• il y a 8 mois
Les agences de notation Moody's et Fitch Ratings ont maintenu la note de la France vendredi soir. Qu'est ce que cela signifie ? Et comment résorber une dette qui dépasse les 3.000 milliards et un déficit à 5,5% du PIB en 2023. D'ailleurs la France doit-elle vraiment rembourser et le peut-elle ? Pour en parler, Jean-Hervé Lorenzi, économiste, fondateur du Cercle des économistes, président des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence.
Regardez L'invité d'Yves Calvi avec Yves Calvi du 29 avril 2024

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Transcription
00:00 7h, 9h, RTL Matin
00:02 *Musique*
00:04 Il est 8h19, bonjour Jean-Hervé Lorenzi.
00:06 Bonjour.
00:07 Merci beaucoup d'être avec nous ce matin, vous présidez le cercle des économistes et je vous accueille avec mon camarade François Langlais.
00:11 Les agences Fitch et Moody's n'ont finalement pas dégradé la France en dépit de notre déficit vertigineux de 5,5% en 2023.
00:19 Est-ce que c'est une bonne nouvelle ? Est-ce qu'on dit ouf ?
00:21 Écoutez, je vais vous dire exactement ce que je vous aurais dit s'ils avaient dégradé.
00:25 Oui.
00:26 C'est pas la fin du monde, je veux dire on va pas vivre au rythme des notations de nos amis de Fitch, de Moody's et de Sona et Pours.
00:35 Alors évidemment, ça n'est pas négligeable, mais tout ne peut pas être jugé à l'aune de ces nouvelles qui sont quand même, j'allais dire toujours un peu discutables.
00:46 La réalité c'est que...
00:47 On s'en fout des agences de notation ?
00:48 Non, ça n'est pas du tout, on s'en fout, je dis juste que vous, moi, on a besoin de continuer à vivre, on va vivre même quelle que soit leur opération, partir en vacances.
00:58 La vie n'est pas liée uniquement aux agences de notation.
01:01 En revanche, le sujet est là, ça c'est un autre problème.
01:05 Rien n'est réglé au fond, le déficit il est là, il est important, plus important que prévu.
01:09 La France en termes de dette est maintenant la troisième plus mauvaise en Europe.
01:14 Ça vous inquiète ou pas ?
01:16 Bien sûr que ça m'inquiète, d'autant plus que si l'on prend le sujet vraiment du déficit, il est surtout devant nous.
01:24 Car quand on regarde de près les trois transitions qu'il va bien falloir gérer, transition numérique, il va bien falloir mettre un peu d'argent pour l'intelligence artificielle, transition climatique, décarbonation, etc.
01:37 Et tout ça suppose la fiscalité, toute une série de sujets, et surtout, et surtout, transition démographique, qui est de très loin la plus importante.
01:45 Nous nous avons chiffré à 90 milliards d'euros annuels le supplément de ce que coûterait en 2030, demain matin, le fait que les pays qui sont en train de vieillir, c'est-à-dire l'immense partie des pays, nous,
02:02 c'est géant pour des raisons de retraite, pour des raisons de santé, pour des raisons d'EHPAL, vous avez vu, on a sorti 650 milliards d'euros,
02:12 juste, et c'est 50 millions par an d'euros il y a trois jours, tout simplement pour aider les EHPAL publics à survivre, tout ça est géant !
02:21 Et donc il va falloir trouver les moyens de financer ces trois affaires, mais pas dans 20 ans, dans un an, deux ans ou trois ans.
02:30 - Et alors qu'est-ce que vous dites au président Macron ?
02:32 - Ah, je lui dis qu'il faut faire un empart, on va pas raboter, je veux bien qu'on enleve 2, 3 voitures dans les cours des ministères, c'est important.
02:40 Vous avez vu les difficultés sur les 10... on a 10 milliards, moi j'admire Bruno Le Maire qui est là à faire son... le mieux possible son travail.
02:49 - Vous alliez nous dire qu'il fait semblant de faire des économies, donc...
02:52 - Non, non, il fait pas du tout semblant, non, non, il fait ce qu'il peut faire quand on rabote.
02:56 La réalité c'est que c'est non pas tel ou tel pays qu'il faut imiter par rapport à quelques rabotages,
03:07 mais ce qu'ont fait la Suède et le Canada lorsqu'ils ont eu une crise à peu près qui fait entre l'un et l'autre, puisqu'on est quand même pas non plus...
