
13:32 Alors il y a plusieurs choses qui peuvent être envisagées.
13:34 Il y a, et ça a été dit, l'exemple de Meta, qui dit "ben voilà, moi je vais mettre à disposition,
13:40 mais ça coûte très cher et du coup il y a la question de savoir
13:43 est-ce que c'est du vrai open source ou pas du vrai open source.
13:45 Il y a des modèles qui ne sont pas complètement purs.
13:47 Il y a ce qui s'est passé, enfin il y a plusieurs grands modèles
13:50 sur lesquels on est passé d'un discours qui était très open à un discours qui s'est...
13:54 Alors par exemple Mistral et Eye s'expliquent en disant
13:56 "on n'a jamais dit qu'on ne ferait que de l'open source".
13:58 C'est des modèles hybrides.
14:00 Mais donc ce grand modèle, il a choisi de le passer en mode propriétaire pour une raison économique.
14:05 Oui, parce qu'en fait à un moment c'est dur de le faire tourner.
14:08 Après ce que je pense c'est que nous quand on déploie ces technologies,
14:12 quand on déploie ces technologies, c'est pas le pari sur un modèle.
14:17 En général on en déploie plusieurs à la fois qui se répondent, etc.
14:21 Et je pense qu'il y a plusieurs natures d'enjeux.
14:23 Il y a la course, alors il y a la course à la puissance.
14:28 Et là-dessus, les modèles les plus génériques, versatiles, etc.
14:32 qui sont la liste que vous montriez là, il y a une course aux armements là-dessus.
14:36 Et sur cette course aux armements, à un moment donné il faut arriver à financer de l'infra.
14:41 Alors on peut imaginer qu'il y ait des moyens de financer de l'infra qui soient fédérés.
14:45 On peut imaginer qu'il y ait des personnes qui soient prêtes à contribuer de l'infra.
14:50 Et on peut se dire qu'il y a des modèles puissants qui peuvent émerger, qui soient en open source.
14:54 Après, il y a aussi tout un tas d'autres modèles qui peuvent être plus spécialisés pour certains usages,
14:59 qui vont requérir beaucoup moins de puissance de calcul.
15:02 Où là, le modèle open source peut marcher à plein.
15:05 Et il n'est pas complètement dit quel est le type de modèle à la fin qui...
15:09 Je ne pense pas qu'il y ait un type de modèle qui va remporter la mise.
15:12 On aura tout un tas de variétés de types de modèles que les gens vont utiliser.
15:17 Je pense que certains modèles commerciaux vont perdurer.
15:20 Alors que si vous prenez en ML, il n'y a aucun modèle commercial qui n'a jamais perduré.
15:23 C'est passé en full open source.
15:25 Je pense qu'il y aura une partie qui sera en open source, une partie qui sera commerciale.
15:29 Pour moi, le plus important, c'est de s'assurer qu'il y ait de l'open source.
15:32 Parce que si on est dans un système où il n'y a plus que du commercial
15:35 aux mains de quelques très grosses entreprises de tech qui sont probablement américaines pour nous,
15:42 on est un peu en danger quand même.
15:44 Et je ne parle même pas simplement de l'économie.
15:46 C'est juste pour le bon fonctionnement du marché, de la société, etc.
15:50 Et de notre culture, de notre prise de décision.
15:53 Pour moi, c'est vital.
15:54 Mais là, je pense qu'il y a des enjeux au-delà de la technique,
15:56 qui sont des enjeux réglementaires.
15:58 Il y a une bataille de lobbying qui fait rage sur ces sujets.
16:00 Et je pense que tout ce qui peut favoriser l'émergence de solutions européennes
16:05 ou open source et open source, je pense que c'est très important.
16:08 On a essayé de donner un coup de pouce à Mistral et AI,
16:10 mais finalement, ils ont quand même signé leur principal accord avec Microsoft, l'américain,
16:15 parce qu'ils ont besoin de cette plateforme numérique gigantesque.
16:18 On n'en a pas en Europe, des jeux en dénumérique, tout simplement.
