• il y a 6 mois
À deux mois de l'été, les magazines se détournent du sujet du "summer body". "Il faut s'en réjouir", selon la pyschologue et psychanalyste Catherine Grangeard. 

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Transcription
00:00Je voulais vous montrer ce matin la une de différents magazines féminins.
00:04Vous allez voir, il y a un élément qui nous a sauté aux yeux.
00:07On est à deux mois de l'été. Regardez, il n'y a pas un maillot de bain.
00:10Il n'y a pas une référence au summer body, ce corps parfait pour la plage.
00:14Bonjour Catherine Grandjard.
00:16Vous êtes psychologue et psychanalyste et vous travaillez sur ces questions de rapport au corps, notamment.
00:21Si le summer body n'est plus en une, c'est qu'il ne fait plus vendre, en tout cas plus autant. Pourquoi ?
00:26Déjà, on va s'en réjouir parce que si on n'achète plus ce genre d'infos, de nouvelles,
00:33est-ce que ça voudrait dire qu'on s'est apaisé avec l'image du corps ?
00:37Est-ce que ça signifie que désormais, cette guerre contre le corps serait totalement à outre
00:44et que désormais, on pourrait assumer qui on est pour aller à la plage
00:49et qu'il suffirait d'avoir le sable, les vagues et un peu de soleil ?
00:55Est-ce que c'est pas la vitrine, seulement, où on ne voit plus les idées du summer body ?
01:02Les magazines n'en parlent plus, ça ne veut pas dire que ça n'existe plus.
01:06C'est que les magazines s'interdisent d'en parler.
01:08Alors moi, je voulais voir le côté positif.
01:10Oui, enfin une bonne nouvelle.
01:12Oui, certainement, on ne va pas être dans l'illusion.
01:16Mais en revanche, on peut penser que les luttes des associations, des personnes pour le body positif
01:23et des professionnels qui dénonçons depuis des années les complexes créés par ce type de titre de marronnier,
01:32peut-être que nous aurions un peu avancé sans que ce soit tout à fait terminé.
01:36Voilà, vous dites un marronnier.
01:38Le marronnier, c'est le sujet qui revient en une des magazines.
01:41Le mal de dos, le régime avant l'été, se remettre au sport.
01:46Vous voulez dire qu'au moins de ce côté-là, les injonctions sont terminées.
01:50Du côté de la presse féminine, les injonctions sont terminées.
01:52Vous avez mesuré, vous, les effets néfastes de ces injonctions sur vos patients et vos patientes ?
01:58Surtout sur les patientes.
02:00Mais effectivement, tout le monde mesure le fait que plus on va parler du fait qu'on n'a pas le corps parfait pour le montrer,
02:09alors que sous les pulls, ça pourrait aller, pour les montrer, pour aller à la plage,
02:14et plus ça va créer des complexes et plus on est mal dans sa peau.
02:17Enfin, ça, c'est très facile à constater.
02:20Je vais encore vous embêter, mais est-ce que du coup, c'est peut-être que les magazines n'en parlent plus,
02:23mais est-ce que ce n'est pas les réseaux sociaux qui ont pris le relais ?
02:26Et vous voyez aussi les effets néfastes des réseaux sociaux et des injonctions faites aux femmes et notamment aux jeunes filles sur le corps.
02:32Je vais encore être extrêmement positive en disant que les réseaux sociaux ont aussi amené le body positive.
02:39Je vais aussi dire qu'il y a pas mal d'influenceuses qui luttent pour montrer la beauté de tous les corps,
02:46pour montrer que plusieurs morphologies peuvent exister, coexister.
02:53Alors évidemment, on n'est pas dans un monde parfait, loin de là,
02:57mais il y aurait quelques avancées et peut-être les réseaux sociaux, de ce côté-là, pourraient être plutôt positifs.
03:05J'entends ce que vous dites, mais les troubles du comportement alimentaire n'ont jamais été aussi élevés,
03:10notamment chez les jeunes filles, notamment les questions d'anorexie.
