• il y a 8 mois

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Amusant
Transcription
00:00 Au cours de mes voyages en Europe, en Danemark, dans la vie, j'ai rencontré toutes sortes
00:08 de gens et cela m'a appris au moins une chose.
00:11 Une personne et tout ce qui la compose ne devrait jamais être jugée en fonction de
00:21 son air, de sa richesse ou de sa position, mais à son cœur.
00:25 Il y a des gens qui n'ont jamais rien reçu de la vie et d'autres à qui tout a été
00:31 donné.
00:32 Mais ceux qui ont tout reçu dès leur naissance ont tellement plus à perdre.
00:37 Il était une fois un prince pauvre.
00:56 Son royaume, oh, il était très petit, mais assez grand tout de même pour lui permettre
01:04 de se marier et bien sûr qu'il voulait se marier.
01:07 Ce fut plutôt hardi de sa part d'aller voir la fille de l'empereur et de lui demander
01:13 voulez-vous m'épouser, mais il osa car son nom était bien connu à la ronde et il y
01:19 avait des centaines de princesses qui auraient été heureuses de l'accepter.
01:23 Mais elle voudrait-elle ? C'est ce qu'on va voir.
01:27 Sur la tombe du père du prince poussait un rosier, le plus beau qu'on eût pu voir.
01:36 Il fleurissait seulement tous les cinq ans et alors il ne donnait qu'une seule rose.
01:41 Mais quelle rose ! Elle avait une senteur si exquise que quiconque la respirait oubliait
01:47 à l'instant ses chagrins et ses peines.
01:49 Il avait aussi un rossignol qui chantait comme si toutes les douces mélodies étaient dans
01:55 son rosier.
01:56 Il voulait offrir cette rose et ce rossignol à la princesse et ainsi il les mit tous
02:02 deux dans de grands étuis d'argent et il les lui envoya.
02:05 L'empereur ordonna que les étuis soient apportés dans la grande salle où la princesse jouait
02:11 avec ses dames d'honneur.
02:12 Ah ! il y a des visites.
02:14 Quand elle vit les grands étuis contenant des cadeaux, elle bâtit des mains de joie.
02:18 J'espère que c'est un petit chaton, dit-elle.
02:21 Alors on ouvrit l'étui où se trouvait le rosier avec sa rose merveilleuse.
02:26 Oh ! que c'est joliment fait, s'écrièrent les dames.
02:29 Oh ! c'est plus que joli, dit l'empereur, c'est charmant.
02:35 La princesse le tout chat et faillit se mettre à pleurer.
02:40 Quelle horreur, papa, dit-elle.
02:43 Il n'est pas artificiel, il est vrai.
02:46 Quelle horreur ! c'est un vrai, répétairent toutes ces dames.
02:49 Voyons d'abord ce qu'il y a dans l'autre étui avant de nous mettre en colère, dit
02:55 l'empereur.
02:56 Alors le rossignol fut sorti et il chanta si bien que personne ne put dire quoi que ce
03:02 soit de méchant contre lui.
03:03 Superbe, tout monte, dirent les dames de la cour, car elles caquetaient toutes en français
03:10 aussi mal l'une que l'autre.
03:14 Et comme cet oiseau me rappelle, la voix ta musique de feu notre regretté impératrice,
03:20 dit un vieux courtisan, c'était exactement le même timbre, la même interprétation.
03:26 Vous avez raison, dit l'empereur, et il se mit à pleurer comme un petit enfant.
03:31 J'espère que ce n'est pas un vrai, dit la princesse.
03:35 Mais si, bien sûr que c'est un vrai, répondirent ceux qui avaient apporté les cadeaux.
03:40 Alors qu'ils volent, dit la princesse, et elle refusa de voir le prince.
03:44 Mais le prince ne perdit pas courage, il barbouilla son visage, mit de mauvais habits, s'enfonça
03:51 la casquette sur le front et revint.