16:21 Cet argument commercial, parce que c'est Arthur Mensch qui nous dit,
16:25 "Moi, ce deal commercial va me permettre de financer la recherche".
16:29 Alors en fait, ils ont besoin de la plateforme de diffusion.
16:34 Ils n'en ont pas besoin de Microsoft pour une question de calcul.
16:37 Ils en ont en fait besoin pour un go-to-market.
16:40 Et donc, ils s'associent...
16:42 Alors, c'est vrai qu'en fait, ils ne prennent personne aux dépourvues.
16:46 Le business plan de Mistral était disponible en ligne.
16:49 Il fait sept pages et ils ont toujours été clairs.
16:52 Ils développent en fait des modèles open source,
16:55 mais ils ont toujours expliqué que leur revenu viendrait en diffusant des modèles
17:00 qui seraient eux plus open source.
17:02 Les modèles les plus puissants seraient propriétaires et payants.
17:05 Donc en réalité, quelque part, si les journalistes avaient fait l'effort
17:09 d'aller regarder et de gratter un tant soit peu...
17:12 Pas que les journalistes, parce qu'il y a beaucoup de la communauté open source
17:15 qui avait aussi envie d'y croire.
17:17 Et oui, mais c'est ça.
17:19 Vous avez raison Delphine.
17:21 Mais ici, en plus, vous avez toujours fait un travail d'analyse sérieux.
17:24 Et bien sûr, ce n'était pas une critique vis-à-vis de Smartech.
17:26 Mais honnêtement, toute l'information était disponible depuis le départ.
17:30 Donc personne n'aurait dû être surpris.
17:32 La surprise, c'est le deal avec l'Union américaine.
17:34 Oui, non, ce n'est pas une surprise.
17:36 Parce que naturellement, si vous voulez avoir un marché mondial,
17:39 il faut aller voir ces grands acteurs mondiaux.
17:42 Mais par contre, l'erreur, c'est de croire
17:45 qu'en mettant tous nos œufs dans le même panier, on va y arriver.
17:48 Et donc, ce qui est essentiel, c'est la biodiversité numérique,
17:51 y compris dans les IA open source.
17:54 Et donc, moi, je suis convaincu que Mistral va avoir
17:57 certainement beaucoup de succès, et je leur souhaite beaucoup de succès.
18:00 Et tant mieux qu'on ait des champions français qui aient des succès.
18:03 Mais ma conviction profonde, c'est que Mistral ne sera pas
18:07 l'acteur champion de la souveraineté numérique
18:09 dans le domaine de l'IA française et européenne.
18:12 Et pour ça, je pense qu'il faut casser les codes,
18:15 il faut complètement changer le game.
18:17 Et donc, le seul modèle qui va permettre de s'imposer face aux géants américains,
18:21 ce sont justement des modèles réellement open source.
18:24 Et c'est pour ça qu'il faut inventer des nouvelles façons.
18:27 Surtout que là, on est au début de l'histoire, donc il n'est pas trop tard.
18:29 Exactement. Il faut fabriquer différemment.
18:32 Et donc, ne pas tout attendre d'un seul acteur économique.
18:35 Et c'est là où la coopération entre le public et le privé est essentielle.
18:38 Sur les moyens de calcul, on nous dit toujours
18:41 "Oui, il y a des problèmes, ça coûte cher, etc."
18:43 Mais c'est faux, parce que quand vous faites de l'open source,
18:45 vous avez accès à des moyens de calcul qui sont juste gigantesques.
18:49 En France, on a une organisation qui s'appelle le Jansi,
18:52 qui gère le fameux super cluster Jean Zé,
18:55 qui vient d'ailleurs aujourd'hui, qui a annoncé son extension.
18:58 Il vient d'acheter des clusters supplémentaires auprès de Exebul,
19:02 donc Atos aujourd'hui, évident.
19:04 Et donc, on n'est pas pauvre en moyens de calcul en Europe.
19:09 Et puis surtout, c'est que ça c'est pour l'entraînement,
19:12 mais ensuite sur la partie business commercial,
19:14 sur la partie inférence, fine tuning,
19:17 la réalité c'est que vous n'avez pas tant besoin de moyens de calcul que ça.