03:13La génération body positive met en scène des standards.
03:21Il y a des nouveaux standards, il y a de plus en plus de jeunes qui ont recours à la médecine esthétique ou à la chirurgie esthétique.
03:26Donc il y a un côté un peu contradictoire, non ?
03:27Absolument. Il n'y a pas quelque chose qui serait parfait. On n'est pas dans un monde parfait.
03:32En revanche, le côté magazine qui montrait uniquement un seul type de corps, peut-être ça a bougé.
03:40Loin de moi, l'idée que tous les TCA, les troubles de comportement alimentaire, seraient finis.
03:46Pas du tout. Nous voyons bien qu'il y a des injonctions qui demeurent.
03:52On n'est pas dans le respect de tous les corps, de toutes les morphologies. C'est faux.
03:58En revanche, le signe que certains magazines ne titrent plus là au printemps,
04:04c'est quand même quelque chose qu'on va dire positif, sans dire que tout est parfait.
04:09Vous voyez, il y a une nuance. Oui, lutter contre les complexes, ça me paraît de toute manière.
04:15Lutter contre les troubles de comportement alimentaire, puisque la réponse au complexe, c'est d'essayer de modifier sa nature.
04:23Et en même temps, il n'y a plus cette injonction au régime, mais il y a une injonction plus médicale.
04:28On va parler désormais de rééquilibrage alimentaire, de « attention, surveillez votre glycémie ».
04:34Et là, finalement, on se tourne non plus vers le corps parfait, mais vers le métabolisme parfait qui pourrait rendre le corps parfait.
04:42Mais bien sûr. Mais ça, c'est du pareil au même. On ne parle pas de régime, on parle de méthode.
04:46Vous voyez, tout ça, c'est du pareil au même. C'est un marketing.
04:50Bien sûr que dans notre société, la santé peut être la couverture d'injonctions à avoir un certain type de corps,
05:01parce qu'on n'est pas complètement, quand même, dans un monde parfait.
05:05On le voit avec les pubs à la télévision. Calculez votre IMC, faites-vous livrer les repas aussi. Il y a quand même toujours de la pub pour ça.
05:15Comment est-ce qu'on peut arriver dans notre société à respecter un certain nombre de différences ?
05:21Pour le moment, nous n'avons pas la solution, parce qu'il y a un marketing, parce qu'il y a un business,
05:27parce qu'il y a une économie qui est de l'ordre de 4 milliards par an.
05:31Mais vous, vous avez peut-être la clé. Vous êtes psychologue.
05:34Quand vous avez dans votre cabinet une patiente qui vient et qui vous dit « j'aime pas mon corps, je suis complexée, j'y arrive pas », vous lui dites de faire quoi ?
05:42Eh bien moi, je lui dis qu'elle est une personne et que le corps peut être une expression corporelle d'autre chose.
05:49Qu'est-ce que ça veut dire d'avoir un corps qu'on ne trouve pas beau ?
05:53Est-ce qu'on ne veut pas le rendre désirable ? Est-ce qu'on veut le cacher pour tout un tas de raisons ?
05:58Et auquel cas, on va travailler sur ce qui se passe au niveau de la personne.
06:03Le corps, c'est aussi ce qu'on montre. Veut-on faire un appel au secours, à l'aide ?
06:08En disant « il y a quelque chose qui ne va pas, si je suis complètement dans l'anorexie ou si je suis complètement dans l'obésité, je montre quelque chose ».
06:17Et c'est facile de dire qu'il y a des gens qui sont trop gourmands, qui n'ont pas de volonté ou autre chose.
06:24Est-ce que ça ne signifie pas quelque chose que nous allons essayer de décrypter et trouver les mots pour le dire plutôt que le dire par le corps ?
06:33Voilà. Vous voyez, il y a tout un travail sur la personne et pas simplement sur ce qu'on montre et le corps.
06:39Merci d'avoir été avec nous ce matin dans Première Édition. Tout de suite, c'est Culture & Vous et c'est Lorraine.

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