03:15 - Ils ont été vigoureusement, hein...
03:16 - Ils ont été vigoureusement et ils ont modifié l'organisation, il faut modifier l'organisation des services publics.
03:23 Alors il y a des choses...
03:24 - Ça veut dire quoi ? Très concrètement ?
03:25 - Concrètement, quand vous êtes directeur d'une école ou directeur d'un collège, bah il y a un moment il va falloir que vous soyez vraiment responsable,
03:33 alors ça touche tout, je prends l'exemple le plus significatif, quand vous reprenez un hôpital,
03:38 bah je veux dire il va falloir que les médecins qui sont en charge en réalité du vrai métier reprennent la main.
03:44 Quand vous êtes un peu partout, il va falloir réorganiser le système public, une vraie transformation de notre système, c'est pas facile...
03:54 - Et pardonnez-moi, quoi ? Il y a trop de gens, ils travaillent pas assez, ils sont mal organisés ?
03:57 - Non mais oui, dites-nous les choses.
03:59 - C'est bourré de gens, comme RTL, il y a des gens formidables et des gens un peu moins bien, c'est la vie ça.
04:05 - Oh la proportion de gens formidables...
04:07 - C'est juste le fait que les gens ne sont... Chez vous, vous êtes responsable, tout le monde est responsable,
04:13 la fonction publique est devenue totalement, j'allais dire, irresponsable, on le voit à travers les différents...
04:19 - Pardonnez-moi l'irresponsabilité, est-ce qu'elle n'émane pas plutôt du gouvernement, du président,
04:25 qui nous avait dit "je fais 50 000 fonctionnaires en moins sur mon quinquennat",
04:29 qui finalement en embauche de façon, semble-t-il, incontrôlée ?
04:34 - Alors, premier sujet, rendre responsable. Je vous laisse avouer la responsabilité de cette déclaration,
04:39 le matin sur le président de la République, que je laisserai pénard pour quelques minutes,
04:43 mais un, complètement modifier l'organisation même. Je vous rappelle que la LOLF, la loi organique,
04:52 avait absolument prévu ça. On change tout par rapport aux moyens et on rend les gens responsables
04:59 des objectifs qu'ils doivent atteindre, une école, ça va faire fonctionner les choses, etc.
05:03 Deuxième sujet, il est clair qu'on dépense énormément d'argent dans notre pays, sous une espèce de rubrique
05:10 totalement, j'allais dire, qui cache les choses, les collectivités publiques, les collectivités locales.
05:17 Moi je veux bien qu'on change les pavés de toutes les rues de France et de Navarre,
05:21 mais c'est évidemment ça qu'il faut arriver à boucler, puisque l'État compense.
05:25 - Mais alors, le... - Et troisième sujet, qu'il faut traiter avec beaucoup de justice,
05:30 beaucoup d'intelligence, c'est évidemment le problème de la protection sociale, c'est celui-là qui va arriver.
05:36 Vous le voyez d'ailleurs. - On est trop protégé ?
05:38 - Non, c'est-à-dire pour qui ? - On est mal protégé pour un compte trop cher ?
05:41 - Non, non, moi je suis un retraité, je fais partie des retraités qui devraient payer la CSG normalement,
05:46 à qui il faut reprendre un peu d'argent, bien entendu, alors qu'on ne peut pas payer pour les jeunes.
05:51 Je veux dire, il y a véritablement, je trouve, dans cette période très particulière de ce déficit énorme,
05:58 de ces dettes qui sont ingérables à terme, il y a au fond une sorte de prise de conscience générale
06:06 du fait qu'on ne peut pas continuer à vivre comme ça, ça signifie que les collectivités locales,
06:10 ça signifie fonctionnaires et ça signifie fonctionnaires responsables.
06:13 - On n'est jamais déjà sorti d'un niveau d'endettement comme aujourd'hui, c'est-à-dire à 110% du PIB ?
06:19 - Oui, il y a une chose, juste une chose, le monde entier est en train de s'endetter,
06:27 alors c'est pas bien de s'endetter, mais c'est la réalité, je rappelle juste que nous sommes à un peu plus de 300 000 milliards
06:34 d'euros de dettes publiques et privées, que l'ensemble du monde est en train de s'endetter
06:39 et les questions surréalisent et nous aurons, nous aurons un moment ou un autre, une crise financière sur ce sujet-là.
06:46 Mais je veux dire, ça n'est pas ce cas de la France.