19:21 Et d'ailleurs, on développe de plus en plus des modèles light ou plus léger,
19:25 qui permettent d'être inférés ou fine tunés juste sur des CPU.
19:28 Donc tout ça, c'est du blabla.
19:30 La réalité, c'est qu'il y a une troisième voie qui est possible,
19:33 et qu'il faut qu'on bosse en fait dans cette direction.
19:35 Et surtout qu'on ne se décourage pas.
19:36 Il n'y a aucune raison qu'on n'y arrive pas.
19:38 Allez, il faut qu'on accélère.
19:39 L'autre sujet, c'était sur les perspectives économiques liées à l'intelligence artificielle.
19:44 On va dire de manière générale, pas que générative.
19:46 En ce moment, c'est quand même ça l'emballement.
19:48 Comment c'est perçu par exemple au sein d'un grand groupe aujourd'hui,
19:52 l'IA, comme un générateur de nouveaux business ?
19:55 C'est un générateur de croissance, d'emploi.
19:58 En fait, l'IA va s'intégrer.
20:02 Non, on va transformer notre manière de travailler.
20:05 On va transformer aussi nos produits.
20:07 Avant, on vendait des voitures pour aller d'un point à un point B.
20:11 Maintenant, c'est des produits technologiques.
20:13 On va pouvoir pousser des nouveaux services, améliorer l'expérience finalement de mobilité.
20:20 Et l'expérience de mobilité, ça ne va pas simplement être le moment où vous vous montez dans votre voiture.
20:24 Ça va être quand vous êtes chez vous et que vous voulez aller vous accompagner vos enfants à l'école.
20:31 Donc on va venir vous suggérer de dégivrer votre voiture à 8h20, parce qu'il fait -5°C aujourd'hui.
20:37 Je voulais vous faire réagir, Sylvain, sur le chiffre qui est dans le rapport sur l'intelligence artificielle
20:42 qui a été rendu récemment au président Emmanuel Macron,
20:45 qui nous parle de 250 à 400 milliards d'euros du PIB à horizon 2030-2035.
20:50 Une hausse, pardon.
20:52 De ce niveau-là, vous y croyez, grâce à l'IA ?
20:54 Alors oui, quand on cumule 1% de croissance pendant suffisamment longtemps,
20:58 ça fait des chiffres qui donnent le vertige.
21:00 Donc la question, c'est est-ce que c'est moteur de croissance pour les économies ou pas ?
21:04 Et la réponse, c'est oui.
21:05 Alors de deux façons.
21:07 Aucun doute ?
21:08 Aucun doute.
21:09 Il y a deux choses qui jouent.
21:11 La première, c'est qu'il y a des gains de productivité qui peuvent être faits.
21:14 Et la productivité, c'est la croissance.
21:16 C'est un des moteurs de la croissance économique, c'est la productivité.
21:20 Et puis ensuite, il y a des gains de revenus, ce que vous demandiez.
21:24 Et quand on voit, nous, les entreprises, on a fait un sondage en fin d'année dernière
21:29 pour voir un petit peu le niveau d'avancement des entreprises sur l'intelligence artificielle.
21:34 En France ou dans le monde ?
21:35 Dans le monde.
21:36 Mais on a un échantillon français et les messages sont les mêmes.
21:39 Quand on regarde les entreprises qui sont les plus avancées,
21:42 elles travaillent toutes à la fois sur des sujets de productivité et des sujets de revenus.
21:45 On est bien sur ces deux choses.
21:47 Alors la productivité, c'est parfois un peu impalpable,
21:50 parce que tout le monde a été frappé par les annonces faites par tel acteur de call center
21:55 ou telle entreprise.
21:56 Qui licencie.
21:57 800 personnes, etc.
21:59 Bon.
22:00 Ils licencient peut-être un peu trop vite, je ne sais pas.
22:02 Après, la plupart de la productivité qui vient grâce à ces outils,
22:07 c'est une productivité de faible ampleur pour beaucoup de monde.