03:53 Bonjour, empereur, dit-il, ne pourriez-vous pas me donner un emploi à la cour ?
04:00 Vous êtes si nombreux, répondit l'empereur, mais attend un peu, il me faut quelqu'un
04:05 pour s'occuper de mes ports, car j'en ai beaucoup.
04:07 Ainsi le prince fut engagé comme garçon-porche impérial, et comme tel, il habitait une misérable
04:14 petite chambre près de la porcherie, et il y travailla toute la journée.
04:19 Et le soir venu, il avait fait une jolie petite marmite, il y avait des clochettes sur le
04:24 rebord, et quand l'eau commençait à bouillir, les cloches se mettaient à jouer la vieille
04:29 chanson « J'ai du bon tabac dans ma tabatière, j'ai du bon tabac, tu n'en auras pas ».
04:34 Mais ce qui était plus étonnant encore, c'est que lorsque l'on mettait un doigt
04:44 dans la vapeur qui s'élevait de la marmite, on sentait l'odeur des petits plats qui cuisaient
04:49 dans chaque cheminée de la ville, et ça c'était autre chose que la rose.
04:54 Quand la princesse passa par là avec ses dames et entendit la chanson, elle s'arrêta
05:00 et regarda, toute contente, car elle aussi savait jouer « J'ai du bon tabac ». En fait,
05:06 c'était le seul air qu'elle sut jouer, et elle le jouait avec un seul doigt.
05:10 « C'est l'air que je connais », s'exclama-t-elle, « ce doit être un porchet bien instruit.
05:15 Entrez lui demander combien coûte cet instrument ».
05:18 Une des dames dut entrer et demander.
05:21 Mais elle mit des sabots.
05:22 « Combien demandez-vous pour cette marmite ? » demanda la dame.
05:26 « J'en veux dix baisers de la princesse », dit le porchet.
05:31 « Dieu vous pardonne ! » dit la dame.
05:34 « C'est ainsi, je ne peux pas la vendre pour moins que ça », dit le porchet.
05:38 « Qu'a-t-il dit ? » demanda la princesse.
05:41 « Je ne peux vraiment pas le dire », répondit la dame.
05:44 « Vous pouvez me le dire à l'oreille.
05:45 C'est très méchant », dit la princesse, et elle partit.
05:49 Mais quand elle se trouva un peu plus loin, la clochette sonna encore si joliment.
05:52 « J'ai du bon tabac dans ma tabatière, j'ai du bon tabac, tu n'en auras pas ».
05:57 « Demandez-lui, » dit la princesse, « s'il se contenterait de dix baisers d'une de mes
06:02 dames ».
06:03 « Non, merci », dit le porchet, « dix baisers de la princesse ou je garde ma marmite ».
06:10 « Oh, qu'il est assommant », dit la princesse.
06:14 « Bon, vous allez vous mettre devant moi afin que personne ne nous voit ».
06:18 Les dames se placèrent devant elle et déployèrent leur robe et elle donna dix baisers au porchet
06:27 et reçut la marmite.
06:29 C'était un plaisir.
06:39 Jour et nuit, l'eau bouillait dans la marmite.
06:42 Il n'y avait pas un feu dans toute la ville dont on ne sache ce qui s'y mijotait, celui
06:47 du chambelan comme celui du cordonnier.
06:49 Les dames dansaient de joie et battaient des mains.
06:51 « Nous savons qui mangera de la soupe et des crêpes, nous savons qui mangera du gruau
06:57 et des côtelettes, comme c'est intéressant, très intéressant en effet », disait la
07:01 maîtresse de maison.
07:02 « Mais vous ne devez pas me trahir, car je suis la fille de l'empereur ».
07:08 « Bien sûr que non », dirent toutes les dames.
07:10 Le garçon porchet, c'est-à-dire le prince, mais pour elle, elle le connaissait pour un
07:17 vrai garçon porchet, ne restait pas un jour sans rien faire.