06:48 - Ça fait 30 ans que je suis journaliste et 30 ans que j'entends ce que vous êtes en train de nous expliquer, pardonnez-moi.
06:53 Jean-Luc Mélenchon, par exemple, a toujours expliqué qu'on ne paierait jamais notre dette.
06:57 Donc comment on fait pour se responsabiliser et penser qu'on doit faire des efforts effectifs ?
07:03 - Je vais vous dire, je vous ai sacrément ouvert la porte en vous disant, un, complètement modifier l'organisation du service public,
07:12 des institutions publiques, hôpitaux, etc. Je veux dire, si le truc marche pas, ça ne marche pas.
07:18 Deuxième sujet, si vous voulez faire des économies, il faut que ce soit les gens qui sont responsables des dépenses qu'ils font,
07:25 qui prennent leur instabilité. Deuxièmement, évidemment, regarder le problème des collectivités locales
07:31 qui ont embauché l'année dernière encore quelques milliers, si ce n'est plusieurs milliers de fonctionnaires,
07:37 dont on sait bien que c'est pas simple de faire travailler 35 heures. Et troisième sujet, sur la protection sociale, il faut répartir les choses.
07:44 - On vous a entendu. Le gouvernement nous dit "ça va s'arranger avec la croissance". Au fond, il faut faire de la croissance, c'est le meilleur moyen de se désendetter. Vous y croyez ?
07:51 - Non mais, on va pas... Soyons un tout petit peu réalistes. On va évidemment pas désendetter le pays.
07:59 On reviendra pas à 60% l'affaire de Maastricht en moins de, on va dire, c'est vos petits-enfants qui arriveront.
08:06 - Oh là là ! - Moi, c'est mon arrière-petits-enfants. Donc, le problème est de ne pas augmenter, d'arriver à ce qu'on appelle un excédent primaire,
08:13 c'est-à-dire, hors des dépenses de remboursement de la dette, arriver à faire que les charges correspondent à peu près aux recettes. C'est ça l'objectif.
08:22 - Alors, avec les mesures très raisonnables que vous évoquez, en gros, moi je vous mets un million de personnes dans la rue et un pays bloqué pendant trois semaines.
08:27 - Je n'y crois pas du tout. Je crois que les Français sont très lucides. Les Français sont, comme toujours, comme... Parce qu'on a eu des choses terribles.
08:35 - La réforme des retraites, ça vous a inspiré quelque chose ?
08:37 - La réforme des retraites, c'était énormément de maladresse, donc une mauvaise humeur. On est un pays compliqué. De là à dire que la réforme des retraites, elle a eu lieu.
08:45 En revanche, en revanche, en revanche, on n'a pas été foutus de sortir quelque chose sur le travail des plus de 60 ans, sur le travail des seniors.
08:55 C'est autrement plus important que la réforme des retraites. La réforme des retraites, tout le monde est sorti dans la rue, puis ça a eu lieu.
09:01 Elle a lieu, la réforme des retraites. Elle n'était pas grand-chose.
09:03 - Qu'est-ce que vous voulez nous dire sur le travail des seniors ?
09:05 - Je veux dire, les vraies réformes, c'est une réforme de structure, où il faut qu'on décide qu'à partir de 55 ans, quelqu'un...
09:11 Vous êtes heureusement sous cette limite d'âge, mais que quelqu'un de plus de 55 ans n'ait pas à m'être rebu.
09:17 Deuxième sujet, pousser réellement, faire que le MEDEF et les syndicats se mettent d'accord sur le fait qu'on remette au travail les gens à partir de 60 ans.
09:27 Ce n'est pas la croissance qui compte, c'est la quantité de travail.
09:31 Un dernier mot, si on avait la même quantité de travail, je veux dire pour les jeunes et pour les vieux, pas pour les actifs.
09:37 Les actifs, c'est à peu près la même chose.
09:39 Mais pour les jeunes et pour les vieux, on aurait que les allemands, on résoudrait en une quinzaine d'années nos problèmes de déficit divers et variés, c'est-à-dire le déficit public et le déficit commercial.
09:50 - Eh bien grâce à vous, on va réfléchir sur la quantité de travail.
09:52 Merci beaucoup Jean-Hervé Lorenzi, vous présidez le Cercle des économistes qui organise les rencontres économiques d'Aix-en-Provence, qui se tiennent, je le rappelle, les 5, 6 et 7 juillet.

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