22:12 Et le déploiement de tous ces outils, ça fait qu'il y a beaucoup de gens
22:15 qui gagnent quelques heures par semaine dans leurs travaux, etc.
22:18 Alors est-ce qu'on se dit, quelques heures par semaine,
22:20 on va arriver à faire des immenses restructurations pour ça ?
22:24 Non, je ne pense pas, parce qu'une fois que chacun a gagné deux heures,
22:27 on ne va pas en faire grand-chose.
22:29 En revanche, il va y avoir des gains.
22:31 Ces gains de productivité vont se matérialiser,
22:33 parce qu'on va faire un peu plus, un peu différent, un peu ceci, un peu cela.
22:36 Et puis après ?
22:37 Moi, je vous suggère qu'on organise un débat sur cette question de l'emploi et de la croissance,
22:41 parce que malheureusement, on a déjà écoulé tout le temps qu'on avait pour discuter de cette actu de l'IA.
22:46 On n'aura même pas eu le temps de terminer nos sujets.
22:48 Merci beaucoup Anne Bretonnière de Renaud,
22:51 Sylvain Duranton du BCG et Alexandre Zapolsky de l'Inagora.
22:54 C'est passé très vite, je vous réjouis très bien évidemment, avec grand plaisir.
22:57 On termine cette édition avec David Lacombe, l'aide le président du Think Tank, la villa de numérisme.
23:07 Bonjour David. Bonjour Delphine.
23:08 Et aujourd'hui, on part au théâtre, c'est super.
23:10 Vous nous emmenez voir Contes et légendes de Joël Pommerat,
23:13 qui met en scène des humanoïdes.
23:15 Exactement. La pièce s'est terminée il y a quelques jours,
23:19 avec un exercice d'anticipation.
23:22 Vous me direz, c'est l'art d'être en avance sur son temps.
23:24 Même si là, on est sur un exercice d'anthropologie, à la rencontre d'humanoïdes.
23:29 Ils sont qualifiés comme tels sur scène,
23:32 qui ont la spécificité d'être des serviteurs, des serviteurs des humains,
23:36 qu'ils leur fassent les courses, qu'ils gardent leurs enfants.
23:40 Et d'ailleurs, ils font un peu peur aux adolescents,
23:43 parce qu'ils sont étranges, ils sont, à leur image aussi,
23:49 moins réels et un peu plus stroboscopiques.
23:52 Je ne le tiens pas encore complètement, l'humanoïde.
23:54 C'est drôle, c'est émouvant, c'est bien dirigé, c'est bien joué.
23:58 Avec une pièce qui a été créée avant l'avènement des IA génératives,
24:03 et qui a donc été remise au jour à cette aune-là.
24:07 Et effectivement, c'est un bon spectacle.
24:10 Et alors, quels enseignements en tirez-vous ?
24:12 C'est l'annonce, en quelque sorte, de ce qui pourrait arriver
24:15 dans des pays occidentaux comme le nôtre,
24:18 des pays vieillissants, avec de la main-d'œuvre qui va se faire rare,
24:24 et où finalement, les machines pourraient devenir
24:27 de parfaits auxiliaires de vie acceptés.
24:30 Regardez d'ailleurs ce qui se passe au Japon,
24:33 ces 30 ans d'avance, sur ce qui pourrait très bien arriver en Europe.
24:37 Et ces robots ne sont jamais aussi bons
24:42 que lorsqu'ils sont interprétés par des humains.
24:44 C'est le cas sur scène, et ça me rappelle d'ailleurs
24:48 ces humanoïdes que l'on voyait dans la série "Real Human",
24:52 100% humains, qui avaient été diffusés en 2012 sur Arte,
24:58 avec quelques biais.
25:00 Il faudrait avoir les cheveux blonds, la mèche sur le côté,
25:05 et l'arrêt quand on est un robot.
25:08 Ça me rappelle un peu le Turc humain.