07:20 Il fabriqua une crécelle qui, lorsqu'on la faisait tourner, jouait toutes les valses,
07:27 les flots et les polkas connus depuis la création du monde.
07:30 « Mais c'est superbe, » dit la princesse qui passait par là.
07:37 « Je n'ai jamais entendu une si belle composition.
07:39 Descendez et demandez-lui combien coûte cet instrument, mais je ne l'embrasserai pas
07:44 une autre fois ».
07:45 « Il veut s'embaiser de la princesse », dit la dame qui était descendue s'enquérir
07:54 du prix.
07:55 « Oh, je crois qu'il est fou », dit la princesse et elle tourna les talons.
08:01 Mais bientôt elle s'arrêta.
08:05 « Il faut encourager les arts », dit-elle.
08:08 « Je suis la fille de l'empereur.
08:10 Dites-lui que je lui donnerai dix baisers, comme l'autre jour.
08:14 Le reste, une de mes dames pourra s'en charger ».
08:16 « Ça ne nous plaît pas de l'embrasser », dirent les dames.
08:22 « Fadès », dit la princesse, « si moi je peux, vous pouvez le faire aussi.
08:27 N'oubliez pas que c'est moi qui vous donne le couvert et l'emploi ».
08:31 Et la dame redescendit.
08:34 « Cent baisers de la princesse », dit le borcher, « où chacun gardera son bien ».
08:39 « Mettez-vous devant moi », dit alors la princesse.
08:44 Elle fire ce qu'on leur demandait et la princesse l'embrassa.
08:47 « Je me demande ce que signifie cet attroupement près de l'auge à cochons », dit l'empereur
08:55 qui venait juste de sortir sur son balcon.
08:57 Il se frotta les yeux et mit ses lunettes.
09:00 « On dirait que les dames d'honneur complotent quelque chose.
09:04 Il faut que je descende voir ça ». Il tira ses chausses qui étaient tombées sur ses
09:08 chevilles et fila dehors.
09:10 Une fois arrivé dans la cour, il marcha tout doucement et les dames étaient si occupées
09:15 à compter les baisers pour que le marché soit juste qu'elles ne remarquèrent pas
09:19 l'empereur.
09:20 Il se dressa sur la pointe des pieds.
09:23 « Qu'est-ce que c'est que ça ? », dit-il en voyant sa fille embrasser le porcher.
09:29 Il leur donna un coup de chaussure sur la tête au moment précis où le garçon recevait
09:36 le quatre-vingt-sixième baiser.
09:38 « Hors de ma vue ! » dit l'empereur car il était très en colère et tous deux, la
09:47 princesse et le garçon porcher furent bannis de l'Empire.
09:50 Elle restait là à pleurer.
09:53 Le garçon porcher la grondait et elle se mit à pleuvoir à torrent.
09:57 « Hélas, pauvre de moi ! » dit la princesse.
10:00 « Si seulement j'avais accepté le prince ! Oh, je suis si malheureuse ! »
10:04 Le garçon porcher se cacha derrière un arbre, s'essuya la figure, jeta ses frusques et
10:11 se montra dans ses atours princiers.
10:14 « Oh ! il était si beau que la princesse ne put s'empêcher de lui faire la révérence.
10:20 « Maintenant je te méprise, » dit-il.
10:23 « Tu as refusé un honorable prince.
10:25 Tu n'as pas su apprécier la rose et le rossignol.
10:28 Mais cela ne t'a pas gêné d'embrasser un garçon porcher pour avoir ses jouets.
10:32 C'est bien fait pour toi.
10:33 »
10:34 Et alors il retourna dans son royaume et la laissa toute seule.
10:38 Elle pouvait alors chanter à sa guise.
10:41 « J'ai du bon tabac dans ma tabatière.
10:44 J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas. »
10:48 Vous voyez, on ne gagne rien à chercher les artifices plus tôt que la nature.
10:55 Les gens le savent, même en Chine.
10:57 [Musique]