25:11 Je ne sais pas si vous vous souvenez de cette machine,
25:14 de cet automate, l'automate est l'ancêtre du robot,
25:17 qui jouait aux échecs, et il y avait un humain caché en dessous.
25:24 Ça a été détruit dans un incendie,
25:26 et depuis il y a eu une réplique, avec un logiciel
25:30 qui cette fois-ci joue très bien aux échecs, d'ailleurs,
25:34 et on a vu depuis que les IA savaient faire des prouesses.
25:38 Souvenez-vous du match Gary Gasparov-Deep Blue,
25:42 dans les années 90, où le maître d'échecs avait gagné,
25:46 certes, le match allé, mais c'est bien la machine
25:48 qui avait gagné le match retour.
25:51 Et des Turcs mécaniques, on en a vu quand même beaucoup
25:54 en matière numérique, songez d'ailleurs aux fermes
25:57 Hacklik ou à Troll, qui viennent s'appeler d'ailleurs
26:01 l'opinion et truandait en quelque sorte les audiences.
26:06 - Mais on a accepté cette partie d'intelligence logicielle,
26:10 on n'a pas encore basculé totalement dans un monde d'humanoïdes ?
26:13 - Non, parce que si Dieu a fait l'homme à son image,
26:16 l'homme et l'être humain, qui est finalement le dieu
26:19 du siècle numérique qui commence à peine,
26:22 est en train de créer le robot à sa propre image,
26:26 avec là aussi quelques biais, me semble-t-il.
26:28 - Quels biais, expliquez-nous ?
26:30 - Des biais d'automatisation, tiens, tiens,
26:33 qui font qu'on a plutôt tendance à avoir une confiance
26:37 exagérée dans la machine. On en a déjà parlé sur ce plateau.
26:41 On est un jour férié, je sais bien que le magasin
26:44 au coin de la rue est fermé, mais pourtant mon moteur
26:47 de recherche me dit qu'il est ouvert et je vais quand même
26:49 au magasin. Alors ça peut prêter à sourire,
26:51 il y a eu des exemples plus dramatiques de personnes
26:53 qui ont cru mordicus leur GPS et qui sont retrouvées
26:57 dans des sables mouvant au milieu de plages.
27:01 Et effectivement, il y a une certaine dépendance,
27:04 ne serait-ce qu'à nos téléphones mobiles,
27:06 de véritables doudous numériques, et qui nous offrent
27:10 une image tel un miroir, non pas de ce que l'on est,
27:14 mais de ce qu'on aimerait y voir.
27:16 - Est-ce qu'on s'attache aux machines, David ?
27:18 - Oui, on s'attache et c'est un peu troublant quand même.
27:21 Moi, je me souviens d'enfants qui embrassaient
27:23 à leur nabastak, qui étaient ces petits lapins
27:27 dans les entrées des foyers. Mais regardez vos promptes,
27:30 comment vous leur parlez ? Est-ce que vous les vous voyez ?
27:32 Vous les tutoyez ? Est-ce que vous donnez des noms ?
27:35 Ok, Google, de rien, ça c'est pour ceux qui ont un appareil.
27:39 Dites-moi comment je vous parle et je vous en dirai
27:44 un peu plus sur le taux et le niveau d'humanité
27:47 que vous mettez dans votre machine.
27:50 - Qui dit humanité dit droit.
27:53 Et donc demain, est-ce qu'il va falloir créer un droit spécifique
27:56 pour les robots ? On a déjà des candidats à la présidentielle
27:59 qui avaient bien voulu les taxer.
28:01 Mais effectivement, certainement demain, il y aura-t-il des droits
28:04 associés à des robots, comme de toute façon,
28:07 il y a déjà des droits associés aux entreprises, par exemple,
28:10 qui ont une personnalité morale indépendante de celle des humains.
28:13 - Merci beaucoup, David Lacombelet de la Villa Numéris.
28:16 Et puis merci à vous de nous suivre avec une grande fidélité
28:19 sur Bsmart et également en podcast et en replay.
28:22 À très vite, je vous souhaite une excellente journée.
28:24 (Générique)
28:27 ---

Recommandations